Michel HESSEN

1887-1944 | Naissance: | Arrestation: | Résidence:

Michel HESSEN (1887-1944)

Michel Hessen est né en 1887 dans l’Ouest de la Russie, à Saratov, où, en 1918, vivent encore ses parents, Samuel (né en 1868) et Tatiana Zinger (née en 1861). Tous trois sont de nationalité russe.

Michel a des yeux marrons, des cheveux châtain et mesure 1,70 m[1].

Selon un document des archives de la Préfecture de police de Paris du 31 mai 1941, Michel « vit maritalement » avec Berthe ou Brana Ita Tourianska[2], de nationalité russe, née le 19 octobre 1888 à Odessa (actuelle Ukraine), ménagère et couturière, morte en 1943. Toutefois, l’absence de mariage civil ne signifie pas qu’ils ne sont pas mariés selon la coutume juive. En effet, c’est la seule forme d’union que reconnaît alors le judaïsme. Selon le même rapport de police, le couple aurait cessé de vivre ensemble en 1935.

Alors que des documents attestent de la présence de Brana en Belgique à partir de 1901, on peut imaginer que le couple s’est rencontré en Belgique. En effet, Michel est passé par la Belgique avant de s’installer en France. Selon les recensements, on le retrouve avec sa compagne à Bruxelles en 1908, où naît l’aînée de leurs cinq enfants, Annette.

Un document administratif français indique qu’il a fait sa déclaration d’étranger le 20 décembre 1909. Le 25 juin 1915, il obtient un permis de séjour et reçoit une carte d’identité (d’étranger) le 6 mars 1919 à la Préfecture de police de Paris.

Une famille bien insérée dans la société française et naturalisée française

Les enfants Hessen ont fréquenté l’école publique. Deux des filles de Michel et Berthe sont sténographes, cela indique qu’elles ont un obtenu, au minimum, leur certificat d’étude. Les quatre enfants (le premier fils, Nicolas est né en 1910 mais est mort prématurément en 1912, à 21 mois, au domicile familial) sont de nationalité française, qu’ils ont obtenue en même temps que leur père par décret du 13 décembre 1927 (publié au Journal Officiel le 25 décembre numéro 38.537 x 27). Il n’a pas fait de service militaire en raison de sa situation de famille, indique une note de la police de 1941.

Michel Hessen est absent à chaque naissance de ses enfants et ce n’est donc pas lui qui les déclare à la mairie. Mais il les reconnaît.

Annette, qui est donc née en Belgique le 15 décembre 1908, a fait toute sa scolarité en France. Elle se déclare sténographe au recensement de 1931. Elle décède à Paris XIIe le 29 janvier 1995.

Marcel, né le 2 décembre 1914 à Paris XIVe, est déclaré apprenti tailleur au recensement de 1931. Appartenant au 151e régiment d’infanterie en octobre 1935, il est caporal puis sergent de réserve en 1936. Classé « soutien (indispensable) de famille » le 29 octobre 1936, il est libéré le 1er octobre 1937. Il est néanmoins appelé le 26 août 1939. Marcel est « tué à l’ennemi », durant la « drôle de guerre », dans la nuit du 18 au 19 février 1940, route d’Alzine, près de Château-Rouge, en Moselle. Il est déclaré « Mort pour la France ». En octobre 1949, son cercueil est ramené à Paris et il est inhumé au cimetière de Bagneux.

Simone (prénommée Sarah à l’état-civil) est née le 27 août 1916 à Paris XIVe et elle est morte en 2012, dans l’Eure. Elle était sténographe. Olga, née le 2 mars 1922, s’est mariée en 1965 et est morte en 1988 à Evreux. Elle a eu deux fils.

Paris XVIe

Michel Hessen ne s’installe pas dans les quartiers parisiens où traditionnellement arrivent les migrants juifs de l’Est, comme le Marais ou les quartiers République et Bastille. C’est dans le XVIe arrondissement qu’il passe la plus grande partie de ses trente-quatre ans en France. Ce quartier chic de l’ouest de la capitale comprend alors une communauté russe, et aussi des juifs originaires de l’ex-empire russe.

