Manuel MARCU

1927-1945 | Naissance: | Arrestation: | Résidence:

Manuel MARCU

La biographie que vous allez lire a été rédigée par Marième Babou, Victorine Lecoconnier, Sacha Mellul, Rebecca Mokoko, Norma Roux-Mireux, Louna Sanchez, Matthieu Chanay et Joaquim Ramos, élèves de 3ème du collège La Cerisaie de Charenton durant l’année scolaire 2023-2024, encadrés par Nathalie Baron et Sonia Drapier, enseignantes d’histoire-géographie.

Le hasard et internet nous ont permis de retrouver la trace de Jean-Pierre Fayer, neveu de Manuel Marcu. Nous le remercions infiniment, ainsi que sa famille, pour toute l’aide qu’il nous a apporté dans nos recherches en nous fournissant de nombreux documents et en venant nous rencontrer au collège. Nous tenons également à remercier Jacques Gragnon et Philippe Roza qui nous ont accompagnés dans nos recherches. Nous vous présentons la biographie de Manuel, tandis que d’autres élèves ont rédigé celles d’Ilie, son père et d’Elisa, sa sœur également disponibles sur le site Convoi 77.

Notre travail s’est appuyé sur des documents provenant des Archives départementales du Val de Marne, du mémorial de Caen, du Mémorial de la Shoah et de la Préfecture de police de Paris ainsi que des Arolsen Archives.

I- Une enfance troublée par la guerre

Manuel Marcu est né le 8 mai 1927 à Paris dans le 17ème arrondissement de parents roumains naturalisés français. Alors que ses parents, Ilie Marcu et Blanche Leibovici, se sont installés en France, dès 1913 pour Ilie, ses grands-parents paternels, Leid et Itie Hers-sin Marcu, sont restés habiter en Roumanie à Negresti, tandis que sa grand-mère maternelle, Sara Leibovici résidait à Codăești.

Ilie et Blanche Marcu
(Date inconnue – Source : famille Marcu-Fayer)

 

Manuel avait deux frères : Isaac né le 10 février 1915 et Jean né le 12 septembre 1918, et une sœur, Élisa, née 08 mars 1921. Tous les enfants sont nés à Paris.

Selon l’acte de mariage d’Ilie et Blanche la famille Marcu a résidé tout d’abord 3 rue de Puteaux, dans le 17ème arrondissement de Paris puis, au début des années 1930, la famille a emménagé à Vincennes au 12 rue du commandant Mowat. Ilie louait un local pour sa cordonnerie 4 place Bérault à Vincennes depuis 1926, tandis que Blanche n’exerçait pas d’emploi.

Manuel était âgé de 12 ans lorsque sa maman est décédée le 22 juin 1939 à Paris dans le 12ème arrondissement des suites du diabète.

Extrait du recensement de Vincennes – 1936
AD Val de Marne

Selon le fils d’Elisa, Jean-Pierre Fayer que nous avons rencontré, Manuel a fréquenté une école maternelle rue des dames à Paris puis sûrement l’école primaire de l’est à Vincennes. Nous avons effectivement retrouvé son nom sur un registre de cette école vincennoise où il est entré le 30 janvier 1934. Il avait alors 7 ans, cela correspond peut-être à l’installation de la famille à Vincennes. Il y est indiqué que Manuel est un « Assez bon élève. Travailleur. Bonne conduite ». Il est admis au Cours complémentaire, mais nous ignorons où il a ensuite poursuivi ses études.

Dans sa publication consacrée à Victor Gragnon Georges Sentis cite les paroles de ce dernier évoquant les moments où Elisa lui parlait de sa famille :

« Elle aime me parler de sa famille (…) Pour son jeune frère, c’est de I ‘adoration. Après avoir refusé bien des fois, j’accepte de le rencontrer à la sortie du lycée. Elle est si heureuse de me faire admirer son brillant élève de frère, un grand garçon intimidé. »

Extrait du registre de l’Ecole de l’est de Vincennes
AD Val de Marne

 

Manuel a grandi dans une famille communiste et résistante.

