Léon SARANO

1900-1944 | Naissance: | Arrestation: | Résidence:

Léon SARANO

Léon (Juda) Sarano est né le 25 juillet 1900 à Thessalonique, qui faisait alors partie de l’Empire ottoman. Il est d’origine juive et de nationalité espagnole. Ses parents sont Azriel Sarano et Béa Gateno.

Il a un frère et une sœur aînés et une sœur plus jeune, née en 1907.

Migration en France et vie de famille

Nous n’avons pas trouvé la date exacte de son départ vers la France, mais des documents retrouvés à Paris prouvent sa présence dans ce pays au moins depuis 1931. En effet, il s’y marie.

Le 19 mars 1931, à Paris IIIe, il épouse Olga David, née le 16 février 1911, comme lui à Salonique. Elle est la fille d’Abraham, décédé au moment du mariage de Léon et Olga, et de Rachel Nahmias, lingère, qui vit à Paris, 15, rue Saint-Gilles dans le IIIe arrondissement, en plein Marais.

Au moment de son mariage, Léon Sarano vit 57, rue Saint-Sébastien, dans le XIe arrondissement. Ses parents sont décédés, et il ne peut pas fournir d’acte de naissance. Un acte de notoriété est alors établi qui certifie son identité. Il exerce la profession d’employé de commerce.

Vital Sarano (le frère de Léon ?) et Samuel David, le frère d’Olga, sont leurs témoins.

Acte de mariage, mairie du IIIe arrondissement de Paris ©Archives de la Ville de Paris

De leur mariage, naît leur fille Betty Sarano en 1932, dans le XIIe arrondissement[1].

Après la naissance de Betty, la famille s’installe en octobre 1933 au 93, rue de La Roquette à Paris XIe. Ils sont locataires d’un grand immeuble où se mêlent des populations populaires de diverses origines, françaises et étrangères. Dans ce quartier vivait une importante communauté de Judéo-Espagnols, originaires de l’Empire ottoman (de Grèce et de Turquie). Le quartier, rempli de commerces et de lieux de sociabilité, était surnommé la « Petite Turquie ». Au recensement parisien de 1936, Léon est toujours signalé comme employé de commerce, mais Olga est « ouvrière ».

La guerre – Les persécutions

Au début de la guerre, en septembre 1939, Léon Sarano s’engage pour combattre l’armée d’Hitler dans la Légion étrangère au bureau central de la Seine[2]. Il a alors 39 ans. Après la défaite française de juin 1940 et l’occupation allemande d’une partie du territoire, il rentre à Paris.

Très vite l’Allemagne impose des mesures antisémites qu’applique et complète le gouvernement collaborationniste de Philippe Pétain. Le 3 octobre 1940 est rédigé le « premier statut des Juifs », publié le 18 octobre. Les Juifs sont exclus de la fonction publique de l’État, de l’armée, de l’enseignement et de la presse. En octobre 1940, leur recensement est ordonné dans le département de la Seine. Léon Sarano s’est sans doute inscrit au commissariat, avec sa famille[3].

Première arrestation

C’est à son domicile du 93, rue de la Roquette le 21 août 1941 qu’il est arrêté et interné au camp de Drancy[4]. Il s’agit, ce jour-là, de la deuxième arrestation collective de Juifs, étrangers et français, à Paris. Alors qu’elle est organisée après le début de l’offensive allemande en URSS, la propagande nazie présente cette action antijuive comme « une opération menée en représailles à l’agitation communiste »[5]. Le 20 août, 4.232 hommes juifs (de 18 à 50 ans) sont arrêtés dans le XIe arrondissement, où vit Léon Sarano. Mais le SS Theodor Dannecker, chargé de la « question juive » de la Gestapo, réclame plus d’arrestations. Dès le lendemain, la rafle s’étend à presque tous les quartiers de Paris, et la très proche banlieue, comme Saint-Ouen. La police française participe à la rafle, aux côtés de la Feldgendarmerie allemande. Les hommes arrêtés sont conduits à la cité de la Muette, un ensemble de logements sociaux dont la construction n’avait pas été finalisée, à Drancy, à quelques kilomètres de Paris[6].

