Charlotte BRZEZINSKI

1934 - 1944 | Naissance: | Arrestation: | Résidence: , ,

Charlotte BRZEZINSKI, 1934-1944

 

Charlotte Brzezinski et son père Jakob, tous deux déportés dans le convoi 77
(photo prise vers 1936)

Pour mener à bien ce travail de recherche, la classe de seconde 6 du lycée Louis Vincent de Metz a été aidée par Monsieur Richard Niderman qui est le cousin germain de Martha, la maman de Charlotte. Né après la guerre, il n’a connu ni Martha ni Charlotte mais il a recueilli de nombreux documents conservés par son frère Joseph. Il a rédigé une petite synthèse à notre intention, nous a fourni de nombreux documents et nous a rencontrés en visio-conférence.

Pour compléter ce travail, nous renvoyons le lecteur à la biographie de Jakob Brzezinski, le père de Charlotte, que nous avons aussi réalisée. Des informations utiles pourront aussi être trouvées dans la biographie de Charlotte Schuhmann que d’autres camarades du lycée ont rédigée l’an passé.

« Charlotte Brzezinski : Je l’ai toujours connu son nom sans vraiment savoir qui elle était. Mon frère sur son lit de mort m’a dit son désespoir de n’avoir rien pu faire pour la sauver à Drancy. Il aurait été heureux de la voir revivre au long des feuillets de votre synthèse. Je vous transmets en pensées le sourire de Joseph qui était très beau. »
Richard Niderman, cousin de Charlotte

La vie à Metz

Une petite fille française

Charlotte Brzezinski est née le 9 octobre 1934 à 18h15 à l’hôpital Belle-Isle à Metz. Ses parents sont Jakob Gedalja Brzezinski (né à Lutomiersk en Pologne en 1897) et Martha Sztajnberg (née à Siedliszcze en Pologne le 15 août 1915). Jakob est aussi appelé Jacques ou Yakow. Martha également connue sous le nom de Bella ou de Basza, vivait à Forbach avec ses parents Samuel et Régina Sztajnberg (ou Steinberg) avant d’épouser Jacob en 1933. Selon des listes retrouvées dans les archives communales de Saint-Sauvant dans la Vienne où Samuel et Régina étaient en résidence surveillée pendant la guerre, ils avaient immigré en France dès 1920.
Grâce à un dossier qui nous a été communiqué par les Archives nationales, nous savons que Charlotte a été naturalisée française en 1938 à la demande de ses parents.

Demande de naturalisation par déclaration de Charlotte Brzezinski (1938) issue du dossier conservé aux Archives nationales

Acte de naissance de Charlotte Brzezinski extrait du dossier de demande de naturalisation de 1938 (Archives nationales)

Charlotte avait un frère Henri né en juin 1939. Les Archives nationales n’ont cependant pas retrouvé de dossier de naturalisation à son nom. En raison de la guerre et des bouleversements qu’elle a entraînés pour la famille, ses parents n’ont probablement pas eu le temps de faire les démarches nécessaires. Richard Niderman conserve une photo d’Henri imprimée sur carte postale qui date de 1940.

Une petite fille heureuse

Nous ne disposons que de quelques photographies de Charlotte. Elles ont toutes été prises alors que Charlotte est encore petite (vers 1937 ou 1938) et du côté maternel de sa famille. Elles nous ont été fournies par Richard Niderman.
On peut voir sur les photos de famille que Charlotte à l’air d’être une petite fille heureuse, soignée. Toujours très bien habillée même pour des photos prises en extérieur, elle a une coiffure à la mode qui rappelle celle de Shirley Temple, l’enfant star d’Hollywood des années 1930. Elle semble très aimée par ses parents et grands-parents. Le message qui figure au dos de la photographie d’Henri montre aussi que le petit garçon était choyé.
                            
