Victor FINKELSTEIN

1931-1944 | Naissance: | Arrestation: | Résidence:

Victor FINKELSTEIN

 

Photo de présentation dessin de Kenza

 

Présentation des deux classes et du projet

Moi, Sumer Elena Nicoleta, professeur de français au Collège National Economique « Andrei Bârseanu » de Braşov, j’ai toujours été intéressée par l’histoire et le passé du peuple juif.

Tout a commencé lors d’une rencontre des professeurs de FLE où on nous a présenté le projet européen Convoi 77.

Puisqu’en Roumanie on étudie à l’école la Shoah et, de mon côté, je voulais donner un nouveau souffle à mes classes de français, je me suis lancé dans le projet. Timidement, d’abord. Mais au fur et à mesure qu’on faisait des recherches, des conversations en français, des exercices avec mes élèves autour du petit Victor et sa famille, en utilisant les documents reçus, je me suis rendue compte de l’impact que cela avait sur eux et, bien sûr, d’un certain progrès en français. Les quelques lignes écrites par eux à la fin du projet témoignent de tout cela.

Et j’ai reçu l’invitation et l’honneur de travailler avec Daniele Artur et sa classe tout au long de cette année scolaire, 2023-2024.

La classe de Roumanie : présentation

Nous sommes une classe de 24 élèves, au Collège National Economique, dans la ville de Braşov. On est une classe dynamique, ouverte, créative. Ecrire la biographie du petit Victor vient compléter ce qu’on a étudié cette année scolaire, l’histoire de la Shoah. La visite à la synagogue nous a rendus encore plus conscients des faits passés qui ne doivent pas être oubliés. C’était un projet intéressant, qui a ouvert les yeux de nos cœurs encore plus vers le monde et des faits passés, qui ne devraient plus jamais se passer. 

Du côté de la France

Moi Danièle Artur, cela fait quelque temps que j’inscris chaque année une de mes classes au projet Convoi 77. Chaque année c’est l’occasion de rencontrer le passé, mais aussi de rencontrer des descendants, des témoins, aujourd’hui. L’enseignement de la Shoah est devenu obligatoire en Roumanie et l’on m’a proposé de travailler avec une collègue roumaine.

Pour moi comme l’histoire de la Shoah est une histoire européenne il faut travailler ensemble entre Européennes. La Roumanie est un pays que mes élèves connaissent peu alors que c’est un pays européen dont l’histoire est liée à la nôtre. C’est ainsi que nous avons commencé un partenariat avec Elena Nicoleta pour un petit garçon roumain sur lequel nous avions peu de documents.

Cette biographie et les visites des lieux de mémoire sont entrés en écho avec l’histoire familiale d’élèves de la classe.

La classe de France : présentation

En classe de troisième, nous étudions la Seconde Guerre Mondiale et quoi de mieux pour comprendre la société et les évènements de l’époque que d’écrire la biographie d’un jeune déporté roumain, Victor Finkelstein ! Notre classe de 3ème B au collège Saint-Germain de Charonne (Paris, 20ème), ainsi qu’une classe de lycéens roumains (située à Brașov) avons pu s’engager dans un devoir de mémoire avec Convoi 77, une association qui œuvre pour la mémoire des déportés de ce convoi.

Avec notre professeure d’histoire, nous avons réalisé un travail d’enquêteur en assemblant des documents d’archives en lien avec Victor (registres d’écoles, anciennes photos de son quartier, fiche du camp de Drancy, feuille de témoignages). Nous sommes allés visiter plusieurs mémoriaux (le Mont-Valérien, le Mémorial des martyrs de la Déportation, le Mémorial de la Shoah). Grâce à ces informations, nous avons pu retracer le parcours du jeune roumain de son arrivée en France jusqu’à sa déportation, le 31 juillet 1944.

En parallèle, en cours de Français, dans notre séquence Quand l’histoire raconte l’Histoire, nous avons étudié des récits sur cette période tragique, notamment La petite fille du Vel’ d’Hiv’ d’Annette Muller. Ceux-ci nous ont permis de mieux comprendre ce qu’a pu ressentir Victor lors de sa déportation.