Dans les jours qui suivent l’incarcération de Léon Sarano, le camp est saturé, les conditions d’hygiène sont déplorables ; au fil du temps la faim règne et les maladies prolifèrent. Au point que des libérations sont accordées. Environ 800 prisonniers sortent de Drancy. Parmi ceux-là, Léon Sarano, le 3 avril 1942 Était-il malade ? Notons qu’il est un Juif de nationalité espagnole (pays « neutre »), et que ceux-là ont bénéficié d’un statut particulier. Est-ce la raison pour laquelle Léon Sarano est sorti du camp[7] ?

Seconde et fatale arrestation

On ignore comment il a vécu après sa sortie du camp de Drancy, mais Léon Sarano fut de nouveau arrêté le 6 juillet 1944[8].

Les archives du dépôt de la préfecture de police[9] de Paris permettent de constater que de nombreux Juifs (tous des hommes) nés à Constantinople et Salonique y sont arrivés en même temps que lui, le 6 juillet à 21 heures. Aucune adresse n’est indiquée, contrairement aux habitudes policières. Ils sont tous convoyés le lendemain à Drancy, à 15 h 30, sauf deux, qui sont remis entre les mains des « Affaires juives »… le 19 juillet.

Ni sa femme ni sa fille ne sont arrêtés avec lui : Léon a été pris par la police française dans une rafle, peut-être dans un de ces cafés de la Petite Turquie où se réunissaient les Judéo-Espagnols, où ils étaient des proies faciles.

Selon le propriétaire de son appartement, Jean-Lucien, qui remplit après la guerre une attestation qui prouve que Léon Sarano vivait bien en France au moment de sa déportation, celui-ci a « quitté son domicile » le 6 juillet 1944.

Après son passage par la préfecture de police, Léon Sarano est interné à Drancy sous le matricule 24.923[10]. Le 7 juillet, il dépose 114 francs à la « fouille » du camp. Sa profession déclarée est alors « manœuvre », un des rares métiers que les Juifs étaient encore autorisés à pratiquer.

La déportation à Auschwitz

Léon Sarano est déporté au camp d’extermination d’Auschwitz le 31 juillet 1944 par un convoi partant de la gare de Bobigny qui emporte 1306 personnes – bébés, enfants, personnes âgées, hommes et femmes de tout âge. Étant seul, c’est-à-dire sans sa famille, il a été bouclé dans un wagon dans lequel il n’y avait que des hommes. Ils étaient 60, dans un wagon à bestiaux, sur la paille, pratiquement sans vivres et sans eau.

Nos recherches n’ont pas permis de confirmer l’arrivée de Léon Sarano à Auschwitz et son entrée dans le camp. En effet, seuls les déportés qui ont été sélectionnés pour travailler dans le camp d’Auschwitz-Birkenau ont été enregistrés. Les autres, c’est-à-dire, les personnes âgées, malades, handicapées, les enfants et ceux et celles qui n’ont pas voulu quitter un enfant ou un père ou une mère non-sélectionnés ont été directement dirigés vers des camions qui les ont emportés vers les chambres à gaz. Après leur assassinat, ils ont été brûlés dans les fours crématoires. Les morts durant le voyage ne sont pas non plus enregistrés.

Faire reconnaître la mort de Léon Sarano

Voyant qu’il ne revenait pas de déportation, la femme de Léon, Olga, a fait les démarches pour faire reconnaître sa déportation et son non-retour. Fixer la date de mort d’un déporté, à une époque où l’on ne sait pas grand-chose, est une tâche difficile.

