Jacqueline DENEMARK

1923-1944/1945? | Naissance: | Arrestation: | Résidence:

Jacqueline Nadia DENEMARK
(1923, Paris – 1944 ou 1945 ?)

Quand Jacqueline naît au foyer de Cécile et Erakhmiel, dit Raymond, Denemark, le 20 mars 1923, ses parents en font l’annonce dans Le Journal. Son grand-père Bernard Rosenfeld était témoin, de même qu’un cousin de la famille, Max Wessager. Elle est le second enfant du couple, après Joseph Irving, né en 1918, alors que Raymond était encore mobilisé durant la Première Guerre mondiale.

La situation est plus heureuse à l’arrivée de Jacqueline ! La famille réside dans un appartement bourgeois du 9e arrondissement, 35 rue de Maubeuge, où son père a également son cabinet de chirurgien-dentiste. Son grand-père, bijoutier, a une situation confortable et un oncle de sa mère, diamantaire, est un grand philanthrope, concerné par le sort des Juifs de l’Est en quête d’asile.

Pour l’instant, rien ne nous est encore connu des établissements scolaires qu’elle a fréquentés, de sa vie sportive ou sociale. Jouait-elle avec son père aux échecs, lui qui en était féru ? Aidait-elle sa mère à recueillir des fonds pour l’Asile israélite, association caritative fondée par l’oncle Landsmann ?

Sa famille est juive, originaire de Russie et Pologne, très bien intégrée. Elle vit dans un quartier relativement bourgeois, loin du Marais ou des environs du quartier République où vit alors en grande partie le peuple juif industrieux, travaillant dans le « schmatès » (la confection), la fourrure ou la chapellerie, souvent dans des conditions misérables.

Ses grands-parents maternels Rosenfeld, qui vivent à Paris, et son père ont été naturalisés. Sa mère est née française. Et bien sûr, Jacqueline est aussi française. Cette question de nationalité ne doit pas perturber la jeune lycéenne, qui passe la première partie de son bac en juillet 1939 et est autorisée à passer la seconde partie. La déclaration de guerre contre l’Allemagne puis la défaite française troubleront un temps ses plans.

Qu’a-t-elle fait en 1940 ? A-t-elle participé à l’exode, comme des millions de Parisiens et gens du Nord ? Nonobstant les difficultés, l’année suivante, elle passe son bac philo. Et, elle est reçue. Mais déjà, elle sait qu’elle n’est plus une Française comme les autres. Les Allemands et le gouvernement collaborationniste de Pétain font d’elle une paria.

Une étude attentive de la liste des élèves reçues en ce mois de juillet laisse penser que peu de jeunes Juives et Juifs (les reçus sont en majorité des reçues) ont tenté leur chance. Les lois d’octobre 1941 ont mis en place le recensement des Juifs, effectif dès le 31 octobre dans la préfecture de la Seine[1]. Avec un père chirurgien-dentiste et une famille relativement connue dans la philanthropie juive, il eût été impensable de ne pas aller se déclarer au commissariat de police. Portait-elle l’étoile jaune obligatoire barrée du mot « Juif » ? Aller au lycée dans ses conditions ne devait pas être agréable. Jacqueline a-t-elle passé son bac en candidate libre ?

Le 1er janvier 1942, son grand-père Bernard, âgé de 80 ans, meurt, et il est inhumé dans la carré juif du cimetière de Bagneux. L’a-t-elle accompagné à sa dernière demeure, le 4 janvier ?

Elle a 21 ans et est tout juste majeure quand sa vie bascule dans l’horreur.

Le 27 juillet, la police française, selon ce que dit sa grand-mère après la guerre, l’arrête avec son père, sa mère et son frère. Sans doute sont-ils retenus au commissariat. Le lendemain, ils sont conduits au Dépôt de la préfecture de police de Paris à midi, et à 15 heures, sont convoyés par un policier français vers le camp d’internement de Drancy, en banlieue parisienne.

Jacqueline, comme sa famille, bien que française est considérée comme immédiatement « déportable ». Elle est conduite avec sa mère dans un escalier où sont parqués ceux qui vont être déportés. Peut-être n’a-t-elle pas même eu la possibilité de rencontrer d’autres détenus que ceux qui partageraient son sort le 31 juillet. En effet, ceux qui vont partir sont séparés physiquement du reste du camp.

La cour dans laquelle ils descendent avec leurs maigres paquets pour « partir vers une destination inconnue » à l’est est entourée de barbelés. Là, ils montent dans des bus qui les emportent vers la gare de Bobigny. Ce matin du 31 juillet 1944, dès l’aube, les bus font la navette. Jacqueline peut rester sa famille, aussi bien dans le bus que dans le wagon à bestiaux où elle se hisse pour découvrir que le voyage se fera à même le bois du wagon, sans fenêtre à part une ouverture grillagée, avec pour toute boisson un seau d’eau (qu’un déporté ira remplir aux rares arrêts), et pour l’hygiène un seau d’aisance qui, pour les 60 personnes du wagon, ne restera pas longtemps vide.

Le train ne part que vers midi, et après un voyage éprouvant, fatal à de nombreux malades et personnes âgées, l’arrivée se fait de nuit en amont du camp d’Auschwitz, le 3 août. Sur la rampe, les wagons sont vidés très vite, les hommes sont mis d’un côté, les femmes et les enfants de l’autre. Puis vient la sélection de ceux et celles qui entrent dans le camp, et ceux et celles qui sont destinés à une mort plus rapide. Selon le témoignage de Denise Holstein, survivante, Jacqueline aurait été sélectionnée pour entrer dans le camp de Birkenau. Elle aurait, en octobre ou novembre, été dirigée vers d’autres camps et serait morte à Bergen-Belsen.

Etant donné son âge et son niveau social (son père a déposé une grosse somme d’argent à la fouille du camp de Drancy), Jacqueline devait avoir l’air en bonne santé, apte au travail. Utile pour entrer dans le camp des femmes, mais pas suffisant pour résister aux traitements inhumains, à la famine et aux maladies des camps.

Après la fin de la guerre, sa grand-mère Anna fait les démarches pour faire établir son décès, mais elle meurt en 1951, sans finaliser le dossier. En 2012, en vertu de nouvelles directives nationales, des recherches sont faites pour retrouver l’acte de naissance de Jacqueline et d’y apposer la mention « Mort en déportation ». La recherche est d’abord infructueuse, mais finalement son acte de naissance est trouvé.

[1] Ce que l’on appelle communément le « fichier juif », ou le « fichier Tulard », du nom de son créateur.

Contributeur(s)

Biographie réalisée par les élèves de Terminale du Lycée Jean Bouin à Saint-Quentin, encadrés par leur enseignant M. Bressolles.

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