Lise PAPIN (1892-1944)
Lise Stekell est née à Odessa (Ukraine), alors en Russie, le 4 mars 1892. Ses parents sont Abraham Stekell (1855-1944), lustreur, et de Chaïa / Anna (Vertsmann) Sakova.
La famille est arrivée peu de temps après sa naissance, car la sœur de Lise, prénommée Cécile, naît à Paris IVe le 13 mars 1893. Ils habitent alors 18, rue de l’Ave Maria.
Lise a-t-elle suivi sa scolarité dans cet arrondissement où les immigrants juifs commencent à arriver en cette fin du XIXe siècle ? Ou bien a-t-elle grandi dans le Ve, de l’autre côté de la Seine, où vivent ses parents quand elle se marie, trente ans plus tard ?
LE MARIAGE
Lise se marie le 30 mai 1922 avec Marcel Papin, né dans le VIe arrondissement de Paris le 18 août 1895. Par son mariage avec un Français, elle acquiert la nationalité française.
Ils se marient à la mairie du VIe arrondissement. Lise vit alors chez ses parents, 3bis, rue des Lyonnais dans le Ve arrondissement. Lui vit au 47, rue de Vaugirard, qui devient la résidence conjugale (recensement de 1926).
Il est d’inspecteur d’assurances[1]. Travaille-il dans la même entreprise que Cécile, la sœur de Lise, qui exerce le métier de sténo-dactylo à la Compagnie du Soleil, une compagnie d’assurances ?
Grand blessé de guerre, amputé d’une partie des doigts de la main droite, il est décoré de la Croix de guerre 1914-1918.
Lise et Marcel Papin n’ont pas eu d’enfants[2].
Lise, sans profession au moment de son mariage, habite à partir de 1931 au 1, villa Robert Lindet, dans le XVe arrondissement de Paris. En 1936, le couple y vit encore.
C’est à cette adresse qu’elle est domiciliée au moment de son arrestation.
LA GUERRE ET L’ARRESTATION
Lise s’est conformée aux nouvelles obligations légales du régime de Vichy (loi du 3 octobre 1940 portant statut des Juifs et du 2 juin 1941) et s’est déclarée comme « juive », sans doute au commissariat de son quartier[3]. Ainsi qu’auprès de l’UGIF, institution créée pour contrôler les Juifs et à laquelle il était obligatoire de s’affilier.
En 1942, une lettre anonyme déclare qu’elle fait de la propagande anglaise. La Direction des étrangers et des Affaires juives diligente une enquête à ce sujet le 4 août 1942. Sans suite.
A cette époque, Lise est séparée de son mari, qui continue néanmoins à subvenir à ses besoins, alors qu’elle est sans emploi. C’est en tout cas ce qu’indique un rapport de police en date du 14 janvier 1943.
En mars 1944, Lise perd son père, Abraham, enterré au cimetière de Thiais. Il avait 89 ans. Sa mère, enterrée également à Thiais, est morte en 1932.
Le 8 juillet 1944, elle est arrêtée, par un civil et Allemand, dit un document. Un autre indique « police française ». Ce même jour, en compagnie d’autres Juifs, elle arrive au Dépôt de la préfecture de police, à 23 heures 30. Alors que ses compagnons d’infortune sont dirigés vers Drancy le 10 juillet après-midi, Lise reste dans cette prison jusqu’au 11 et en est extraite à 14 h 30 pour rejoindre le camp de Drancy[4].
Internée le 11 juillet à Drancy avec le numéro matricule 25019, elle est déportée le 31 juillet 1944 par le convoi 77.
Alors qu’elle était mariée à un non-juif, Lise aurait pu bénéficier du statut (aléatoire) de « non-déportable ». Mais le fait qu’elle soit séparée de son mari et la hâte d’Aloïs Brunner à remplir le convoi alors que les troupes alliées s’approchent de Paris expliquent (peut-être) qu’elle n’ait pas été protégée par ce statut défini par les autorités allemandes.
