Maurice PINTO
En l’absence de photo de Maurice Pinto, nous présentons ici un extrait de son acte de décès avec la mention « mort pour la France ». PINTO Maurice © SHD de Caen DAVCC 21 P 526 043
C’est un groupe de 11 élèves de 3ème du collège Pierre Alviset à Paris qui a pris en charge la biographie de trois des membres de la famille Pinto : le père, Menahem, et deux de ses cinq enfants, Esther et Maurice. De ces trois personnes, il ne reste pas grand-chose et nous n’avons pas pu ou su retrouver de membres de leur famille pour nous aider à reconstituer leur vie.
Pour nous, ce qu’il y avait de plus certain sur eux était leur mort, assassinés à Auschwitz au début du mois d’août 1944. Nous savions aussi que, dans cette famille, la mère, la sœur, les deux petits frères n’avaient pas été arrêtés et avaient survécu. Esther était l’aînée des enfants, elle a été déportée à l’âge de quinze ans.
Comment parler de cette famille ? De ceux qui furent déportés et de ceux qui sont restés ? Quelle forme donner à ce récit ?
Plutôt donc que d’écrire trois biographies, une pour chacun de ceux qui furent tués par les nazis, nous avons choisi de suivre la vie de toute cette famille, les Pinto, une famille judéo-espagnole originaire d’Istanbul et de Salonique : la famille toute entière fut victime directe ou indirecte de la Shoah. Pour ce faire, chacune de nous — puisque cette année les volontaires réunies autour de ce projet n’étaient que des filles — a pris sa plume pour écrire, à plusieurs voix, le « Journal d’Esther ». L’idée du groupe était d’écrire un « journal intime » où l’imagination viserait à combler les vides dans nos connaissances. Mais imaginer n’est pas inventer et tout ce que nous avons écrit s’appuie sur les informations que nous avons pu collecter sur la famille Pinto et le cadre dans lequel elle a vécu. Voici donc le « journal » de la fille aînée de la famille, Esther, où après avoir retracé les origines de sa famille, elle raconte sa vie au quotidien dans Paris occupé.
Catherine Darley
Le Journal d’Esther
Mercredi 29 mai 1940
Cher journal,
Aujourd’hui, c’était mon anniversaire. Mes parents ont été particulièrement gentils, et ma mère m’a recousu une robe que j’aime beaucoup mais que je ne pouvais plus mettre parce que j’avais trop grandi. Maintenant je vais faire attention à là où je la range, parce que c’est ma préférée, je ne voudrais pas que les mites s’y attaquent. Je l’ai mise sur le champ ! Ma famille n’a pas pu m’offrir d’autres choses car nous ne sommes pas très riches. Jacques, Mathilde, Maurice et Albert m’ont fait un grand câlin à mon réveil en criant « Joyeux anniversaire ! » et ça m’a fait très plaisir.
À l’école, la maîtresse m’a offert ce carnet, dedans je vais écrire mes pensées et aussi les événements que je trouve importants : elle m’a dit de “tenir mon journal”.
Jeudi 30 mai 1940
Cher journal,
Je tiens tout d’abord à te présenter ma famille et mon quartier, avant de te parler de ma vie.
Mon père, Menahem Pinto, est originaire de Constantinople. Il est arrivé en France le 7 octobre 1919, bien avant ma naissance. Il est Turc mais quand il était petit, le pays s’appelait l’empire ottoman. Quand le pays est devenu la Turquie après la guerre, il dit que la vie est devenue difficile quand on était juif et qu’il a préféré venir en France pour être libre.
Il est marchand ambulant et a même été boucher. Il a eu un premier mariage avec une certaine Lucie Avigdor. Il n’aime pas trop en parler devant Maman mais j’ai fait mon enquête et j’ai découvert qu’elle aussi venait de Constantinople et qu’elle avait été marchande ambulante là-bas. Je ne l’ai appris que plus tard mais elle serait morte en 1928, juste avant que Papa épouse Maman. Bref, je ne veux pas trop m’attarder sur ce sujet. Passons. Donc ensuite mon père s’est remarié, cette fois avec ma mère, Grassia Cohen. Si je me souviens bien, c’était en 1928, un an avant ma naissance. Mes parents parlent souvent de leur mariage très festif à la mairie du 11eme.
Ma mère est femme de chambre, elle est grecque et est née à Salonique et, elle aussi, elle est juive. Parfois la Grèce et ses parents, Moïse et Mazalto Cohen, lui manquent.
Je n’ai jamais vu mes grands-parents paternels, Moïse Pinto et de Esther Eskenazi, puisqu’ils sont morts avant ma naissance vers 1921.
Et bien sûr mes parents ont eu des enfants. Ils m’ont eu la première, en 1929, puis ils ont eu ma sœur, Mathilde en 1931, mon frère, Maurice en 1933, Albert en 1935 et le petit dernier Jacques en 1936. Nous sommes une famille nombreuse et, bien que parfois cela soit difficile d’avoir de l’attention, nous sommes heureux dans notre maison au 48 bis de la rue des Haies, dans le XXe arrondissement de Paris. Nous sommes arrivés là en 1935, quelques mois avant la naissance de Jacques. Avec mes frères et sœurs, nous allons tous les jours à l’école : l’école des garçons rue Vitruve pour Maurice, les petits à la maternelle au 99 rue des Pyrénées, et nous les filles, juste à côté, au 97.
Nous avons parfois du temps libre le dimanche et il nous arrive avec mes frères et sœurs et les enfants de la commerçante de la boutique de blanc, rue Sedaine, chez qui Papa se fournit, de jouer à cache-cache pendant des heures dans les nombreux passages et impasses du quartier. Ma meilleure cachette a été le coffre du cordonnier de l’impasse Popincourt.
Il y a une énorme animation dans les rues et notamment le samedi matin car tous les juifs se rassemblent autour des nombreuses boutiques qui y fleurissent. Ma préférée est la boutique de robes passage Lisa et Maman m’a acheté unefois une robe parce que j’avais bien travaillé à l’école.
Nous allons parfois à la synagogue 7-9 rue Popincourt, celle où on parle ladino comme à Salonique où est née Maman, c’est un peu comme de l’espagnol, et nous y retrouvons la famille et les amis. Notre quartier est souvent nommé le « quartier des juifs orientaux » car je sais que notre quartier accueille beaucoup de juifs de Grèce et de Turquie, immigrés à la recherche de travail. Je me rappelle que tout le monde dans ma famille parle beaucoup de contrats de travail car c’est un document nécessaire pour obtenir les visas d’entrée en France. Et il a parfois des disputes à ce sujet et je m’en écarte.
Sinon, en ce moment à l’école, on parle beaucoup de la guerre. Les Allemands qui nous ont attaqué, ça fait peur. Je me demande ce qui va se passer.
Jeudi 23 mai 1940
Cher journal,
Ce matin je suis passée devant le kiosque à journaux. En voyant les titres, j’ai couru à la maison prendre 30 centimes pour acheter le journal « Paris-Soir ».
Quelle horreur… Les Allemands avancent de plus en plus ! J’ai peur, ils avancent de partout, Arras et Amiens atteintes, la côte atlantique aussi… Vont-ils occuper toute la France ?
Mardi 11 juin 1940
Cher journal,
Hier matin, il y a eu beaucoup d’agitation dans les rues. Très tôt, vers 5 heures, Maman nous a réveillés, Maurice, Albert, Jacques, Mathilde et moi. Nous avons fait nos valises en quelques minutes, car Maman semblait précipitée et vraiment stressée. Mais quand nous sommes descendus dans la rue, on ne pouvait pas avancer ! Nous avons essayé de nous frayer un passage dans l’agitation continue, mais nous avons à peine pu passer jusqu’à la rue de la Réunion, qui était totalement bouchée ! Avant de pouvoir y accéder, nous avons dû patienter dans une rue adjacente pendant longtemps. Maman et Papa se sont assis loin du brouhaha et ont commencé à réfléchir, ils avaient l’air totalement décontenancés. Ils se sont alors levés et nous ont pris par la main, nous ramenant à la maison. Aujourd’hui, Maman a quand même tenu à ce que j’aille à l’école. Elle était fermée.
Je n’ai pas vraiment compris pourquoi tout le monde fuyait mais une amie à l’école me l’a expliqué : c’est l’exode à cause de l’invasion allemande, il paraît qu’ils bombardent et qu’ils mitraillent les gens. J’en ai parlé à Maman en rentrant et je lui ai demandé pourquoi nous n’étions pas partis. Elle m’a répondu que la panique avait pris le dessus au départ et que c’est pour cela qu’elle et Papa nous avaient réveillés en vitesse mais qu’après réflexion, ils s’étaient peut-être été décidés trop vite ; de plus, nous n’avions pas de moyens de transport possible et cela aurait été dangereux à pied avec nous sept. Cela m’inquiète qu’autant de gens aient fui Paris car je me dis qu’ils ont dû avoir vachement peur de quelque chose pour qu’il y ait autant de pagaille. Mais bon, on verra bien demain.
Samedi 15 juin 1940
Cher journal,
Ce matin quand je suis arrivée à l’école, il y avait une certaine agitation dans la cour. Mes copines m’ont raconté qu’hier, aux Champs-Élysées, les Allemands ont défilé. Il paraît qu’ils avaient des tambours, des chars, et tout un tas d’autres choses de militaires.
Papa m’a expliqué que c’est parce qu’ils sont très contents d’avoir gagné la guerre, mais lui il ne les aime pas parce qu’ils sont antisémites (il m’a expliqué que ce sont les gens qui n’aiment pas les juifs, alors moi non plus je ne les aime pas). Je ne comprends pas : on peut ne pas aimer quelqu’un pour plein de raisons, mais je ne vois pas en quoi c’est mal d’être juif ; c’est un peu comme être chrétien ou musulman, non ?
