Henri Eichner (1900-1972)
Être juif dans l’Empire autrichien (1900-1919/1920)
Henri Eichner est né le 10 mars 1900 à Brzezinka, dans les environs d’Oświęcim, qui se trouvait dans la partition autrichienne, aujourd’hui dans le sud de la Pologne. Ses parents étaient Israël Joseph Eichner, boucher, et Jeny Eichner. Henri était l’un des trois frères et sœurs de la famille.
En 1900, lorsque M. Eichner est né à Brzezinka, il y avait déjà une école primaire organisée, d’abord avec une, puis avec deux classes. En 1908, la première caserne de pompiers a également été créée dans le village. En 1910, les habitants de Brzezinka, par souci de coopération, ont créé une association agricole, dont les services pouvaient être utilisés par tous ceux qui le souhaitaient. Les machines disponibles facilitaient le travail et augmentaient la quantité de récoltes.
En 1914, le déclenchement de la Première Guerre mondiale a bouleversé l’ordre existant. Tous les hommes aptes au service militaire, âgés de 20 à 50 ans, ont été enrôlés dans l’armée. Face à la guerre, le village s’est développé, même si l’industrie s’est concentré vers Oświęcim pour sa jonction ferroviaire. C’est pourquoi, dans les années 1916-1917, dans le district de Zasole, on a construit le lotissement « Baraki » (Oświęcim II), composé de 22 bâtiments en briques et d’environ 90 bâtiments en bois. Les constructions ont été repries en 1919 par l’armée polonaise qui en a fait une caserne. À cette époque, la Fonderie de fer et de metal « Potęga (Puissance) Oświęcim » devenait de plus en plus productrice.
Après la fin de la Première Guerre mondiale (1918), l’Empire autrichien s’est effondré et la Pologne a retrouvé son indépendance. Le village de Brzezinka commençait à revivre.
Localisation de Brzezinka par rapport aux autres villages et villes de la Voïvodie (région) de Petite-Pologne (Małopolska), source : Archive nationale de Cracovie.
En 1900, la commune d’Oświęcim était habitée par une importante population juive. Ils s’installaient dans des vilages tels que : Babice, Bestwinka près de Kaniów, Bielany, Broszkowice, Brzeszcze, Brzezinka, Bujaków, Bulowice, Czaniec, Dankowice avec Kaniów Dańkowski, Dwory, Grojec, Haręże, Hecznarowice, Jawiszowice, Kańczuga, Kaniów Stary, Kęty, Kobiernice, Klucznikowice, Kruki, Łazy, Łęki, Malec, Międzybrodzie Kobiernickie, Monowice, Nowa Wieś, Osiek, Oświęcim, Pławy, Pisarzowice, Polanka Wielka, Poręba Wielka, Porąbka, Przecieszyn, Rajsko avec Budy, Skidziń, Stare Stawy, Stara Wieś Dolna, Stara Wieś Górna, Wilamowice, Witkowice, Wilczkowice, Włosienica, Zaborze.
Une carte d’Oświęcim et ses environs (avant 1939).
Les Juifs de la commune d’Oświęcim prenaient une part active à la vie politique de la ville. En 1904, sur les 24 membres du conseil municipal d’Oświęcim, pas moins de 13 conseillers étaient juifs.
Les Juifs ont également contribué de manière significative à l’essor de l’économie dans la région de la commune. La première décennie du XXe siècle a été une période de développement pour la communauté juive d’Oświęcim et l’ensemble de la ville. Un événement important pour l’économie a été l’ouverture de la station d’émigration pour les travailleurs saisonniers de l’Agence nationale pour l’emploi, ainsi que la construction de lignes de chemin de fer. La contribution juive au développement économique de la ville s’est manifestée entre autres par l’ouverture de l’usine de papier goudronné et d’asphalte de Nathanson et Malcer, de l’usine de papier goudronné de Landau et Wolf, de l’usine de traitement chimique « Union » de Józef Schönker. Schönker a également repris l’usine Frères Frenkel et compagnie, puis il a établi l’usine d’engrais « Agrochemia » en 1906. Il y avait également l’usine de vodka et de liqueur de Jakub Haberfeld.
Oświęcim, la Place du Marché (avant 1914)
Oświęcim (1900)
Déjà en 1910, lors de la création du district (en polonais powiat) d’Oświęcim, il était habité par 3 000 Juifs. Dans les années 1915-1916, le premier collège d’Oświęcim a été crée. En 1919, la voïvodie de Cracovie se composait de 24 district politiques, dont celui d’Oświęcim. D’après les sources, en 1921 Oświęcim comptait une population totale de 12 187 habitants, dont 4 950 juifs.
