Paulette JACHIMOWICZ
Ci-contre : Photographie réalisée par les élèves de 3ème 2, symbolisant Paulette Jachimowicz.
Qui est-elle ?
Une partie de la classe de 3ème2 du collège Jean de la Fontaine du Mée-sur-Seine a travaillé sur la biographie de Paulette Jachimowicz, petite fille de 9 ans, morte en déportation.
Dans le cadre de cette recherche, les élèves ont visité le Mémorial de la Shoah à Paris où ils ont pu assister au témoignage de Anna Koch, enfant cachée. Ils ont ensuite visité le lieu de mémoire de Drancy.
Faute de photographie de Paulette, les élèves ont réalisé une image qui pourrait la représenter. Voici leur texte explicatif: «On a choisi la marelle car c’est un jeu d’enfant. Les trois premières cases de la marelle symbolise le peu de temps d’enfance que Paulette a vécu, avec les jouets. Plus on avance vers les cases, plus on avance vers la mort représentée par la croix gammée, le numéro du convoi, et les barbelés autour de la marelle».
Deux élèves ont ensuite imaginé le monologue de Paulette à partir de l’arrestation à Saint-Mandé.
I. Avant la guerre
Paulette Jachimowicz est née le 8 décembre 1936 au 5 rue Félix Faure, fille unique de Michel Joël Jachimowicz et de Maszak Krawczyk. Son père est né le 21 juin 1904 à Kalisz en Pologne, ville située sur la Prosna, en Grande-Pologne. Sa profession était garçon boulanger. Son épouse est née le 9 mai 1908, à Rogana, ville se situant à environ 77 kilomètres de Varsovie, au nord de la Grande Pologne; elle est couturière.
Le père de Paulette est arrivé en France en 1922: il a alors 18 ans. Des membres de sa famille sont déjà en France et il résidera parfois chez eux. Il déménage très souvent dans plusieurs villes de Lorraine: il se rend d’abord à Metz, puis à Thionville en 1923. Il s’installe à Saint Avold, à Etain en 1925, à Homécourt en 1932, revient à Metz pour repartir à Toul le 15 mai 1934.
Les parents de Paulette se sont mariés à Argenteuil en Seine-et-Oise le 24 novembre 1934. Ils habitent 6 rue de la chaussée à Montigny-les-Metz. Par la suite, ils divorceront, le 8 juin 1939, mais ils sont sans doute séparés avant cette date car dès 1936, on voit que la mère et la fille quittent Lens sans être accompagnées du père dont on perd la trace par la suite.
Masza Jachimowicz part demeurer chez Aizyk Jachimowicz au 22 rue du Champé le 21 janvier 1936 à Metz. Le 20 février 1936, Masza part habiter au 7 rue Serpenoise à Metz et 9 jours après, elle part loger au 7 bis rue des Allemands chez Mekler ou Keller. Le 7 novembre 1936, elle part pour un endroit inconnu de nos données à cause du manque d’informations.
Après sa naissance, Paulette reste habiter à Lens pendant 4 mois puis part le 26 janvier 1936 demeurer à Metz, rue des Minimes chez la famille Batry mais nous ne sommes pas sûrs, compte tenu de l’écriture illisible du document de recensement. Le 26 mai 1936, Paulette part de la rue des Minimes pour ainsi aller à Marange qui est à 15 km de Metz pour demeurer chez une nourrice, peut-être.
II. La guerre
1) L’exode dans l’ouest de la France
Nous avons obtenu ces informations grâce au témoignage de Félicia Barbanel: elle a eu le même parcours que Paulette. Nous supposons que Paulette a aussi pris un train de réfugiés avec sa mère car elle habite près de la frontière. Il s’agit d’évacuer les populations frontalières de l’Est. C’est une mesure militaire. Cet exode est organisé par les préfets.
Le train a mis trois jours pour arriver dans le Bordelais. Paulette et sa mère ont été emmenées à Les Billaux. On en est sûr car nous avons des documents qui l’attestent. C’était à sept kilomètres de Libourne. Nous supposons qu’elle et sa mère ont été reçues dans une grande maison bourgeoise où elles avaient droit à une pièce pour vivre. Elles avaient droit à une allocation de réfugié mais leur nom n’apparaît pas sur la liste des allocataires. Puis nous supposons que Paulette est allée à l’école des Billaux. Elles restent aux Billaux jusqu’au jour où les Allemands envahissent la France. Félicia Barbanel nous apprend que les Alsaciens et les Lorrains sont évacués à Berthegon dans la Vienne. Ce sera la dernière résidence de Masza, la mère de Paulette. Les Juifs devaient aller pointer tous les jours à la mairie de Berthegon.
2) L’internement au camp de Poitiers
Elles sont arrêtée par les nazis avec tous les autres Juifs puis internées au camp de Poitiers. Paulette et sa mère arrivent au camps de Poitiers le 15 juillet 1941. Les conditions dans le camp sont horribles: il y a une absence de matériel, de chauffage, un manque de nourriture, des maladies. Il y a aussi le sol argileux qui se transforme en boue collante l’hiver. Suite à l’ordre allemand du 4 octobre 1940, un grand nombre de nomades français et étrangers y sont internés en décembre 1940. Le camps contient 309 juifs adultes et enfants à la mi-juillet 1941.
