Berthe ALTER

1938-1944 | Naissance: | Arrestation: | Résidence: ,

Berthe ALTER

Nous sommes des élèves du collège Les Blés d’or en classe de 3ème3 et nous avons choisi d’écrire la biographie de Berthe et Charlotte Alter dans le cadre de notre travail avec l’association Convoi 77. C’est un projet pédagogique qui a pour objectif d’enseigner autrement la Shoah aux adolescents du 21ème siècle. Il a été créé par Georges Mayer et mis en place dans les 32 pays dont les déportés étaient originaires. Le convoi n°77 du 31 juillet 1944, ou « convoi 77 », est le dernier grand convoi de déportation de Juifs parti du camp d’internement de Drancy pour la gare de Bobigny à destination du camp d’extermination nazi d’Auschwitz-Birkenau. Ce camp se situe en Pologne de l’Est. Dans ce convoi, on comptait 1306 déportés qui ont été transportés dans des wagons à bestiaux, 836 sont dès leur arrivée à Auschwitz le 5 août dirigés vers les chambres à gaz. Seuls 250 ont survécu à la déportation. Berthe et Charlotte Alter sont des petites filles de 6 et 4 ans qui ont fait partie du convoi 77 et ont été exécutées à Auschwitz Birkenau. Deux groupes ont travaillé sur les deux petites filles mais nous avons décidé de les regrouper du fait de la similitude de leurs deux parcours.

Nous avons trouvé sur internet un Genially fait par un professeur documentaliste de Joinville, Stéphane Amélineau : il est réalisé à partir du livre Les Orphelins de La Varenne, que nous nous sommes procurés et présente de nombreuses sources et témoignages, dont la vie à l’orphelinat, l’arrestation des enfants, l’arrivée des enfants à Drancy, leurs conditions de transport et leur arrivée sur la rampe de Birkenau. Nous nous en sommes inspirés.

Berthe Alter est née le 20 septembre 1938 dans le 10ème arrondissement de Paris. Elle a trois sœurs qui se nomment Lise, née le 31 mars 1933, Rosine, née le 30 septembre 1934 et Charlotte, née le 2 mai 1940 à Paris, et un frère Nathan, né le 9 septembre 1936. Leur père s’appelle Salomon Alter. Il est né à Bucarest en Roumanie le 10 aout 1893. Les grands-parents paternels sont Leibu Alter et Lisa Gold. Leur mère s’appelle Ruchla Ita Modrzeniecka et elle est née en 1902 à Szydlowice en Pologne. Les grands-parents maternels sont Manachem Modrzeniecka et Fajça Zalctregier. Cette famille juive a des origines roumaine et polonaise.

Berthe et Charlotte vivent dans le 4ème arrondissement de Paris, 17 rue Ferdinand Duval, de leur naissance jusqu’au début de la guerre en septembre 1939. En 1943, toute la famille est arrêtée lors d’une rafle. Sur le site du Mémorial, on apprend que Berthe et Charlotte restent à Drancy du 19 au 22 mars 1943. Elles sont ensuite évacuées dans un orphelinat alors que le reste de la famille est déportée par les convois 52 et 53 de mars 1943. L’orphelinat est celui de La Varenne Sainte Hilaire à Saint-Maur-des-Fossés dans le Val de Marne. Il était relié avant la seconde guerre mondiale au quartier de la Bastille où vivait une importante communauté juive. Cette proximité facilita l’installation d’orphelinats juifs dans un lieu à l’époque plus rural et champêtre en bord de Marne. Il appartient à l’UGIF qui regroupe des enfants orphelins. Cet orphelinat s’appelait autrefois « Beiss Yessoïmim ». L’UGIF signifie l’Union Générale des Israélites de France, c’est un organisme créé par une loi française du Gouvernement de Vichy du 29 novembre 1941 à la demande des autorités allemandes. Ce service avait pour vocation de s’occuper des jeunes restés au domicile familial après l’arrestation des parents. C’est ce service qui est à l’origine de la création des maisons d’enfants dont la plupart de ces maisons d’enfants étaient d’anciens foyers juifs.).

