Clément Huguet : « On peut trouver des trésors d’archives restés enfouis pendant des années »

Avec leurs élèves d’un collège d’Athis-Mons, les professeurs Clément Huguet, Déborah Le Pogam, Clara Adjanohoun, Laëtitia Legros et Valérie Virole ont travaillé sur les biographies de trois enfants de la même fratrie : Jacques Bender, Dora Bender et Jean Bender, assassinés respectivement à l’âge de 12 ans, 8 ans et 4 ans.
 
Ce travail fait partie des onze projets européens sélectionnés par le ministère de l’Education nationale.

Pouvez-vous vous présenter et nous présenter votre classe ? 

Je suis professeur d’histoire-géographie au collège Michel-Richard Delalande, situé à Athis-Mons et classé en Réseau d’Education Prioritaire (REP). J’y enseigne depuis 7 ans et, depuis la rentrée scolaire de septembre 2017, je fais participer, chaque année, une classe de 3e au projet Convoi 77.

Ainsi, au cours des quatre dernières années, mes élèves de 3e ont rédigé 10 biographies de déportés qui ont été publiées sur le site du projet et au format de petits livres imprimés à chaque fin d’année scolaire.

Comment avez-vous organisé ce travail collectif dans le cadre du projet Convoi 77 ?

Chaque année, une heure hebdomadaire intégrée dans l’emploi du temps des élèves est dédiée aux activités menées dans le cadre du projet. Le travail d’enquête historique, de rédaction biographique, de production artistique et de réalisation de vidéos se déroule essentiellement au cours de cette heure de projet hebdomadaire.

Concrètement, le projet débute en septembre pour les élèves mais, pour les professeurs, nous commençons à le préparer dès le mois de mai afin que les principales informations, les archives disponibles et les documents que nous souhaitons proposer aux élèves soient prêts dès le début de l’année scolaire.

D’un point de vue pratique, nous utilisons dans un premier temps les archives qui sont mises à notre disposition par l’association et qui sont issues de la Division des archives des victimes des conflits contemporains. C’est une très bonne base et cela nous permet d’obtenir d’emblée des renseignements très importants pour la suite du projet.

Ensuite, en fonction de l’histoire et du parcours de chaque déporté sur lequel nous faisons travailler les élèves, nous entreprenons des démarches auprès d’institutions spécialisées (le Mémorial de la Shoah, les archives de Bad Arolsen-ITS, les archives municipales et/ou départementales notamment) et nous cherchons aussi à établir des contacts avec des membres de la famille du ou des déporté(s).

La prise de contact avec les familles (lorsque cela est possible) nous semble très importante sur le plan humain et permet aussi souvent d’obtenir des informations essentielles et parfois quelques trésors d’archives restés enfouis pendant de nombreuses années.

Quel a été l’impact de ce travail, d’un point de vue individuel (en ce qui vous concerne, en ce qui concerne les élèves…) mais aussi plus largement (au niveau de l’école, de la municipalité ou autres) ? 

Le projet Convoi 77 s’est, au fur et à mesure, parfaitement intégré dans le projet d’établissement du collège et à chaque fin d’année scolaire, de plus en plus d’élèves de 4e venaient nous faire part de leur volonté d’en faire partie en 3e. Et les élèves de 3e qui y ont participé y restent profondément attachés, même plusieurs années après.

Ce projet est marquant et porteur de sens pour les élèves. Il s’inscrit dans une démarche qui n’est pas habituelle et il contribue au processus de maturation de leur conscience citoyenne.

Ce projet est d’autant plus marquant que le travail et l’engagement des élèves ont été reconnus par delà les murs du collège. Notre projet a été deux fois lauréat du prix Ilan Halimi décerné par le Conseil départemental de l’Essonne en 2018 et en 2019 et une fois lauréat du concours « Vivre et agir ensemble contre le racisme » décerné par la Fondation Seligmann en 2018. Deux classes ont aussi participé à la grande restitution organisée à l’Hôtel de Ville de Paris en janvier 2019.

Notre travail a aussi eu un impact dans la presse. Le journal Libération y a consacré un article publié le 23 janvier 2019 à l’occasion de la restitution organisée à l’Hôtel de Ville de Paris. Plus récemment, Le Monde a publié une tribune que j’ai écrite sur le projet à l’occasion des commémorations du 27 janvier 2021 et la Fondation Seligmann a publié un article sur notre travail.

Votre travail a été sélectionné parmi les projets les plus remarqués, quel sentiment cela vous procure/cela procure aux élèves ?

Nous sommes tous extrêmement fiers que notre projet ait été sélectionné, en novembre 2020, parmi les projets les plus remarquables conduits en Europe. Nous étions tous impatients et impressionnés à l’idée d’aller au Palais de l’Elysée afin de présenter ce travail et ses apports pédagogiques majeurs au Président de la République, le 27 janvier 2021.

Cet événement n’a, hélas, pas pu avoir lieu en raison de la crise sanitaire mais je reste persuadé que la fierté et l’émotion que j’ai vues dans les regards des élèves lors d’une réunion de préparation de cet évènement constitueront, à l’avenir, une source de motivation pour eux.

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à d’autres enseignants qui souhaiteraient participer au projet ?

Si je devais donner un conseil à un collègue, ce serait d’associer le plus largement possible les élèves à ce projet. Je crois que ce qui fait la réussite à long terme d’une telle action pédagogique, c’est précisément le fait que les élèves en deviennent des acteurs à part entière et que cette action ne constitue pas seulement le projet conduit par le professeur.

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