17 juin 1940
Cher Journal,
Aujourd’hui, lorsque je suis allée dans la cuisine, le volume de la radio était à fond, et les parents semblaient très concentrés. Je ne les avais jamais vus comme ça. Je me suis assise à côté de Maman, qui m’a blâmée pour le bruit que j’avais fait. Je me suis tue et j’ai prêté l’oreille. Nous étions en train d’écouter un discours du Maréchal Pétain, qui expliquait à quel point cette décision était dure à prendre, mais qu’il fallait cesser le combat et qu’il demandait donc l’armistice à l’Allemagne. Je sais ce qu’est un armistice, la maîtresse l’a expliqué lorsqu’on travaillait sur la guerre de 14-18. C’est une sorte de contrat que les deux pays en guerre signent pour qu’ils arrêtent de combattre. A partir de ce moment-là, Maman a fondu en larmes. On dirait qu’elle n’avait plus d’oxygène mais Papa ne l’a pas aidée à mieux se sentir. Il avait ses bras posés sur la table et son regard était vide. Ils ont alors parlé en ladino. Maman m’avait expliqué que c’était la langue parlée dans leurs familles, c’est un peu comme de l’espagnol, et je n’ai pas saisi tout ce que Papa et elle disaient car je ne comprends pas tout dans cette langue ; les parents ont toujours voulu qu’on ne parle qu’en français à la maison pour que l’on s’intègre mieux ici. Je n’ai pas compris ces réactions (car la maîtresse nous avait fait comprendre à quel point c’était une bonne chose, cet armistice). Cela m’a rappelé ce qui s’était passé il y a une semaine, lorsque tout Paris avait pris la fuite. J’ai alors eu un déclic : c’est des Allemands que tout le monde a peur !
Jeudi 3 octobre 1940
Cher journal,
Aujourd’hui c’était le premier jour d’école après les vacances d’été et tout semblait si différent. Maman nous a réveillés tôt ce matin. J’ai enfilé ma plus belle robe, celle bleue à fleurs et je me suis peignée à la perfection pour faire « bonne impression » comme me le répète Papa. Puis avec Maurice, Mathilde, Jacques et Maman, nous avons pris la route vers l’école, ce chemin que je connais tant, avec un mélange d’excitation car j’allais revoir mes copines que je n’avais pas vues depuis si longtemps et de nervosité car cette année tout sera différent. Mais j’espère que l’école restera toujours un endroit sûr et familier…
Après seulement quelques minutes de marche, nous nous sommes dit chacun au revoir devant l’école, Mathilde et moi sommes parties à droite pour rejoindre notre classe tandis que Jacques est parti à gauche pour rejoindre la maternelle. Maurice est au CE1 à l’école des garçons de la rue Vitruve, ce n’est pas la même direction.
Les cours ont commencé normalement, nous avons eu des leçons de français, de mathématiques et d’histoire comme d’habitude, mais j’avais du mal à me concentrer. Mes pensées étaient ailleurs, toujours en vacances !
J’adore le soir de rentrée des classes car à table tout le monde raconte comment s’est passé sa journée, comment est leur nouvelle maîtresse, qui ils ont retrouvé dans leur classe mais ce soir le repas était drôlement calme. J’ai entendu Maman et Papa parler dans la cuisine de lois qui allaient passer en France pour restreindre nos droits, je n’ai pas tout compris mais ils semblaient vraiment très inquiets. Mais je suis vite allée me coucher, car cette journée m’avait épuisée.
Mardi 8 octobre 1940
Cher Journal,
Aujourd’hui, Papa est parti très tôt le matin. Il avait ce regard sérieux qu’il prend toujours quand il doit s’occuper de choses importantes. Maman a dit qu’il allait au commissariat du quartier pour le recensement de la famille. Je ne comprends pas bien ce que ça veut dire, mais j’ai senti une sorte de tension dans l’air. Mathilde a essayé de me distraire en jouant à la poupée avec moi, mais je voyais bien qu’elle aussi était inquiète.
Jeudi 10 octobre 1940
Cher Journal,
Papa est rentré très tard hier soir. Il n’a pas beaucoup parlé, mais il a dit que nous devions tous être très prudents et suivre les règles. Nous lui avons posé beaucoup de questions, même Albert et le petit Jacques, mais Papa n’a pas donné beaucoup de détails. Il a juste dit que c’était pour notre sécurité. Je ne comprends pas. Tout ce que je sais, c’est que le monde autour de nous change et que ces changements ne sont pas bons pour les Juifs comme nous. Maman a passé la soirée à prier.
Samedi 12 octobre 1940
Cher Journal,
Aujourd’hui, d’après ce que j’ai entendu à la radio, les choses deviennent de plus en plus difficiles pour les Juifs dans toute l’Europe. Ils parlaient de lois qui nous étaient imposées, mais je n’ai pas tout compris. Ce que je sais, c’est que cela rend Papa et Maman très tristes. Maurice est trop jeune pour comprendre ce qui se passe. Je voudrais aussi être trop jeune pour comprendre.
Jeudi 17 octobre 1940
Cher Journal,
Maman a passé la journée à cacher certaines de nos affaires les plus précieuses. Elle dit que c’est juste au cas où, mais je sais qu’elle est inquiète. Elle a caché des photos et des lettres. Papa a dit que nous devions tous savoir où se trouvent nos papiers importants. J’ai l’impression que nous jouons à un jeu, mais je sais que ce n’est pas un jeu.
Samedi 19 octobre 1940
Cher Journal,
Ce soir, alors que nous dînions, Papa a dit qu’il avait entendu des rumeurs au commissariat. Il semble que les choses vont devenir encore plus difficiles pour les Juifs ici. Il a dit que nous devrions être prêts à tout moment pour… il n’a pas fini sa phrase. Je me demande à quoi nous devons être prêts. J’ai peur, mais je sais que je dois être forte pour Maurice, qui ne comprend pas ce qui se passe. Papa et Maman font de leur mieux pour nous protéger, et nous essayons tous de faire comme si tout était normal. Mais rien ne l’est.
Lundi 28 octobre 1940
Cher journal,
Aujourd’hui, quelque chose de terrible est arrivé. La radio était allumée dans la salle à manger. Maman m’a alors dit d’aller dans ma chambre avant que je ne puisse entendre quoi que ce soit, et me dit ensuite de ne pas écouter ce qu’ils disaient.
Mais comment pouvais-je ne pas écouter quand les voix des adultes étaient remplies d’anxiété ? Une fois dans la chambre, j’ai collé mon oreille à la porte pour tenter d’entendre ce qu’ils racontaient. Je n’en croyais pas mes oreilles, Hitler était venu rencontrer Pétain, ils se sont alors serré la main, puis Pétain a annoncé quelque chose qui a fait frémir toute la maison. Il a dit que la France allait “collaborer” avec Hitler. J’ai entendu mes parents pleurer d’inquiétude dans la pièce voisine. Et moi, je suis restée plantée en silence dans la chambre, je ne savais pas exactement ce que “collaborer” signifiait, mais je savais que c’était une mauvaise nouvelle pour nous tous. Demain, en allant à l’école, j’achèterai le journal.
Mercredi 6 novembre 1940
Cher journal,
Aujourd’hui Maman est allée faire des courses au marché habituel, comme tous les mercredis. Ma mère fait les courses trois fois par semaine car mes frères et sœurs et moi mangeons beaucoup. Mais lorsque Maman est revenue, au lieu des petits pains chauds qu’elle nous ramenait à chaque fois qu’elle revenait de ses achats, elle portait un petit sac avec du riz, des pâtes et une petite baguette de pain. Elle avait l’air inquiète et alla rejoindre mon père dans la cuisine. Je suis curieuse, cher journal, et la curiosité est un vilain défaut mais je ne pus m’empêcher d’écouter leur discussion. Ma mère parlait de « ticket de rationnement », c’est la première fois de ma vie que j’entendais ce mot mais ce qu’elle a ajouté me remplit d’effroi. Elle a confié à mon père que s’ils ne trouvent pas de solution, nous allons tous mourir de faim.
Jeudi 2 janvier 1941
Cher journal,
Ma chère petite sœur, Mathilde, a eu dix ans aujourd’hui ! Souhaite-lui un bon anniversaire !
Jeudi 10 avril 1941
Cher Journal,
Aujourd’hui, quelque chose d’important s’est passé. J’ai vu beaucoup d’adultes discuter dans les rues avec des visages soucieux. Puis, en passant devant le kiosque à journaux, j’ai vu la grande affiche du journal « Le Matin » : « La chute de Salonique, prise par l’armée allemande ». Maman m’a demandé d’acheter le journal pour elle. Elle ne sait pas bien lire, alors je lui ai promis de le lui lire à mon retour.
En rentrant à la maison, je me suis demandé ce que cela signifiait vraiment. Pourquoi est-ce si important ? Pourquoi tout le monde semble si inquiet ? Et surtout, qu’est-ce que cela a à voir avec le fait d’être juif ? Maman et Papa ne parlent pas beaucoup de ces choses-là. Ils disent juste que nous devons être prudents, mais ils ne nous disent pas pourquoi.
À l’école, je vois des enfants de toutes origines, de toutes cultures, de toutes religions. Certains sont catholiques, d’autres protestants, et il y en a même quelques-uns qui sont musulmans. Mais je me demande ce que cela signifie vraiment d’être juif. Est-ce juste un nom que nous portons ? Ou y a-t-il quelque chose de plus profond, de plus important ?
Je vais lire le journal à Maman maintenant. Peut-être qu’elle pourra m’expliquer un peu plus sur ce que tout cela signifie pour nous, les juifs. Je suis rentrée à la maison avec le journal sous le bras, comme promis à Maman. Elle était assise à la table de la cuisine en train de coudre, et quand elle a vu le journal, ses yeux se sont éclairés d’un mélange de curiosité et d’inquiétude. Je me suis assise à côté d’elle et j’ai commencé à lire à voix haute les gros titres.