Charlotte et sa mère Martha à Forbach, rue Monthyon      Charlotte          Charlotte et son grand-père Samuel à Forbach, rue Monthyon 

Une vie familiale joyeuse


Photographie de famille : de gauche à droite : Jakob Brzezinski, Charlotte, Martha, Regina Steinberg (née Niderman), Samuel Steinberg

Les grands-parents maternels de Charlotte vivent à Forbach dans la rue Monthyon. D’après ce que l’on comprend de nos documents et le témoignage de Richard Niderman, les Brzezinski vont régulièrement les voir. La petite fille qui vit dans un immeuble en ville peut ainsi profiter du jardin qui semble faire la fierté de son grand-père.
A Forbach vivent aussi les Niderman : Léon est l’oncle maternel de Martha mais ses deux enfants, Charlotte et Joseph, bien que cousins germains de Martha, sont de la même génération que Charlotte, ce sont les frère et sœur de Richard Niderman. Celui-ci nous a dit avoir entendu parler de joyeuses réunions familiales au cours desquelles son frère chantait en yiddish sur la table alors que toute la famille l’applaudissait.
Un de ses frères, Alter David (aussi appelé Albert, peut-être son jumeau), a deux enfants, Françoise née en 1927, et David né en 1930. A Metz, vit également leur sœur Hella. Avec son mari Jacques Welner, elle a deux filles, Salomé née en 1927 et Alice née en 1935. D’après le témoignage d’Alice Welner, qui a survécu à la guerre, les liens des deux jeunes filles avec Charlotte et Henri étaient étroits.

Une famille relativement aisée

Jakob et Martha habitaient dans un immeuble au 19 quai Félix Maréchal, soit tout près de la boutique de bonneterie et mercerie de Jakob située au 22 rue des jardins. Martha travaillait peut-être avec lui. Sa boutique est comprise entre celle de son frère Alter David, enregistré dans l’annuaire de la Moselle de 1936 sous le prénom Albert comme négociant, et celle de Mozeck Feingrütz, marchand de chemises.

Extrait de l’annuaire de la Moselle de 1936 (Archives municipales de Metz)

Ses affaires semblent avoir été florissantes puisque Richard Niderman se souvient avoir entendu dire qu’il possédait une automobile. Jakob était probablement propriétaire de son appartement à Metz. C’est sans doute pour cette raison qu’en 1948, des membres survivants de la famille de Martha ont fait des démarches auprès du tribunal d’Angoulême pour que le décès de tous les membres de la famille soit reconnu. Un autre jugement prononcé à Tel Aviv en 1949 permet de comprendre que Jakob y avait acheté un terrain avant la guerre. Peut-être avait-il le projet d’y émigrer.

Une vie bouleversée par la guerre

La vie à Angoulême

D’après la fiche domiciliaire des Brzezinski, Charlotte et ses parents ont quitté Metz en mai 1940 lorsque les Allemands ont attaqué la France.

Fiche domiciliaire de Jakob Brzezinski (Archives municipales de Metz)

On sait qu’ils se sont réfugiés à Angoulême où ils se sont installés au 31 bis rue des Bézines. Ils y vivent dans une petite maison située dans une arrière-cour.
               

Photographies du 31 bis rue des Bézines : vue sur la rue (à gauche) et de la maison où vivaient les Brzezinski (dans l’arrière-cour)

A Angoulême, ils retrouvent leurs cousins Niderman mais aussi la famille d’Alter David Brzezsinski et la famille Welner. Les grand-parents Steinberg quant à eux sont partis d’abord pour Royan puis Libourne et enfin Saint-Sauvant dans la Vienne où de nombreux documents témoignent de leur passage. C’est là qu’en juillet 1941, ils sont arrêtés, internés au camp de la route de Limoges puis transférés à Drancy et déportés en septembre 1942.
A partir d’août 1942, la famille Brzezsinski accueille les enfants Niderman qui viennent de perdre leur mère et dont le père est prisonnier de guerre en Allemagne. Richard Niderman est encore en contact avec une amie de sa sœur, Mauricette, une amie non juive de sa sœur qui vivait à Angoulême. Celle-ci n’a que peu de souvenirs de Jakob et de Charlotte. Cette dernière était sans doute très discrète, probablement habituée à ne pas faire de bruit car son père, cardiaque, devait avoir besoin de repos.

La rafle

La famille a vécu là jusqu’à la nuit du 8 au 9 octobre 1942 où, comme les 442 Juifs vivant dans le département de la Charente, elle a été arrêtée et transférée à la salle philharmonique d’Angoulême. Toutes les personnes raflées sont restées là près d’une semaine dans des conditions très difficiles avant que les personnes de nationalité française ne soient « libérées ».

