Odette STERNCHUSS

1940 - 1944 | Naissance: | Arrestation: |

Odette STERNCHUSS (1940-1944)

 

Odette est la dernière des cinq enfants de Daniel et Régina Sternchuss. Elle est née aux Ponts-de-Cé le 14 août 1940. Son père a alors 47 ans et sa mère 27 ans. Ses parents sont tous les deux d’origine polonaise. Daniel Sternchuss (Sternszuss) est né le 4 mars 1893 à Varsovie, dans une Pologne alors russifiée et annexée à l’empire russe. Sa femme, Régina Leany Liebling est polonaise, née à Budapest, dans l’empire d’Autriche-Hongrie, le 16 janvier 1913. Daniel Sternchuss quitte Varsovie pour émigrer en France en 1919 avec ses parents, Kiwa et Rebecca Sternchuss, et son frère aîné David (Elja) Sternchuss. Régina Liebling émigre en France avec son père, Joseph Liebling, en février 1923.
Leurs parcours est commun à celui de beaucoup d’émigrés polonais : les Sternchuss comme les Liebling s’installent à Paris. On retrouve ensuite Daniel Sternchuss marchand ambulant dans la Marne, à Epernay en 1921 puis à Reims en 1925. Après un séjour à Bourges dans le Cher, Daniel Sternchuss s’installe le 4 mai 1929 à Angers (10, rue de la Parcheminerie).
C’est aussi à Angers que Régina Liebling s’installe à partir de décembre 1929, elle habite chez ses parents 8 rue Grille, sur l’autre rive de la Maine. Elle est apprentie vendeuse après avoir été quelques semaines domestique chez un boulanger d’Angers habitant alors Sainte-Melaine-sur-Aubance (La Mare Biotte). C’est donc probablement à Angers en 1929-1930 que Daniel Sternchuss et Régina font leur rencontre. Le couple habite 3, rue Baudrière à Angers puis déménage pour le n° 6 de la rue Saint-Nicolas. Le couple vend des articles de bonneterie et de confection sur les marchés angevins.

Daniel STERNCHUSS en 1937 (sources : ADML)

Leurs trois premiers enfants, Nathan (10/10/1931), Mina (10/03/1933) et Lola (22/08/1936) naissent à Angers. L’année 1938 est celle des changements pour Nathan, ses deux soeurs et ses parents. Le 29 mars, Daniel et Régina se marient (aucune information sur une célébration d’un mariage religieux) puis obtiennent, en mai, la nationalité française pour leur fils, Nathan, et leurs deux filles, Mina et Lola, en vertu de l’article 3 de la loi du 10 août 1927.  À l’été 1938, toute la famille quitte Angers pour s’établir aux Ponts-de-Cé (7, rue de la Gare). La famille s’agrandit d’une petite Simone qui naît le 29 novembre 1938. Les parents de ces désormais quatre enfants français (Simone est française depuis janvier 1939) font alors une demande de naturalisation en 1939.

Régina STERNCHUSS en1934 (sources : ADML)

Survient alors la guerre. Les grands-parents Sternchuss, Kiwa et Rebecca, quittent Paris le 8 septembre 1939 (31, rue des Jardins-Saint-Paul dans le 4e arrondissement) pour s’établir chez leur fils et leur belle-fille aux Ponts-de-Cé. Daniel s’engage volontairement pour la durée de la guerre le 5 avril 1940. Il est dans les services de l’Intendance militaire à Angers. Lors de la débâcle, il est fait prisonnier le 20 juin 1940 à Maulévrier, à quelques kilomètres au sud de Cholet. On ne sait pas s’il a été relâché mais il rentre chez lui quelques jours plus tard. Sa maison ayant été bombardée, sa famille vit depuis le 18 juin 1940 chez son frère David Sternchuss, artisan tailleur à Angers (39, rue du Mail). Odette naît donc dans ces circonstances particulières quelques semaines plus tard, le 14 août 1940, aux Ponts-de-Cé (elle est française depuis le 30 septembre 1940).
L’engagé volontaire, Daniel Sternchuss, est démobilisé le 4 octobre 1940. Ce même jour, il appose sa signature sur le registre de recensement des Juifs de l’arrondissement d’Angers. Il est le deuxième de tout l’arrondissement à faire recenser sa famille y compris Odette, âgée de six semaines, ainsi que ses parents, comme Juifs et à l’adresse des Ponts-de-Cé. Au début de décembre 1940, la famille Sternchuss déménage à nouveau pour Angers. Avec son grand frère et ses quatre grandes soeurs, Odette vit désormais avec ses parents et grands-parents au n° 52 du Chemin des Petites Pannes.