« La chute de Salonique, prise par l’armée allemande », ai-je commencé. Maman a écouté attentivement, ses mains cessant de bouger sur le tissu. Elle a hoché la tête de temps en temps, mais je pouvais voir dans ses yeux qu’elle était profondément préoccupée. Quand j’ai terminé, elle a pris une grande inspiration et a posé doucement sa main sur la mienne.
« Merci, ma chérie », a-t-elle dit d’une voix douce. « C’est important de rester informés de ce qui se passe dans le monde. » Mais je pouvais entendre dans sa voix quelque chose de plus, une sorte de tristesse mêlée à de la résignation.
Je lui ai demandé ce que cela signifiait pour nous, les juifs, et si nous avions quelque chose à craindre. Maman m’a regardée avec tendresse, mais aussi avec une lueur de tristesse dans les yeux. « Nous devons être prudents, ma chérie », a-t-elle dit doucement. « Mais nous ne devons pas vivre dans la peur. Nous devons continuer à vivre nos vies, à aimer notre famille, à pratiquer notre foi. C’est ce qui nous rend forts ».
Je l’ai serrée dans mes bras, sentant sa chaleur et sa force me réconforter. Maman est une femme extraordinaire, pleine de sagesse et de courage. Je sais que je peux compter sur elle pour me guider à travers les temps difficiles qui s’annoncent.
Mardi 8 juillet 1941
Cher journal,
Ce soir, Papa nous a annoncé la nouvelle : son entreprise a été « aryanisée ». Il nous a souvent expliqué son travail : il est marchand de lingerie. Il achetait jusqu’à maintenant ses produits chez des grossistes (ce sont des gens qui vendent beaucoup de marchandises d’un seul coup pour que leurs clients les revendent). Il y a plusieurs grossistes de lingerie dans le 11e, vers la rue Sedaine, c’est pour ça que Papa s’était lancé dans ce domaine. Il avait une toute petite entreprise, si petite que c’est même bizarre d’appeler ça une entreprise car il était le seul à y travailler. Une fois qu’il avait été chez le grossiste, il mettait toute la lingerie qu’il avait achetée dans un grand drap, qu’il nouait pour former un baluchon. Ensuite, il n’avait plus qu’à le défaire, et il pouvait vendre les culottes, soutien-gorge, chaussettes, etc. aux passants, sur les marchés de la banlieue. Il dit qu’il était « marchand à la balle ».
Je sais, tu te demandes sûrement ce que c’est que l’aryanisation, hein ? Papa m’a expliqué mais je n’ai toujours pas très bien compris. Il m’a dit que son entreprise lui avait été volée à cause de notre religion. Son entreprise a été confiée à un « aryen ». Qu’est-ce que c’est, les « aryens » ? Ce sont des personnes « parfaites » : des têtes blondes aux yeux bleus qui ne sont pas juifs le moins du monde.
Son commerce a été spolié par un certain M. Legrand. M. Legrand qui vole des petits… ironique non ? Ce spoliateur touche 500 francs, tu t’en rends compte ? Il nous détruit et fait des bénéfices. Nous n’avions déjà plus beaucoup d’argent mais qu’allons-nous devenir maintenant ? Papa est très malheureux, il n’arrête pas de pleurer. Maman fait comme si tout allait bien mais je le vois qu’elle est inquiète. Elle ne dort plus et son visage est marqué par le manque de sommeil. Papa non plus ne dort pas beaucoup.
Hier, il a dû aller rendre sa « médaille » qui montrait qu’il était en règle avec l’administration. Il avait honte, tellement honte. Il est parti, la tête basse et n’est revenu que deux heures après. Il avait les yeux rouges tant il avait pleuré. Pour le réconforter, Maman a préparé de la soupe aux pommes de terre. Il n’y a pas touché.
Moi non plus, je ne l’ai pas mangée, cette soupe. Que veux-tu ? Il faut en laisser aux petits. Je suis l’ainée, j’ai des responsabilités.
Papa est venu me voir après le dîner et m’a serré dans ses bras. On avait le ventre qui gargouillait, tous les deux. Ensuite, je lui ai lu le seul et unique livre que nous possédons, Les Misérables. Je le connais par cœur. Nous avons dû vendre nos livres mais celui-là, Papa a insisté pour le garder. A chaque-fois que je lui lis, on se rappelle qu’on n’est pas si malheureux que ça, en fait. Que nous au moins, on a une famille et un toit… et le plus important : on s’aime.
Mercredi 26 août 1941
Cher journal, il a fallu que cette tragédie arrive. Je ne peux t’exprimer toute ma tristesse tellement mes larmes empêchent mes pensées à s’organiser. Je ne peux toujours pas le croire !
Mon cher Papa s’est fait arrêter aujourd’hui. Il fallait que j’en parle à quelqu’un mais je suis juive, il vaut mieux pour moi de ne pas parler de cela à mes amis et Maman est bien trop anéantie pour en parler. Je savais que cela allait arriver un jour, je le sentais. J’ai pourtant maintes fois prévenu Papa du danger mais rien n’y fait. Je me rappelle très bien de ce matin, j’avais un mauvais pressentiment et j’ai demandé à mon père de ne pas sortir pour aller travailler. Je lui ai pourtant répété que cela ne servait à rien de se surmener et que vivre en sécurité était plus important. On parle bien de mon père, il ne recule devant rien et n’a peur de personne. Ce n’est pas n’importe qui, mon père, il se sent responsable de la famille et travaille énormément pour que l’on puisse manger à notre faim. Il est même prêt à faire du trafic clandestin pour subvenir à nos besoins. Il est sorti, avec son petit ballot d’objets à échanger et il n’est jamais revenu. Ce n’est que plus tard qu’on a appris, ma mère mes frères et sœurs et moi qu’il y a eu une rafle dans tout le quartier.
Après ce terrible événement tout le monde ne parlait que de ça. Il parait que tous les gendarmes, pompiers, les gardes mobiles et les militaires ont été mobilisés.
D’après la gérante du café de la rue d’en face la rafle aurait arrêté plus de 3500 juifs qui aurait eu la malchance d’être hors de chez eux. Tous ces gens auraient été transportées dans des camions ou des bus loués pour ensuite les emmener on ne sait où. Elle annonça avec tristesse qu’elle avait vu les policiers prendre mon père de force pour l’emmener dans un de ces bus. Maman été anéantie. Lorsque nous sommes rentrés chez nous, nous pleurions Papa. Oh ! Pauvre Papa ! Comment va-t-on faire pour te sortir de là ? Et surtout qu’arrivera-t-il si l’on reste ici ? Ce sera nous les prochains et Maman le sait. Elle n’est pas seulement inquiète pour mon père mais aussi pour nous, ses enfants car elle sait tout autant que moi que les nazis n’auront aucune pitié à arrêter les enfants juifs. J’ai peur. Mais il faut faire face, nous n’avons pas le choix.
Cette journée sera à jamais gravé dans notre mémoire puisqu’elle marquera l’arrestation de mon père mais aussi le destin de toute notre famille.
Jeudi 6 novembre 1941
Cher journal,
Il devait être aux alentours de minuit, hier soir, je n’arrivais pas à trouver le sommeil et comme toutes les nuits, je pensais à Papa. J’entendis la porte s’ouvrir puis un bruit de pas et d’un cri aigu, j’ai directement cru que c’était les Allemands qui venaient nous prendre alors je suis restée tétanisée dans mon lit.
Après quelques minutes, je n’entendis plus rien, juste des chuchotements alors je me suis dit qui cela peut-il être ?
Je me suis alors sortie de mon lit et j’ai vu un homme assis sur le canapé. Il était atrocement maigre, sale, il semblait souffrir et avait un regard vide et sombre. Plus je le regardais, plus il me semblait familier quand tout devint clair dans ma tête : c’était Papa !
Je me suis précipitée pour l’embrasser, il ne parlait pas. Il me regardait tendrement et lorsque mes frère et sœurs arrivèrent, on lut la joie dans ses yeux ; du moins c’est ce que je croyais percevoir dans son regard. Il a un regard vide et en même temps on arrivait quand même à distinguer ses pensées et ses émotions.
Il ne parlait toujours pas, un moment, j’ai été pleine de désespoir, je pensais qu’il ne parlerait plus jamais. Mais après, il m’a dit combien il était content de me revoir et combien de fois il avait rêvé de ce moment ! Dans ces mots je retrouvais mon père et je fus soulagée de ne pas l’avoir perdu après ce séjour (si je peux le dire comme ça) à Drancy. J’espère ne jamais y aller !
Lundi 17 novembre 1941
Cher Journal,
Papa est rentré il y a maintenant deux semaines, mais c’est seulement aujourd’hui qu’il a commencé à nous parler de ce qu’il a vécu. On lui demanda comment s’était passée la vie là-bas, à Drancy. Maman ne voulait pas trop qu’il nous raconte mais il a dit que nous devions savoir car c’était malheureusement la triste vérité.
Il a été emmené à Drancy, un nom qui résonne maintenant comme un cauchemar dans notre maison. Papa a l’air si fatigué, si différent. Il fait des cauchemars chaque nuit depuis son retour. Parfois, je me réveille en entendant ses cris. C’est terrifiant.
Ce soir, après le dîner, alors que Maurice, Albert et Jacques dormaient déjà, Papa a rassemblé Mathilde et moi. Il voulait nous parler. Sa voix était faible, mais il a fait de son mieux pour nous expliquer les choses d’une manière que nous pourrions comprendre, sans nous effrayer davantage.
