André SALOMON

1904-1944 | Naissance: | Arrestation: | Résidence:

André SALOMON

André Isaac Théodore SALOMON né le 3 juin 1904 à Paris dans le cinquième arrondissement est arrêté le 21 juin 1944 à Lyon. Interné à Montluc, transféré à Drancy le 24 juillet 1944, déporté à Auschwitz le 31 juillet 1944, il est présumé mort le 7 août 1944.

Photo ci-contre :  Portrait d’André Salomon
DAVCC, 21P 535 161

Sa vie avant l’Occupation

André Isaac Théodore Salomon est né le 3 juin 1904 à Paris dans le cinquième arrondissement. Ses parents se nomment Jules Benjamin Salomon et Alice Hélène Weil. Ils tiennent une quincaillerie. Deux oncles paternels sont aussi commerçants, l’un est marchand de chaussures et l’autre est tailleur.

La famille s’agrandit le 18 avril 1906 avec la naissance d’un petit frère, Roland-Marc.

André se marie une première fois avec Léonie Roquin. Le couple donne naissance à Louise-Germaine le 27 juin 1929 à Champigneulles (Meurthe-et-Moselle). André Salomon exerce la profession de négociant.

 

Bulletin de naissance de Louise Salomon (1929)

DAVCC, 21P 535 161

Le mariage ne dure que quatre ans et ils divorcent en 1933.

Il semble néanmoins avoir continué à entretenir des liens avec sa fille et son ex-femme comme en témoigne une lettre écrite le 10 mai 1940, jour de l’offensive allemande lors de la campagne de France. Il est alors stationné avec son régiment à Charleville-Mézières. Il écrit :

« Chère Germaine. Tu vois pour une fois je tiens une promesse, je t’écris comme convenu.

[…] Écris-moi poste restante à Senlis pour me donner de vos nouvelles. J’espère savoir d’ici là le jour de mon passage dans ce vieux Nancy à moins qu’entre temps un Messerschmitt ne me tombe sur le crâne ou à défaut une de ses dragées. Affectueux baisers à toutes deux et sincères amitiés autour de toi.

Ps : je viens d’apprendre que vous avez eu la visite (ce matin) d’avions allemands. J’espère que vous n’avez pas eu trop peur et que vous vous êtes immédiatement abrités »

Extrait de la lettre écrite par André Salomon (10 mai 1940)

DAVCC, 21P 535 161

 

Le temps de l’Occupation

André Salomon se réfugie en zone non occupée à Marseille.

Il se remarie avec Marcelle Riffault le 6 janvier 1943 à Marseille. Son frère est un des deux témoins du mariage. Marcelle est née le 3 août 1915 à Vallery (Yonne). Son père est ouvrier boulanger et sa mère couturière. Elle est plus jeune qu’André. Le couple habite 32, avenue Camille Pelletan dans le troisième arrondissement de Marseille. Marcelle Riffault est gérante d’un magasin de cycles.

Acte de mariage d’André Salomon et de Marcelle Riffault (1943)

DAVCC, 21P 535 161

 

Selon les sources, André Salomon est arrêté le 21 juin 1944 soit à Lyon soit à Saint-Étienne. Il est interné à Montluc jusqu’au 24 juillet, date de son transfert au camp de transit de Drancy. Sa femme reçoit une enveloppe datée du 28 juillet dans laquelle se trouvent deux messages. Une infirmière de la Croix-Rouge s’est chargée de cette commission.

Un premier message, daté du 5 juillet, est écrit depuis la prison de Montluc. André demande des vêtements : chemisettes, pyjama, vieux pantalon, pull-over ou vieille veste. Il rassure sa femme en écrivant qu’il est en bonne santé.

Un second message est daté du 22 juillet 1944. Écrit aussi à Lyon, il demande des certificats (de baptême) et donne quelques instructions concernant les commandes pour le magasin. Produire un certificat de baptême lui permettrait peut-être d’être libéré. Sa femme explique sa présence à Saint-Étienne ainsi :

« Recherché par la Gestapo, venue boulevard du petit Nice […] pour nous arrêter. Mon mari s’en fut à Lyon voir son chef, dont j’ignore le nom et de là s’en fut à Saint-Étienne faire des commandes pour notre commerce, d’où la nomenclature de ses achats et commandes ainsi que ces adresses ».