En effet, il y résidera une grande partie de sa vie en France. Arrivé en France, après un court passage entre 1909 et 1912 au 11 rue de la Parcheminerie dans le Ve arrondissement de Paris et au 9, impasse Compoint, il repart à Anvers. Mais, quand il revient à Paris lors de l’invasion allemande en 1914[3], on le retrouve dans le XVIe arrondissement.

Son fils Marcel est scolarisé de 1921 à 1926 à l’école des garçons au 29 rue de Passy[4]. Ses filles Sarah et Olga ont fréquenté l’école maternelle du 29, rue de Passy ; la première de 1921 à 1926, la seconde en 1925.

Le recensement de la ville et des rapports de police confirme qu’il a vécu avec sa famille au 11, puis au 41 et 24 rue de Passy et enfin au 42 de la même rue.

Séparation ?

A partir de 1935, Michel Hessen ne semble plus vivre avec sa famille. Entre 1935 et 1937, il se trouve en Belgique. A cette époque, Marcel, son unique fils, est déclaré comme soutien de famille.

De 1937 à octobre 1939, Michel réside au 9 rue Boislevent, de nouveau dans le XVIe arrondissement. Son loyer mensuel est de 120 francs. A partir du 28 octobre 1939, il loge au 32, rue de Passy, un « garnis » (chambre meublée).

Un tailleur rattrapé par la crise économique

Michel Hessen est tailleur coupeur, spécialisé dans la confection féminine. En 1927, quand il fait une demande de naturalisation, il déclare gagner 40.000 francs par an.

Il travaille comme coupeur de sous-vêtements militaires au 8 rue Lecourbe dans un ouvroir municipal au début de la Première Guerre mondiale, puis, en 1917, au 50, rue de Passy comme tailleur chez Emma Franck (les Galeries parisiennes (jusqu’en 1931 ?) ou chez Mme Marie Lefranc, lingère, 75 rue des Batignolles, qui témoignent toutes deux de sa bonne moralité afin de l’aider à obtenir la nationalité française.

La crise économique bat son plein en Europe, et Michel, comme des millions de travailleurs sans emploi, s’inscrit au chômage à la mairie du XVIe en 1937 ; il perçoit toujours une allocation en 1939. Il a travaillé pour la maison Thiébault, 42 rue de Berry dans le VIIIe avant 1941.

Alors que les lois antijuives limitent les possibilités de travail, Michel Hessen poursuivrait son activité à son domicile en 1941 (un atelier de confection existe en 1941 au 42 rue de Passy, il est dirigé par Eve Lyne). Selon une enquête de la police datée du 1er juillet 1941, il « est inscrit au fonds de chômage et perçoit une indemnité journalière de 12 francs[5] ».

Arrestation et déportation

En mai 1941, un rapport de police précise que Michel Hessen et ses trois filles se sont « conformées à l’ordonnance allemande du 13 octobre 1940 », c’est-à-dire qu’ils se sont faits recensés comme juifs.

En juillet 1941, un autre rapport de police souligne que les « renseignements sont satisfaisants en ce qui concerne (sa) conduite et (sa) moralité ». « Il n’a jamais attiré l’attention au point de vue politique et national ». Il n’a pas d’antécédents judiciaires.

Ces renseignements servent à établir s’il faut ou non procéder à sa « dénaturalisation », La loi du 22 juillet 1940, relative à la révision des naturalisations, est une mesure entreprise par les autorités françaises envers les ex-étrangers.

Mais en 1944, il n’est plus qu’un Juif que l’on traque.

Le 7 juillet 1944, Michel Hessen est arrêté par la police française, sur dénonciation, dans un hôtel du XVe arrondissement, au 4, rue Juge pour « non port de l’étoile ». Il arrive le 8 juillet au Dépôt de la Préfecture de police de Paris à 11 h 30. A 16h, il est dirigé sur le camp de Drancy où sont rassemblés les Juifs en vue de les déporter.

