Nuchim WOLMAN
Parmi les 1 306 déportés du Convoi 77 de Drancy à destination d’Auschwitz, figure Nuchim Wolman, Polonais juif. Notre biographie repose sur les dossiers de demande d’attribution du titre de déporté résistant et de déporté politique ainsi que sur le dossier d’appartenance aux Forces françaises de l’intérieur (F.F.I.), conservés au Service historique de la Défense de Vincennes et de Caen.
© SHD de Vincennes Dossier 16P 604178 © SHD de Caen Dossier 21 P 551 195
Ces demandes ont été faites, par sa femme, Rachel Kowalski. Tous deux se marient à Dantzig, en Pologne, le 2 août 1932.
Nuchim Fajwel Wulman[1] est né le 14 septembre 1904, à Ilza[2], en Pologne. Il est bachelier[3] et vit de sa profession de chapelier. Nous ne savons pas à quelle date les époux émigrent en France. Néanmoins, un certificat de domicile d’un hôtelier parisien nous confirme la présence du couple, à Paris, à compter du 11 mai 1938[4]. Puis, une attestation de la gérante d’un immeuble, situé au 16 rue Saint-Fiacre, à Paris, nous confirme leur installation à partir de la fin de l’année 1938.
Certificats de domicile © SHD de Caen Dossier 21 P 551 195
Le certificat d’appartenance aux F.F.I. nous permet de savoir qu’il n’est pas naturalisé français. Il garde donc son statut d’étranger polonais.
Certificat d’appartenance aux F.F.I. © SHD de Vincennes Dossier 16P 604178
Nuchim Wolman s’engage dans l’infanterie française, dans le bataillon de marche des volontaires étrangers à l’entrée en guerre, en septembre 1939. Il est démobilisé le 3 septembre 1940[5]. Il retourne alors à Paris. Il quitte la capitale en novembre 1941 pour s’installer dans le département de la Loire et travailler en usine.
En janvier 1942, il entre en Résistance[6]. Il fait partie du mouvement du Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France créé par le parti communiste français. Il intègre l’organisation juive française de Résistance, également d’obédience communiste : l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (U.J.R.E.). Il participe, en tant que résistant, à la propagande anti-nazie dont la distribution de tracts. À partir de la mi-juillet 1943, il diffuse de la littérature clandestine dans le camp Clocher[7] qui est un groupement de travailleurs étrangers (G.T.E.)[8], localisé à Guéret, dans la Creuse. Puis, à partir de février 1944, il récupère des armes pour un maquis des F.F.I[9]. Le 11 juin 1944, il est arrêté à Azat-Châtenet, dans la Creuse, au cours de l’attaque d’une garnison allemande ; il était alors chargé de la garde de 40 prisonniers allemands. Il est interné au camp de Royallieu à Compiègne, où sont majoritairement envoyés les détenus politiques, puis transféré à Drancy, camp de transit pour les Juifs, le 6 juillet 1944. Il est finalement déporté à Auschwitz le 31 juillet 1944. Sa date de mort n’a pu être avérée avec précision.
Extrait des minutes des actes de décès du 2e Arrondissement de Paris © SHD de Caen Dossier 21 P 551 195
Bien que le ministère des Anciens Combattants et Victimes de guerre ait émis l’avis qu’il conviendrait d’établir sa mort au 5 août 1944, à Auschwitz, un jugement du tribunal civil de la Seine déclare le décès de Nuchim Wolman, à la date du 31 juillet 1944, à Drancy[10]. Il est en effet difficile de déterminer avec exactitude la date de décès d’un déporté puisque nous ne savons à quel moment de sa déportation il meurt : dans le convoi l’acheminant à Auschwitz, lors de son arrivée au camp de concentration, ou durant son séjour.