Papa a continué son récit aujourd’hui. Il nous a parlé de Drancy, de l’endroit où il était détenu. Papa a dit qu’il avait essayé de rester fort, de garder espoir, mais que chaque jour était un défi. Il nous a décrit le camp. C’est un immeuble en forme de « fer à cheval », ce qui permet de le fermer facilement par des barbelés et de le surveiller sans difficulté. Papa nous a dit qu’il comportait quatre étages, que le bâtiment est bâti autour d’une cour qui avait l’air de faire environ 200 mètres de long et 40 mètres de large. A chaque étage, les murs étaient inachevés car le bâtiment n’était pas encore terminé lorsqu’on a commencé à y enfermer des juifs. C’était des grandes pièces dans laquelle les détenus étaient couchés à même le sol. Papa nous a raconté que chaque nuit était plus horrible l’une que l’autre. Ils étaient entre 50 et 60 par pièce : lui, il était au bloc H, l’escalier 15 et la chambre 12. Ils n’avaient ni paillasse ni couverture pour dormir. Papa nous expliqua que le camp est voisin de cinq immenses tours, il est situé dans un quartier d’habitations qui s’appelle étrangement la « Cité de la Muette ». Il nous a raconté qu’il n’y a pas d’eau ni de toilettes et que l’odeur est insupportable. Oh Papa, mon pauvre Papa !! Il n’avait même pas de quoi manger ! Dans ce camp, il était difficile de se procurer des aliments. Papa mangeait de la soupe servie dans les chambrées avec deux pauvres morceaux de sucre. Lui qui adore manger ! Je ne sais pas comment il a fait pour survivre dans de si affreuses conditions. Mais ce n’est pas n’importe qui, mon père, il a continué à se battre jusqu’au bout ! Mais ce n’est pas tout, bien sûr, après la nourriture il faut qu’il y ait des maladies, sinon cela ne serait pas drôle. Mon père a vu des gens autour de lui mourir à petit feu, une épidémie de grippe a fait son apparition, et tu te doutes bien, cher journal, que lorsqu’on est entassé dans une petite pièce, la grippe se répand très vite. Beaucoup de ses compagnons sont morts, Papa ne sait pas combien exactement mais cette épidémie a ravagé le camp tout entier (Papa estime que le nombre de mort s’étend à plus de 3000 morts). Heureusement, le 5 novembre, il a été libéré ! Les Allemands ont décidé de libérer près d’un millier d’internés. Je me demande si les Allemands ont eu pitié de ces prisonniers, la pitié, ça ne leur ressemble pas. Papa m’a dit qu’à cause du manque d’hygiène, de la faim, ils ne ressemblaient à plus grand-chose et c’est bien ce qu’on a vu quand il est revenu à la maison.
Il a aussi parlé des gardiens, comment ils traitaient les gens sans gentillesse ni compassion. Papa a dit qu’il y avait peu de nourriture et que l’eau au robinet était froide. Mais il a aussi mentionné des moments de solidarité, des inconnus devenant des amis, partageant ce qu’ils avaient, se soutenant mutuellement dans les moments les plus sombres.
Même si ce qu’il a décrit était horrible, je crois qu’il a omis quelques « détails » importants, il a expliqué plus de choses à Maman qu’à nous, alors que je pense qu’on mérite de savoir.
Mercredi 19 novembre 1941
Cher Journal,
Il a parlé du jour de sa libération, il n’arrivait pas à croire qu’il allait enfin rentrer à la maison. Il a été libéré car les Allemands l’ont rendu malade en ne le nourrissant pas et en le traitant comme un moins que rien. Mais il a dit que même maintenant, libre, il ne se sent pas vraiment libre. Les souvenirs de Drancy le hantent et que sa santé restera encore fragile pour un moment.
Papa a essayé de nous rassurer, de dire que tout allait bien se passer maintenant qu’il était à nouveau avec nous. Mais je le vois. Il est là, mais en même temps, il est encore loin, perdu dans ses pensées et ses souvenirs douloureux.
Il nous a dit de rester unis, de nous aimer et de nous soutenir, quoi qu’il arrive. Que notre famille est notre force. J’ai vu des larmes dans les yeux de Mathilde, Albert et Jacques. Nous avons tous promis de rester soudés.
Papa a fini par dire que, malgré tout, il avait encore espoir. Espoir pour un avenir meilleur pour nous tous. Je veux croire à cet espoir aussi. Mais quand je ferme les yeux, j’entends les cauchemars de Papa, et je me demande comment un avenir meilleur est possible après tout ce qu’il a vécu.
Dimanche 7 décembre 1941
Cher journal,
Aujourd’hui nous avons joué dans tout l’immeuble avec les enfants Bandkleider, Albert et Marie-Louise, nos voisins (l’aîné s’appelle Albert comme notre Albert à nous qui a le même âge que Marie-Louise). C’était génial, on a surtout joué à cache-cache. Avec les 5 cours et cages d’escalier il y a plein de cachettes possibles et du coup le jeu est compliqué pour la personne qui cherche et c’est plus facile pour ceux qui se cachent. C’est plus drôle. J’ai été 2 fois celle qui cherchait sinon c’était Mathilde ou les Bandkleider ; Albert Bandkleider a le même âge que Maurice mais il est plus dégourdi. D’ailleurs Maurice ne voulait pas chercher, il se sentait exclu. Je le comprends, il est malade, mais bon, ça fait partie du jeu quand même ! Ce n’est pas grave puisque les autres étaient là.
On a aussi fait des chats dans les cours on pouvait passer de l’une à l’autre sans problème ; enfin on faisait un peu de bruit donc on s’est fait un peu gronder par un voisin mais rien de grave. Ce qui compte c’est que les parents ne l’apprennent pas sinon nous ne pourrons plus jouer ensemble. Ils ont peur de tout, ces temps-ci.
J’ai hâte de retourner jouer avec eux c’était vraiment un bon moment.
Vendredi 22 mai 1942
Cher journal,
Ça fait longtemps que je n’ai rien écrit !
Mon père nous a parlé ce soir de « marché noir » et « d’échanges illégaux », je compris alors que la solution trouvée par mon père pour se procurer à manger était d’échanger des objets pour de la nourriture en transgressant la loi. A mon avis, pour que mon père se propose de commettre un délit, c’est que la situation est grave. A la fin de leur discussion je suis allée voir Maman, j’avais besoin d’explications. Elle m’apprit alors que les tickets de rationnement étaient une sorte de carte d’identité alimentaire qui donne droit à des coupons (pour les rations mensuelles comme le sucre ou le café) et de tickets (pour les rations hebdomadaires ou journalières), à remettre aux commerçants en plus du paiement des produits.
Hier j’ai trouvé une petite affichette par terre en revenant de l’école, je la comprends mieux aujourd’hui… mais est-ce qu’elle concerne aussi les Juifs ?
Mais ces rations ne suffisent pas pour nous, la nourriture manque. J’observe ma carte de rationnement et je vois une lettre et un chiffre « J2 ». J’imagine que c’est une carte nominative pour les enfants. J’ai peur. Aura-t-on assez à manger jusqu’à la fin de la guerre ? Et si la guerre ne se finissait jamais ? J’ai peur, cher journal, et je ne sais pas comment aider ma famille au mieux. Le rationnement en premier et après quoi ? J’ai peur, non, effrayée de tout ça.
Lundi 8 juin 1942
Cher Journal,
Aujourd’hui j’ai dû sortir avec cette étoile jaune cousue sur mon manteau. On m’a tellement regardé que je ne pensais pas que c’était possible… Rien que dans la rue. Les passants changent de trottoir, les enfants me dévisagent. Il y en a même qui m’ont pointé du doigt, j’pensais que j’avais quelque chose sur mon visage mais non, c’est juste cette étoile. Mon dieu que c’était dur…
Même à l’école je suis différente. Certaines ne me causent plus. Heureusement que mes amies ne changent pas de comportement. Pour Mathilde c’était pareil, y’en a qui lui parlent plus, on verra bien ce qui se passe pour Maurice, les garçons sont peut-être différents, j’espère qu’ils ne vont pas moquer de lui… Mais pour le moment il reste à la maison avec sa maladie, il a encore fait des crises, j’espère qu’il va bientôt aller mieux.
Je ne pensais pas qu’une religion pouvait faire changer autant de personnes. Je ne suis tout de même pas un monstre ? Alors pourquoi est-ce qu’on me regarde comme ça ? Et on va faire comment, nous, pour aller jouer ?
Même à la boulangerie on a fait une différence ! J’ai l’impression qu’elle m’a donné le pain le plus vieux qu’elle puisse trouver. J’ai entendu dire qu’il y aurait des interdictions… Le pire c’est hier soir, quand j’ai cousu mon étoile j’avais trouvé ça joli, ça mettait une petite touche de couleur. Ah, ce que j’étais naïve !
Jeudi 11 juin 1942
Cher journal
Aujourd’hui, Maman était épuisée, donc elle nous a proposé à Maurice et moi d’aller au cinéma. J’étais très heureuse, car en ce moment nous ne sortons pas beaucoup. Nous y sommes allés l’après-midi, en espérant trouver un bon film. Le cinéma était assez loin de la maison, au 82 boulevard Voltaire, le cinéma Saint-Ambroise, mais nous y sommes allés à pied pour faire une petite promenade. Lorsque nous sommes arrivés et que nous avons fait la queue pour prendre les billets, les messieurs qui y travaillaient étaient très gentils mais ont refusé de nous donner les tickets au moment où ils ont vu nos étoiles jaunes, cousues sur nos gilets. Ils nous ont alors demandé de sortir du cinéma, car ce n’était pas pour nous. J’ai vite compris que le « nous » signifiait vous, les Juifs. Je n’ai pas vraiment compris ce qui se passait et Maurice non plus ; et pour le rassurer je lui ai dit que ce n’était pas grave et que ça allait leur passer. Je me suis alors souvenue d’une discussion que j’avais entendue entre Maman et Papa. Ils disaient qu’ils pensaient que le gouvernement allait commencer à nous interdire beaucoup de choses, comme le cinéma j’imagine. Nous sommes rentrés et j’en ai parlé aux parents : ils ont confirmé mes pensées en me disant que lorsque l’on était partis pour le cinéma, des voisins les avaient prévenus que des mesures avaient été prises. Les Juifs n’avaient pas le droit d’aller au cinéma, d’aller dans les jardins et les parcs publics, d’utiliser le métro ou même d’utiliser les téléphones. Quand je m’en suis rendue compte, j’ai commencé à pleurer. C’était déjà assez compliqué de supporter le regard des gens dans la rue, alors si on ne pouvait même plus aller au cinéma ! Que ça allait me manquer… J’aurai bien aimé arracher cette étoile qui me collait à la peau, qui était comme un handicap ; elle semblait me définir.