Cour de la salle philharmonique d’Angoulême avec les plaques commémoratives de la rafle
(photo prise par Richard Niderman)

Ainsi, Charlotte, étant de nationalité française, comme les autres enfants dans son cas, a probablement été confiée à une institution religieuse catholique. On ignore laquelle mais on sait qu’elle n’était pas parmi les jeunes filles hébergées par les religieuses du Bon Pasteur.
Son frère Henri n’a pas été déporté non plus. Cela veut-il dire qu’il était français ? Peut-être bien, on peut imaginer que lorsque les autorités allemandes ont séparé les français des étrangers, ses parents l’ont confié aux Feingrütz, leurs voisins de Metz, qui eux étaient français. Jakob, cardiaque, n’était pas déportable. On sait qu’il est admis en décembre 1942 à l’Hôtel-Dieu de Poitiers. Seule Martha a été transférée à Drancy le 15 octobre puis déportée par le convoi 40 du 4 novembre 1942 comme la plupart des personnes arrêtées lors de cette rafle.

Le foyer Lamarck

Un passage chez les Feingrütz ?
On sait que Charlotte Schuhmann a passé les six mois qui précèdent le départ à Paris dans la famille Feingrütz au 37 boulevard Denfert-Rochereau à Angoulême.
Cette famille, française depuis 1930, avait, avant la guerre, sa boutique au 24 rue des jardins à Metz soit juste à côté de celle de Jakob Brzezinski.
On sait aussi que les Feingrütz en 1944 se trouvent à Eymoutiers en Haute-Vienne avec le petit Henri Brzezinski, qu’ils ont été arrêtés avec lui lors de la rafle du 7 avril 1944 et qu’ils ont été ensuite internés à Drancy.
A Drancy, les hommes et les femmes sont séparés mais Henri est hébergé dans la même chambrée que Mme Feingrütz et sa fille Mathilde âgée de treize ans. Il est également déporté à Auschwitz avec les Feingrütz. Henri s’est donc trouvé une nouvelle famille.
Compte-tenu de tous ces éléments, on peut émettre l’hypothèse que Charlotte et Henri Brzezinski étaient avec Charlotte Schuhmann chez les Feingrütz de fin 1942 à début juin 1943. Les deux fillettes sont donc probablement devenues très proches.

On ne retrouve la trace de Charlotte que le 9 juin 1943 lorsqu’elle intègre le foyer Lamarck à Paris. C’est un foyer de l’UGIF (Union Générale des Israélites de France), qui accueille des enfants juifs séparés de leurs parents par la déportation. Sur la liste, elle figure tout à la fin juste au-dessus de Charlotte Schuhmann ce qui ne correspond pas du tout à l’ordre alphabétique. Cela nous laisse supposer que les deux petites filles se connaissaient bien voire qu’elles sont arrivées ensemble. Cette arrivée à Paris est précédée, selon le témoignage de Joseph Niderman, du regroupement dans des hangars à Angoulême de plusieurs dizaines d’enfants et adultes venus de toute la Charente dans une grande promiscuité pendant trois jours. A Lamarck, outre Charlotte Schuhmann, Charlotte retrouve ses cousins Joseph et Charlotte Niderman. Dans les semaines qui suivent, elle croise aussi sans doute brièvement ses cousines Alice et Salomé Welner.
Lors de son séjour au foyer Lamarck, on sait que Charlotte s’est rendue dans une famille juive les dimanches 25 juillet et 1er août 1943. Elle rend visite à la famille Burzinski (ou Bourlinski) au 109 rue du Cherche Midi. Ces visites à des familles inconnues avaient pour but de distraire les enfants, de leur faire retrouver une ambiance familiale et permettaient au foyer de réduire les dépenses de nourriture en cette période où celle-ci était rationnée.
D’après les listes établies par l’UGIF, Charlotte a fait un séjour à l’hôpital des Enfants Malades (hôpital Necker) du 28 juin au 8 juillet 1943. Les listes ne précisent cependant pas le motif de cette hospitalisation.
On sait aussi qu’elle a séjourné dans un autre centre UGIF, le centre de La Varenne dont elle revient le 29 septembre 1943. Le registre des entrées et sorties du foyer Lamarck indique une sortie le 11 août, on peut imaginer que celle-ci correspond à son départ pour le centre de La Varenne. Ce centre se situait à la campagne : Charlotte y a peut-être été envoyée pour se remettre de son hospitalisation ou tout simplement pour profiter du bon air.
Dans les registres du centre Lamarck, la dernière sortie de Charlotte est datée du 11 janvier 1944. C’est probablement à cette date qu’elle est partie pour le foyer de Montreuil.
               