Il y est interné et reçoit le matricule 24. 961. Sommé de déclarer et de laisser tous ses biens « en dépôt » à l’administration du camp, il dépose ce qu’il a sur lui : 460 francs (cf. illustration).

Après un séjour dans ce camp dirigé par le nazi Aloïs Brunner, il est déporté le 31 juillet par le convoi 77. En 1993, le Journal Officiel rectifie sa date et son lieu de décès : Michel Hessen est mort en déportation le 5 août 1944 à Auschwitz et non pas à Drancy, comme l’indication en était souvent faite, pour accélérer les démarches administratives. A son arrivée, en raison de son âge, il a sans doute été sélectionné pour la chambre à gaz.

Les longues démarches d’Annette après-guerre

Après la guerre, la fille aînée de Michel, Annette, remplit le dossier de demande d’attribution du titre de déporté politique. Ses sœurs Olga et Sarah, qui vivent ensemble dans l’Eure, lui délèguent la possibilité de faire toutes les démarches.

Dans le dossier, Annette indique qu’elle a reçu une lettre de son père du camp de Drancy, ce qui est assez remarquable, le commandant nazi du camp, Brunner, ayant interdit toutes les communications avec l’extérieur et colis depuis son arrivée en juin 1943. C’était un grand risque pour l’interné, mais aussi pour la personne dont l’adresse était indiquée, qui pouvait la trahir. Or, dans un document de juillet 1962, il est fait état d’un certificat remis à Annette, alors domiciliée au 42, rue de Passy, l’adresse de la famille avant-guerre. Annette y est-elle restée pendant l’Occupation ?

Annette ne sait pas si c’est la police française qui a arrêté son père, mais affirme qu’il a été arrêté sur dénonciation. Elle indique le nom de la gérante de l’hôtel où « habitait » Michel comme témoin et peut fournir son « adresse actuelle », soit le 28 février 1962.

La demande est jugée favorable lors de la séance du 25 septembre 1963. Michel est « « déporté politique », un terme qui remplace celui, problématique, de « racial » utilisé encore dans un document daté de mars 1962. Le 16 janvier 1964, Annette perçoit un chèque du Trésor de 120 francs. Le prix de la vie de son père.

Pour les familles, monter un dossier est épuisant et coûteux. Annette, qui dit qu’elle est malade du cœur, l’indique dans un courrier du 10 février 1963. « J’ai eu un tas de paperasses à réunir, à faire photocopier, écrit-elle. Cela a traîné faute de moyens ??? et je ne travaille pas et les photocopies ainsi que les témoins que j’ai eu à déranger, tout cela, il m’a fallu le régler ».

En 1963, dans un échange de courrier administratif, il est précisé que les « services n’ont pas permis de déterminer le sort advenu à Monsieur Hessen Michel, déporté le 31 juillet 1944 en direction d’Auschwitz, Pologne ».

En février 1965, Annette demande à nouveau d’obtenir la déclaration judicaire du décès de Michel. Enfin, en 1972, le ministère des Anciens combattants et victimes de guerre demande au maire du XVe arrondissement l’inscription sur l’acte décès de Michel Hessen de la mention « MORT POUR LA France ».

Cette mention a été apposée sur l’acte de décès des déportés français. Michel reçoit donc la même mention que son fils Marcel, tombé au front dans une embuscade allemande.

Marcel, Sarah et Olga sont reconnus par leurs parents les 2 et 3 avril 1940. Sur chaque acte de naissance, cette indication apparait dans la marge (reconnu par la mère, reconnu par le père). Dans les actes de Nicolas, Marcel et Sarah, il est indiqué que le père est absent lors de la déclaration.