Lundi 15 juin 1942
Cher Journal,
Aujourd’hui, j’ai pris le métro pour la première fois en portant l’étoile jaune. Maman m’a dit de rester près d’elle et de ne pas prêter attention aux regards des gens. Elle m’a expliqué que c’était maintenant obligatoire, mais que ça ne devait pas nous empêcher de vivre notre vie.
Quand nous sommes entrées dans la station, j’ai senti les regards se poser sur moi immédiatement. Les gens nous évitaient, se déplaçant dans le wagon pour ne pas être trop près. Une vieille dame m’a regardée avec tristesse, puis a détourné les yeux rapidement. Maman a serré ma main plus fort, et j’ai essayé de me concentrer sur son visage.
Les minutes dans le métro ont semblé durer une éternité. Je voulais juste que ce soit fini, sortir de là et rentrer à la maison. Quand nous sommes finalement descendues, j’ai poussé un soupir de soulagement, mais une partie de moi restait triste et en colère. Pourquoi doivent-ils nous traiter ainsi ? Pourquoi cette étoile fait-elle de nous des étrangers dans notre propre ville ?
Lundi 13 juillet 1942
Cher Journal,
Les adultes parlent à voix basse ces jours-ci. Ils échangent des nouvelles et des rumeurs sur ce qui se passe ailleurs en Europe. J’ai entendu dire que des familles entières comme la nôtre sont emmenées. Je me demande ce que nous devrions faire. Mathilde essaye de me rassurer en disant que tout ira bien, mais je la vois parfois pleurer en secret. Cela me fait très peur.
Vendredi 17 juillet 1942
Cher journal,
Nous avons eu très peur hier, la police est venue dans l’immeuble, il y avait des cris, des coups aux portes, des gens qui montaient et descendaient les escaliers. Papa et Maman nous ont dit de rester silencieux silencieux. Nous étions tous serrés les uns contre les autres et nous n’avons pas ouvert la porte.
Ce matin, la concierge nous a dit qu’ils avaient arrêtés toute la famille de nos amis, les Bandkleider, que la police les a fait monter dans un bus. Un policier lui a dit qu’on emmenait les Juifs au Vel d’hiv — je me demande ce que nous allons devenir, j’ai si peur ce soir.
Vendredi 2 octobre 1942
Cher journal,
Aujourd’hui, rentrée des classes. Quand Maman nous a réveillés ce matin, elle semblait préoccupée, certainement inquiète pour Maurice. Pauvre Maurice, qui passe enfin en CE1 après avoir redoublé son cours préparatoire et qui sera le plus grand de sa classe. J’espère que cette année ses crises ne vont pas l’empêcher d’aller à l’école comme les années précédentes.
A l’école, certains élèves ne sont pas revenus cette rentrée, je pense qu’ils ont été raflés comme Albert et Marie-Louise, nos voisins. On raconte qu’ils ont été emmenés à Drancy, là où Papa a été gardé prisonnier l’an passé.
5 décembre 1942
Cher journal,
Aujourd’hui Papa est allé à l’école pour expliquer au directeur que Maurice est encore une fois malade. Il était assez inquiet car ce n’est pas la première fois que Maurice est malade cette année. Je pense que ce que Papa redoute le plus, c’est que son fils redouble encore une fois ! Il a déjà fait deux fois son CP et là il est en CE1. J’espère qu’il va vite s’en remettre pour ne pas redoubler une seconde fois.
Mercredi 15 Janvier 1943
Aujourd’hui j’ai demandé à Maman de me raconter l’histoire du grand incendie de Salonique, où elle habitait quand elle était enfant.
Elle m’a raconté que quand elle avait 14 ans, un grand incendie a ravagé sa ville, malgré toutes les prières qu’elle et sa famille faisaient chaque année, le jour de Yom Kippour. Elle m’a expliqué que tous les Juifs de Salonique priaient pour éviter cette catastrophe, car les Saloniquistes étaient conscients du danger, la ville étant majoritairement bâtie en bois. Malheureusement, ça n’a pas suffi. Quand Maman a évoqué ses souvenirs, elle avait les larmes aux yeux, et je la comprends : pour elle c’est très dur de se rappeler cette époque ; je sais que ses voisins (dont une fille de son âge de qui elle était très proche) n’ont pas pu se mettre en sécurité à temps. Elle m’a aussi confié qu’elle a eu très peur, lors de cet incendie, et qu’elle continue d’en faire des cauchemars (je crois qu’elle craint que ça ne se reproduise, et que la simple idée de perdre à nouveau des êtres qui lui sont chers la met dans un de ces états que je ne lui connais pas). Pour finir, elle m’a aussi montré des photos et un journal relatant les faits, que j’ai collés ci-dessous :
Lundi 25 janvier 1943
Cher journal,
Quand vient le moment du coucher, Maman me raconte une histoire. Hier soir elle m’a évoqué l’un de ses souvenirs d’enfance, lorsqu’elle habitait encore en Turquie : c’était une belle journée de printemps, elle accompagnait son père au bureau de tabac qui se trouvait place de la Liberté.
Tous les passants marchaient vite, il y avait de la queue devant chaque magasin, particulièrement devant le bureau de tabac où les hommes tous très élégants échangeaient sur divers sujets que Maman n’était pas en âge de comprendre. Maman s’intéressait surtout à toutes ces dames qui passaient devant elle. Certaines se baladaient dans les rues en profitant de l’euphorie de la ville, d’autre s’avançaient dans la grande rue d’un pas déterminé. Elle se souvenait de deux femmes qui semblaient heureuses d’être ensemble vu le sourire qui se dessinait sur leur visage mais ce qui avait marqué Maman était leurs tenues très opposées. L’une était habillée à l’européenne et l’autre était habillée de façon traditionnelle. Puis Maman les a perdues de vue tandis qu’elle se dirigeait vers la grande rue où était suspendue la banderole du journal « le Sabri Pacha » et à droite le portrait de Namik Kemal, un grand poète et journaliste.
Aujourd’hui j’ai retrouvé une boîte poussiéreuse lorsque j’ai ouvert la commode : plein de cartes postales et de photos découpées dans des journaux, tout ce qui rappelle Salonique à Maman. Il y a même le bureau de tabac de son histoire, je pense. Ce que je trouve drôle, c’est qu’on est en Grèce mais que les magasins ont des enseignes en français !
Papa me dit que Salonique ressemble beaucoup à Constantinople où il a grandi, il faudrait que je cherche dans la bibliothèque de l’école s’il y a un livre à ce sujet. Il a farfouillé dans la boite parmi les images et il m’a sorti celle-ci : elle a été prise tout près de l’endroit où il habitait, c’est une boulangerie.
Le boulanger pose devant sa vitrine avec plein de gros pains. Il y a des écritures dans toutes les langues de la ville, en turc et en grec, en arménien, et bien sûr en ladino (ce sont les caractères hébraïques) puisque c’était dans son quartier.
Vendredi 5 février 1943
Cher journal,
Dans cette fameuse boite, j’ai découvert des photographies qui sont des souvenirs pour ma mère. Sur l’une, on voyait une dame. Je suis allée voir Maman pour lui faire part de ma trouvaille. Je lui ai demandé qui était cette personne et elle m’a répondu que c’était une femme qui ressemblait beaucoup à sa mère, ma grand-mère. Elle m’a aussi expliqué les différents habits que les femmes portaient là où elle habitait avant.
Celles-ci arboraient généralement de larges pantalons, avec des robes qu’on appelait « entari », ouvertes à l’avant, à longues manches fendues, plus longues que le bras. Les robes étaient souvent fermées par des ceintures. Parfois, les femmes portaient par-dessus leurs tenues des manteaux brodés de fourrures et un couvre-chef appelé coiffe à mentonnière. En plus de ces robes, les jours de fête, ma grand-mère revêtait un haut en dentelle ou brodé. J’ai trouvé tous ces tissus très beaux mais Maman m’a dit qu’elle avait laissé cette tradition à Salonique car il fallait s’habituer à la culture occidentale pour mieux s’y intégrer. J’ai trouvé cela dommage car je suis sûre que ça m’irait parfaitement.
Samedi 6 février 1943
Cher journal,
Ce matin, suite à la discussion d’hier, j’ai demandé à Maman si son père et les autres hommes qui vivaient dans son pays s’habillaient de la même façon que Papa ou Maurice. Elle m’a dit de m’asseoir sur le canapé et qu’elle allait chercher quelque chose. Lorsqu’elle revînt, elle avait une autre boîte remplie de photos à la main. Elle m’en a donné quelques-unes qui sont ci-dessous. Elle m’a expliqué que là-bas les hommes (et les femmes) avaient tout le temps la tête couverte à l’aide soit d’un turban soit d’un fez comme les hommes qui sont au centre de la deuxième photo.
Ci-dessus à droite, photo d’Ali Eniss, Enfants en promenade le long des remparts.
Les photos à gauche et à droite proviennent de l’exposition Salonique, Jérusalem des Balkans au MahJ, la photo du milieu vient de commons.wikimedia.org
Lundi 1er Mars 1943
Bonjour journal !