Courrier du ministère des Anciens Combattants et Victimes de guerre du 2 novembre 1949 © SHD de Caen Dossier 21 P 551 195
La veuve de Nuchim Wolman, Rachel, fait une demande d’attribution, à titre posthume, du titre de déporté résistant, à son époux, qui lui est refusée, le 27 août 1957, au motif que « La cause déterminante de la détention n’a pas été un acte qualifié de résistance à l’ennemi » mais celle qu’il soit israélite[11]. Elle fait alors une demande du titre de déporté politique qui lui est accordée le 13 mai 1958. La mention de « Mort pour la France » est inscrite sur le certificat de décès de Nuchim Wolman, à la date du 27 septembre 1950. Cette inscription est une reconnaissance, par la nation française, des actes de bravoure commis par ce déporté étranger juif pour libérer le pays.
Notes & références
[1] Ses parents se nomment Moszek Wolman et Frajndel Aibusiewicz.
[2] Après 1942 et l’élimination du ghetto où étaient concentrés 2000 Juifs, il n’y avait plus un Juif dans cette ville. https://en.wikipedia.org/wiki/I%C5%82%C5%BCa#cite_note-3
[3] Comme l’indique sa femme sur son dossier de demande de titre de Déporté Résistant.
[4] Une loi passée tout de suite après la guerre instituait que pour bénéficier d’un statut, d’une aide, etc. il fallait avoir été en France avant la déclaration de guerre – sauf pour ceux qui sont venus s’engager pour se battre contre l’Allemagne. Il est donc essentiel de prouver qu’on avait une adresse française avant le 1er septembre 1939 cf. lettre du 17 février dans le dossier 21 P 551 195 Notons que le certificat de l’hôtelier date 26 mars 1941. Nichim a dû en avoir besoin pour une raison précise. S’installer rue du Perche ? Celui du propriétaire de la rue Saint-Fiacre, d’août 1939 est peut-être utilisé pour l’enrôlement dans l’armée. Sa femme indique également qu’au moment de son arrestation, dans la Creuse, son domicile parisien officiel était 12 rue d’Hauteville, Paris 10e. On sent que Nuchim devait souvent changer de résidences dans la crainte d’être arrêté. S’était-il déclaré comme juif au commissariat comme les lois de Vichy l’imposaient ?
[5] Dans le Tarn-et-Garonne. Il retourne alors à Paris, chez lui et travaille chez M. Stern, rue des Gravilliers, dans le 3e arrondissement. Il déménage de son appartement rue Saint-Fiacre en mai 1941 pour s’installer non loin de la rue des Gravilliers, dans la rue du Perche.
[6] Il est arrêté en janvier 1942, pour avoir franchi la ligne de démarcation, qui sépare la zone Nord, occupée, de la zone Sud, sous le contrôle de Vichy. Il est alors envoyé comme « étranger en surnombre dans l’économie nationale » dans un camp de travail pour étrangers dans le camp de Clocher, un Groupement de Travailleurs Etrangers (40e-863e G.T.E.). En tant qu’engagé volontaire, Nuchim n’aurait pas dû être interné, mais c’est d’avoir enfreint la loi en traversant la ligne qui l’y a conduit.
[7] Le régime de ces camps était assez souple, les détenus étant autorisés à sortir en ville ou étant parfois logé chez l’habitant. C’est alors qu’il y travaille qu’il prend contact, en janvier 1942 avec la Résistance.
[8] Légion étrangère. Seine Bureau central. Matricule 15970. 1re région militaire. Mémorial de la Shoah. Fonds UEVACJEA.
[9] Le 6 juin il est sous les ordres du Lt-Colonel François.
[10] C’est une convention pour tous les déportés dont on ne connaît pas le parcours, selon certains critères : âge, santé, etc. Sa date de décès a été rectifiée par décret du 25 octobre 2002 et reportée à l’état civil de la mairie du 2e arrondissement le 20 janvier 2004. Les déclarations « morts à Drancy » sont nombreuses et sont souvent faites pour faciliter les démarches des familles.
[11] Sa veuve a pourtant fourni une attestation en bonne et due forme, bien que la raison de son arrestation ne soit pas mentionnée. La mention « Mort en déportation » a également été ajoutée en marge de son acte de décès. Le nom de Nuchim WOLMAN figure sur le monument lyonnais du cimetière israélite de Gerland.