Wolf FAKTOR

1901 | Naissance: | Arrestation: | Résidence:

Wolf FAKTOR 

Je m’appelle Wolf Faktor. Je suis né le 06 août 1901 à Pustelnik en Pologne et voici mon histoire racontée par les élèves de Terminale générale 3 du lycée François Villon à Paris.

Le podcast des élèves, récompensé au CNRD en 2024 par le prix du Souvenir français dans l’académie de Paris : Le parcours atypique de WOLF FAKTOR raconté par les élèves de TG3

La famille polonaise de Wolf

Wolf Faktor a connu un destin marqué par les guerres et la déportation. Marié une première fois à Macha Euker, il était père de 4 enfants âgés de 1, 3, 5 et 18 ans en 1930. Ses enfants resteront en Pologne avec leur mère.

Première expérience de guerre

En 1918, la Pologne a obtenu son indépendance. Entre 1919 et 1921, l’Union Soviétique mène une guerre de territoire contre la Pologne. Les deux pays se disputent les territoires frontaliers. Wolf a participé à ce conflit au sein de l’armée polonaise. Wolf Faktor est fait prisonnier par les Russes en septembre 1920. Il obtient, par la suite, la médaille de la résistance polonaise. Cela montre son courage et sa vaillance militaire.

Entre 1930 et 1939, nous pouvons supposer que Wolf Faktor retourne en Pologne, mais les archives ne nous fournissent pas d’informations précises à ce sujet. Pour ce qui concerne sa vie en Pologne, nous ne disposons pas d’informations car les archives sont en polonais. Nous savons juste qu’il se réengage dans l’armée polonaise en 1939, à la suite de l’invasion du pays par les troupes allemandes.

De la Pologne à la France

Wolf Faktor est arrivé en France dans les années 1930. Son pays, la Pologne, a connu plusieurs vagues de pogroms, notamment entre 1917 et 1921. Arrivée en France, plus précisément à Paris, il s’installe au 9 rue du Dr Paul Brousse dans le XVIIe arrondissement, où il exerce en tant que chiffonnier et quincaillier dans un commerce qu’il tient. À la suite de nos recherches, nous avons pu constater que Wolf Faktor vivait maritalement avec une femme polonaise du nom de Domicela Swolinska.

Le départ de Wolf Faktor de son pays d’origine s’inscrit dans une vague d’immigration massive des juifs. Sous l’occupation nazie de la Pologne, la population participe en effet activement à la dénonciation de leurs voisins juifs. Les nazis ont réussi à instrumentaliser une haine du juif dans tous les pays occupés.

De son patriotisme à l’engagement pour sa patrie d’adoption

Wolf Faktor s’engage dans l’armée polonaise, le 4 septembre 1939 dans le 1er régiment d’artillerie, qui se constitue à Coëtquidan, en Bretagne. Un rapport de la préfecture de police de Paris mentionne son départ de son domicile parisien la veille puis son engagement volontaire. Dès mai 1939, une convention franco-polonaise avait été conclue pour créer une division d’infanterie dans l’armée française intégrant des Polonais émigrés en France. Wolf Faktor s’engage dès la mise en place du camp, avant que la mobilisation des ressortissants polonais en France ne devienne obligatoire le 3 octobre 1939. Ainsi, l’armée polonaise participe aux combats sur le sol français en tant qu’armée alliée. Le 18 juin, on dénombre 85 000 combattants en France, certains partent pour l’Angleterre continuer le combat. D’autres comme Wolf Faktor sont prisonniers ou entrent dans la clandestinité en rejoignant la Résistance.

C’est ainsi que Wolf Faktor combat en France. Il est blessé le 23 mai 1940 dans la Marne. Il est ensuite capturé le 5 juillet et interné dans le Frontstalag 133 à Rennes, il s’agit d’un camp allemand de prisonniers de guerre. Ce sont des camps de transit destiné à enfermer des prisonniers avant leur transfert en Allemagne. Par la suite, Wolf Faktor est transféré dans différents Frontstalags à Quimper en Bretagne, puis à Péronne dans la Somme.