Après l’écriture de la biographie, nous avons décidé de nous lancer dans un projet plastique autour des notions de la mémoire et du temps. Nous nous sommes inspirés des sculptures présentes sur les portes du Mont-Valérien, réalisées par des artistes différents. Dans cet esprit, nous avons fait le choix de créer un projet, qui serait commun au final, dont chacun d’entre nous réaliserait une partie. Après avoir étudié les possibilités qui s’offraient à nous, sachant que nous n’avons retrouvé aucune image de Victor, nous avons retenu l’idée de reproduire des images d’époque du quartier de Paris dans lequel a vécu le jeune roumain.

Riche et passionnant, ce projet de mémoire, nous a permis de prendre vraiment conscience de ce qu’a vécu le jeune Victor, tout en mettant en œuvre nos compétences individuelles et collectives dans les domaines historique, littéraire et artistique.

Victor Finkelstein, un élève parisien de notre quartier (texte des élèves français)

Victor, qui a habité au 144 rue d’Avron, a été scolarisé à Eugène Reisz dans le 20ème car il y a un registre d’inscription où son nom est inscrit. Il a été scolarisé à l’école Tlemcen (au 9 rue Tlemcen) puis Eugène Reisz et au 40 rue des Pyrénées.

Le registre de l’école Eugène Reisz (aujourd’hui Jean Perrin)

 

Le collège des élèves de Paris est le Collège Saint-Germain de Charonne au 3 rue des prairies, 75020 Paris. Source : Google Map

On peut voir sur la carte les écoles où Victor a été élève d’après la liste de l’association de l’école de Tlemcen :

Liste de l’association de l’école de Tlemcen

 

 

Plans écoles du quartier aujourd’hui

La plaque commémorative apposée sur l’école Eugène de Reisz :

 

L’écrivain Aharon Appelfeld , roumain comme Victor, au début de la guerre avait 7 ans, il le raconte dans sa biographie, Histoire d’Une vie  : « J’avais 7 ans lorsque éclata la Seconde Guerre mondiale » . Presque l’âge de Victor Finkelstein qui au début de la guerre avait 8 ans, en effet il est écrit dans la liste d’élève de l’association de l’école de Tlemcen qu’il avait 13 ans en 1944 et la guerre a débuté en 1939. Aharon Appelfeld est né à Tchernivtsi (Cernăuți, en roumain). Victor, lui, est né dans la capitale de la Roumanie , Bucarest. Entre les deux se situe à Brașov le lycée des élèves roumains.

Carte Roumanie lieux de naissance

 

Une famille juive venue de Roumanie
(texte des élèves roumains)

Les parents de Victor sont nés à Bucarest.

Bucarest a eu une des plus importantes communautés juives d’Europe de l’Est entre les deux guerres mondiales. Elle représentait 10% de la population de la capitale roumaine. A travers le temps, cette communauté a été très active et bien organisée et prospère. Il y avait des avocats, des médecins, des architectes ou des marchands. Ils avaient leur propre quartier au cœur de la capitale, avec des maisons coquettes ayant de petits jardins, des synagogues, des ruelles tranquilles. Bref, un héritage culturel impressionnant.

©Florin Léonard Slovineanu, Cartierul Evreiesc.

© Dan Dinescu (1976), Cartierul Evreiesc

1924, le Quartier juif. Muzeul de Fotografie.

©Journal Adevarul

 

La famille Finkelstein, composée de Philippe (Fishel) et Fanny, les parents,Victor et Rachel, les deux enfants, a habité en Roumanie avant d’arriver en France.

Suite aux recherches effectuées, aucun document n’a été conservé sur le parcours scolaire du petit Victor ou le quartier où la famille a habité. De même, il n’y a aucune trace concernant le métier des parents en Roumanie. Les responsables de la synagogue de Braşov nous ont transmis que les documents avaient été brûlés.

On a ce document qui ressemble à un livret de famille, la fiche du camp de Drancy, où leur adresse est mentionnée, à Paris :

Fiche de la Préfecture de Paris pour Fanny Finchelstein

 

La vie en Roumanie

Dans les années 1940, les choses vont prendre une tournure pas du tout favorable pour les Juifs : des décrets promulgués contre eux vont les priver de leurs propriétés agricoles et les éliminer de la vie sociale, comme les médecins qui n’avaient plus le droit de pratiquer leur métier.

On n’oublie pas le Pogrom de Iaşi, de 27-30 juin 1941 qui a été d’une violence inouïe. Tout ce qui se passait à ce temps-là contre les Juifs en Roumanie étaient de bonnes raisons pour quitter le pays.

 

La vie en France
(dessins des élèves français et texte des élèves roumains)

Dessins réalisés à partir de cartes postales du quartier à l’époque de Victor, il s’y est baladé ! Projet mené par Ana Braga, professeure d’Arts plastiques.