Son père, Ilie, était militant en Roumanie avant d’adhérer au Parti communiste français. Nos recherches nous ont permis de découvrir, aux Archives de la préfecture de police de Paris, un document faisant état d’une perquisition qui a eu lieu le 26 juin 1940 à 15 heures dans l’appartement familial et dans la cordonnerie d’Ilie. Dans le rapport il est indiqué qu’aucune arme n’a été retrouvée mais que divers documents y ont été saisis. Parmi eux une carte d’adhérent au parti communiste français datée de 1937, une carte de l’association française de Paris de l’union soviétique de 1938, une carte de membre du parti communiste, deux cartes postales adressées à Isaac portant des inscriptions communistes, deux lettres pour Jean traitant de questions communistes ainsi qu’un carnet de notes avec une faucille et un marteau.

Jean-Pierre Fayer, fils d’Elisa Marcu, nous a expliqué que sa mère elle faisait partie d’un groupe de résistantes « Les femmes françaises ». Sa biographie revient plus en détail sur ces points.

Même s’il était encore jeune, nous supposons que Manuel a pu être associé à certaines discussions politiques en famille.

Jean-Pierre Fayer nous a également communiqué une carte, sans doute réalisée par Manuel alors âgé de 17 ans, relevant l’avancement des troupes anglo-américaines suite au débarquement en Normandie le 6 juin 1944. La famille suivait donc avec impatience l’avancement de la libération du territoire sans savoir qu’une partie de ses membres ne la connaitrait pas.

 

Carte de l’avancée des troupes de libération tenue par Manuel
Source : famille Marcu-Fayer

 

II- L’arrestation

Cet espoir d’une libération proche a sans doute conduit la famille Marcu à relâcher sa vigilance. Alors que le danger était toujours présent, la famille s’est ainsi imprudemment réunie à Courtry dans la maison de campagne située dans le quartier des Courdreaux en juillet 1944 dans le département actuel de la Seine et Marne.

La photo suivante y a vraisemblablement été prise. Nous y découvrons Elisa, Blanche, Jean et Manuel, entourés de deux cousins, Maurice à gauche et Henri à droite.

Date inconnue
Source : famille Marcu-Fayer

 

Dans une lettre, que nous avons retrouvée au Mémorial de la Shoah, Elisa indique « Sur ordre du parti, je quitte ma famille. Mais je suis très attachée aux miens. Et un dimanche de juillet 1944 (le 24 je crois) où je vais à la campagne avec mon frère qui n’a que 17 ans. Nous sommes dénoncés par une voisine. Ce jour-là nous serons 17 à être arrêtés. ».

Jean-Pierre Fayer nous a précisé que la famille Marcu a été dénoncée par une voisine, une russe ‘’blanche’’ réfugiée en France. Selon les documents Ilie, Elisa et Manuel furent en réalité arrêtés le dimanche 23 juillet 1944 avec d’autres personnes extérieures à la famille. Un document cite également Aldolphe Leibovici et son épouse qui sont peut-être le frère et la belle-sœur de Blanche.

L’arrestation a lieu devant tout le voisinage dont le maire de Courtry, et Madame Lebord comme l’indique une archive déposée dans le dossier d’Ilie aux Archives du Mémorial de Caen. Nous ne sommes pas parvenus à remonter leur trace.

Alors qu’ils étaient tous dans un car à destination de la plaque tournante qu’est le camp de Drancy, Jean-Pierre Fayer nous a expliqué que le père de Manuel, Ilie, jeta par la fenêtre un petit message manuscrit dont il souhait qu’il soit envoyé. Ce petit mot était adressé à un certain Monsieur Pagès qui habitait 2 place Bérault à Vincennes. Ce petit mot manuscrit, triste témoin du destin de sa famille, est actuellement en possession de Jean-Pierre.

Mot rédigé par Ilie
Source : famille Marcu-Fayer

 

III- La déportation

Manuel est arrivé au camp d’internement de Drancy avec Ilie et Elisa le 23 juillet 1944.