Les différentes dates du décès de Léon Sarano

  • Un document indique que Léon Sarano est décédé à Drancy le 31 juillet 1944, or on sait que cette date est celle du départ du convoi, et qu’il était dans le train. Cette date est celle qui a souvent été notée, tout de suite après la guerre, dans les dossiers des déportés. Cela avait pour objectif de faciliter les démarches de la famille du « non rentré ».

Bulletin de décès ©SHD de Caen, SARANO Léon, dossier 21 P 271.239.
Ce document administratif est établi à la demande de Betty Sarano afin de compléter un dossier de demande d’indemnisation.

  • Le ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre indique que Léon Sarano est décédé à Auschwitz cinq jours après sa déportation de Drancy, soit le 5 août 1944.

En fait, on sait aujourd’hui, grâce à de nombreux témoignages de survivants, que les déportés qui ont été gazés l’ont été le 3 août à l’arrivée du Convoi 77. Mais quand on n’avait plus de nouvelles d’un déporté plusieurs mois après la fin de la guerre, il a été décidé de fixer la date de décès à n+ 5 jours après le départ du convoi. Pour le convoi 77, la date est celle du 5 août 1944.

Son décès peut être estimé à la date du 3 août, mais Léon Sarano aurait aussi pu ne pas survivre aux très dures conditions du transport de Bobigny à Auschwitz.

Léon Sarano 21 P 271.239 SHD

Le ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre de France a émis un acte de disparition de Léon Sarano, qui a été délivré le 3 août 1948 par le service de l’état civil. Ce document pouvait être transformé en acte de décès après cinq ans, conformément au décret du 5 avril 1944.

Le directeur du bureau national des Recherches sur les Internés politiques et les Déportés a confirmé, sur la base des documents en sa possession, que « M. Léon SARANO, né le 25 juillet 1900 à Thessalonique (Grèce), a été arrêté le 4 juillet 1944 et déporté en Allemagne le 31 juillet 1944, et n’avait pas été rapatrié à la date du 21 mai 1946 ».

Le ministère français des Anciens Combattants et Victimes de Guerre reconnaît officiellement Léon Sarano comme Déporté politique (ce qui signifie en fait qu’il est déporté parce que juif[11]) par la loi 48-1404 du 9 septembre 1948. Ce titre implique la délivrance d’une carte de DP au nom de sa fille, comme ayant-cause – une reconnaissance qui peut faciliter certaines démarches.

Reconnaissance et indemnité liée à la déportation

Olga[12], la femme de Léon, est morte le 6 mai 1950 à Paris XIIe. Elle avait 39 ans et est inhumée au cimetière de Pantin, dans le carré juif[13].

Sa fille, Betty Sarano se retrouve orpheline alors qu’elle est encore mineure. Elle s’occupe, une fois majeure, des démarches pour faire régulariser le décès de son père.

Le Tribunal Civil de la Seine délivre une déclaration officielle de décès le 21 mars 1952 et l’envoie à la mairie du XIe arrondissement de Paris, qui est l’arrondissement de son dernier domicile. Son décès est enregistré le 6 janvier 1953.

Puis Betty dépose une demande pour obtenir une compensation financière pour la déportation de Léon Sarano. Le ministère des Finances lui accorde, en tant qu’ayant-cause, la somme de 12.000 francs le 12 octobre 1956, dans le cadre de l’indemnisation destinées aux déportés (« pécule »). Le pouvoir d’achat de 12 000 anciens francs en 1956 est le même que celui de 297,02 Euros en 2024 indique le site de l’Insee, ce qui signifie que ce n’était pas une somme importante…

Léon SARANO, par arrêté du 24 février 1998, a la mention « Mort en déportation » apposée sur les actes et jugements déclaratifs de décès (et donc à la mairie du XIe arrondissement).

La vie, brève, de Léon Sarano fut marquée par l’identité multiculturelle de Thessalonique, son émigration en France et les conséquences tragiques de la Seconde Guerre mondiale. D’autres membres de sa famille, comme son frère Haïm/Vital et son épouse, sont également morts en déportation parce qu’ils étaient juifs.