Kiwa STERNCHUSS en 1939 (sources : ADML)

Commence alors la période des persécutions. Daniel peut continuer à vendre sur les marchés ses articles de bonneterie et ses vêtements mais, le 11 mars 1941, il doit cesser son activité de marchand ambulant sur ordre de la préfecture. Alors que son maigre stock de marchandises est entreposé chez lui dans sa chambre à coucher, il subit la spoliation de son entreprise qui est « aryanisée » le 30 septembre 1941. « L’aryanisation » de son entreprise est confiée à deux administrateurs provisoires : l’expert-comptable Libbrecht est nommé en décembre 1940 mais, après son décès, Pierre Poisson mène l’opération à son terme, ce qui lui rapporte 200 francs d’honoraires.

Rebecca STERNCHUSS en 1939 (sources : ADML)

Arrive le 7 juin 1942. Quelques jours après la mort, le  24 mai 1942, de son grand-père Kiwa Sternchuss à l’âge de 80 ans (il est né en 1863 à Kałuszyn), toute la famille est astreinte au port obligatoire de l’étoile jaune, à l’exception de Lola, Simone et Odette qui n’ont pas 6 ans.
Son père et son oncle David sont arrêtés lors de la grande rafle du 15-16 juillet 1942 (Daniel est arrêté le 15 juillet) et déportés le 20 juillet 1942 par le convoi n°8 directement d’Angers à Auschwitz-Birkenau. Daniel Sternchuss est sélectionné à son arrivée à Birkenau où il meurt le 5 octobre 1942. Il avait 49 ans. Son frère David ne reviendra pas non plus d’Auschwitz. Il avait 51 ans. Le 19 septembre 1942, c’est au tour de sa cousine de 5 ans, Monique Liebling (fille de Joseph Liebling et de Berthe Malamed, née à Paris le 4 juin 1937), d’être arrêtée avec sa grand-mère maternelle, Freda Malamed (née Kijener à Charkofka, Russie, en 1872). La SIPO-SD d’Angers vient les arrêter au n° 12 de la rue Louis Leroy, chez Jacques et Léa Fajnwaks qui les hébergent (1). Internées au Camp de La Lande à Monts (Indre-et-Loire), elles sont toutes les deux déportées depuis Drancy le 23 septembre 1942 (convoi n° 36). Elles sont assassinées dès leur arrivée à Auschwitz-Birkenau le 28 septembre 1942. Freda Malamed était âgée de 70 ans, Monique Liebling avait 5 ans.
Sans leur père, interné du 15 au 20 juillet au Grand Séminaire de la rue Barra à Angers, et leur mère, qui est internée à l’asile départemental de Sainte-Gemmes-sur-Loire, Odette qui n’a pas encore 2 ans, et ses quatre frère et sœurs sont confiés pour quelques temps à une amie de la famille, Mlle Frouin, à Château-Gontier (8, rue des Cosnes) dans la Mayenne. Combien de temps les cinq enfants restent-ils à Château-Gontier, nous l’ignorons : quelques jours, quelques semaines ?
Ce qui est certain, c’est que c’est à Angers que survient leur arrestation. Revenus chez leur grand-mère, 52 Chemin des Petites Pannes, Odette, âgée de 2 ans, est arrêtée avec son grand frère, ses quatre sœurs et sa grand-mère lors de la rafle du 9 octobre 1942. Conduits à leur tour au Grand Séminaire de la rue Barra, Rebecca Sternchuss alors âgée de 75 ans (elle est née en 1867 à Kałuszyn) et ses cinq petits-enfants âgés de 2 ans à 11 ans sont internés le 17 octobre 1942 au camp de Drancy. Ils vont y rester un mois. Le 14 novembre 1942 Odette, ses frère et sœurs sont « libérés » avec leur grand-mère et remis à l’UGIF.
Les enfants sont alors séparés. Ils font partie de ces enfants « bloqués », c’est-à-dire ayant déjà fait l’objet d’une arrestation et d’un internement, libérés par les Allemands et confiés à l’UGIF : ces enfants nés de parents étrangers sont fichés et à tout moment « déportables » (2).
Odette qui n’a que deux ans à peine est confiée à la pouponnière de Neuilly-sur-Seine (67, rue Edouard Nortier). Son grand frère Nathan, 11 ans, est probablement confié au Centre de la rue Lamarck, situé au pied de la butte Montmartre dans le 18e arrondissement, puisqu’il fait partie des 79 enfants transférés après le bombardement du 20 avril 1944 vers le Centre d’enfants-Secrétan (école Lucien-de-Hirsch, 70 avenue Secrétan) situé dans le 19e arrondissement. Ses trois grandes soeurs, Mina (9 ans), Lola (6 ans) et Simone (bientôt 4 ans) sont placées dans l’orphelinat de l’UGIF situé 9, rue Guy Patin (Centre Guy Patin), dans le 10e arrondissement. Leur grand-mère les y accompagne probablement.
La grande rafle du 10 février 1943 emporte Rebecca et ses trois petites-filles. Mina, Lola et Simone font partie des 42 enfants raflés du centre Guy Patin et sont aussitôt « réinternées » avec leur grand-mère au camp de Drancy. Le lendemain, 11 février 1943, Rebecca Sternchuss est déportée avec ses trois petites-filles par le convoi n°47 à destination d’Auschwitz-Birkenau. Elles sont assassinées dès leur arrivée le 16 février 1943. Rebecca avait 75 ans, Mina, 9 ans, Lola, 6 ans, et Simone, 4 ans.
Nathan fait partie des 79 enfants du centre Secrétan raflés par la Gestapo le 22 juillet 1944. Il est interné au camp de Drancy le même jour. Odette est à son tour raflée et internée à Drancy le 25 juillet avec 16 autres enfants de la pouponnière de Neuilly. Elle est déportée le 31 juillet 1944 par le convoi 77 vers Auschwitz-Birkenau qui emmène également son grand frère Nathan. Elle est assassinée le 5 août 1944 à son arrivée à Auschwitz-Birkenau. Elle n’avait pas encore 4 ans.
 
