Sol COHEN, épouse ANGE
En l’absence de photographie, nous reproduisons ici son certificat de mariage.
Voici l’histoire de Sol Cohen, épouse ANGE arrêtée à Paris avec sa fille Juliette en juillet 1944 et déportées à Auschwitz par le convoi 77, dernier convoi à quitter Drancy.
Par les élèves de 3ème Leila, Erine, Abdelmalek, Maxence, Mohamed, Brice, Salimata, Ashna, Arthur, Théo, Sarah et Justine, sous la direction de leur professeure d’histoire géographie Haphsatou Agne, au collège Clagny de Versailles.
Sol est née en 1906, à une date qui n’est pas connue, dans la ville de Salonique en Grèce qui porte le nom de Thessalonique aujourd’hui.
Elle épouse Joseph ANGE, également originaire de Salonique, né en 1899.
Les informations sont peu nombreuses sur Sol et sa fille Juliette, en revanche, les documents d’archives que nous avons consultés nous renseignent sur son mari Joseph et la communauté juive à Paris durant l’Entre-deux- guerres, c’est ce que nous allons essayer de vous décrire ici, à travers le sort de sa famille.
Qui est Joseph ANGE?
Joseph est engagé volontaire dans la légion étrangère française pendant cinq ans, de 1919 à 1924.
Il participe à plusieurs campagnes militaires: au Tonkin, en Algérie et au Maroc. En 1926, il demande la naturalisation française qui est attribuée en 1928 grâce à son engagement dans la Légion étrangère. Une lettre de Joseph à la préfecture de Paris mentionne ses motivations pour la naturalisation française: la famille de sa future première épouse (Speranza) est française et n’accepte le mariage avec Joseph que s’il devient français. Il fait alors partie des 30 000 juifs naturalités français.
Joseph devient français par décret en 1928.
Durant son mariage avec Speranza, Joseph est condamné à plusieurs reprises pour abandon de famille: en 1933, en 1934, en 1937. Il semble qu’il ait eu des difficultés à tenir son budget avec 1000 francs de revenus mensuels et un loyer de 1500 francs selon la préfecture. Il est condamné à verser une pension alimentaire de 300 francs par mois à son épouse pour entretenir son fils Jacques né en 1941. Le couple divorce en 1938.
Comme l’attestent les documents des Questions juives, son administrateur des biens désigné, en septembre 1939, Joseph Ange, ancien de la Légion étrangère est mobilisé pour le conflit et démobilisé en août 1940.
Joseph est déporté lors du 1er convoi, le 27 mars 1942: parmi 1162 déportés, le 1er convoi quitte le camp de transit à Drancy pour rejoindre la gare SNCF de Bobigny et arriver à Auschwitz, le 30 mars 1942 à 5h33 du matin. Lors de cette déportation, il s’agit d’hommes, de citoyens français, de citoyens des pays occupés par l’Allemagne ou d’apatrides.
Les juifs de Salonique à Paris:
Joseph et Sol sont nés à Salonique, en Grèce, en 1899 pour Joseph et 1906 pour Sol.
La Salonique est un territoire appartenant à l’Empire ottoman jusqu’en 1912, date à laquelle la Grèce annexe la ville à son territoire.
Salonique est une ville prospère en relation avec le reste de l’Europe de l’Est.
Les juifs sont majoritaires jusque dans les années trente à Salonique. À partir du Grand incendie de 1917, l’espace urbain est réorganisé, les persécutions à l’encontre des commerces juifs commencent: interdiction de travailler le dimanche par exemple; les juifs doivent alors travailler le jour de Shabbat qui est un jour de repos sacré dans le judaïsme. Les juifs deviennent minoritaires à Salonique: de moins de 100 000 au début du XX è siècle à 53 000 après la Grande Guerre.
C’est à partir de là que les juifs de Salonique commencent à migrer vers l’Europe de l’Ouest ou l’Amérique, victimes de la crise économique et de l’antisémitisme grandissant.
A Paris, les juifs de Salonique se regroupent dans les quartiers de l’Est de la ville: dans le Marais, à Bastille: d’ailleurs l’association des affaires culturelles des juifs de Salonique était située rue Lafayette dans le 9è arrondissement de la capitale.
Dans les années trente, on compte 250 000 juifs en France dont 150 000 en région parisienne.
Les juifs appartiennent à toutes les classes de la société. Ceux vivant dans l’Est de Paris comme Joseph Ange et sa famille sont majoritairement des artisans et des employés. Joseph est qualifié de marchand ambulant ou de forain par la Préfecture de Police de Paris. Il est aussi qualifié de soldeur en textile, linge, lingerie. Après avoir logé au 73 rue de la Roquette, il habite au 140 rue de la Roquette à Paris, quartier de Bastille jusqu’à son arrestation.
http://Source: https://www.cparama.com/forum/paris-rue-de-la-roquette-t4413.html
Le quartier autour de Bastille est d’ailleurs un quartier populaire contrairement à aujourd’hui très embourgeoisé. On y trouvait des boutiques d’artisans au rdc des immeubles.