Je suis toute contente ! Aujourd’hui j’ai travaillé dur en classe et j’ai beaucoup participé quand la maîtresse posait des questions. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je suis sortie de l’école j’ai vu ma mère qui m’attendait devant la porte ! C’est très inhabituel, normalement Maman ne vient jamais me raccompagner à la fin des cours, mais je pense qu’elle a peur qu’il m’arrive quelque chose depuis que les juifs sont discriminés. J’ai couru l’embrasser, j’étais si heureuse qu’elle vienne me chercher !
La maîtresse a dû voir notre étreinte de loin et s’est approchée de nous. Elle m’a tout d’abord félicitée pour mes progrès et a expliqué à ma mère que j’étais une très bonne élève, que j’étais intelligente et sage. La maîtresse a ajouté qu’elle était fière de moi et de mes efforts produits en classe. C’était la première fois pour moi que la maîtresse me félicitait de mon travail et qu’il fallait que je participe plus comme ce que j’ai fait aujourd’hui.
Ma mère m’a regardée et une bouffée de fierté a envahi son visage, elle n’a retenu que les points positifs du discours de la maîtresse. Ouf.
Sur le chemin du retour ma mère m’a offert un paquet de confiseries, ce qui n’arrive jamais. Je crois que je lui avais redonné le sourire malgré les évènements actuels. J’ai remercié intérieurement ma maîtresse de ces louanges même si je crois qu’elle est venue nous voir par simple pitié, à cause de nos étoiles jaunes.
Jeudi 15 avril 1943
Cher journal,
En rangeant avec Maman, nous avons retrouvé cette photo. Elle n’en est pas sûre mais, moi, je pense que c’est sûrement Maman parce que à son époque les petites filles travaillaient à Salonique, avant qu’elle arrive en France. La famille de Maman n’était pas bien riche donc je pense qu’elle travaillait dans l’usine qu’on voit derrière elle sur la photo. Elle ne savait ni lire ni écrire en arrivant en France, elle n’a pas eu ma chance. Même si bon, l’école, c’est un peu énervant, elle n’aurait pas pu écrire un journal comme je le fais. Et moi, travailler si petite, je trouve ça effrayant…
Vendredi 16 avril 1943
Cher journal,
Aujourd’hui mon petit frère Maurice a eu dix ans. Je me rappelle quand il est né, j’étais petite pourtant, même pas quatre ans. Nous sommes allés chercher Maman et le bébé avec Papa et la petite Mathilde, à la maternité de l’hôpital Tenon. Dix ans et il est si fragile encore…
Samedi 29 mai 1943
C’est mon anniversaire, quatorze ans, me voilà bien grande aujourd’hui, mais bon, c’est la guerre, pas de cadeau pour moi cette année. Sais-tu, cher journal, que j’ai demandé à Maman pourquoi on ne fêtait jamais son anniversaire à elle. D’abord elle m’a dit qu’on ne fêtait plus l’anniversaire des grandes personnes, que ça ne se faisait pas d’annoncer son âge (bon, elle a tout de même quarante ans, elle me l’a dit) et finalement, elle m’a expliqué qu’elle ne connaissait pas sa date de naissance, juste l’année : 1903. Pauvre Maman, son enfance a dû être terrible !
Mercredi 30 juin 1943
Cher journal,
J’ai reçu mon bulletin du 3ème trimestre et je passe en 2ème année de « cours complémentaire commercial ».
J’ai aussi vu les appréciations dans mon bulletin, elles ne sont pas super. Ma professeure a dit que j’étais « molle au travail ». Franchement cette année j’ai fait des efforts ! Ma prof n’est pas très gentille avec nous de toute façon ou du moins elle ne met pas des appréciations très positives ! Avec mes amies aussi elle n’a pas été très gentille, elle a dit à certaines qu’elles avaient une « intelligence médiocre » ou même « le physique médiocre » !
En tout cas, Maman est très contente de moi et de mon passage en « cours complémentaire commercial », et puis la professeure a quand même écrit que j’étais intelligente (c’est dans mon bulletin) !
Lundi 23 août 1943
Ça fait 3 jours que l’on se nourrit uniquement de pain et d’eau. La faim se fait sentir par le bruit constant de nos ventres. Papa est abattu depuis l’aryanisation de son commerce ; et je l’entends pleurer dans sa chambre. Maman sort de temps en temps quémander du pain à la boulangerie. Ce qu’elle obtient est bien misérable, comme nous finalement. Toute la maison est dans un triste état.
Pour passer le temps, je rêve. Sans ça, l’atmosphère sinistre ne serait plus tenable. Je rêve de vies mélancoliques comme les nôtres. Je me vois en Gavroche, ma famille n’a pas de personnage dans cette fiction maussade.
Hier, j’ai entendu Maman dire à Papa que nous n’avions plus d’autre choix que de redemander de l’aide à « l’UGIF »*. Ce n’est pas la première fois et je crois qu’elle a déjà déposé plusieurs dossiers. Elle a fait une demande de pension pour Maurice, et pour moi, afin que je veille sur lui.
* Il me semble qu’UGIF ça veut dire : Union Générale des Israélites de France. Papa m’a dit que ce sont des gens qui aident les autres Juifs, car ils savent dans quelle misère nous vivons.
Mardi 24 août 1943
Je ne sais plus quel jour c’était, j’écris seulement aujourd’hui, cher journal… mais nous sommes admis, Maurice et moi, dans un foyer de l’UGIF. Le dossier qu’a déposé Maman a porté ses fruits : nous avons été admis dans ce nouvel institut.
Nous sommes désormais pensionnaires dans cet endroit mais je ne sais pas si nous serons scolarisés à l’École Lucien de Hirsch ou si nous continuerons à aller à notre école habituelle — enfin, l’habituelle pour Maurice, pour moi, c’est une nouvelle école que je devrais découvrir le 1er octobre, rue de Ménilmontant. Est-ce que je pourrai y aller ?
C’est là où je vais à l’école maintenant !
Vendredi 1 octobre 1943
Cher journal,
Pour moi, la rentrée, ça devrait être le début d’une nouvelle année scolaire au cours commercial à Ménilmontant, mais est-ce que je vais pouvoir suivre cette année jusqu’au bout ? Tellement de gens sont arrêtés et disparaissent…
Dimanche 17 octobre 1943
Cher journal,
La semaine passée, j’ai été convoquée dans une petite salle où m’ont examinée tour à tour une infirmière, un médecin, et un dentiste. Ils m’ont dit que j’allais bien, mais qu’il serait bon que je me nourrisse plus. Je leur ai dit qu’on n’en avait pas les moyens.
Il y a avec nous des enfants qui viennent d’un autre institut (l’institut Lamarck je crois) mais qui sont maintenant avec nous. Hier, l’un d’entre eux est tombé et s’est fait mal au genou. A la demande de la direction de son ancien centre, il est allé à l’hôpital. On lui a fait une « radiographie » et elle a révélé que ce n’était qu’une contusion (une sorte de bleu dans le genou je crois).
Par rapport aux repas : à la cantine, les fruits et les légumes verts ne manquent pas, mais nous avons très peu de pâtes et de légumes secs. On avait l’habitude les premières semaines de nous servir de la petite bière mais elle tournait souvent les jours d’orage. En général on nous donne des légumes verts, et des pâtes mélangées à de la soupe, ou bien des légumes secs. On a parfois de la confiture ou de la compote comme dessert. Cela nous fait très plaisir quand c’est le cas !
On parle de la création d’une classe de 6e, qui fonctionnera à partir de ce 18 octobre. Les enfants qui ont eu le DEPP auront le droit d’y aller, et les autres prépareront le CEP, qu’on ne peut avoir qu’à 14 ans. J’aurai cet âge en mai. Il parait qu’il aurait dû y avoir latin et anglais dans cette classe, mais un professeur d’anglais manque. Mademoiselle Françoise Meyer serait volontaire pour faire classe de latin, et une autre institutrice de l’école serait d’accord pour prendre en charge le reste des disciplines. Je serais si contente de pouvoir suivre ces cours…
Nous sommes tous profondément étonnés et tristes de ce qui se passe ces derniers temps à l’école : une employée de la cuisine, madame Sémo, qui est d’habitude très gentille et très aimable, a un comportement vraiment étrange en ce moment. Elle semble dans un état tout à fait normal, mais tout à coup, si on lui fait une remarque, même justifiée, elle pique une crise de colère terrible. J’ai entendu quelqu’un dire que c’est de l’hystérie, de la démence. L’autre jour, alors qu’elle lavait des épinards, madame Blotch lui fit remarquer que des feuilles en parfait état traînaient par terre, inutilisées. La cuisinière est entrée alors dans une colère folle, elle s’arrachait les cheveux en poussant des cris terrifiants. Pareilles scènes s’étaient apparemment déjà produites. Ce spectacle n’a rien de réjouissant, ni pour nous, les pensionnaires, ni pour l’entourage de cette pauvre dame.
Ces derniers temps, certains élèves se sont plaints de petits vols d’argent. On a rapporté qu’un élève, mais je ne sais pas qui, avait été vu ramassant une liasse de billets de 5 francs. Le proviseur a procédé à une enquête. Je crois qu’il a convoqué les parents de l’élève et l’a menacé d’exclusion à la prochaine remarque.
Lundi 18 octobre 1943 :
Hier, un enfant de Lamarck a constaté la disparition de 65 francs qui étaient dans son portefeuille. Le vol aurait eu lieu alors qu’il jouait dans la cour avec des camarades. Le proviseur nous a tous fait rentrer dans le préau, et a fait une fouille minutieuse générale. Maurice était très impressionné. Aucun résultat, mais, quelques minutes après, le plombier de l’UGIF a retrouvé l’argent dans les cabinets qu’il était en train de réparer. Je n’aime vraiment pas cette ambiance.