L’APRÈS-GUERRE
La sœur de Lise, domiciliée elle aussi 1 villa Robert-Lindet, cherche des informations sur elle et remplit une fiche de renseignements en mars 1946.
En juin 1946, Marcel Papin, à son tour, fait des démarches. Il remplit des documents de recherches en vue de faire établir un certificat de décès de son épouse. Il habite alors 52 avenue Bosquet, à Paris XVIIe. Le 16 septembre il reçoit l’acte de disparition de Lise, mais en avril 1947, la déclaration judiciaire de décès n’est toujours pas effectuée.
Marcel avait fourni deux photos d’identité pour permettre d’identifier Lise au cas où elle aurait été retenue dans un pays avant de rentrer en France, ou pour demander à des déportés s’ils ne l’avaient pas rencontrée.
Lisa Papin © SHD de Caen, DAVCC, dossier 21 P 522724
Dans cette période de grande confusion, voir la mort d’un proche confirmée n’est pas si simple. Marcel avait fourni également une description de Lise : « 1,56 cm, les yeux bruns, les cheveux grisonnants et frisés, le nez retroussé ».
Marcel Papin se remarie en juillet 1948, et meurt le 7 mai 1973, à Dijon.
Cécile Stekell est morte en décembre 1973, à Villiers-le-Bel.
Mur des Noms, dalle n° 30, colonne n° 10, rangée n° 3
Source : Liste reconstituée du convoi de déportation
Sources :
Paris-Hachette 1 janvier 1907 – (1-janvier-1907) | RetroNews – Le site de presse de la BnF
Archives de Paris : consultées lors de l’atelier de décembre 2024
5M266 : acte de mariage de Lise Stekell avec Marcel Papin, 30 mai 1922, 75005
D4M2 686 : fichiers des électeurs de la Seine
Recensements :
- 1926 , 05 , Val de GrâceD2M8 231 page 265
- 1931 , 05 , Val de GrâceD2M8 375 page 253
- 1936 , 05 , Val de GrâceD2M8 555
- 1926 , 06 , Notre-Dame des ChampsD2M8 232
- D2M8 233 recensement 1926, 16 rue Guisarde 75006 quartier Odéon
- 1931 , 15 , Saint-LambertD2M8 422
- 1936 , 15 , Saint-LambertD2M8 641
Décès
- 1944 , Décès , 055D 275
- 1947 , Décès , 1515D 412
Documents confiés par convoi 77 :
DAVCC, SHD de Caen, ainsi que ceux de la Préfecture de Police de Paris (APP 77 W 501), y compris un certificat de dépôt (APP CC2-8).
Mémorial de la Shoah :
- Fiche de recensement de 1940 : Archives Nationales FRAN107_F_9_5656_065595_L
- Fiche de recensement de 1941 : Archives Nationales FRAN107_F_9_5622_020231_L
- Fiche d’internement dans le camp de Drancy : Archives Nationales FRAN107_F_9_5720_205259_L et FRAN107_F_9_5720_205260_L
- Mention dans le cahier de mutations du camp de Drancy : Archives Nationales FRAN107_F_9_5788_0016_L
Fichier de l’UGIF (p. 1059 du PDF) : https://digipres.cjh.org/delivery/DeliveryManagerServlet?dps_pid=IE14133506
Le Figaro 24 juin 1945(Marcel Papin recherche sa femme, article sur les prisonniers et les déportés, source : gallica.fr)
Notes & références
[1] Marcel Papin avait une sœur, prénommée Louise, née en 1891. Leur père est Henry Louis Papin (mort avant 1926), employé de commerce et leur mère est Barbe Schild, née en 1859.
[2] Archives de la Préfecture de police de Paris, APP 77 W 501
[3] Ibid.
[4] Archives de la Préfecture de police de Paris, APP CC2-8