Source : Liste reconstituée du convoi de déportation

 

dalle n° 18, colonne n° 6, rangée n° 3

Source : Carnets de fouilles de Drancy

SOURCES :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65288859/f66.item.r=hessen

Décret de naturalisation 38537 X 27

https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/mm/media/download/FRAN_0139_23992_L-medium.jpg Fichier central de la Sûreté nationale dit « fonds de Moscou » (France)

Documents confiés par convoi 77 : dossiers en provenance de la DAVCC, SHD de Caen. Vous y trouverez également un dossier d’étranger en provenance de la Préfecture de Police de Paris et un certificat de dépôt : 21P 258 208 et 21 P 571 462 ; APP Ia 95, dossiers d’étrangers et APP CC2-8.

https://ressources.memorialdelashoah.org/resultat.php?type_rech=rap&bool%5B%5D=&index%5B %5D=noms_tous&value%5B%5D=hessen&bool%5B%5D=AND&index%5B%5D=fulltext&value %5B%5D=&bool%5B%5D=AND&index%5B%5D=fulltext&value%5B%5D=&spec_date_naissanc e_start=&spec_date_naissance_end=&naissances_tous=&adresses_tous=&biographies_tous=&id_pe rs=*&spec_expand=1

Mémorial de la Shoah :

  • Fiche de recensement de 1940 : FRAN107_F_9_5646_050699_L
  • Fiche de recensement de 1941 : FRAN107_F_9_5614_011568_L
  • Fiche d’internement dans le camp de Drancy: FRAN107_F_9_5700_157192_L
  • Mention du cahier de mutations du camp de Drancy : FRAN107_F_9_5788_0013_L

Archives de Paris : consultées lors de l’atelier de décembre 2024

  • D2M8 431 : recensement 1931, 42 rue de Passy, 75016, quartier Muette
  • D2M8 : recensement 1936, 42 rue de Passy, 75016, quartier Muette
  • 5N 236 : acte de naissance de Nicolas Hessen, 75005, 1910 et acte de décès de Nicolas Hessen 75005, 1912
  • 14N 515 : acte de naissance de Marcel Hessen, 75014, 1914
  • D4R1 3351 : état signalétique et de service de Michel Hessen, 1934
  • 14N 535 : acte de naissance de Sarah Hessen, 75014, 1916
  • 15D 485 : acte de décès Michel Hessen
  • 16D 167 : acte de décès Brana Ita Tourianska
  • 6N 301-2 : acte de naissance d’Olga Hessen, 75005, 1922
  • 3005W 1 : registre matricules de l’école maternelle, 29 rue de Passy (1907-1960)
  • 3005W 3 : registre matricules de l’école maternelle, 29 rue de Passy (1916-1948)
  • 3013W 6 : registre matricules de l’école de garçons, 29 rue de Passy (1916-1922)

Journal Officiel, 10 juin 1993 : rectification de la date et du lieu de décès de Michel Hessen, mention « mort en déportation »

Robert Pick, Du village de Passy à la rue de Passy, L’Harmattan ed. (2017)

Notes & références

[1] Description sur une demande de papiers déposée à la préfecture de police, in APP Ia-95 Michel HESSEN.

[2] Il existe au AN un dossier de la Sûreté nationale, dit « fonds de Moscou », à son nom Cote : 199940477 / 128, dossier 12054 TOURIANSKA Brana Yta. Elle dispose également d’une fiche de la police de l’immigration en Belgique, à Anvers, qui situe sa présence dans cette ville entre 1901 et 1915.

[3] Dossier APP Ia-95, Michel HESSEN, fiche de renseignements du Service des étrangers datée du 31 décembre 1918.

[4] Sur un de ses bulletins, on lit « un enfant endormi, peu intelligent, bon caractère, lit et écrit assez bien ». Le bulletin scolaire est conservé aux Archives de Paris sous la cote 3013 W 6.

[5] APP Ia-95, Michel HESSEN.

Contributeur(s)

Biographie réalisée par les élèves de Troisième du Collège Guillaume Apollinaire (Paris), sous la direction de leur enseignante, Mme Séné.

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