Un « professionnel de l’évasion »

Wolf Faktor s’évade le 26 octobre 1940 en compagnie de Georges Duchêne, mais il est repris. Il s’évade une seconde fois, mais il est arrêté le 2 septembre 1941 par la Gestapo où il est torturé pour dénoncer ces camarades. Il ne parle pas. Enfermé à la prison du Cherche Midi à Paris à partir du 23 septembre 1941, puis transféré à Saint-Quentin dans la Somme, le 22 janvier 1942, Wolf Faktor s’en évade le 28 avril. Il est ensuite repris et transféré le 14 novembre au Stalag V.-A. à Ludwigsburg, puis à partir du 27 avril 1943 au Stalag V-B à Willingen. Ces derniers camps de prisonniers sont situés en Allemagne.

L’historienne Marie Moutier-Bitan, nous a expliqué la différence entre les Frontstalags et les Stalags. Dans les deux cas, il s’agit de camps pour les soldats, dirigés par la Wehrmacht, l’armée régulière allemande. Les Frontstalags sont des camps de transit situés près du front. Les soldats faits prisonniers de guerre sont ensuite transférés dans des Stalags sédentaires. Cela nous explique les changements de camps que connait Wolf Faktor. Dans ces lieux de détention, Marie Moutier-Bitan nous a aussi précisé que les soldats slaves avaient des conditions de vie plus difficiles que les soldats occidentaux. Leur chance de survie était beaucoup plus mince, autour de 10% contre 90% pour les soldats occidentaux.

Le 20 juillet 1943, il est rapatrié en France pour raisons de santé. Un certificat médical atteste de sa tuberculose. Il est dirigé vers l’hôpital Charasse à Courbevoie.

Son engagement volontaire dans l’armée montre sa détermination à se battre contre les nazis à la fois dans son pays d’origine et dans son pays d’adoption. Il parvient à survivre, en s’évadant à deux reprises. Il démontre, dès cette période, une capacité à échapper aux autorités allemandes et une détermination sans faille.

Des actes de résistance

Wolf Faktor rejoint les rangs au groupe Ceux de la Résistance à partir de juillet 1943 et y reste jusqu’à son arrestation le 28 juillet 1944. Le groupe se spécialise dans la propagande, le renseignement et diverses actions comme stocker et fournir des armes aux résistants et prendre en charge des pilotes alliés abattus. Ces derniers, piégés en territoire hostile, ont besoin d’une assistance pour survivre et rejoindre l’Angleterre.

Camille Nicolas témoigne par une lettre écrite le 3 août 1945 que Wolf Faktor était un résistant. Ce témoignage est essentiel pour notre déporté, car Camille Nicolas était le fondateur réseau M4 en 1941. Il est constitué de différents groupes dont Ceux de la résistance. Cette figure importante du mouvement précise le rôle de Wolf Faktor et appuie sa demande de statut de déporté résistant.

Lettre de Camille Nicolas attestant du rôle de Wolf Faktor dans la Résistance, source

Wolf Faktor est chargé d’organiser la désertion des ressortissants polonais, incorporés dans l’armée allemande en France. Il les recrute ainsi pour son mouvement de résistance. Ces soldats incorporés de force à la Wehrmacht volent également des armes dont des fusils automatiques essentielles à la lutte armée des résistants. Wolf a ainsi constitué un dépôt d’armes situé au 104 boulevard Bessière à Paris. Cette information est confirmée par un gendarme de Clichy, Ernest Casimir.

Un officier de Police du quartier de la Chapelle, Michel Solaz, le décrit comme un bon patriote et affirme l’avoir croisé en compagnie de soldats polonais, munis de fusils automatiques. Wolf Faktor les conduisait auprès d’un chef des F.F.I à Livry-Gargan, où plusieurs groupes de FFI du Réseau M4 étaient en effet installés.

De la dénonciation à la déportation

Wolf Faktor est à nouveau dénoncé par Marcel Bonnet. Il est arrêté par la Gestapo. Pierre Cazaux, son voisin, affirme alors qu’il se réfugiait dans deux petites pièces louées au 152 rue de La Chapelle. Il est cette fois-ci interné à Drancy, devenu depuis mars 1942 un lieu de détention pour les juifs et l’antichambre des camps de concentration et centres de mise à mort, notamment Auschwitz-Birkenau.

Environ 63000 personnes sont passées par le camp de Drancy avant leur déportation. Les conditions de vie y sont abominables. Certains internés dorment à même le sol et la quantité de nourriture est insuffisante. Les conditions d’hygiène sont déplorables, les prisonniers n’ont accès aux douches qu’une fois tous les dix jours.