Dessin de Mellina

Dessin d’Akain

Dessin de Romy

 

Après la Révolution française, la France fut le premier pays européen à autoriser l’émancipation des Juifs. C’est pourquoi la France comptait, jusqu’en 1939, la deuxième communauté juive d’Europe. Parmi eux, près de la moitié étaient des réfugiés récents d’Europe de l’Est, arrivés en France convaincus qu’ils seraient en sécurité ici. C’est aussi, peut-être, le cas de la famille Finkelstein, qui a quitté la Roumanie pour la France.

Mais durant la guerre, le malheur arrive, car les gendarmes furent chargés de «traquer » les réfugiés étrangers. Des familles entières sont arrêtées, des milliers de Juifs sont rassemblés et envoyés à Drancy, en banlieue parisienne, d’où partent les trains pour Auschwitz. En 1942, les responsables du régime de Vichy envoyèrent dans les 41 951 Juifs en Pologne. Malgré ces circonstances tragiques, de nombreuses personnes ordinaires et des organisations de résistance ont tenté de protéger et de cacher les Juifs pour les sauver de la déportation et de l’extermination. Cette période a mis en lumière l’héroïsme de nombreux Français qui ont résisté à la politique antisémite du régime collaborateur et des nazis.

Arrivé en France, Idel, le père, a été chauffeur. Comme étranger, la vie n’est pas, peut-être facile. On pourrait supposer que son désir de mieux s’intégrer ou de gagner la confiance des Français l’ont déterminé à s’enrôler comme volontaire dans la guerre du 1er septembre au 25 juin 1940. Tel l’atteste ce document qui dresse la liste des engagés étrangers qu’on a trouvé sur le Portail Culturel du Ministère des Armées « Mémoires des hommes ». Il a lutté pour un pays qui n’était pas le sien, une guerre qui n’était pas la sienne. Cette preuve de courage et d’empathie de Idel envers le peuple français n’a pas été prise en considération, car au moment de la déportation, il était sur la liste du convoi.

Base des engagés volontaires étrangers entre le 1er septembre 1939 et le 25 juin 1940,
Source :
Mémoire des hommes

 

La déportation de la famille
(texte des élèves français)

La déportation du petit Victor

 

Fiche du camp de Drancy.
FRAN107-F-9-5743-261690-L

 

Victor a été déporté le 31 juillet 1944. En effet, le 22 juillet 1944 dans six centres UGIF (dont le centre Secrétan) une rafle a eu lieu. La fiche du camp de Drancy nous confirme cette date d’arrestation et elle nous donne l’adresse d’arrestation de Victor qui est le centre Secrétan. Le B rouge, sur cette fiche renseigne sur le fait que Victor a été déporté immédiatement.

Il est aussi noté dans la liste des élèves de Tlemcen « 70 avenue Secrétan », le 22 juillet les centres UGIF sont raflés. Victor a donc bien été raflé le 22 juillet 1944. Il sera ensuite déporté dans le convoi 77.

Le convoi 77 est le dernier grand convoi de déportés de Drancy vers le camp d’extermination d’Auschwitz, son numéro de matricule était le 25429 , ce convoi a emporté 324 enfants dont Victor. Au moment de sa déportation il n’est qu’un écolier. Comme la plupart des enfants Victor dès l’arrivée a été emmené à la chambre à gaz, il y meurt à 13 ans. Les enfants et les personnes âgées se faisaient directement diriger vers les chambres à gaz. Victor, un enfant de 13 ans, fut exterminé comme des millions d’autres enfants déportés.

Carte trajet déportation

A Yad Vashem, en Israël, on peut trouver des feuilles de témoignage remplies sur la famille. Une feuille de témoignage est un document permettant de restaurer, honorer et commémorer les victimes de la Shoah. Elles existent afin de faire en sorte qu’avec ces documents, les victimes soient considérées comme des êtres humains et non comme des statistiques. Faire en sorte de sensibiliser les gens, que les souvenirs des victimes ne soient pas oubliés. Dire qu’en fait c’est quelque chose de grave ce qu’il s’est passé. Et surtout, faire « réapparaître » la mémoire des victimes que les nazis avaient voulue effacer.

