Émilie LEVY

1901-1944 | Naissance: | Arrestation: | Résidence:

Émilie LEVY

« Il n’y a pas de Juifs en Ukraine. Nulle part – Poltava, Kharkov, Kremenchoug, Borispol, Iagotine -, dans aucune grande ville, dans aucune des centaines de petites villes ou des milliers de villages, vous ne verrez les yeux noirs, emplis de larmes, des petites filles ; vous n’entendrez la voix douloureuse d’une vieille femme ; vous ne verrez le visage sale d’un bébé affamé. Tout est silence, tout est paisible. Tout un peuple a sauvagement été massacré. (…) Et il n’y a plus personne à Kazary pour se plaindre, personne pour raconter, personne pour pleurer. »

Vassili Grossman, Carnets de guerre, de Moscou à Berlin, 1941-1945, Paris, 2007

 

Émilie est née le 17 décembre 1861 à Nantes, d’un père polonais, Samuel Szczupak (1823-1892) et d’une mère française, Esther Levy (1822-1914). Ses parents mariés depuis 1849 vivent dans un quartier commerçant de Nantes, au 28 quai de la Fosse. Cet immeuble n’existe plus et a aujourd’hui laissé place à la médiathèque de Nantes. Émilie est la quatrième d’une fratrie de quatre enfants. Elle vient au monde à domicile, à 1h du matin.

 

Quai de la Fosse à Nantes. On y distingue le magasin du père d’Emilie (Au Pilotin) sur la gauche de la carte postale. Archives départementales de Loire-Atlantique, 23Fi5020

Le mariage et la fondation d’une famille à Paris

Le 5 octobre 1880, Émilie épouse Maurice Levy. Elle a alors dix-neuf ans. De cette union naissent quatre enfants. Madeleine, René, André et Albert, tous à Paris. Le couple s’y est probablement installé après le mariage. En recherchant l’intégralité des actes de naissance et de décès de ses enfants comme de son mari, il a été possible de retracer le parcours d’Emilie Levy.

6 rue Amsterdam, Paris

Le couple s’installe 6, rue Amsterdam à Paris. C’est dans cette rue que naissent Madeleine (le 2 août 1881) et René (15 janvier 1884). Maurice Levy est alors bijoutier et Emilie sans profession. Ils possèdent probablement une deuxième maison dans la commune du Vésinet (16, avenue de la Princesse) puisqu’Emilie y donne naissance à André Lévy le 17 mai 1886. En 1887, Emilie et Maurice ont un quatrième et dernier enfant, Albert, né le 5 décembre dans leur appartement parisien rue Amsterdam.

 

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/fe/%22J%27accuse...%21%22%2C_page_de_couverture_du_journal_l%E2%80%99Aurore%2C_publiant_la_lettre_d%E2%80%99Emile_Zola_au_Pr%C3%A9sident_de_la_R%C3%A9publique%2C_M._F%C3%A9lix_Faure_%C3%A0_propos_de_l%E2%80%99Affaire_Dreyfus.jpg

Lettre d’Emile Zola dans l’Aurore le 13 janvier 1898

L’affaire Dreyfus à Nantes

Alors qu’Émilie est installée à Paris, son père vivant toujours à Nantes est victime d’une agression qu’elle n’a pu ignorer. En 1898, quand Emile Zola publie son célèbre « J’accuse » dans l’Aurore, la Bretagne est secouée par des cortèges et slogans antisémites. L’affaire Dreyfus (1894-1906) percute cette famille juive. Le 17 janvier, 15 000 personnes défilent non loin de la rue Crébillon. Le 18, Samuel Szczupak est pris à partie. Son magasin, Au Pilotin, est pillé (lire un article de presse à ce sujet). Il ne doit sa survie qu’à une intervention de police 1. Qu’a-t-elle pensé de ces événements ? Comment a-t-elle vécu cette démonstration de violence antisémite exercée contre son père ?