Le tournant des XIXe et XXe siècles était difficile pour la population juive, car l’antisémitisme commençait à se répandre dans la partition autrichienne. On a commencé à remettre en question l’égalité des Juifs et à contester leur assimilation. Les Juifs assimilés étaient accusés de cynisme et d’indifférence religieuse, de matérialisme, de culte de l’argent, de servilisme et de carriérisme dans la vie sociale.
Être juif en Europe de l’entre-deux-guerres (1919/20-1935)
Einrich Eichner a vécu en Autriche pendant des années avant d’être déporté à Auschwitz. Après la Première Guerre mondiale, l’empire austro-hongrois s’est effondré et a laissé la place à la République d’Autriche. Grâce à cela, des centaines de milliers de Juifs sont venus vivre en Autriche, en particulier à Vienne. Après 1918, le Parti social-chrétien, un groupe politique propageant l’antisémitisme, monte en puissance. On peut le constater à travers les votes des Autrichiens à l’Assemblée constituante en février 1919. Ils sont 72 à voter pour le SDAP (Socialdemokratische Arbeiterpartei – Parti ouvrier social-démocrate) et 69 pour le groupe social-chrétien, synonyme de l’antisémitisme généralisé en Autriche à cette époque. Avec le temps, le Parti social-chrétien et les nazis gagnent en popularité. Cela provoque une diminution de la population juive. Les immigrés deviennent encore plus indésirables, et les Juifs n’échappent naturellement pas à l’hostilité générale. Ainsi, pendant les premières années du régime hitlérien, les Juifs ne peuvent entrer en Autriche que très difficilement. En 1933, il y avait 23 553 Juifs, en 1938, leur nombre a seulement atteint 27 000. Il faut souligner que cette petite augmentation d’à peine 4 000 personnes est due à l’accroissement naturel, vu la restriction antijuive des frontières autrichiennes. En 1938, 9 000 Juifs ont pu entrer en Autriche. Le pays ne se rebelle pas contre cet antisémitisme et met en pratique l’idéologie nazie. En 1932, des incidents anti-juifs éclatent, comme l’attaque du « Café Sperlhof », une salle de prière juive. De nombreuses personnes ont été battues et les locaux ont été vandalisés. C’est une nouvelle preuve de la déshumanisation de la population juive et de la montée de l’antisémitisme en Autriche.
La vie à Vienne. Période de persécution (1935-1939)
Le 3 juin 1923 à Vienne, Heinrich Eichner épouse Sally Eichner (née à Nesselroth le 10 mai 1900). Il était boucher. Deux addresses viennoises apparaissent dans les sources : 62, Wallensteinstraße et 5, Karl Maiselgasse.
En Autriche, le chancelier Kurt Schuschnigg cherche à améliorer ses relations avec le Reich mais souhaite préserver l’indépendance de l’Autriche. Le 11 juillet 1936, il conclut l’accord de juillet avec le Reich, qui prévoit une amnistie pour les militants nazis emprisonnés. Les nazis veulent unir l’Autriche et l’Allemagne. Pendant la rencontre du 12 février 1938 à Berchtesgaden. Hitler menace Schuschnigg d’envahir l’Autriche. Le 11 mars, les nazis autrichiens prennent le pouvoir dans certaines villes. 72 000 personnes (principalement des Juifs) sont arrêtées, surtout à Vienne. La plupart sont envoyées au camp de concentration de Dachau en avril 1938. Les associations juives sont dissoutes. Le 12 mars 1938, le Reichsführer-SS Heinrich Himmler arrive à l’aéroport d’Aspen à Vienne accompagné de SS et de policiers pour prendre le contrôle de la police autrichienne. Hitler et Seyss-Inquart se rencontrent à Linz dans la soirée du 12 mars. Hitler annonce l’Anschluss : l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne. Hitler arrive à Vienne le 15 mars. Un référendum sur l’annexion, qui est déjà effective, est prévu pour le 10 avril. L’Autriche connaît une propagande sans précédent. Les Juifs sont exclus des élections.
Les Juifs autrichiens sont victimes d’agressions et d’humiliations. Beaucoup ont perdu tout ce qu’ils possédaient. Josef Bürckel est responsable de la déportation massive des Juifs autrichiens. Adolf Eichmann a organisé « l’émigration forcée » : l’expulsion des Juifs d’Autriche. Environ 200 000 Juifs vivaient à Vienne en 1938, mais il n’en restait que quelques dizaines en avril 1945. Les Juifs sont exclus de la vie économique et de la fonction publique.