Plus discrète que la gare du Bourget-Drancy, la gare de Bobigny devient le principal lieu de déportation en France. A partir du 18 juillet 1943 jusqu’au 17 août 1944, 21 convois sont organisés. 22453 hommes, femmes et enfants seront déportés en 13 mois seulement. La gare de Bobigny est un endroit isolé donc moins exposé à la population française qui pourrait avoir de l’empathie pour les déportés. C’est un choix tactique d’Aloïs Brunner, commandant du camp d’internement de Drancy. Elle est choisie pour permettre aux Nazis en collaboration avec la SNCF de mettre en place la Solution Finale. Cette dernière consiste à exterminer les Juifs d’Europe.

Le convoi n°77 du 31 juillet 1944 est le dernier grand convoi de déportation de juifs partis du camp d’internement de Drancy pour la gare de Bobigny à destination d’Auschwitz. Wolf Faktor embarque probablement dans les cris et la peur dans ce convoi constitué en grande partie d’enfants. Le train part le 31 juillet 1944.

Wolf Faktor sur le mur des Noms, Mémorial de la Shoah, Paris
Photographie : Jennifer Ghislain

La vie de Wolf Faktor dans les camps

Les archives sont peu nombreuses, mais il a passé la sélection. Il a en effet travaillé dans le camp d’Auschwitz-Monowitz, lié à l’usine de caoutchouc Buna du groupe IG Farben. Les détenus travaillent dans des conditions terribles avec une mortalité importante. Nous retrouvons ensuite Wolf Faktor dans les listes du camp de Gross-Rosen, un camp annexe du camp de concentration de Sachsenhausen, sur le territoire allemand. Enfin, on le retrouve à Buchenwald, toujours en Allemagne, à partir de 10 février 1945. Il porte alors le matricule 125019. Dans les listes de ce camp conservées aux archives Arolsen, il est inscrit comme déporté politique juif français, malgré sa nationalité polonaise.

On remarque qu’il fait une fausse déclaration se présentant comme Victor Facteur. Il ne se présente jamais comme juif dans ses démarches insistant toujours sur son statut de déporté résistant. Ce document est le seul qui atteste de sa judéïté parmi les archives que nous avons consultées. Des archives mentionnent un transfert à Dachau, mais la date de ce transfert reste inconnue. Elle a sans doute lieu avant le 11 avril 1945, date de la libération de Buchenwald. Nous connaissons son nouveau matricule, le 112442. Ces changements de camps s’expliquent par l’avancée des troupes soviétiques qui ont libéré Auschwitz, le 27 janvier 1945. Les déportés sont alors transférés vers d’autres camps plus à l’Ouest. Certains déportés marchent jusqu’à l’épuisement, ce sont marches de la mort. Nous ne connaissons pas les conditions endurées par Wolf Faktor lors de ses multiples transferts. Sa présence sur les listes de transport indique plutôt des transferts en train. Le camp de Dachau est libéré le 29 avril 1945 par les soldats américains. Atteint de tuberculose, Wolf Faktor est rapatrié le 21 juin 1945 pour raisons de santé.

Après sa libération : une vie entre délinquance et quête de reconnaissance

Dès son adolescence, il a été confronté aux horreurs de la guerre et a réussi à s’évader plusieurs fois, victime de nombreuses arrestations et de dénonciations pendant la Seconde Guerre mondiale. Son parcours de délinquant, avec des arrestations et des amendes pour différentes infractions, montre une vie mouvementée, marquée par un jeu du chat et de la souris avec la justice. Cela complique sa quête de reconnaissance.

Ainsi, on note que Wolf Faktor se fait connaître des services de police le 20 avril 1935, il a fait l’objet d’une procédure pour coups et blessures au Commissariat de police des Grandes Carrières. Le 15 février 1944, il a été condamné à 3 mois de prison et à une amende de 2400 francs pour recel. C’est le fait de dissimuler, détenir ou transmettre une chose ou une personne, ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit. Ce profil de délinquant lui sert probablement dans la Résistance et à s’évader régulièrement : il sait se cacher, où trouver des armes, a une certaine habitude de la clandestinité.