3) La déportation de Masza
Comme la mère de Félicia Barbanel, la mère de Paulette a été déportée par le 8eme convoi le 20 juillet 1942. Elle part d’Angers jusqu’au camp de Auschwitz.
On peut voir que Paulette a fait plusieurs allers et retours dans le camp car elle a été hébergée par des familles d’accueil, sans doute grâce à l’intervention du rabbin Bloch. Paulette est peut-être passée par la maison d’enfants de la commune de Migné-Auxances, à la « Sansonnerie », à 7 km de Poitiers. Dans une lettre écrite au rabbin Bloch, Masza demande que sa fille soit placée à la sortie de Migné chez sa belle-sœur Mme Wachtel à Angoulême. Cependant, on ne retrouve pas de trace de cela dans les registres du camp de Poitiers.
4) Les familles d’accueil
a) La famille Rosenchein
Le 26 novembre 1941, elle est accueillie dans une famille juive, les Allemands interdisant formellement l’hébergement d’enfants juifs en dehors de familles juives (même si certaines familles non juives ont pu en accueillir aussi). Les familles d’accueil sont souvent comme une seconde famille pour les enfants. Elles essaient de rendre leur quotidien plus vivable.
Paulette a d’abord été placée en famille d’accueil chez les Rosenchein à Ligugé, commune située à 8km au sud de Poitiers, dans le département de la Vienne et dans la région de la Nouvelle-Aquitaine. Elle est placée chez cette famille avec Georgette, Nina Krieger ainsi que Régine Rein.
La famille Rosenchein est d’origine tchèque. Eizik ou (Misik) est né le 24 mars 1870 à Cinadowa. Il est tailleur. Sa femme, Henni est née le 1er janvier 1875. Ils ont deux filles, Thérèse et Serena. Ils habitent à Ligugé. Ils se sont faits recenser à Poitiers en tant que Juifs suite à l’ordonnance allemande du 27 septembre 1940 qui obligeaient les Juifs de la région à se déclarer et à dire qui étaient leurs parents.
Eisik est arrêté et transféré au camp de Poitiers le 9 octobre 1942. Il fait partie du convoi 42 à destination d’Auschwitz. Henni et Serena sont également raflées et partent le 7 décembre 1943 par le convoi 64.
b) La famille Salmona
Après l’arrestation de la famille Rosenchein, Paulette a été placée dans une autre famille d’accueil chez Esther et Moïse Salmona. L’adresse de cette famille d’accueil est 14 Rue A. Ranck à Poitiers. Paulette a dû être scolarisée car on retrouve son nom sur la plaque du lycée V. Hugo de Poitiers même si nous doutons finalement que Paulette, trop jeune, ait été scolarisée dans ce lycée, qui était en plus un lycée de garçons. Nous n’avons pas réussi à retrouver son inscription sur le registre d’une école à Poitiers.
Moïse, dit Maurice, est administrateur. Sa femme s’appelle Esther Nahmias de son nom de jeune fille. Ils sont tous les deux nés à Salonique. La famille Salmona vit à Paris avant la guerre. Ils ont deux fils: Isaac né à Salonique en 1913 et Gérard né à Paris en 1919. Ce dernier décédera en Grèce en 2009. La famille Salmona se fait également recenser comme juive en 1940, sauf Gérard. Moïse et Esther Salmona feront partie du convoi 66 du 20 janvier 1944.
5) Le retour au camp de Poitiers et le départ vers les homes d’enfants de l’UGIF
Le 24 mai 1943, tous les enfants qui étaient dans des familles d’accueil à Poitiers et dans les environs sont arrêtés et ramenés au camp de Poitiers. Ils en partent le 26 mai, direction Drancy. Dans le car, les 70 enfants chantent. Ils ne vont pas à Drancy mais sont accompagnés au centre UGIF rue Lamarck. Les centres UGIF sont régulièrement contrôlés par les Allemands.
Nous allons définir ceux que veut dire le mot UGIF: L’Union générale des Israélites de France. L’UGIF est un organisme créé par une loi française du Gouvernement de Vichy du 29 novembre 1941 à la suite d’une demande allemande au cours de l’Occupation de la France pendant la Seconde Guerre mondiale.
a) Louveciennes
Paulette a été scolarisée à Louveciennes du 18 octobre 1943 au 11 janvier 1944. Le centre de Louveciennes se situe dans les Yvelines près de Marly-le-Roi Elle est hébergée au centre UGIF n°56. Le centre de l’UGIF de Louveciennes est un ancien orphelinat agricole aménagé en maison d’enfant. L’école primaire pour filles est dirigée par Mademoiselle Schoen. Paulette a dépassé le cours préparatoire qui est le CP et elle est dans l’équivalent du CE1 aujourd’hui avec dix autres élèves dont une qui a sauté une classe. Pendant le mois d’octobre, Paulette n’a raté aucun cours, mais à partir du 10 janvier 1944, la maîtresse indique qu’elle est «partie pour un autre centre». Paulette apparaîtra sur les listes jusqu’en mai 1944 néanmoins.