Ces fiches nous apprennent que Fanny Achendorf , née le 6 décembre 1904 à Bucarest en Roumanie s’est mariée avec Fischel Finkelstein, aussi né à Bucarest en Roumanie le 30 décembre 1905, il est le fils de Sara et Jacques. Fany et Fischel ont tous les deux été déportés à Drancy puis à Auschwitz où ils sont morts mais à des dates différentes (déportation à Drancy en 1943 pour Fany et pour Fischel ce fut en 1942).

Par le site du memorial de la Shoah on apprend que Fany et Fischel étaient les parents de Victor. Fany a été déportée par le convoi 47 parti de Drancy le 11 février 1943 et Fischel par le convoi n° 22 parti de Drancy le 21 août 1942 à destination d’Auschwitz. Seule Rachel a échappé à la déportation.

Feuilles de témoignage Yad Vashem – Fanny Finkelstein – Fischel Finkelstein

 

Les arbres généalogiques de la famille
(arbres roumains)

    

 

Lieux de mémoire
(texte et photos des élèves français)

A Paris 

Le Mémorial des Martyrs de la Déportation, est dédié aux victimes de la déportation pendant la Seconde Guerre mondiale. Il rend hommage aux milliers de personnes déportées vers les camps de concentration et d’extermination nazis. Il symbolise la souffrance endurée par les déportés et rappelle la nécessité de se souvenir pour éviter que de tels événements ne se reproduisent.

Impressions d’élèves : « Je me sentais oppressée, nous étions enfermés par 4 murs ». « Même si nous étions en plein cœur de Paris, nous n’entendions rien, ne voyions rien, comme si nous étions seuls au monde. C’était très perturbant ».

Il se concentre sur la souffrance endurée des déportés avec une architecture évoquant l’atmosphère oppressante des camps de concentration en offrant une expérience immersive qui rappelle la souffrance et le sacrifice des personnes déportées. L’architecture suggestive du mémorial incite au recueillement. La représentation symbolique des barreaux, des portes étroites et des plaques en hommage aux déportés a suscité un sentiment d’horreur face aux conditions inhumaines des camps de concentration.

Mémorial des Martyrs de la Déportation © Emma

Mont-Valérien © Léo                  

Au Mont Valérien , le principal lieu d’exécution par l’armée allemande de résistants et d’otages en France pendant la Seconde Guerre mondiale, un millier de personnes ont été assassinées, la plupart communistes ou juifs.

Cloche du souvenir

Sur la cloche en mémoire des fusillés du Mont Valérien on peut lire les noms de Joseph et Bernard Kirschen, eux aussi d’origine roumaine. Ils ont été fusillés comme otages , ils étaient communistes et juifs.

Chemin de mémoire © Léo

 

Le lieu de fusillade : la clairière du Mont Valérien.

C’est à ce jour l’une des trois seules photographies qui existent d’une exécution au Mont-Valérien. Exécution du 21 février 1944 des membres des FTP MOI.

Boris Holban, un Roumain est celui qui a constitué les FTP-MOI. Photographie de l’exécution : Clemens Rüther. © ECPAD – Association des amis de Franz STOCK

© Sirine

La classe est allée au Mémorial de la Shoah où se trouve la tombe de Victor, sur le mur des noms ici :

 

© Inzel

 

Le nom du petit Victor est inscrit en bas du mur de droite.

 

A Braşov
(texte des élèves roumains)

 À Braşov il y a un lieu de mémoire dédié aux victimes de la Shoah (Holocaust, en roumain) Il n’y a pas eu autant de victimes que dans les autres régions du pays, car ils ont été protégés par les autorités, cependant, 240 juifs nés à Braşov sont morts et le monument leur rend hommage. 

Impressions – fin de projet
(le mot de la fin aux élèves roumains)

Le projet s’est déroulé pendant l’année scolaire 2023-2024 ; suite à l’analyse des documents auxquels on a eu accès, au travail individuel ou en binôme en classe, aux recherches effectuées ou bien à la visite à la synagogue de Braşov, les lycéens ont écrit leurs impressions au sujet de l’écriture de la biographie du petit Victor. Notre façon insignifiante de lui rendre hommage a été de ranger ces impressions en forme de la première lettre de son nom, V (de Victor), tué pour une seule raison, celle d’être juif.

Contributeur(s)

Elèves de la classe de Nicoleta Elena Sumer, professeur de français au Collège Național Economique Andrei Bârseanu à Braşov et élèves de la classe de 3ème B du collège Saint-Germain de Charonne Paris 20ème avec leur professeur d’Histoire Danielle Artur.

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