L’orphelinat accueille une vingtaine d’enfants et tente de les soustraire aux autorités allemandes, Berthe et Charlotte, ayant déjà été arrêtées avec leurs parents, sont considérées comme « enfants bloquées » car elles sont sur les listes des Allemands : leur sauvetage est donc plus compliqué. Malgré le traumatisme de la rafle et de la séparation, les monitrices font de leur mieux pour rendre la vie agréable et ordinaire aux enfants : en apparence, rien ne semble troubler la bonne marche de ces orphelinats. Les préoccupations scolaires, les chants, la lecture d’histoires ou encore des poèmes par les assistantes sociales, les cadeaux offerts marquant la fête juive de Hanouka autrement dit la fête des lumières, l’initiation de l’hébreu à travers des chansons, les inspections médicales : tout cela faisait partie du quotidien des deux sœurs. Des jeux sont organisés dans le but de combler l’ennui des enfants. Dans les orphelinats, en période scolaire, les enfants continuent d’aller à l’école la plus proche. Les enfants doivent constamment porter l’étoile jaune à partir de 1942 dès l’âge de 6 ans, lorsqu’ils sont en dehors de l’orphelinat. Ils mangent à leur faim malgré les pénuries et rationnement, ils ont un potager et les fermes de Chennevières sont proches et permettent d’acheter pommes de terre, légumes et lait.

Berthe et Charlotte sont peut-être sur la photo suivante, malheureusement nous ne le savons pas car tous les enfants n’ont pas été identifiés.


Malheureusement, la nuit du 21 au 22 juillet 1944, lors de la rafle menée dans les centres de l’UGIF, les SS et la Gestapo sont venus enlever la totalité des enfants de l’orphelinat et de la pension proche sur l’ordre de Alois Brunner. Un seul enfant a survécu à ce drame et a témoigné, cet enfant s’appelle Albert Szerman. Il est né en 1936 à Paris et avait 8 ans. Il a témoigné dans un livre écrit par le Groupe Saint-Maurien contre l’Oubli en 2004, se nommant Les Orphelins de la Varenne. Il décrit que les enfants ont été réveillés en pleine nuit et que leur incompréhension était totale : « La rafle frappe en effet l’Orphelinat la nuit même où elle s’abat sur la pension Zysman. Elle se produit dans un climat de plus grand effroi : l’Orphelinat est cerné et les S.S ordonnent son évacuation, mais les enfants, gagnés par la panique, refusent de descendre. Alors les SS, pour montrer leur détermination tirent sur la façade à l’arme automatique. (La trace des balles marqua   le bâtiment jusqu’à sa destruction en 1982).
Dix-huit enfants terrorisés sortent de l’Orphelinat. On les fait monter dans un autobus, ainsi que cinq femmes membres du personnel. Cependant, l’une d’elle persuade les Allemands qu’elle n’est pas juive. On l’autorise à partir. »

Le 23 juillet, les enfants entrant à Drancy sont inscrits sur un registre, document ci-dessous : on peut y retrouver Berthe et Charlotte. A la suite de leurs prénoms, un R majuscule en rouge indique « réintégré », ce qui prouve que les deux petites filles sont inscrites pour la deuxième fois au camp de Drancy (première fois avec leurs parents en 1943). 28 enfants et 7 encadrants de l’orphelinat sont enregistrés. Berthe devient le matricule 25608 et Charlotte le 25609, elles sont parquées « au 3ème étage, escalier 8 », avec les autres enfants. Dans ce camp, les conditions de vie étaient inhumaines surtout pour deux enfants de 6 et 4 ans, malgré le dévouement des accompagnateurs de l’UGIF, qui tentent au maximum de leur faire oublier leurs peurs et les conditions de détention.

Cahier des mutations du camp de Drancy (Mémorial de La Shoah/Archives nationales F9/5788).


Un interné, André Warlin, raconte dans son livre l’Impossible Oubli (1), l’arrivée et le séjour des enfants au camp de Drancy :

 » Par une nuit claire, étoilée, nous distinguons de loin, le bruit des autobus qui se succèdent à une cadence rapprochée, les coups de sifflet annonçant les arrivées. Les autobus arrivent les    uns après les autres. Nous ne voyons pas tout de suite les nouveaux arrivants. Mais bientôt, à notre effroi indescriptible, nous entendons les voix pétillantes et jacassant de petits enfants tout    seuls sans père ni mère. Il y en a de tout petits de deux ans qui traînent leur misérable baluchon. Ils pleurent. Ils n’ont pas eu le temps de s’habiller, on les a arrachés de leur lit, les    bousculant.

