Palmyre SAMUEL
Domiciliée à Haguenau (67) elle se réfugie avec sa famille à Lapalisse (03) où ils sont domiciliés rue Traversière, puis Route Nationale. Ils se font recenser à Lapalisse comme Juifs français conformément à la loi antisémite du 2 juin 1941 promulguée par l’État français […]
Suite à l’étude par la classe de Madame Marion Pincemaille, professeur d’histoire-géographie au Collège Suzanne-Lalique-Haviland de Wingen-sur-Moder, à proximité de la Petite Pierre en Alsace, conduite avec sa classe, en 2017-2018, nous publions ici une biographie plus détaillée.
Palmyre LEVY est née le 14 décembre 1887 à Quatzenheim (Bas-Rhin) à 10h. Elle est la fille de Baruch LEVY[1], commerçant, et de Minette LEVY née JUDAS[2], mariés à Quatzenheim le 17 juillet 1883. Elle est la sœur de Sylvain LEVY, né le 16 août 1884, époux de Marthe LEVY née BERNHEIM, née à Kuttolsheim (Bas-Rhin) le 12 mars 1889 (leur mariage est célébré le 28 mai 1919 à Quatzenheim) et de Paul LEVY[3], né le 24 septembre 1890 et époux d’Elvire LEVY née BLOCH[4], née le 27 novembre 1899 à Mertzwiller (Bas-Rhin) (leur mariage est célébré le 4 octobre 1923 à Quatzenheim, une fille, Jacqueline[5], naît de cette union le 10 septembre 1924).
Après son mariage avec Jacques LEVY (mariage célébré le 3 mai 1899), Émilie, la sœur d’Henri SAMUEL, s’installe avec son époux à Quatzenheim. Par la suite, Jacques s’associe avec les frères de Palmyre, Paul et Sylvain[6] LEVY comme marchands de bestiaux.
Le 22 juillet 1914, à Quatzenheim, Palmyre épouse Henri SAMUEL de Weiterswiller : le couple s’installe alors dans la maison de la famille Samuel à Weiterswiller. Le couple n’aura aucun enfant.
Durant la Grande Guerre, Henri SAMUEL combat au sein de l’armée allemande, comme en témoigne la photographie ci-contre où l’on peut voir Palmyre au bras de son époux (en uniforme allemand), le couple accompagné de la sœur d’Henri, Clémence SAMUEL.
Au 1er août 1920, Henri et Palmyre, ainsi que d’autres membres de la famille SAMUEL de Weiterswiller, sont réintégrés dans la nationalité française. Henri et Palmyre parlent le français et le dialecte alsacien[7].
En octobre 1922[8], Abraham SAMUEL vend la maison familiale de Weiterswiller « pour 70 000 francs à Martin SPENLE, cultivateur, originaire de Mühlbach »[9] : toute la famille SAMUEL part alors s’installer à Haguenau. Henri et Palmyre s’installent au 6 rue de la Redoute (ils sont officiellement enregistrés à la mairie au 2 novembre 1922[10]). Les parents d’Henri habitent le même immeuble, alors que le frère d’Henri, Sylvain, son épouse et leurs deux enfants[11], s’installent dans un immeuble au 4 rue de la Redoute; sa sœur, Clémence, son époux et leurs deux enfants[12], s’installent au 7 rue des Roses[13]. Le départ de la famille SAMUEL coïncide d’ailleurs avec la désaffection de la synagogue de Weiterswiller.
Le 1er janvier 1923, Henri, Sylvain et Joseph SAMUEL s’associent pour fonder l’entreprise « Samuel frères » à Haguenau, spécialisée dans le commerce de chevaux[14]. Un certificat écrit de la main de Désiré BRUMBT, ancien maire de Haguenau et commissaire régulateur à la gare de Saint-Germain-des-Fossés (Allier) à la date du 1er août 1942, atteste que Joseph, Sylvain et Henri « étaient honorablement connus et estimés par les agriculteurs et les propriétaires du Bas-Rhin auxquels ils fournissaient régulièrement des chevaux achetés dans les différents centres d’élevage de France et importés en Alsace. »[15] La Tribune Juive mentionne que lorsque la famille SAMUEL vient s’installer à Haguenau, Abraham est alors trop âgé pour « s’occuper de son commerce de chevaux, mais ses fils et son neveu, qui avaient l’affaire en leur nom et qui entouraient leur père et oncle des soins les plus affectueux, continuèrent à lui rendre compte de leurs affaires. »[16]
Le samedi 24 mai 1924, la famille SAMUEL se rassemble à la synagogue de Haguenau pour organiser une triple fête de famille : Abraham et Élise fêtent leurs noces d’or, Émilie et Jacques fêtent leur noces d’argent et Alfred, fils de Clémence et Joseph (né en 1911 à Bouxwiller), fête sa Bar Mitzvah. « Un banquet de 65 à 70 couverts servi dans la grande salle du « Crocodile » retint toute la famille ainsi que quelques invités jusqu’à une heure fort avancée de la nuit ».[17]
Le vendredi 22 novembre 1929, la famille SAMUEL est en deuil: Abraham SAMUEL est alors inhumé au cimetière israélite de Haguenau. Suite à cela, Élise LEHMANN quitte le 6 rue de la Redoute et s’installe chez sa fille Clémence, et son gendre au 7 rue des Roses[18].