Betty Serano est morte le 24 août 2016.

Sources

  • Archives du projet fournies par le Convoi 77 :
  • Service Historique de la Défense, de Caen : Léon Sarano, dossiers 21 P 535 797 et 21 P 271 239.
  • Ont été également utiles, la base du Mémorial de la Shoah et les archives en ligne de la Ville de Paris.

Notes & références

[1] Dossier SARANO Léon, 21 P 535 797 et 21 P 271 239 ; SHD Caen. La plupart des informations, sauf signalées autrement, proviennent de ces dossiers créés après-guerre pour faire reconnaître la déportation de Léon Sarano.

[2] Mémorial de la Shoah – Fonds UEVACJEA et https://www.memoiredeshommes.defense.gouv.fr/recherche-globale/rechercher-dans-les-bases-nominatives?detail=1483158#visionneuse-manual|/_recherche-api/visionneuse-infos/arko_default_66fa612acbc0d/arko_fiche_66e40d6da88d5/arko_default_672876b5d1791/image/713432|0|0

[3] 151.000 Juifs sont recensés à Paris et sa banlieue. Un « fichier juif » est alors créé.

[4] D’après les archives de la police de Paris et celles du bureau de l’état civil des déportés. Dossier SARANO Léon, 21 P 535 797.

[5] Offensive « Barbarossa », qui débute le 22 juin 1941, dite aussi rupture du pacte germano-soviétique.

[6] Cet endroit avait servi à la police française pour interner des communistes (soupçonnés de traitrise en raison du pacte germano-soviétique) pendant la « drôle de guerre », puis les Allemands l’utilisèrent pour rassembler des prisonniers de guerre, avant de les transférer en Allemagne. Ces bâtiments deviendront plus tard un camp de transit des Juifs de France avant leur déportation, que les Allemands appelaient « judenlager », camp de concentration pour Juifs.

[7] Ce qui est paradoxal, étant donné la manière dont a été traitée la population juive d’Espagne sous le franquisme pendant la Seconde Guerre mondiale. Sur les 35 000 Juifs séfarades résidant en France, 3.000 sont enregistrés en tant que citoyens espagnols. À la demande de certains de ces résidents, le consul Bernardo Rolland va (au-delà des positions officielles espagnoles) tenter de protéger autant que possible les Juifs de nationalité espagnole en France.

[8] Selon des documents de la DAVCC, ainsi que les documents des archives de la préfecture de police de Paris.

[9] Archives de la préfecture de police de Paris, CC2-8.

[10] Mémorial de la Shoah.

[11] Si d’abord la déportation des Juifs a été qualifiée de « raciale », l’administration française a jugé ce terme trop « connoté » et a instauré l’utilisation du terme « politique ». Ce qui a pu entraîner avec le statut de Déporté Résistant, qui a été attribué à ceux qui ont combattu le nazisme dans la Résistance.

[12] En 1947, le député Florimond Bonte a usé de son influence pour que soit payée l’indemnité de déportation (pécule) à son épouse, Olga, visiblement dans une situation délicate., cf. dossier loc.cit.

[13] Le frère de Léon, Haïm dit Vital, né en 1896, a été déporté sans retour par le convoi 67 du 3 février 1944, avec sa femme Louisa. Mais il était arrivé à Drancy le 26 novembre 1943. Ils ont eu un fils qui a lui-même eu deux enfants.

Contributeur(s)

La rédaction de la biographie de Léon Sarano a été réalisée par les élèves de français de la Première classe du 1er Lycée de Panorama de Thessalonique, durant l’année scolaire 2024-2025, sous la supervision de leur professeure de lettres, Mme Chariklia Stefani, et de la professeure de français de l'établissement, Mme Anastasia Kokkini.

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