Çà et là, une femme les accompagne, les traînant à ses trousses, les poussant devant elle.
On les parque dans les escaliers vides, improvisant des couches pour eux, les tassant à plusieurs dans les lits infestés de punaises. Le camp entier est en émoi (…)

Le lendemain, disciplinés, sages, ayant l’habitude d’obéir, de souffrir, ils vont tous en rang au réfectoire, tenant dans leurs petites mains des bols trop grands, et jouant avec leurs    cuillères. Ceux de cinq ans s’occupent de ceux de trois ans. Du reste, ils sont mûrs et savent s’adapter. Ils connaissent la vie, la persécution, la souffrance. Ils ont été séparés de leurs    parents, le plus souvent déjà déportés, la plupart lors de la rafle du Vel’d’Hiv. Ils savent qu’ils sont juifs, c’est même la seule chose qu’ils savent, ignorant souvent jusqu’à leur nom. Ils    savent qu’ils sont en danger, ayant entendu parler depuis leur naissance des camps de la déportation. Tout petits, ils ont l’instinct de conservation comme des petits animaux. Ils essaient de    fuir le danger. On en retrouve un dans une niche de chien. « Je veux être un chien, » dit-il  » puisque les chiens ne sont pas déportés ».

Le 31 juillet, Berthe et Charlotte sont conduites en bus jusqu’à la gare et déportées dans des wagons à bestiaux en direction du camp de Auschwitz-Birkenau en Pologne. C’est le plus grand camp de concentration et d’extermination du troisième Reich. Il se situe dans la province de Silésie

Le voyage dure trois jours dans des conditions insupportables : elles sont sûrement arrivées épuisées sur le quai du camp de Birkenau au petit matin pour y être sélectionnées pour la mort immédiatement.

Denise Holstein avait 18 ans quand, arrêtée au Centre d’enfants de Louveciennes, elle fut déportée. Dès son retour, en 1945, elle a relaté son expérience. Voici ce que fut le voyage des enfants vers Auschwitz :

« [Du camp de Drancy, 31 juillet 1944] l’autobus nous emmena dans une petite gare près du camp. Là, les wagons à bestiaux nous attendaient, à l’intérieur on avait déjà accumulé le ravitaillement, les seaux et même des matelas, et il fallut entasser encore 60 personnes dans le petit espace resté vide. Tant bien que mal, nous logeons les pauvres 48 gosses d’un côté du wagon et de l’autre, les 12 grandes personnes se casaient sur les ballots et à côté du ravitaillement.

A midi, le convoi s’ébranla. Nous étions 1 300 personnes que l’on emmenait vers l’inconnu. La première journée ne fut pas trop terrible, mais le soir, quand il fallut coucher tous ces enfants dans le noir, les cris commencèrent, nous ne pûmes dormir une minute : les enfants avaient chaud, ils avaient soif et l’air venait à manquer, les ouvertures étaient toutes petites. Le soir même, nous traversions le Rhin et nous quittions le pays. Malgré tout, le moral était bon, il le fallait, nous avions les enfants et nous n’avions pas à nous lamenter. Nous chantions des chants de route et d’espoir. Le voyage dura deux jours et demi et ce fut le commencement de la souffrance. Le ravitaillement était merveilleux mais nous ne pouvions rien avaler, nous avions tous soif. Les enfants pleuraient, il fallait les consoler, les faire patienter jusqu’à ce que nos bourreaux veuillent bien nous laisser descendre pour remplir nos récipients d’eau. Ayant le brassard rouge, je pus, aux quelques arrêts, descendre avec le docteur et en même temps respirer un peu d’air pur, boire à ma soif et me laver un peu. Il commençait à y avoir un peu de calme dans le train, les enfants s’endormaient lorsque le train s’arrêta.