Ensuite, le 10 février 1947, la justice lui a infligé une peine de 4 mois de prison avec sursis et une amende de 1800 francs pour coups et blessures ainsi que pour port d’arme prohibée. Le 18 novembre 1949, il a écopé de 2 ans de prison avec sursis et d’une amende colossale de 300 000 francs pour avoir été impliqué dans un acte de recel, marquant ainsi la récidive de ses activités illégales. Il est d’ailleurs surveillé par les renseignements généraux. Un rapport d’octobre 1951 affirme ainsi « En ce qui concerne le loyalisme de cet étranger, il ne peut être suspecté, mais il y a lieu par contre de faire les plus grandes réserves sur sa conduite et sa moralité. Il était, en effet, représenté comme un individu capable des pires violences et dénué de tout scrupule en matière commerciale »

Après son rapatriement du camp de concentration de Dachau en 1945, Wolf Faktor s’est longuement battu pour que les gens reconnaissent son sacrifice et son engagement pendant la Seconde Guerre mondiale. Son engagement dans la résistance, avec des actions comme l’organisation de désertions et la fourniture d’armes aux opposants, montre sa volonté de lutter pour la liberté. Enfin, sa quête de reconnaissance, symbolisée par sa demande de naturalisation et son désir d’être reconnu comme déporté résistant, reflète sa volonté de trouver sa place dans la France d’après-guerre.

Wolf Faktor était une personne qui n’était pas immédiatement reconnue comme déporté résistant après la guerre en raison de ses identités multiples et de son casier judiciaire. La nationalité française lui est ainsi refusée le 6 septembre 1949 sur proposition du préfet de police de Paris. Ce dernier suggère également qu’on lui retire sa carte de commerçant. Wolf Faktor prépare plusieurs dossiers et a été officiellement reconnu en 1951 comme résistant et déporté par le ministre et le chef du bureau des déportés, Gallot. Il a notamment été aidé dans ses démarches par Camille Nicolas, chevalier de la Légion d’honneur qui a attesté de son rôle de la Résistance. Le processus a pris plus de 6 ans, nécessitant de multiples attestations, des enquêtes de police pour vérifier ses dires. Cela montre sa détermination à être reconnu en tant que résistant. On perd définitivement sa trace après 1951.

Ce qui rend le parcours de Wolf Faktor particulièrement intéressant est sa complexité. Il n’était pas un héros sans défaut, puisqu’il a été condamné à plusieurs reprises pour des délits après la guerre. Mais son engagement dans la Résistance et sa volonté de vivre font de lui une figure humaine fascinante. En retraçant le parcours de Wolf Faktor, nous avons pu nous plonger dans une période sombre de l’histoire et comprendre les motivations et les sacrifices de ceux qui ont lutté contre l’oppression, qu’ils soient français ou étrangers.

Lettre de Wolf Faktor adressée au préfet de police de Paris, le 3 mars 1947, source

Transcription de la lettre de Wolf Faktor

Wolf Faktor,
2 Impasse Choisel, 2,
Saint-Denis,
(Seine)

À Mr le Préfet de Police,

J’ai l’honneur d’attirer votre aimable attention sur mon cas ci-après.

Pour la clarté du récit, je serai un peu long, excusez m’en, mais j’espère que vous aurez la patience et la bonté de me lire entièrement.

Je vais vous signaler l’activité étrange d’un nommé Bonnet Marcel, ancien collaborateur de la Gestapo allemande, qui fut le principal coupable de mes malheurs. Pour ceci, il nous faut remonter au début de la présente guerre.

Le 4 septembre 1939, je m’engageais volontairement pour la durée de la guerre. Le 10 mai 1940, je montais au front. Je fis la défense du Canal de la Marne, où je fus blessé le 23 mai 1940. Évacué sur l’hôpital de Rennes, Rennes venant d’être occupé, je m’évadais pour essayer de rejoindre l’Angleterre, mais je ne pu réussir. Je me cachais dans les environs jusqu’au 5 juillet 1940, jour où je fus fait prisonnier et envoyé au camp Marguerite à Rennes.

Le 26 octobre 1940, je m’évadais de nouveau, avec l’aide d’un camarade, Mr Georges Duchêne, 7 rue Lécluse – paris 17e – le 28 octobre 1940, je réussi à passer dans la zone libre. J’arrivais à Toulouse où je fus démobilisé le 2 novembre 1940. Je rejoignais Paris le 9 novembre 1940. Je repris mon activité commerciale, au 152 rue de la Chapelle- Paris 18e, sous le nom de jeune fille de la femme avec qui je cohabitais maritalement avant le début des hostilités.

