Paul LEVY

1896 - 1944 | Naissance: | Arrestation: | Résidence: ,

Paul LEVY

 

Paul Lévy est originaire de Schaffhouse-sur-Zorn, village alsacien situé à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Strasbourg. Située dans la vallée de la Zorn, du nom d’une rivière qui prend sa source dans le département de la Moselle, cette localité se déclinait au dix-neuvième siècle sous le nom germanique de Schaffhausen (qu’il ne faut pas confondre avec Schaffhouse-près-Seltz, autre village alsacien en bordure de la frontière allemande, ou Schaffhausen en Suisse alémanique).

Les ancêtres de Paul Lévy s’établissent à Schaffhouse-sur-Zorn dès le dix-huitième siècle. En 1784, le village compte 12 familles juives1. Le recensement de 1808, qui impose aux Juifs l’adoption d’un nom patronymique, fait état de 80 personnes2, soit environ un cinquième de la population du village. En 1895, l’année qui précède la naissance de Paul Lévy, la localité compte au total 442 habitants.3

Paul est né le 15 octobre 1896 à 7 heures du matin. Une sage-femme déclare la naissance à l’état civil de la commune sous le nom de Paulus Recht.4 L’Alsace étant sous occupation allemande, le prénom est germanisé, tandis que le nom de famille provient de sa mère, Ernestine Recht (1872-1941), dite non-mariée au moment de la naissance. Une note en marge indique qu’Isaac Lévy et Ernestine Recht reconnaissent, au moment de leur mariage civil le 11 décembre 1899, qu’ils ont conçu cet enfant ensemble, ce qui équivaut à une reconnaissance de paternité.

Le commerçant Isaac Lévy (1872-1960) et sa femme Ernestine vont encore donner naissance à deux autres fils : Gaston, né en 1900 mais qui décède à l’âge de 4 mois, et Camille, né en 1902. Paul et Camille grandissent à Schaffhouse-sur-Zorn, le premier commençant à gagner sa vie comme marchand de bétail tandis que le second décide de se consacrer à la médecine.

Le 9 avril 1928, Paul épouse Georgette Lévy (1905-1988), native de Durmenach, une commune située dans le Haut-Rhin non loin de la frontière suisse. Georgette est une descendante du rabbin Seligmann Lévy, qui participa du temps de Napoléon Bonaparte aux travaux du Grand Sanhedrin. Le couple donne naissance à deux enfants dans les années 1930 et décide de s’installer à Hochfelden, à quelques kilomètres de Schaffhouse-sur-Zorn (la synagogue de Hochfelden, construite en 1841, est classée monument historique depuis 1996). Le frère de Paul, Camille, se marie en 1930 à Barr avec Edith Lieber, et ce couple donne naissance à un fils, Claude, né le 5 février 1933 à Durmenach où Camille s’est temporairement installé.

La guerre comme point de rupture

Le déclenchement de la guerre et l’occupation de l’Alsace chamboulent profondément et irréversiblement la vie de cette famille. Reconstituer son parcours exact à partir du moment où elle quitte l’Alsace, probablement en 1940, s’avère ardu. Les parents de Paul et Camille, Isaac et Ernestine Lévy, sont transférés en Dordogne. On trouve leur trace en 1941 au château de la Roche-Beaulieu, dans la commune d’Annesse-et-Beaulieu, qui sert d’hospice pour les personnes âgées, indigentes ou infirmes, expulsées d’Alsace après l’occupation.5 Ernestine y décède le 16 août 1941, à l’âge de 69 ans. Un an plus tard, pendant l’été 1942, Isaac est transféré avec les autres pensionnaires au lieu-dit La Jarthe, dans la commune voisine de Saint-Astier, où l’hospice est composé de cinq baraquements. Soutenus par l’Aide sociale israélite (ASI), organisme créée pour assister la population juive d’Alsace exilée en Dordogne, les pensionnaires de La Jarthe sont dispersés en janvier 1944 sous la menace de l’occupant allemand qui entend réquisitionner ces baraquements.6 Isaac parviendra à rejoindre le reste de sa famille sans doute à la fin de la guerre.

Camille quitte l’Alsace et s’installe le 7 octobre 1940 avec sa femme Edith et son fils Claude à Molles, dans le département de l’Allier. Recensés en tant que Juifs français par le régime de Vichy, ils sont arrêtés le 23 novembre 1943 à leur domicile par la Gestapo et internés à Moulins à la prison militaire allemande Mal-Coiffée. Une semaine après, le 30 novembre, ils sont transférés à Drancy.7 Leur déportation a lieu le 7 décembre 1943 par le convoi no. 64 qui les mène à Auschwitz. Edith (33 ans) et Claude (10 ans) sont tués probablement dès leur arrivée, tandis que Camille, sélectionné pour le travail, est transféré dans les sous-camps de Monowitz et Eintrachtshütte. En janvier 1945, il est évacué vers le camp de Mauthausen, où il est libéré le 5 mai 1945.