Le 18 mai 1940, la famille SAMUEL doit quitter précipitamment la ville de Haguenau, officiellement évacuée à cette date. Ils y laissent leurs biens meubles et immeubles[19] et se réfugient à Lapalisse, non loin de Vichy (Allier).
Ils arrivent dans la commune de Lapalisse : Henri et Palmyre s’installent rue Traversière avant de déménager route Nationale en 1943, où habitent Paul, Elvire et leur fille Jacqueline, apprentie couturière. Sylvain, son épouse Marthe et leur enfant Claude (naissance le 11 octobre 1926) sont, quant à eux, domiciliés à Bellevue.
Henri, Palmyre, ainsi que les membres des familles SAMUEL et LEVY présents à Lapalisse, se font recenser comme Juifs français, conformément aux mesures antisémites promulguées le 2 juin 1941 par l’État français à Vichy.
La vie continue alors à Lapalisse: les trois associés, Joseph, Sylvain et Henri SAMUEL poursuivent leur activité de marchands de chevaux pour assurer leur subsistance. Lorsque la loi du 1er décembre 1941 interdit aux Juifs l’exercice de leur profession à dater du 15 janvier 1942, Joseph Samuel envoie une requête au Commissaire Général aux questions juives afin d’obtenir une dérogation à cette loi pour continuer d’assurer la subsistance de sa famille. Il y met en avant le fait que sa famille est établie en France « depuis cinq générations au moins » et que plusieurs membres de sa famille se sont battus pour la France en 1870 (dont Abraham SAMUEL), 1914-1918 (lui-même) et 1939-1940 (son fils Alfred).
Deux naissances viennent également ponctuer la vie de la famille durant la guerre : celle de Michel Hauser en 1943, fils de Lucie SAMUEL (fille de Joseph et Clémence) et de Jean-Jacques LEVY le 6 juillet 1944.
Le 30 juin 1944, Palmyre et son époux sont arrêtés par la Gestapo puis internés à la Mal-Coiffée, prison militaire allemande à Moulins (Allier). Le 15 juillet 1944, ils sont transférés à Drancy, où Henri reçoit le matricule N°25170 et Palmyre le matricule N°25171[20]. La mention de « déporté racial » figure sur la demande d’ouverture d’un dossier en vue de l’établissement d’un acte de décès, demande établie en 1946 par le frère d’Henri, Sylvain SAMUEL, réinstallé au 6 rue de la Redoute après la guerre. Le 31 octobre 1948, un document du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre acte le décès de Palmyre au 5 août 1944, soit immédiatement à son arrivée au camp d’Auschwitz par le convoi 77, parti le 31 juillet précédent.
[1] Sur l’acte de naissance conservé aux archives départementales de Strasbourg, Baruch est né Lévi (et non Lévy); il est fils de marchand.
[2] Minette Judas est fille d’un colporteur et d’une couturière, domiciliés à Balbronn (Bas-Rhin).
[3] Arrêté le 30 juin 1944 avec Henri et Palmyre Samuel, et déporté dans le convoi 77. Il décède le 5 août 1944 à Auschwitz.
[4] Arrêtée le 30 juin 1944 avec Henri et Palmyre Samuel, et déportée dans le convoi 77. Elle décède le 5 août 1944 à Auschwitz.
[5] Arrêtée le 30 juin 1944 avec Henri et Palmyre Samuel, et déportée dans le convoi 77. Elle décède le 5 août 1944 à Auschwitz.
[6] Inscrit comme étant « en fuite » au recensement des Juifs de Lapalisse le 3 août 1944.
[7] Dénombrement de 1926, ville de Haguenau, Archives municipales de la ville de Haguenau et dénombrement de 1936, ville de Haguenau, Archives départementales du Bas-Rhin, Strasbourg, 364D6/1
[8] Source: La Tribune Juive – Strasbourg, n°22, 30.05.1924
[9] Weiterswiller. À la recherche des racines de nos maisons, CD-Rom réalisé par François SCHUNCK et Jean-Pierre Bloch, 2016
[10] Certificat délivré par la ville de Haguenau le 9 août 1946.
[11] Albert (09.05.1912) et Marthe (05.09.1917) SAMUEL. Albert décède à l’âge de 26 ans, à Haguenau, le 6 décembre 1938. Il est inhumé dans le cimetière israélite de la ville.
[12] Alfred (13.05.1911) et Lucie (01.11.1921) SAMUEL.
[13] Dénombrement de 1926, ville de Haguenau, Archives municipales de la ville de Haguenau
[14] 802D175 numéro 190, Archives départementales du Bas-Rhin, Strasbourg
[15] Archives privées de la famille WEILL Jean-François.
[16] Source: La Tribune Juive – Strasbourg, n°48, 29.11.1929
[17] Source: La Tribune Juive – Strasbourg, n°22, 30.05.1924
[18] Dénombrement de 1936, ville de Haguenau, Archives départementales du Bas-Rhin, Strasbourg, 364D6/1.
[19] Archives privées de la famille WEILL Jean-François.
[20] Archives du Ministère des Anciens Combattants et victimes de guerre