Étant évadé, je me sentais à défaut, vis à vis des autorités occupantes. Naturellement, je ne pouvais toucher aucune carte alimentaire. C’est à ce moment que je fis la connaissance du sire Bonnet, ne le connaissant que sous le prénom de Marcel. C’est par la suite que j’appris par la Gestapo, lors de sa dénonciation contre moi, qu’il s’appelait Bonnet. Ce monsieur travaillait à cette époque comme garçon boulanger au 162 rue de la Chapelle. Il se présente à moi, soi-disant! comme secrétaire d’une cellule communiste qui avait ses assises, cité Jeanne d’Arc – Paris 13e. Confiant en ce monsieur, je lui racontais ce que j’avais fait depuis mon engagement et lui dit que j’avais aidé des prisonniers de guerre à franchir la zone libre. Que je les avais habillés en civils, il en fut d’ailleurs témoin différentes fois.

À ce moment, ayant suffisamment de preuves contre moi, [Marcel Bonnet] me dénonça à la gestapo. Que j’étais un gaulliste, un juif, et passeur de prisonniers de guerre.

Le 23 septembre 1941, je fus arrêté par la Gestapo, dans le magasin où j’exerçais mon commerce. Je fus amené au siège de la Gestapo, avenue de l’Opéra, hôtel Edouard 7. Là je fus malmené, frappé, pour que je dénonce des camarades. Devant mon refus de dire quoique ce soit, je fus dirigé sur la prison du Cherche-midi. J’y restais jusqu’au 22 janvier 1942.

Pendant mon séjour à cette prison, le sire Bonnet devint l’amant de mon ex-amie. Ils habitèrent dans mon appartement, 8, cité de la Chapelle, Paris 18e. Ils profitèrent de mon absence, pour me dévaliser de mes biens, argent, meubles, bijoux, marchandises, le tout se montant à 1 million 782 francs. Le sire Bonnet eut même l’audace de travailler dans mon magasin avec mon registre de commerce.

Je fus emmené par la suite dans le camp de St Quentin dans l’Aisne, Frontstalag 204.

Je fis là-bas la connaissance du lieutenant Ovajor, Shadouque, médecin des camps, travaillait pour le 2e bureau. Ce dernier prit des renseignements sur mon compte et chercha par n’importe quel moyen à me faire réformer, pour que je puisse continuer mon travail à la résistance. Malheureusement il ne put obtenir satisfaction des autorités allemandes.

Le 28 avril 1942, je m’évade du camp de St Quentin, pour rejoindre Paris.

Comme mon magasin avait été dévalisé, je n’y trouverai plus rien. Monsieur Bonnet avait tout emmagasiné au 5 rue Ernest-Roche Paris 17e avec l’aide de mon ex-amie.

Je repris possession de mon appartement, 8 cité de la Chapelle. Monsieur Bonnet entra en relation avec le mari de ma concierge, madame Brionde Albert. Je ne su par quel hasard cela se produisit, mais enfin monsieur Bonnet, appris que je cachais des papiers compromettants dans un pavillon appartement à Madame Brionde. Soi-disant ? que par menace de mon ex-amie, celui-ci avait été obligé de le révéler. Malgré tout il m’avertira, je décidais immédiatement de partir avec sa femme Madame Brionde à Gassounville, pour aller chercher après mes papiers, ou bien les détruire. En arrivant là-bas nous eûmes la surprise d’apprendre, par la mère de madame Brionde, qui habitait le pavillon, que mon ex-amie était venue, en compagnie de la mère de madame Bonnet, chercher ces papiers, pour les porter à la gestapo.

Le 9 mai 1942, je fus de nouveau arrêté, emmené avenue de l’Opéra, où l’on me fit voir mes papiers. Suite à cet interrogatoire, n’ayant rien avoué, certifiant que ces papiers n’étaient pas à moi, à part quelques-uns portant mon nom. Je fus confronté avec le sire Bonnet, lequel certifia que ces papiers étaient bien à moi. Ne voulant répondre, je fus frappé, torturé pendant 3 heures et demie. Ensuite l’on me reconduisit à la prison du Cherche-midi, où je fus éloigné sur la prison de Chartres et de là déporté en Allemagne.