 

La perte de nombreux proches

En 1904, Emilie et Maurice sont installés rue Bernoulli à Paris. Ils y vivent un autre drame : le décès de leur fils René, à l’âge de 20 ans. Quelques années plus tard, la mort frappe à nouveau. Il est trois heures du matin lorsque Maurice décède à l’âge de 59 ans le 17 avril 1912. Le couple vit alors au 13, rue de Navarin (Paris). En 1935, son fils Albert décède à son domicile au 51, rue Damrémont (Paris). Il avait une femme (Cécile) et un fils (Raymond) 2. Sur l’acte de décès, il est spécifié qu’Emilie Levy est domiciliée dans cette même rue. Albert hébergeait probablement sa mère.

L’arrestation et la déportation

La dernière adresse connue d’Émilie est située au 48 bis, rue des Haies à Paris. Son arrestation a lieu dans la nuit du 7 au 8 juillet 1944. Vers 3 heures du matin, deux policiers allemands en uniforme et un Français en civil font irruption à son domicile. Elle est arrêtée et conduite au camp de Drancy où elle est internée pendant 23 jours. Lors de sa fouille, on lui confisque 100 francs. Madame Falize, une concierge qui habite au 52 rue des Haies prévient dans la matinée André Levy de l’arrestation de sa mère 3.

Le 31 juillet 1944, Emilie Levy est déportée par le convoi n°77 en direction de Birkenau. La liste originale du convoi de déportation comporte deux erreurs 4.

Liste original du convoi

Une liste qui comporte des erreurs.

Émilie n’est pas née en 1901 mais en 1861. Son nom de famille est également écorché en Szezwyak. Lorsque le convoi arrive sur la bahnrampe, dans l’enceinte même de Birkenau, le sort d’Émilie, 82 ans, est déjà écrit. Elle longe le quai et se dirige vers le centre de mise à mort, situé à l’arrière du camp de concentration. Elle est gazée le 5 août 1944.

Émilie Szczupak a disparu. Aujourd’hui, nous n’avons aucun portrait d’elle. La seule trace dont nous disposons est cette signature…

Contrat de mariage d’Emilie Szczupak, Archives municipales de Nantes, 1E1434

 

Retracer l’histoire d’Émilie Szczupak (née Levy) a soulevé quelques interrogations. L’attribution du titre de déporté politique a été déposée par deux de ses enfants après-guerre : Madeleine et André.

Madeleine s’est mariée à Léon Rossienski et est décédée en 1964 à Clichy-la-Garenne. Son époux est arrêté puis déporté le 23 juin 1944. Il est gazé à Birkenau cinq jours plus tard. Sa fille Sonia a connu le même sort. Elle avait 25 ans.

André Lévy s’est marié avec Elise Gabrielle Delahaut. Il est décédé à Sevran en 1980.

Tous deux ont donc échappé à la logique génocidaire nazie. Où sont-ils allés ? Dans quelles conditions ont-ils survécu ? Nous n’avons pas trouvé d’éléments permettant de le savoir.

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Notes et références

1. Claude Toczé et Annie Lambert, Les Juifs en Bretagne (Ve-XXe siècles), PUR, Rennes, 2006, lire le chapitre 6 : À la fin du XIXe siècle, l’antisémitisme en Bretagne pp. 81-108.

2. D’après le recensement de 1926, Archives municipales de Paris, D2M8 296 et le rencensement de 1931, Archives municipales de Paris, D2M8 441.

3. Dossier d’Emilie Szczupak, Service historique de la Défense (SHD), Division des archives des victimes des conflits contemporains, Caen, LEVY Emilie 21 P 477 59633954.

4. Liste originale du convoi de déportation, Mémorial de la Shoah, Paris

 

Contributeur(s)

Biographie réalisée par les élèves de 3èmeC du collège Louis Pasteur, Vallons-de-l’Erdre (44), sous la direction d'Emmanuel Oger, professeur d'histoire-géographie.

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