Ybersz Armand BLUMBERG
Source : ©Photo personnelle de M.Levha
Ybersz Blumberg naît le 10 octobre 1895 à Varsovie en Pologne. Ses parents sont Abraham et Anna Blumberg. La famille, de confession juive, arrive en France, plus précisément à Paris, en 1903 ou 1904. C’est, sans doute, à cette période que Ybersz francise son nom en Armand. Il est naturalisé français par le décret du 6 mars 1929.
Source : Blumberg,Armand © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21P71147374930
En 1928, à la naissance de son fils André, il déclare la profession tailleur mais l’on trouve aussi, dans les sources, le métier de manutentionnaire et brocanteur.
Le 13 juillet 1920, à Paris, il épouse Rose Krantzler, née le 07 octobre 1896 à Constantinople.
Source : ©Photo personnelle de M.Levha
Les époux ont deux témoins, Minisha Lipson et José Davidel, qui habitent dans la même rue que les Krantzler.
Acte de mariage
Source : Blumberg, Armand ©Archives numérisées de Paris
Le couple aura six enfants, dont les prénoms français indiquent la volonté de la famille de s’intégrer :
- Anna Léone, née en 1922
- Madeleine, née en 1926
- André, né en 1928
- Serge, né en 1930
- Simonne, née en 1932
- Alain Louis, né en 1944
Alain est le seul enfant dont nous ne connaîtrons jamais le visage puisqu’il naît à Drancy et est assassiné alors qu’il n’a que 15 jours.
Armand avec ses filles.
De gauche à droite, Anna, Simonne et Madeleine
Source : ©Photos personnelles de M.Levha
André et Serge
Source : ©Photos personnelles de M.Levha
Selon sa fille Madeleine, Armand était un père dur, mais elle a vécu une enfance joyeuse.
Après avoir vécu 17 rue de Clignancourt dans le XVIIIe arrondissement, les Blumberg emménagent non loin de là, dans un groupe de HBM (Habitations bon marché, ancêtre des HLM), construits en 1935, au 18, rue Charles-Lauth. Le XVIIIe arrondissement est un quartier avec une forte population juive, dont les ressources sont souvent faibles.
Les Blumberg ont pour voisins, la famille Grinberg et la famille Sadicaris. Ces deux familles sont aussi arrêtées puis déportées dans le Convoi 77.
En vertu des mesures ordonnées par les Allemands, la famille Grinberg s’est déclarée comme juive au commissariat de son quartier à l’automne 1940, et ses membres portent l’étoile jaune. A la fin de l’année 1943, Armand et sa femme décident de placer leurs deux plus jeunes enfants, Serge et Simonne, chez Madame Boulland et Mademoiselle Simon, dans une ferme (l’Herbage à Couterne) du Loiret. La situation à Paris devient trop difficile et les parents tentent de sauver les enfants les plus jeunes en les envoyant à la campagne.
Simonne et Serge Blumberg
Source : ©photo personnelle de M.Levha
Mais les difficultés économiques et la surcharge de travail font que les deux femmes ne peuvent garder que Simonne (ce qui lui sauve la vie : elle meurt à Paris en 1993) et renvoient Serge à Paris en janvier 1944.
L’arrestation
Les familles Blumberg, Grimberg (écrit avec un m au Mémorial de la Shoah, écrit Grinberg sur la liste du convoi 77 mais les deux vivent à la même adresse) et Sadicaris vivent au 18 Rue Charles Lauth. La concierge de l’immeuble, Anna Putmans, atteste de l’arrestation des Blumberg et des Grimberg.
Source : Blumberg,Armand © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21P71147374930
Famille GRIMBERG
Source : Grinberg, Rivbaka © Mémorial de la Shoah
Famille de Nahama SADICARIS
Source : Fiche Convoi 77 réalisée par Karine, petite fille de Nahama Sadicaris
Il semble que Nahama Sadicaris ait été arrêté le vendredi 7 juillet 1944, dans un café. Le lendemain, samedi 8 au soir, la gestapo fait une descente dans l’immeuble et rafle les Grimberg (Esther Spatz, la mère, et trois des six enfants Rebeka/Renée, Maurice et Monique. Le père, Shil, avait été déporté par le convoi 3 le 22/06/42) et les Bumberg.
Selon la biographie écrite par Karine, petite fille de Nahama (biographie publiée sur le site du Convoi 77), la famille Sadicaris, ne voyant pas Nahama revenir, avait décidé de ne pas rester dans l’appartement. Les quatre plus grands enfants Sadicaris seraient partis à l’UGIF, rue Secrétan. Estréa, la femme de Nahama, et sa fille Hélène, un an, sont cachées par une voisine logeant au rez-de-chaussée de leur immeuble, Mme Maerten.
A Drancy, une bagarre éclate entre Ybersz Armand et Nahama. Les conditions de l’arrestation de la famille sont sans doute à l’origine de cette bagarre. Mais, nous n’en connaissons pas les détails puisque, rescapé d’Auschwitz, Monsieur Blumberg dira : « – Nahama Sadicaris, je ne veux plus en entendre parler ! »
Ybersz Armand, sa femme enceinte Rose, et leurs quatre enfants (Anna, Madeleine, André, Serge) sont emmenés à Drancy. Ils y restent 23 jours.