Ce courrier nous apprend aussi que les parents d’André Salomon sont toujours vivants et qu’il appelle affectueusement son épouse « Célo ». André Salomon serait donc agent de liaison d’après ces informations. Cet élément sera approfondi dans la partie suivante.

André Salomon est ensuite déporté à Auschwitz dans le convoi n° 77 le 31 juillet 1944 et ne donne plus aucune nouvelle.

Les recherches de son épouse après la fin de la guerre

Marcelle Salomon essaie de connaître le sort de son mari. Elle obtient un laisser-passer permanent pour aller à la gare de Marseille Saint-Charles afin d’aider à la réception des convois de rapatriés. Elle espère y retrouver son mari.

Le 27 juillet 1946, un acte de disparition est rédigé. Son décès est inscrit à l’état-civil le 11 février 1947. La date de décès retenue est le 7 août 1944, soit peu après son arrivée.

Marcelle Riffault se remarie le 11 octobre 1948 à La Fouilloude (Loire) avec Roland-Marc Salomon, frère cadet d’André. Roland a été résistant. Détenu à Lyon du 26 janvier 1943 au 21 septembre 1943, il s’est évadé de Montluc et a rejoint l’Afrique du Nord via l’Espagne pour s’engager dans les Forces françaises libres.

Le couple s’installe au Maroc à Fqih Ben Salah.

Quel statut pour André Salomon ?

Des procédures complexes doivent être menées par les familles des déportés assassinés.

Deux statuts peuvent être décernés aux déportés : « déporté politique » ou « déporté résistant ».

En 1955, André Salomon obtient le titre de déporté politique.

La veuve d’André demande à plusieurs reprises que le statut de déporté résistant soit attribué à feu son époux. Elle avance plusieurs arguments. Lorsqu’il était à Lyon, il a aidé à établir des cartes d’identité ainsi que des cartes de travail. Marcelle Salomon laissait son magasin « cycle Riffault » au groupe Combat pour leurs réunions du soir et leur dépôt de valises de munitions. Elle fournit une attestation rédigée par Jean Icart, inspecteur de police résistant. Elle insiste car elle envoie plusieurs courriers. Elle rappelle qu’André avait plusieurs pseudos dans la Résistance : Leclabart, Denis et Riffault.

Demande de la carte de déporté résistant pour André (1955)

DAVCC, 21P 535 161

Demande de la carte de déporté résistant pour André (1956)

DAVCC, 21P 535 161

En 1957, le ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre rejette la demande d’attribution du titre de déporté résistant. Elle justifie ainsi cette décision :

« La déportation n’a pas eu pour cause déterminante un acte qualifié de résistance à l’ennemi au sens du statut des Déportés et Internés résistants ».

Une enquête avait déjà été faite en 1949 et avait conclut à l’absence d’éléments permettant de prouver l’engagement résistant d’André Salomon.

Note de renseignements (1952)

GR 16 P 532767

La mention « Mort pour la France » est ajoutée sur l’acte de décès.

Attribution de la mention « Mort pour la France » (1957)

DAVCC, 21P 535 161

Ce n’est toutefois pas la fin de l’histoire et la famille Salomon se divise sur l’attribution d’une indemnité. À la douleur de la perte d’un être cher se sont ajoutées des querelles concernant l’octroi des indemnités.

Les mauvais comptes familiaux

Louise Salomon, l’enfant unique du premier mariage d’André Salomon, écrit en 1966 aux services du ministère des Anciens Combattants. Elle estime être victime d’un préjudice matériel grave et demande ce qu’elle doit faire pour rentrer dans ses droits. Il s’agit de l’indemnité versée par la République fédérale allemande en faveur des « Français victimes de mesures de persécution national-socialiste ». Elle devait être versée à la mère d’André Salomon mais celle-ci étant décédé, elle a été réglée à Roland, oncle de Louise. Cette demande tardive démontre que Louise n’a aucun lien avec la famille Salomon.