Rue de la Roquette prise de la Rue Popincourt (XI°)
Source: Paris Unplugged https://www.cparama.com/forum/paris-rue-de-la-roquette-t4413.html
“Sol Cohen, épouse ANGE”
D’après les archives du Mémorial de Yad Vashem (qui rapporte le travail de recherche de Beate et Serge Klarsfeld sur les déportés en France entre 1942 et 1944), Sol était présente en France durant la Première Guerre mondiale sans que l’on ait plus de détails.
Dossier DAVCC du SHD n° 21P418 370
Document d’archives, état civil de Sol ANGE
Sol Cohen épouse donc Joseph ANGE le 4 février 1939. Les informations sont minces à son sujet. On ne la connaît qu’à travers son mari. Elle est “déclarée française par mariage”.
Certificat de mariage Sol COHEN avec Joseph ANGE, même dossier DAVCC du SHD n° 21P418 370
Plusieurs homonymes de Sol Cohen vivaient dans le quartier dont une institutrice déportée en 1942.
Une fille est née de ce mariage entre sol et Joseph: Juliette ANGE, née le 1er décembre 1941.
Toutes les deux sont arrêtées à leur domicile le 19 juillet 1944.
Le Mémorial de la Shoah possède une copie du certificat de fouille de Sol ANGE, à son admission à DRANCY et elle doit déposer une somme importante pour l’époque de 2770 Francs.
Reférence : https://ressources.memorialdelashoah.org/zoom.php?code=309623&q=id:p_248541&marginMin=0&marginMax=0&curPage=0
Convoi 77, le dernier convoi
Ce convoi prend le départ le 31 juillet 1944 après les arrestations de 1321 déportés dont 330 enfants le 19 juillet. Il arrive à Auschwitz le 03 août 1944.
Yvette Lévy, survivante, témoigne ainsi:
« l’arrivée sur la planète des fous. Ça c’est quelque chose qu’on ne peut pas oublier. La nuit, les projecteurs, les hommes en costume rayé, les SS qui hurlaient, les chiens qui aboyaient […]»
Parmi les survivants, 214 de ce convoi en 1945, on compte 146 femmes. Sol et sa fille ne reviennent pas de la déportation. Elles figurent sur le mur des noms du Mémorial de la Shoah à Paris: “dalle n° 2, colonne n° 1, rangée n° 2”.
La présence des 330 enfants est justifiée par les autorités allemandes en mesure de représailles après un “assassinat juif” tuant des soldats allemands. En fait, il s’agit d’une embuscade tendue par des résistants. Trente wagons sont mobilisés. Selon le calendrier de l’historien Serge Klarsfeld, du camp de transit de Drancy à la gare de Paris- Bobigny, les conducteurs français de la SNCF conduisent les déportés jusqu’à la frontière franco- allemande et alors relayés par des conducteurs allemands en passant par Châlons – sur – Marne, Bar – le- Duc, Metz, Sarrebrucken, Frankfurt, Dresden, Niesse jusqu’à Auschwitz.
Itinéraire du convoi 77
Source: https://www.yadvashem.org/fr/recherche/convois-de-france.html
Le convoi arrive dans le camp de mise à mort d’Auschwitz le 03 août 1943.
Yvette Levy, survivante du convoi 77 raconte la “Sélection” à l’arrivée dans le camp d’Auschwitz:
Le plus jeune enfant était âgé de 15 jours. Yvette Lévy:
« Nous, on est arrivé au fin fond de la rampe, […] et on a immédiatement été sélectionné. On a été propulsé en dehors des wagons, on nous a jeté ‘schnell, raus, los’, il fallait tout laisser, et pratiquement toutes tout de suite triées, les bien-portantes ou les jeunes à gauche et les autres, les femmes [plus faibles], les enfants, les plus âgés à droite, on a vu une colonne se former, et jamais on a pensé qu’ils allaient directement… C’est quelque chose qui nous a marqués mais on n’a commencé à se rendre compte que le lendemain ou le surlendemain »
Sol et sa fille Juliette, alors âgée d’à peine quatre ans semblent avoir perdu la vie dès leur arrivée dans le camp ou quelques jours après. C’est ainsi que l’acte de décès établi par la Marie de Paris indique la date de décès du 5 août 1944 comme déportée politique.
Après la guerre, Jacques ANGE, le beau – fils de Sol recherche sa famille: sa belle- mère et sa sœur. Elles sont déclarées disparues en 1947.
Les services d’état-civil en 2010 établissent son décès à la date probable du 5 août 1944.
L’ordonnance de 1945 définit le statut des déportés politiques: « Sont considérés comme déportés politiques, les Français transférés par l’ennemi hors du territoire national, puis incarcérés ou internés, pour tout autre motif, qu’une infraction au droit commun. »
En 1948, la loi distingue deux catégories de victimes, les résistants considérés comme combattants et les victimes civiles comme Sol Ange.
Liens externes:
- Centre de Documentation du Mémorial de la Shoah, Paris
- Insititut international pour la mémoire de la Shoah
- United States Holocaust Memorial Museum
- Musée de la Résistance en ligne
This biography of Sol ANGE has been translated into English.
Le convoi n°1 n’est pas parti de la gare de Bobigny mais de celle du Bourget-Drancy.
Jacques n’est pas né en 1941. Il remplit des documents pour sa soeur Juliette après la guerre.