Rose accouche dans le camp le 17 juillet d’un garçon, Alain Louis.
Le départ de Drancy et l’arrivée à Auschwitz-Birkenau
Le 31 juillet 1944, la famille Blumberg est déportée dans le convoi 77, direction Auschwitz-Birkenau. Le nouveau-né est transporté dans une caisse, remplie de gaze. La famille voyage ensemble dans un wagon à bestiaux bondé (60 personnes par wagon), sur de la paille, sans hygiène et avec très peu d’eau pour boire en ce chaud mois de juillet.
A l’arrivée, à Auschwitz-Birkenau, dans la nuit du 3 août, Rose et et son petit Alain Louis sont dirigés vers les camions qui les conduisent à la chambre à gaz. Armand, Madeleine, Anna, Serge et André sont sélectionnés pour le travail.
Armand est tatoué du numéro B. 3698 (André avec le B. 3687).
La présence de la ville industrielle de Katowice sur ce papier manuscrit montre que Armand a dû travailler dans ce camp annexe de Auschwitz-Birkenau. Dans ce petit « kommando » de dix prisonniers, on construisait un abri anti-aérien et une caserne pour les besoins de la Gestapo. Son nom figure sur une liste de « transport » le 8 décembre 1945 mais il est barré.
Un document non daté, en allemand, indique qu’il souffre de lithiase et d’une bronchite avec emphysème.
Source : Blumberg,Armand © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21P71147374930
On retrouve en décembre 1944 la trace de Serge, 14 ans, au camp de Sachsenhausen. André était encore vivant, à l’hôpital du camp d’Auschwitz le 4 janvier 1945, peu de temps avant la libération du camp par l’Armée rouge. Ensuite, il ne reste pas de trace de lui et il n’est pas rentré de déportation.
Armand, Anna et Madeleine survivent à la déportation.
Le retour
Armand est libéré à Auschwitz par l’armée soviétique le 27 janvier 1945. Il est rapatrié le 4 juillet 1945 par Nancy, soit tardivement après sa libération. Il figure dans une liste du 7 mars 1945 de Français juifs admis dans un hôpital en provenance d’Auschwitz. Sur une liste de survivants, il est indiqué qu’il était «repasseur ». On peut penser que son état de santé a fait qu’il a été laissé dans le camp. Le bulletin médical ci-dessous révèle qu’il a perdu 25 kilos et qu’il a un œdème malléolaire, c’est-à-dire une inflammation articulaire cheville, et une plaie à l’annulaire droit. On retrouve sa trace sur les registres des entrées de l’hôpital Bichat, avec une néphrite aiguë.
Ces deux autres documents des Archives Arolsen nous indiquent que Ybersz Armand est atteint d’une bronchite mais aucune date n’est mentionnée.
Source : Blumberg Armand ©Archives Arolsen 534538_1.1.2.1
« Whale lithiasis » = lithisase bilaire (calculs dans la vésicule biliaire)
Bronchite emphysémateuse = Affection pulmonaire chronique associée à la bronchite et à l’emphysème
Source : Blumberg Armand © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21P71147374930
Source : Blumberg Armand ©Archives Arolsen 534538_1.1.2.1
Source : Blumberg Armand © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21P71147374930
Le 12 septembre 1947, Mme Andrée Korkos, demeurant également au 18 rue Charles-Lauth, où Armand est revenu vivre et restera, témoigne de son arrestation le 7 juillet 1944 par la Gestapo.
Refaire sa vie
La situation d’après-guerre est difficile, mais Armand refait sa vie. Il épouse Simone Louiset.
Il est brocanteur et tient un stand au marché aux puces de Clignancourt. Peut-être au marché Paul-Bert, qui avait été créé en 1946 et des stands ont été offerts en dédommagement des spoliations subies pendant la Seconde Guerre mondiale.
Armand obtient le titre de déporté politique le 1er décembre 1954, soit la reconnaissance qu’il a été déporté en tant que juif. Il reçoit sa carte « bleue », qui atteste de son statut de déporté, le 22 décembre 1954.
Il garde secrètement contact avec sa fille Madeleine. Selon le fils de celle-ci, M. Levha, sa mère aurait dit que l’ensemble de la famille était mort à Auschwitz. Ses petits-enfants ont longtemps ignoré la survie de ce grand-père.
Armand est mort à Paris en décembre 1964, il avait 69 ans.
Merci à Muriel BAUDE, enseignante au lycée St Charles à St Pierre de la Réunion, qui a commencé ce travail biographique en 2018 et aux élèves de Terminale du lycée Camille Guérin de Poitiers, qui ont poursuivi le travail.
Merci à M.Levha, fils de Madeleine Blumberg, petit-fils de Armand, qui nous a apporté les différentes photos et qui nous a livré les souvenirs de sa mère.