Lettre de Louise Salomon (14 septembre 1966)

DAVCC, 21P 535 161

 

Louise dépose plainte contre X pour détournement de fond.

La gendarmerie convoque donc Roland et Marcelle Salomon le 4 décembre 1968 à la suite de la requête déposée par Louise afin d’entendre leur version des faits. Marcelle est interrogée en premier et déclare qu’elle s’est mariée avec André en janvier 1943 et qu’aucun enfant n’est né de leur union. Selon le livret de famille, André n’aurait jamais été marié et n’aurait jamais eu d’enfant. L’existence de Louise est donc un mystère. Marcelle explique qu’elle s’est désistée de l’indemnité en faveur de sa belle-mère.

Roland est interrogé ensuite et affirme qu’il ne savait pas que son frère avait une fille. Celui-ci ne lui en a jamais parlé. Il l’a découvert lors de la procédure. Il estime ne rien devoir à Louise. À côté de l’acte de naissance d’André Salomon, son mariage de 1943 est la seule note marginale renseignée.

Acte de naissance d’André Salomon (1904)

État civil de la ville de Paris

            Il a néanmoins bien été marié avec Germaine Roquin comme le document suivant le démontre.

DAVCC, 21P 535 161

 

La justice décide de ne pas accéder à la demande de Louise et de laisser l’argent à Roland car Louise a demandé l’indemnisation trop tardivement. Le ministère des Anciens combattants et victimes de la guerre considère que cette affaire en le concerne pas et relève du droit successoral. Cette histoire tragique et compliquée a donc séparé la famille Salomon à cause d’une malheureuse histoire d’argent.

Madeleine Riffault est décédée à Poitiers (Vienne) le 21 mars 1973. Roland Salomon est décédé le 17 septembre 1988. Louise Salomon est décédée à Metz (Moselle) le 30 septembre 2023, juste au moment où nous commencions le travail de recherche sur André Salomon. Elle n’avait pas d’enfant.

L’exemple d’André Salomon illustre la très grande difficulté pour les autorités françaises après la guerre à reconnaître que les juifs ont résisté durant l’Occupation. Si le statut de déporté politique leur est facilement octroyé, celui de déporté résistant est très difficile à obtenir.

Sources

Service Historique des Armées

  • Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC) dossier 21 P 535 161
  • Service historique de la Défense à Vincennes fonds résistance, dossier GR 16 P 532767

Mémorial de la Shoah

  • Fiches Drancy, liste de déportation

Archives municipales de Paris

  • Registre d’état civil

Témoignage de Martine Hublin

 

Le dessin que j’ai réalisé représente André Salomon, un déporté du convoi 77 durant la Seconde Guerre mondiale. Pour réaliser celui-ci j’ai décidé de représenter la guerre au travers du portrait de Monsieur Salomon grâce à une copie de la seule photographie d’André que nous avons en notre possession. Dans mon dessin j’ai intégré dans ses cheveux ou son visage des armes, des chars de guerre, des soldats, des pleurs et bien d’autres éléments dramatiques pour montrer le vrai visage de la guerre et la souffrance qu’elle peut apporter. Enfin j’ai rajouté une étoile juive pour montrer et faire comprendre la condition dans laquelle André Salomon a été réduit.

Ève Quentin

Contributeur(s)

Biographie réalisée par les élèves de la classe de seconde 2 du professeur Dimitri Vouzelle, enseignant d’histoire-géographie du lycée international Charles de Gaulle de Dijon, année scolaire 2023-2024.

Reproduction du texte et des images

Toute reproduction même partielle d'une biographie doit donner lieu à un accord préalable par écrit de l'association. Pour demander une autorisation, merci de remplir le formulaire ci-dessous : Formulaire

Pour toute utilisation d'une image provenant du Service Historique de la Défense (SHD), merci de vous rendre sur leur service en ligne "Demander une reproduction".

0 Comments

Leave a reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

hébergement Umazuma - OVH

Log in with your credentials

Forgot your details?