Vendredi 11 janvier 1944 :
Cher journal,
Il y a beaucoup d’activités organisées à l’UGIF : le mardi et le jeudi, nous sommes accompagnés de moniteurs chargés « d’activités dirigées ». Nous sommes répartis en plusieurs groupes, certains lisent une heure ou deux à la bibliothèque, d’autres font du sport dans la salle de gymnastique, et d’autres encore s’amusent dans la cour lorsqu’il fait beau, ou dans les préaux lorsqu’il pleut. A quatre heures, il nous est servi à tous un goûter composé d’une boisson aromatisée et de gâteaux protéinés.
Aujourd’hui, pour la première fois, nous sommes allés au stade Lamblardie. Nous sommes tous revenus enchantés mais bien fatigués. Nous avions très faim au repas, et applaudissions à chaque plat, on entendait des exclamations comme « Oh, ça c’est bon ! » dans la salle. Mais il faut dire que nous manquons toujours de légumes secs et de pâtes.
Faits divers : Madame Gaignon, la cuisinière, est malade. La direction était contente car nous avons aujourd’hui reçu 500 kilos de charbon alors que nous commencions à en manquer sérieusement. Tant mieux, il faisait vraiment froid ces derniers jours.
Vendredi 4 février 1944
Cher journal,
Aujourd’hui, nous avons fait du sport ! Dans la formation des équipes sportives, l’école a éliminé (à titre provisoire) les plus jeunes enfants : ils n’auraient peut-être pas supporté 4 voyages en métro. Nous étions donc 75 élèves et nous avons été divisés en deux équipes mixtes à peu près homogènes : l’équipe A dont je fais partie, et l’équipe B, dont Maurice fait partie. Dans l’équipe A, nous sommes âgés de 11 à 14 ans, et appartenons aux classes du CEP et de la 6e secondaire. Nous devrons nous rendre au stade le matin vers 9 heures et repartirons vers 11 heures, pour être présents à l’heure du déjeuner, vers 11 heures 45.
Dans l’équipe B, composée de 40 élèves environ, ils sont âgés de 9 à 11 ans, appartiennent aux classes du DEPP et du cours élémentaire. Leur équipe se rendra au stade à 14 heures et en repartira vers 16 heures.
A propos du sport, on nous a annoncé que chaque élève sera pourvu d’une fiche sportive où seront indiqués son nom, son âge, son poids, ses performances, et s’il y a des exercices qui lui sont interdits. Ce sera probablement le cas de Maurice, à cause de ses crises. Je pense qu’il va surtout regarder les autres pratiquer.
Je suis contente lorsque la fin de semaine arrive, car le vendredi, grâce à l’éducation physique, nos portions alimentaires sont augmentées : nous avons un plat de légumes secs, une salade de betterave et de pommes de terre, une soupe épaisse, un plat de poisson ou d’œufs, et un dessert composé de fromage blanc sucré ou de confiture ! Nous emportons au stade notre ration quotidienne de gâteaux vitaminés, et 2 morceaux de sucre ! De temps en temps, monsieur Leibovici, notre principal, passe nous voir au stade donc il faut bien se tenir.
Samedi 4 mars 1944
Cher journal,
Quelques nouvelles de ce que nous vivons, Maurice et moi. On m’a dit qu’il y a en moyenne 80 élèves dans le centre en journée. Nous avons bien de la chance, le personnel médical, domestique et enseignant est au complet.
Monsieur Armand Kohn avait visité l’école précisément la semaine où elle n’était pas chauffée par manque de charbon et que toute l’école souffrait du froid. Aujourd’hui, après son intervention, le chauffage fonctionne. L’une des maîtresses nous a dit que toutes les demandes de produits alimentaires de l’école avaient été satisfaites ou presque. Nous recevons tous des repas consistants — enfin, autant que possible. Quelques enfants de Lamarck ont manqué les cours ces jours-ci, je ne sais pas ce qui se passe, il parait qu’ils sont malades.
Lundi 15 mai 1944 :
Cher journal,
Cela fait bien longtemps que je n’ai rien écrit… Depuis quelques jours, la station de métro qui est près de chez nous a fermé. Celle qui s’appelle Buzenval. Je me demande ce que ça présage… De toute façon, nous, les Juifs, nous n’avons plus vraiment le droit de prendre le métro, alors ça ne change rien pour moi.
Lundi 29 mai 1944
Cher journal,
Aujourd’hui, j’ai eu quinze ans. Drôle de moment pour mon anniversaire, vraiment rien à fêter.
Jeudi 15 juin 1944
Cher Journal,
Après quelques semaines compliquées, je peux te dire mon cher journal que tout va mieux au centre : tous les profs sont là, il y a du personnel pour le réfectoire, pareil à l’infirmerie, il faut dire que nous sommes 86 enfants dans les murs de l’école. La distribution des biscuits vitaminés avait été interrompue pendant quelques semaines mais elle a repris maintenant. En raison des circonstances nous n’allons plus au stade et nous faisons la gymnastique sur place.
Les alertes jour et nuit nous fatiguent beaucoup, personne ne dort vraiment ! Du coup, les professeurs s’efforcent d’alléger nos travaux scolaires proprement dits et heureusement, je n’en peux plus, je suis incapable de rien retenir.
Depuis quelque temps, les serrures des armoires de l’école sont souvent forcées. Des livres et des fournitures sont volés. Hier, au cours d’une investigation, deux garçons ont fait des aveux et ils ont rendu une partie de leur butin. Fait étrange : ce ne sont pas les garçons les plus âgés de l’établissement. Le directeur a dit que cela ne lui importait pas et que les coupables seraient punis comme ils le méritent. Je me demande ce qu’ils voulaient faire de ce qu’ils avaient pris — le vendre ?
Mercredi 30 juin 1944
Cher journal,
Aujourd’hui Mathilde et Maurice ont reçu leur bulletin. Mathilde est admise au « cours complémentaire commercial » ! Sa maîtresse a dit qu’elle était une élève moyenne mais qu’elle avait du caractère donc ça c’est bien ! Elle m’a l’air contente de son bulletin.
Et en plus elle viendra en cours avec moi rue de Ménilmontant.
Maurice est admis en CE2, enfin ! J’ai cru qu’il n’y arriverait jamais tellement il a passé du temps en CP et CE1. Sa professeure a dit dans son appréciation qu’il était rarement là mais c’est parce qu’il a une maladie. De toute façon, ce qui compte, c’est qu’il sera en CE2 à la rentrée.
Je suis super contente pour eux !
Jeudi 1er juillet 1944
Cher journal,
Les classes ont été mises en vacances à la date du 1er Juillet. Les élèves de l’école sont partis pour la plupart mais nous, les enfants aidés par l’UGIF, nous restons nombreux ici. Beaucoup d’entre nous sont orphelins et n’ont nulle part où aller, et puis Maurice et moi, nous sommes mieux ici qu’à la maison.
Afin de nous occuper, on nous a délégué une dizaine de moniteurs qui assurent les activités dirigées à l’école, 3 fois par semaine, l’après-midi. EN plus, le professeur de gymnastique vient une fois par semaine pour entretenir notre « souplesse musculaire » comme dit le directeur. On m’a aussi dit que le professeur d’hébreu avait organisé un cours spécial pour ceux qui doivent célébrer prochainement leur bar mitzvah, peut-être que l’an prochain Maurice pourra y aller.
Vendredi 7 juillet 1944
Cher journal,
Papa n’est pas rentré à la maison ce soir, je suis très inquiète. Il est parti sans un mot pour dire où il allait et ça fait des heures qu’il n’est pas revenu et nous ne savons pas où le chercher. Que lui est-il arrivé ? Ça ne lui ressemble vraiment pas…
Samedi 8 juillet 1944
On nous a dit qu’il avait été arrêté dans un café rue Popincourt (peut-être un contrôle d’identité) par une milice allemande et la police française. Pas d’autre nouvelle. Il est sans doute à Drancy mais qui sait… Cher journal, Maman préfère que Maurice et moi nous restions dormir à Secrétan, mais est-ce que nous sommes vraiment plus en sécurité là-bas ?
Jeudi 20 juillet 1944
Au foyer de l’UGIF cette nuit d’été, il fait très chaud dans le dortoir, je n’arrive pas à m’endormir. Mes parents me manquent mais je me suis rappelée que la plupart de mes camarades ne savent pas où sont leurs parents ni s’ils sont encore en vie alors, au moins je suis là avec mon frère, je sais que Maman est à la maison avec Mathilde et les petits, mais Papa, où est-il ?
Je trouve ces lits de plus en plus inconfortables.
Samedi 22 juillet 1944
Ce matin, vers 2 heures, on nous a arraché du lit en nous bousculant et la Gestapo nous a emmenés sans qu’on ait le temps de s’habiller. On était tous en chemise de nuit ou en pyjama. Ils nous emmenèrent avant le lever du jour. J’ai cherché Maurice et dès qu’il m’a vue, il a couru à ma rencontre. On s’est pris la main pour rester ensemble. On nous a fait monter dans des autobus.
On était tous serrés, nous nous sommes assis lorsqu’il y a eu un incident terrible : on a vu un jeune garçon courir vers notre camion et essayer d’y monter, c’est un garçon qui habite dans l’immeuble en face de l’école, avenue Secrétan ; je pense qu’il ne savait pas où nous allions. Il semblait assez pauvre et, à ce qu’il disait, on dirait qu’il avait cru que nous allions à la campagne en excursion et il voulait juste venir avec nous. Le pauvre, il croyait qu’on partait en pique-nique !
Le soldat allemand qui nous faisait monter dans le camion l’a vu, il a défait brutalement la ficelle qui tenait sa culotte courte, qui est tombée, il lui enleva tous ses habits et le jeta violemment en dehors du camion dans lequel nous étions. Je pense que le soldat voulait vérifier s’il était juif en regardant s’il était circoncis, ce qu’il n’était pas.