Article rédigé par Alexandra, Chloé, Zoé et leur professeur, Bertrand Bossy (Lycée Renaudeau, Cholet, 1re ES2, mai 2018) dans le cadre du projet « Polonais et Allemands : émigrés, expulsés et persécutés (1880-1945)« . ACTIONS ÉDUCATIVES LIGÉRIENNES, Région Pays de la Loire, 2017/2018.
 
(1) Jacques Fajnwaks a quitté « furtivement » Angers au début du mois de juillet 1942 pour passer en zone libre, laissant au 12 rue Louis Leroy sa femme Léa (née Malamed), sa belle-mère, Freda Malamed, et sa nièce, Monique Liebling. Sa femme Léa est arrêtée le 15 juillet 1942 et déportée pour Auschwitz-Birkenau par le convoi n° 8 du 20 juillet 1942 où elle meurt assassinée en 1945.
(2) https://yadvashem-france.org/la-vie-du-comite/histoires-du-reseau-villes-et-villages-des-justes-de-france/les-justes-parmi-les-nations-de-lombron-sarthe-et-de-sa-region/lugif-et-ses-centres-denfants

DOCUMENTS : Recensement de l’arrondissement d’Angers (ADML 12 W 41).

Recensement de la famille STERNCHUSS (4 octobre 1940)

Recensement de la famille FAJNWAKS-MALAMED (7 octobre 1940)

MÉMOIRE :

  • ANGERS et LES PONTS-DE-CÉ (Maine-et-Loire)


Synagogue, Angers (Maine-et-Loire) : Initiale du nom « S » et numéro du convoi (demande de la famille)


 Monument aux Morts, Les Ponts-de-Cé (Maine-et-Loire)

      
 Monument aux Morts (détails), Les Ponts-de-Cé (Maine-et-Loire)
 (Noms de Simone et d’Odette Sternchuss non mentionnés)

  • NEUILLY-SUR-SEINE (Hauts-de-Seine)


Plaque commémorative, pouponnière de l’UGIF, Neuilly-sur-Seine (67, rue Edouard Nortier)
(source : Wikipedia)

  • PARIS, MÉMORIAL DE LA SHOAH : MUR DES NOMS  

Commémoration, Lycée Renaudeau, 15 février 2018

  • AUSCHWITZ-BIRKENAU : Commémoration lycée Renaudeau (15 mars 2018)


Stèles Auschwitz-Birkenau (Bunker 2) 
                                           


Commémoration lycée Renaudeau (15 mars 2018) Famille Sternchuss et Léa Fajnwaks

SOURCES :

  • Yad Vashem : témoignages & archives en ligne (https://yvng.yadvashem.org).
  • CDJC-Mémorial de la Shoah : archives en ligne (http://www.memorialdelashoah.org).
  • Mémorial des enfants, Mémorial de la Shoah (photographies extraites de Serge Klarsfeld, Livre Mémorial des enfants juifs déportés de France, éd. Les Fils et Filles des déportés de France, 1995).
  • Klarsfeld Serge, La Shoah en France (vol. 4). Le Mémorial des enfants juifs déportés de France, Fayard, 2001, pp. 92-125, pp. 289 et 371.
  • JORF : n° 184 du 10 août 2003, n° 182 du 7 août 2011, n° 253 du 30 octobre 2011, n° 179 du 5 août 2014.
  • Archives Nationales (AN) : Fichier Drancy (enfants) F9 5747, Fichier Drancy (adultes) F9 5732 et AJ 38 (dossier 4619 : aryanisation Sternchuss).
  • Archives Départementales de Maine-et-Loire (ADML) : série W (12 W 41, 120 W 64).

 

Contributeur(s)

Article rédigé par Alexandra, Chloé, Zoé et leur professeur, Bertrand Bossy (Lycée Renaudeau, Cholet, 1re ES2, mai 2018) dans le cadre du projet "Polonais et Allemands : émigrés, expulsés et persécutés (1880-1945)". ACTIONS ÉDUCATIVES LIGÉRIENNES, Région Pays de la Loire, 2017/2018.

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