Liste des arrivées au foyer Lamarck le 9 juin 1943 (Mémorial de la Shoah)

           

Dernières mentions de Charlotte dans le registre des entrées et sorties du foyer Lamarck (archives du centre Lamarck). La date du 29 septembre 1943 correspond à son retour du centre de La Varenne, celle du 13 janvier 1944 pourrait être celle de son départ pour le foyer de Montreuil.

 

Charlotte au foyer de Montreuil

Le foyer de Montreuil était un petit foyer en banlieue parisienne qui n’accueillait qu’une vingtaine d’enfants. On sait que Charlotte a été scolarisée dans l’école voisine Marcellin Berthelot où une plaque commémore le passage de ces enfants. Dans ce foyer, elle a pu retrouver sa cousine Alice Welner avant que celle-ci ne s’en échappe avec l’aide de sa sœur Salomé à une date que l’on ignore.

L’ancien centre UGIF de Montreuil (photographie de Richard Niderman)

Plaque commémorative sur la façade du centre UGIF de Montreuil (photographie de Richard Niderman)

Drancy et la déportation

C’est dans ce foyer qu’elle a été arrêtée dans la nuit du 21 au 22 juillet 1944 et transférée au camp de Drancy. Selon le cahier de mutation, elle y a logé dans la chambrée 4 de l’escalier 7.

Extrait du cahier de mutation de Drancy (Mémorial de la Shoah)

Au camp, elle retrouve probablement ses cousins Niderman mais ils partent dès le 23 pour le camp de concentration de Bergen Belsen car leur père est prisonnier de guerre. Bien que très dur, ce camp a permis à ces deux jeunes enfants de survivre. Selon Richard Niderman, Joseph a regretté jusqu’à son dernier souffle de n’avoir pu sauver sa cousine Charlotte. Cela signifie peut-être qu’il a essayé de la faire partir avec lui.
Une autre question se pose : Charlotte a-t-elle retrouvé son père Jakob qui, après avoir passé près d’un an et demi à l’Hôtel-Dieu de Poitiers, hôpital rattaché au camp de la route de Limoges, avait été transféré à Drancy en mai 1944 et s’y trouvait encore lorsque sa fille y est arrivée ? Avec plus de 1300 autres personnes, Charlotte fait partie du convoi 77 qui part le 31 juillet pour Auschwitz. La liste qui répertorie les déportés du convoi a été faite par ordre alphabétique. Charlotte est donc inscrite juste avant son père mais rien n’indique qu’ils ont voyagé dans le même wagon ni qu’ils ont eu le temps de se retrouver. Tous deux sont déclarés morts dès leur arrivée au camp officiellement le 5 août 1944.

Liste des déportés du convoi 77 (Archives d’Arolsen)

Nous regrettons de n’avoir pu trouver davantage de documents qui nous permettent de reconstituer la courte vie de Charlotte et de connaître sa personnalité. Il se trouve cependant que l’histoire des sœurs Alice et Salomé Welner a inspiré un auteur américain, Carol Kasser qui, à partir des souvenirs d’Alice, a écrit un livre Alice in Nether Land. Dans ce livre, l’auteur fait parler Alice. A trois reprises, elle évoque Charlotte et Henri. À la page 80, Alice, qui est sur le point de débarquer aux Etats-Unis pour y vivre, a une pensée pour ses deux cousins.

Extrait d’Alice in Nether Land de Carol Kasser (2019)

 

Remerciements

Nous remercions très chaleureusement Richard Niderman qui nous a fait connaître Charlotte. Nous remercions aussi Mme Hildegarde Gauthier qui a fait de nombreuses recherches pour nous aux archives départementales de la Vienne et à Saint-Sauvant où elle a travaillé en liaison avec l’archiviste, M. Robert Puaux.

Contributeur(s)

Biographie réalisé par la classe de seconde 6 du lycée Louis Vincent à Metz, sous la direction de leur professeur d'Histoire Géographie, Monsieur Mandaroux et Nadia Khemiri, professeur documentaliste.

Reproduction du texte et des images

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