Nous entendons des cris en allemand, on ouvre les portes, le voyage était terminé [nuit du 2/3 août 1944]. Des hommes vêtus du costume de bagnards, la tête rasée, prennent les enfants dans les bras pour les faire descendre du train ; les pauvres petits étaient pour la plupart nus et sans chaussures ; ils étaient apeurés devant ces hommes à l’allure inconnue pour eux, et dont la grosse majorité était des étrangers. Parmi ces hommes était un jeune homme avec de grands yeux bleus, habillé, malgré le costume à rayures, d’une façon impeccable ; de suite je m’adresse à lui, il ne pouvait être autre chose qu’un Français ! Il me répondit entre les dents pour que les autres ne le voient pas parler : « Remonte dans le train. Je ne peux pas te parler ici. ». Je lui obéis et il vient et me dit tout de suite ce qu’était ce camp : la nourriture, juste de quoi ne pas mourir de faim, pas de place pour s’étendre la nuit, tout le temps des appels et, me dit-il, surtout, en descendant du train, ne prends pas de gosses dans tes bras. Je lui demandais de suite pourquoi, il me répondit :  » Tu comprendras d’ici quelques jours ». Je ne comprenais vraiment pas ce qu’il voulait dire. « Tu vois, me dit-il me montrant les gosses, ça va faire du savon ». Il venait de me dire qu’il était au camp depuis deux ans, je le pris alors pour un fou. Je lui demandais s’il ne connaissait pas des Holstein qui soient au camp, en souriant, il me répond : « Nous sommes peut-être plusieurs millions dans ce camp, et je te conseille de ne plus demander des nouvelles de ta famille et surtout de ne plus y penser ».

J’étais assez angoissée en descendant du train mais ne voulus rien dire à mes camarades, il serait bien temps de l’apprendre par la suite. En descendant, je vois une petite fille pleurant toute seule, je n’avais pas le cœur de la laisser ainsi, je la pris donc par la main et marchais un moment, lorsqu’à côté de moi, je reconnais le Français avec lequel je venais de parler ; il me répéta sur un ton tout à fait autoritaire « Tu ne comprends pas ce que je t’ai dit pour les enfants ! ». Le cœur serré, je laisse donc cette petite qui n’était plus seule, mais au milieu de la foule, et je m’écartais pour aller retrouver deux jeunes filles marchant ensemble sans enfants.

Il faisait nuit noire, des projecteurs éclairaient la route. Le train s’était arrêté à l’intérieur du camp ; il n’y avait pas de gare. Nous longions le train, lorsqu’en travers de la route, plusieurs Allemands faisaient le service d’ordre : envoyaient les uns à droite où se trouvaient des camions, et les autres, dont je faisais partie, vers la gauche. De suite nous remarquons que tous les enfants étaient allés vers les camions, ainsi que les femmes âgées, et toutes les personnes portant des enfants dans les bras. »

 Denise Holstein fut sélectionnée avec 282 autres femmes pour entre dans le camp, ainsi que 291 hommes. Tous les autres, dont les enfants, furent immédiatement gazés.

Le 21 novembre 1947, Ruchla Modrzenicka, la mère, fait une demande de certificat de non-rentré pour ses filles. Elle fait les démarches pour les faire reconnaitre déportées politiques. Elle est accompagnée dans ces démarches administratives par son mari, aucun enfant n’a survécu. Comment ont-ils pu rentrer eux ? Nous n’avons pas cette information.

 

Plaque de commémoration devant l’ancien orphelinat à Saint Maur, posée en 1986.


Statue de Pierre Lagénie au square Saint Hilaire, en souvenirs des enfants déportés et des habitants qui ont essayé de les sauver : d’un côté, deux enfants encastrés dans un mur pouvant faire penser au wagon ou à la chambre à gaz : ils sont entourés de barbelés pour signifier que la fuite est impossible, d’un autre côté un enfant caché s’évade vers deux adultes et de l’autre encore, deux sauveteurs, homme et femme qui symbolise la vie. (Inaugurée en 2000)

 

Sources :

  • Jean Laloum, « L’U.G.I.F. et ses maisons d’enfants : le centre de Montreuil-sous-Bois », le Monde juif,1984 p 153 à 167
  • https://view.genial.ly/5e5a7a6c3ca5910fdcf62e45/presentation-les-orphelins-de-la-varenne-juillet-aout-1944
  • André Warlin, L’impossible oubli. Éditions La pensée universelle, Paris, 1981.
  • collectif : Les orphelins de la Varenne, 1995.
  • Serge Klarsfeld, Le calendrier de la persécution des Juifs de France 1940-1944. Editions FFDJF, 1993.
  • Groupe Saint-Mauriens contre l’Oubli, Les Orphelins de la Varenne, édition L’Harmattan, 2004

This biography of Berthe ALTER has been translated into English.

Contributeur(s)

Les élèves du collège Les Blés d’or à Bailly-Romainvilliers, en classe de 3ème3, sous la direction de leurs enseignantes Sophie Jorrion et Éva Garilliere.

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