Entre temps, je fis une démarche auprès du Conseil juridique du camp, pour demander à la police judiciaire que l’on fasse le nécessaire, pour faire arrêter le commerce de monsieur Bonnet, qui usait de mon magasin et registre de commerce.

Le 23 juillet 1943, par l’intervention de la commission internationale suisse, je fus libéré pour raisons de santé “tuberculeuse”. J’entrais à l’hôpital Charasse à Courbevoie (seine) et ensuite à l’hôpital du Val de Grâce, où je fus à nouveau démobilisé le 30 octobre 1943.

Monsieur Bonnet, avec l’aide d’un ex-inspecteur de police Monsieur Morin, me fit déporter comme politique. De nouveau en Allemagne, je passais dans les camps meurtriers, d’Auschwitz, Buchenwald, Dachau.

L’Allemagne commençant à subir la défaite, monsieur Bonnet parti volontairement comme tous les miliciens, en Allemagne. Pour se faire rapatrier par la suite comme étant soi-disant déporté politique, voyant la fin de l’Allemagne et de la collaboration.

Voici donc les faits. J’espère, monsieur le préfet de Police, que vous profiterez de tous les renseignements ci-dessus, et ferez le nécessaire pour mettre fin et terme au dénouement de mon affaire.

Je vous fournis par la même occasion le nom d’un homme qui a eu à se plaindre, également, des méfaits de monsieur Bonnet, et qui fut emprisonné pendant 6 mois.
Monsieur Gidet, 30 rue Berzélius – Paris 17e

Également le nom de quelques témoins de mon affaire.
Monsieur Creux, agent de police, 47 rue Doudeauville – Paris 18e
Monsieur Alruth, concierge où j’avais mon magasin, 152 rue de la Chapelle – Paris 18e
Monsieur Catays, 63 rue de la Chapelle – Paris 18e
Monsieur Cazaux Pierre, Brigadier de Police, 6 cité de la Chapelle – Paris 18e

Avec mes remerciements anticipés, je vous prie d’agréer, monsieur le Préfet de Police, l’assurance de ma parfaite considération.

Lettre transcrite par Tiago Figueiredo-Biton

Sources

  • Dossier Wolf Faktor, SHD-DAVCC, conservé à Caen.
  • Dossier Wolf Faktor, Bad Arolsen
  • Dossier Wolf Faktor, préfecture de police de Paris
  • Fiche d’internement à Drancy de Wolf Faktor, Mémorial de la Shoah à Paris.

Bibliographie

  • Alexandre BANDE, Pierre-Jérome BISCARAT et Olivier LALIEU (dir.), Nouvelle Histoire de la Shoah, éditions Passés composés, Paris, 2021.
  • « Mille ans d’une nation, la Pologne », Hors-série L’Histoire, janvier 2024

Sitographie

Nous remercions pour leur aide précieuse lors du projet 

Lucie Pitiot Proviseure et Magali Sauquet, Proviseure-adjointe du lycée pour leur soutien au projet, Anne Kobylak (Radio DiVa 14), Mathias et Claire (Radio DiVa14), Marie Moutier-Bitan, Claire Podetti (Convoi 77), Claire Stanislawski (Archives du Mémorial de la Shoah), les équipes du Mémorial de la Shoah de Paris et de Drancy, celle de l’ancienne gare de déportation de Bobigny pour leur accueil.

Remise prix CNRD

Les élèves de la TG3 du lycée François Villon à Paris (année scolaire 2023-2024) : Agathe Babin, Martina Ben Ben, François-Henry Bergès, Sadia Bouzouma-Sarrazin, Marvin Da Silva, Sara Deric, Tiago Figueiredo-Biton, Adja Karamoko, Souad Kissi, Paul Moity, Laeticia Pereira-Nadais, Laetitia Romanos Frontin, Eve-Lucy Rouly, Roman Viruega et Alyssia Walbert, encadrés par Jennifer Ghislain, professeure d’histoire-géographie et par Gabrielle Bour, professeure-documentaliste.

Contributeur(s)

Les élèves de la TG3 du lycée François Villon à Paris (année scolaire 2023-2024), encadrés par Jennifer Ghislain, professeure d’histoire-géographie et par Gabrielle Bour, professeure-documentaliste.

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