On est arrivé dans ce camp qui se situe à Drancy. On dirait une prison : il y a des grilles et on est surveillés par des Allemands, je crois que ce sont les SS. Malgré ce que nous avait raconté Papa lors de son retour, j’ai été très surprise par ce lieu, je ne m’attendais pas à ce qu’il soit si terrifiant. Les bâtiments sont sombres et inquiétants. Maurice était très tourmenté alors que j’essayais de le rassurer mais j’étais aussi apeurée. Papa et Maman me manquent, je me demande dans combien de temps je vais les revoir.
De ce que j’entends autour de moi, six centres UGIF situés à Paris et en région parisienne ont été raflés en plus du nôtre : il y a des enfants de Vauquelin, de Saint-Mandé, de Louveciennes en plus de nous, je crois. Avec nous, les 78 ou 80 enfants, il y a une vingtaine d’adultes du centre Secrétan.
J’ai découvert qu’on nous avait attribué des numéros, à Maurice et moi. Comme à tout le monde ici. Le mien est 22441 et le sien est 22442. Nous sommes réunis dans une pièce sombre avec d’autres enfants, collés les uns aux autres ; heureusement qu’ils n’ont pas vu mon journal et que j’ai pu te garder, cela m’aide à me distraire. Nous sommes à l’escalier 6, chambre 3. Ici, c’est comme ce que Papa avait raconté, mais en pire. Il n’y a même pas de toilettes et nous entendons des cris et des pleurs toute la journée. Je suis très inquiète mais j’ai espoir que Papa soit ici lui aussi, puisqu’il a été arrêté il y a environ deux semaines. Les parents me manquent tellement. J’aimerai éclater en sanglots mais je ne veux pas alerter Maurice, déjà tout prêt à pleurer. Je crois que je vais cacher mon cahier, j’ai si peur qu’on me le prenne.
Mardi 25 juillet 1944
Cher Journal,
Je n’ai pas pu écrire tous ces jours car je n’ai pas osé sortir mon journal de sa cachette. J’ai une grande nouvelle pour toi. Papa nous a rejoint ! Il était pendant plus d’une semaine à l’escalier 19, chambre 4, puis a été transféré à l’escalier 2 chambre 4 pour que l’on soit finalement réunis tous les trois à l’escalier 4 chambre 2. Je suis si heureuse de l’avoir finalement retrouvé, même s’il est en piteux état. Maurice ne quitte plus ses bras. Je me sens rassurée mais j’ai peur de ce qu’il va nous arriver, des gens partent tous les jours mais je ne pense pas qu’ils rentrent chez eux. Je n’ose pas demander à Papa mais la question me pèse sur les épaules. Va-t-on revoir Maman ? Et Mathilde, et Jacques, et Albert ? Ils me manquent… Maman me manque tellement, Papa a dit qu’il ne fallait pas s’inquiéter et que tout allait bien se passer mais cet endroit est terrifiant et je crains que les conditions de vie soit aussi terrible que dans l’histoire qu’il nous avait raconté il y a trois ans…
Mercredi 26 juillet 1944
J’ai froid, j’ai chaud, j’ai faim et je suis si fatiguée, nous dormons sur des châlits de bois. Je me demande comment Papa a tenu ici deux semaines. J’ai envie de me débarrasser de toute cette crasse mais ce n’est pas possible, tout mon corps me démange, je suis sûre qu’il a des punaises ou des poux. Si seulement on pouvait être libérés… Ou au moins recevoir un colis, un petit mot de Maman… Que ma vie d’avant me manque… Je dois y aller, on m’appelle et je ne veux pas que quelqu’un m’arrache à mon cahier.
30 juillet 1944
Demain, départ vers l’inconnu
Et après le « Journal » ?
Esther, Maurice et Menahem Pinto ont été déporté le 31 juillet 1944 par le convoi 77, qui fut un des derniers. Selon leur acte de décès, tous les trois furent gazés après leur arrivée à Auschwitz le 3 août 1944.
Cependant, un doute subsiste pour Esther : peut-être n’est-elle décédée que le 15 mai 1945 à Parchim près de Hambourg, selon le témoignage de l’abbé Carlotti. Elle a pu échapper aux chambres à gaz en raison de son âge qui pouvait lui permettre de travailler dans le camp.
Cette hypothèse n’est pas improbable, mais aucune archive n’en atteste avec certitude : pour l’état civil, Menahem, Esther et Maurice Pinto sont déclarés morts à la date du départ de leur train pour Auschwitz le 31 juillet 44, nous n’avons malheureusement pas plus de détails temporels que ceux- là.
Un élément qui nous a beaucoup troublées lors de notre visite aux Archives départementales de Paris, a été de trouver notés les trois noms de Menahem, Maurice et Esther dans le recensement de 1946, comme s’ils étaient encore présents. Sans doute que la famille espérait encore le retour des trois déportés. Peut-être aussi que Grassia craignait de perdre le logement familial, qui sait ? Seule nuance par rapport aux recensements d’avant-guerre, le nom de Menahem est placé à la fin tandis que Grassia figure premier, donc en tant que « chef de famille ». Et les noms des enfants sont inscrits dans le désordre, Mathilde figure juste après sa mère, qu’elle seconde sans doute au quotidien.
Grassia a monté trois dossiers de Demande d’attribution du titre de déporté pour Menahem, Esther et Maurice en 1953. La mention « morts pour la France » a été ajoutée à leur acte de décès. On voit dans ce dossier la difficulté de prouver qu’une partie de la famille n’est plus en vie puisqu’il faut que la concierge de leur immeuble rédige un certificat de domicile pour chaque membre de la famille (un pour Menahem et un, ci-dessous, pour Esther et Maurice).
Grassia est décédée en 1979. À cette époque, elle vivait toujours au 48bis rue des Haies dans le XXe arrondissement de Paris.
Les sources :
- Le dossier de Menahem Pinto au DAVCC : DAVCC 21 P 526 044
- Le dossier de Esther Pinto au DAVCC : DAVCC 21 P 526 039
- Le dossier de Maurice Pinto au DAVCC : DAVCC 21 P 526 043
Les documents suivants conservés aux archives du Mémorial de la Shoah à Paris :
Concernant Esther, les documents suivants :
- Fiche d’internement dans le camp de Drancy : FRAN107_F_9_5746_268310_L ; FRAN107_F_9_5746_268311_L
- Cahier de mutation dans le camp de Drancy : FRAN107_F_9_5788_0040_L
Concernant Maurice, les documents suivants :
- Les fiches d’internement dans le camp de Drancy : FRAN107_F_9_5746_268312_L ; FRAN107_F_9_5746_268313_L ; FRAN107_F_9_5746_268314_L ; FRAN107_F_9_5746_268315_L
- Cahier de mutation dans le camp de Drancy:
- FRAN107_F_9_5788_0040_L
Concernant Menahem Pinto, les documents suivants sont disponibles :
- Fiche de recensement de 1940 : FRAN107_F_9_5657_066342_L
- Fiche du recensement de 1941 : FRAN107_F_9_5622_020683_L
Nous avons également eu accès à son dossier d’aryanisation au Mémorial de la Shoah.
- Fiches d’internement dans le camp de Drancy : FRAN107_F_9_5721_207723_L ; FRAN107_F_9_5721_207724_L ; FRAN107_F_9_5721_207725_L ; FRAN107_F_9_5721_207726_L ; FRAN107_F_9_5721_207727_L ; FRAN107_F_9_5721_207728_L
- Cahier de mutation du camp de Drancy : FRAN107_F_9_5788_0011_L
- Le nom de Menahem figure sur la liste des libérés de Drancy pour raison de santé en novembre 1941
- Menahem et Grassia Pinto ont demandé de l’aide à l’UGIF en 1943 (pp. 155 et 156 du pdf)
- Les archives de l’UGIF sur le Centre Secrétan, numérisées par le YIVO (serie 5, section 52)
- Lettre de M. Monteil envoyée à l’école Lucien de Hirsch en mai 1987, à l’occasion du procès de Klaus Barbie et racontant la rafle du foyer Secrétan du point de vue d’un enfant du voisinage (©archives École Lucien de Hirsch)
- Nous avons visité avec intérêt l’exposition « Salonique, “Jérusalem des Balkans“, 1870-1920. La donation Pierre de Gigord », au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme à Paris.
- Nous avons aussi visité le lieu où Esther et Maurice ont été arrêtés, au centre Secrétan de l’UGIF qui est l’école Lucien de Hirsch.
- Pour les Unes de journaux de la guerre, nous avons utilisé le site https://www.retronews.fr/
- Nous avons également utilisé les ouvrages suivants :
– À l’intérieur du camp de Drancy, Annette Wieviorka et Michel Laffitte, collection Tempus, Perrin, Paris, 2012.
– Le Bosphore à la Roquette. La communauté judéo-espagnole à Paris (1914-1940), Annie Benveniste,Paris, L’harmattan, 1989.
Remerciements :
Nous tenons à remercier Claire Stanislavski Birencwajg, documentaliste des projets pédagogiques au Service Archives du Mémorial de la Shoah pour son aide précieuse dans l’élaboration de ce travail.
Merci à Jean-François Guillet, professeur relais aux Archives départementales de Paris.
Un grand merci enfin à Shirly Elbaz, documentaliste à l’École Lucien-de-Hirsch, qui nous a fourni des documents inespérés pour achever notre travail et qui, avec Gilberte Raccah, nous a fait visiter les lieux qui accueillirent le centre Secrétan de l’UGIF entre l’automne 1943 et le 22 juillet 1944.
Quelle enquête passionnante et si riche d’enseignements : Mes félicitations à toute l’équipe !
Corinne RAPP