b) Saint-Mandé
Le centre UGIF 64 dans lequel Paulette est ensuite allée était situé à Saint-Mandé, au 5 rue Granville, à proximité du bois de Vincennes. La maison est destinée à accueillir des jeunes filles de santé fragile. Ce centre ouvrit ses portes la première semaine de juin 1943…. Douze fillettes y sont transférées le 1er juin. La directrice en est Thérèse Cahen. Les enfants fréquentent l’école élémentaire Paul Bert, accompagnés par Mme Cahen. Les enfants sont bien traités: l’encadrement se montre très gentil, il y a un piano dont joue Mme Cahen. Outre l’école, on propose des activités de théâtre, chorale et couture.
6) L’arrestation, Drancy
Le samedi 22 juillet 1944, c’est la rafle décidée par A. Brunner. Les petites filles de Saint-Mandé, accompagnées par le personnel, sont emmenées à Drancy dans la nuit. Elles y séjournent avec tous les autres enfants des centres UGIF de la région parisienne, escalier 7. Le 31 juillet 1944, le dernier convoi en partance de Drancy les emmène vers Auschwitz. Mme Cahen avait promis de ne pas abandonner les enfants. Jugée apte au travail, elle refuse et choisit de rester avec eux.
Des fillettes de Saint-Mandé déportées dans ce convoi, seule Rose Krimolowki est revenue vivante.
Nous avons tenté d’imaginer le monologue de Paulette depuis le jour de l’arrestation à Saint-Mandé.
« Un jour, le 22 juillet 1944, je pars, avec les autres enfants qui sont avec moi, de l’endroit où je suis c’est-à-dire « le centre UGIF de Saint-Mandé ». On a peur parce que on doit vite rassembler nos affaires. On monte dans le bus et des policiers allemands nous demandent de le faire. On fait un trajet de 30 minutes, il fait chaud, je pleure parce que ma maman me manque beaucoup. La directrice du centre, Madame Cahen, me dit qu’on va dans un endroit accueillant, je me demande ce que c’est. Madame Cahen, c’est la dame qui s’occupait de nous au centre, c’est une dame extraordinaire parce qu’elle s’est toujours occupée de nous et elle nous a toujours aidées!
Après le long trajet, on arrive enfin à cet endroit accueillant, qui est en fait Drancy, je ne sais pas vraiment ce que c’est. Je vois des bâtiments et des gens. Beaucoup de gens. Tout sauf l’endroit que j’imaginais. Les policiers nous demandent de sortir du bus. Je suis triste, très triste. Je vois plein d’adultes entrer dans une sorte de cabane et je vois, par la fenêtre, les adultes se faire fouiller. Ma monitrice nous emmène à l’escalier 7 étage 2. Je me dis que je vais enfin retrouver ma maman. Je ne suis plus triste. Je suis avec tous les autres enfants, j’ai chaud, faim, je veux aller aux toilettes mais les policiers ne veulent pas. Je ne vois pas ma maman, je redeviens triste. Je sens l’odeur de la nourriture qui sort de la cuisine qui est juste en dessous de moi. Je me dis: « Je vais enfin manger ! » mais quand nous allons au réfectoire, il n’y a rien de bon.
Je peux enfin aller aux toilettes. Ça sent mauvais, il n’y a même pas de robinet pour se laver les mains. Je vis ça tous les jours pendant 9 jours. Je n’ai toujours pas vu maman et je pense ne plus la revoir…
On part de Drancy. On nous fait monter dans des bus pour aller jusqu’à une gare, le trajet est court. Après le trajet en bus, les policiers allemands nous poussent dans des wagons. On est beaucoup, on est serré, il fait chaud, je ne vois plus la lumière du jour. Le train part du quai. Je veux sortir, j’ai envie d’aller aux toilettes, j’ai faim et j’ai soif. Ce trajet en train dure trois jours. J’ai très peur mais Madame Cahen est là pour nous rassurer.
Le train s’arrête, on est arrivé mais on ne sait pas où. Les policiers allemands nous sortent du wagon en nous poussant. On nous crie dessus et on nous demande de nous mettre en ligne. Je reste avec Madame Cahen et les filles du centre. Je ne comprends pas ce que les policiers disent. Madame Cahen nous réconforte parce qu’on a peur. Elle nous dit que tout va bien. On marche sur les rails. On arrive devant un policier et il nous dit de monter dans un camion. Je suis contente parce que je ne marche plus. Madame Cahen nous dit qu’on va enfin se reposer. »
This biography of Paulette JACHIMOWICZ has been translated into English.
Argenteuil dans le Val d’Oise, alors département de Seine et Oise.
Selon l’archive 109 w17 p. 298 aux AD 86, avant Ligugé, Paulette serait passée par Swarves, chez Mme Lambert ou Humbert (?)