Sur la carte de son entrée à Drancy, il est indiqué que Manuel était étudiant.

La mention B sur cette carte indique qu’il était « déportable » immédiatement. Il logeait dans l’escalier 3, chambre numéro 4. Il a été interné dans la même chambre qu’Elisa et Ilie. Mais Ilie et Manuel ont été déplacés dans l’escalier 4, chambre 3 tandis qu’Elisa a été déplacée dans la chambre 2.

Après son internement au camp de Drancy, Manuel fut déporté à Auschwitz le 31 juillet 1944 par le convoi 77 comme 1305 autres personnes. Le convoi partit de Drancy puis traversa l’Allemagne pour arriver au camp de concentration d’Auschwitz en Pologne.

Manuel était un des 324 enfants de moins de 18 ans de ce convoi qui partit de France 17 jours avant la libération du camp d’internement de Drancy.

Extrait fichier Drancy
Source : Mémorial de la shoah Paris

 

Le voyage vers le camp d’Auschwitz-Birkenau dura 3 jours et 3 nuits. Les conditions de vie lors du trajet furent terribles, entassés à cent dans des wagons à bestiaux fermés. À peine arrivés, dans la nuit du 2 au 3 août, une grande sélection eut lieu entre les personnes aptes à travailler ou pas. 291 hommes sont tatoués des numéros B-3673 à B-3963 et 183 femmes sont tatouées des numéros A-16652 à A-16834.

La majorité des personnes furent gazées dès leur arrivée, dont les enfants.

Manuel a survécu à cette sélection et est entré dans le camp mais nous ignorons les détails de son parcours, son numéro de tatouage et ce à quoi il a été employé dans le camp.

Dans les documents que nous avons obtenu des Arolsen Archives le nom de Manuel apparaît sur des fichiers attestant de son internement au camp de concentration de Natzweiler sous le matricule 43200.

Registre des détenus du camp de concentration de Natzweiler
Source : Arolsen archives

Manuel fut envoyé au camp-hôpital de Vaihingen (Wiesengrund) mais nous ignorons à quelle date et pour quelle raison. Les registres de ce camp mentionnent Manuel comme étant décédé le 4 février 1945 à 15h15.

Registre des décès du camp de concentration de Vaihingen
Source : Arolsen archives

 

Nos recherches nous ont permis de trouver un article du Figaro évoquant une probable cause de l’envoi à Vaihingen et du décès de Manuel.

Extrait d’un article du journal Le Figaro du 27.01.2015 :

« Le 7 avril 1945, l’armée française découvre le camp de Vaihingen en Allemagne, annexe du camp de Natzweiler-Struthof en Alsace. Ouvert en août 1944 près de Stuttgart, le camp regroupe les travailleurs – des prisonniers juifs en provenance d’Auschwitz – utilisés à la construction d’une usine souterraine d’armement appelée le chantier « Stoffel ». Le projet est vite stoppé et le camp transformé en « camp SS des malades et convalescents ». Aux prisonniers inaptes au travail déjà présents, s’ajoutent à partir du mois d’octobre des convois d’invalides transférés depuis les camps annexes de Natzweiler. Abandonnés à leur sort, les malades vivent dans des conditions épouvantables sans soin ni chauffage et sous-alimentés. Les épidémies de typhus, tuberculose et dysenterie font des ravages sur les corps épuisés. »

Dans les documents fournis par les Arolsen Archives il est indiqué que Manuel aurait été enterré au cimetière d’honneur d’Ensingen (détenus de Vaihingen) car il figure sur la liste des corps exhumés en 1958.

Contributeur(s)

Cette biographie a été rédigée par Marième Babou, Victorine Lecoconnier, Sacha Mellul, Rebecca Mokoko, Norma Roux-Mireux, Louna Sanchez, Matthieu Chanay et Joaquim Ramos, élèves de 3ème du collège La Cerisaie de Charenton durant l’année scolaire 2023-2024, encadrés par Nathalie Baron et Sonia Drapier, enseignantes d’histoire-géographie.

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