Paul Lévy se réfugie à Lyon avec sa femme Georgette, ses deux enfants, Yvan et Nicole, et sa belle-mère, Reine Lévy née Weill. Dans un premier temps, ils résident place du gouvernement, dans un immeuble qui abrite aussi d’autres membres de la famille. On y trouve un frère et une sœur de Reine, en l’occurrence Armand Weill, venu s’installer avec sa femme Alice et ses quatre enfants, et Palmyre Weill, qui a épousé Marx Picard de Durmenach, ainsi que Simon Lévy, demi-frère de Georgette, présent avec sa femme et ses trois enfants.

Par la suite, Paul Lévy déménage avec sa femme, ses enfants et sa belle-mère au numéro 18, cours Tolstoï à Villeurbanne. Ils y mènent une vie précaire, Paul ayant trouvé un emploi chez Rhodiaceta, une entreprise qui produit du fil synthétique. Ils tentent de ne pas se faire remarquer, surtout à partir du moment où les Allemands occupent également la zone libre. Villeurbanne est en effet le théâtre de rafles en 1943 et les mesures de restriction rendent l’atmosphère toujours plus pénible.

Arrestation et déportation

Plusieurs coïncidences malheureuses vont bouleverser la suite des événements. En juillet 1944, Raymond Blum, 22 ans, petit-cousin par alliance de Paul Lévy, se fait arrêter à Lyon. Le jeune homme, étudiant en médecine, réside alors dans la cité rhodanienne, au 69 chemin des Grandes Terres. Au moment de son arrestation, il porte sur lui un carnet d’adresses où figurent le nom et le domicile de son petit-cousin. Quand la milice lyonnaise se pointe au domicile des Lévy, cours Tolstoï, ils tombent aussi sur André et Marcel Weill, deux des fils d’Armand Weill venus ce même jour rendre visite à leur oncle et leur tante. Les trois hommes sont embarqués sous les yeux de Georgette et de ses enfants et amenés place Bellecour, siège de la Gestapo. La famille ne les reverra plus.

Transférés à Drancy, les trois hommes sont déportés en même temps que Raymond Blum le 31 juillet 1944 par le convoi no. 77 à Auschwitz. Paul Lévy, alors âgé de 47 ans, figure sur une liste de prisonniers français du camp : elle n’est pas datée mais indique qu’il était encore vivant en septembre 1944.8 Armand Weill décède le 11 août 1944 à Lyon, soit peu de temps après la disparition de ses deux fils André, 31 ans, et Marcel, 23 ans.

Raymond Blum est transféré à Mauthausen le 25 janvier 1945 et est affecté quatre jours plus tard dans le camp annexe d’Ebensee. Il y meurt le 26 février.9 Lors de la libération du camp de Mauthausen en mai 1945, Camille Lévy, le frère de Paul, est hospitalisé dans le service médical de la Première Armée française sur les bords du lac de Constance.10 Il est rapatrié à Mulhouse fin juillet.

Après la guerre, c’est l’heure du retour en Alsace pour les membres de la famille restés à Lyon. Seule Georgette, sa mère Reine et ses deux enfants choisissent de rester à Villeurbanne. Ils déménagent par la suite rue Brigadier Voituret et attendent vainement des nouvelles de Paul dont ils ignorent le sort et le lieu où il a été transporté. Ils apprendront par la suite de la part d’un rescapé que ce dernier l’aurait aperçu dans le camp d’Auschwitz : c’est la seule information qui leur parviendra après la guerre. En vertu de la loi du 15 mai 1985, un jugement déclaratif de décès situe sa mort entre le 30 juillet 1944 et le 1er juillet 1946. Suite à un arrêté ministériel du 18 septembre 1995, sa mort en déportation a été fixée administrativement au 5 août 1944 à Auschwitz.11

 

Sources :

[1]Dénombrement des Juifs d’Alsace 1784, Cercle de généalogie juive, Paris, 1999
2 Déclarations de prise de nom patronymique des Juifs 1808, AD du Bas-Rhin, 5 E 439
3 https://fr.wikipedia.org/wiki/Schaffhouse-sur-Zorn
4 AD du Bas-Rhin, Schaffhouse-sur-Zorn, registre des naissances 1896, 4 E 440/9
5 Bernard Reviriego, Les Juifs en Dordogne 1939-1944, Périgueux, 2003, p.41
6 Information de Bernard Reviriego
7 Source : Amis de la Fondation pour la mémoire de la déportation de l’Allier (AFMD)
8 Service international de recherches ITS à Bad-Arolsen : document ID 533059
9 Source : Amicale des déportés, familles et amis de Mauthausen
10 Source : Amis de la Fondation pour la mémoire de la déportation de l’Allier (AFMD)
11 JORF n°296 du 21 décembre 1995, page 18496

Contributeur(s)

Laurent MOYSE

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