Lors de la Nuit de Cristal (nuit du 8 au 9 novembre 1938), des actions de terreur et des actes de violence contre les Juifs et les institutions juives sont déclenchés dans tout le Reich, à Vienne, Klagenfurt, Linz, Graz, Salzbourg, Innsbruck et dans plusieurs villes de Basse-Autriche, sur ordre de Joseph Goebbels. Les Juifs sont arrêtés et déportés dans des camps de concentration, notamment à Dachau. Presque toutes les synagogues sont incendiées et les ruines démolies. À Vienne, 42 synagogues sont brûlées, 27 Juifs sont tués et 88 gravement blessés. En mai 1939, la moitié des Juifs autrichiens auront quitté le pays, les deux tiers en septembre 1939.
La guerre (1939-1942)
Henri Eichner s’engage comme volontaire dans l’armée française en 1939. Il est démobilisé en 1940. Il est arrêté le 3 janvier 1940 à Lyon, puis emprisonné au camp de concentration de Gurs et probablement libéré en 1943.
En 1940, 18 800 des 25 440 entreprises juives de 1938 sont fermées. Dans les mois qui suivent l’annexion, les Juifs vivant en province doivent partir pour Vienne, leurs biens sont pillés. En février 1941, les déportations reprennent.
Sally Eichner, l’épouse d’Henri, est arrêtée à Vienne le 15 mai 1942, puis déportée au camp de concentration d’Izbica. Elle est ensuite emmenée au camp de Majdanek. Elle n’a pas survécu.
Majdanek était un centre de mise à mort nazi situé dans la Pologne occupée, près de la ville de Lublin. Il a été créé en octobre 1941. Il y avait des chambres à gaz et des fours crématoires.
Vie et arrestation à Lyon
Le 22 juillet 1940, Lyon devient la ville la plus importante de la France libre, il y joue le rôle principal. Toute la presse parisienne y est transférée, la ville devient le centre des institutions de presse et des services administratifs parisiens. De nombreux tracts et revues secrètes sont créés à Lyon dès le début de l’été 1940, lorsque la résistance civile et militaire commence à s’organiser. Le 11 novembre 1942, la situation connait un changement radical. Les Allemands commencent à envahir la zone nord et à occuper la ville.
Henri Eichner est arrêté à Lyon, où il habite au 70 rue Rabelais, le 5 juillet 1944. Il est incarcéré à la prison de Montluc où les autorités nazies l’identifient comme boucher. Il est ensuite transporté au camp d’internement de Gurs, d’où il est déporté au camp de transit de Drancy le 24 juillet 1944 (numéro d’enregistrement 25692), puis à Auschwitz-Birkenau le 31 juillet 1944 (numéro d’enregistrement : B-3739). Le 26 octobre 1944, il est transféré d’Auschwitz-Birkenau au camp de Stutthof (il arrive au camp le 28 octobre 1944).
L’hôtel de ville à Lyon (juin-juillet 1940)
Le camp de Drancy, un gendarme français en garde (1944)
KL Auschwitz-Birkenau (1944-1945)
Les prisonniers sont déportés vers le camp d’Auschwitz-Birkenau par train. Le voyage se fait dans des conditions terribles. Au début de l’existence d’Auschwitz la plupart des déportés ne savaient même pas où ils allaient. Parfois, il n’y avait pas de place pour s’asseoir dans les wagons, si bien qu’ils restaient debout pendant presque tout le temps du trajet. Les trains s’arrêtaient avec des déportés, bloqués sur des rampes de chemin de fer. Lorsqu’ils atteignaient le camp, on procédait à une sélection – entre ceux qui allaient directement dans les chambres à gaz et ceux qui réintegraient le camp pour être forcés d’effectuer des travaux pénibles. Les arrivés étaient soumis à ce que l’on appelle la procédure d’admission au camp. On les privait de leurs effets personnels (qui devenaient la propriété du Troisième Reich), les obligeaient à se baigner et à se désinfecter, à se raser tout le corps et à s’enregistrer avec des numéros. Les nouveaux prisonniers se faisaient tatouer des numéros de camp sur leur corps.
Jusqu’en 1944, les hommes et les femmes juifs recevaient un numéro de la série générale. En mai 1944, les autorités du camp ont décidé de distinguer tous les prisonniers juifs au moyen d’un système distinct de séries de numéros. L’idée était de commencer la série pour les femmes et les hommes juifs par des lettres successives de l’alphabet. Dans ce système, de mai 1944 jusqu’à la fin du fonctionnement du camp, les numéros suivants ont été attribués :
- 20 000 numéros avec la lettre « A » – prisonniers juifs
- 15 000 numéros avec la lettre « B » – prisonniers juifs
- 30 000 numéros avec la lettre « A » – prisonnières
Henri Eichner a été déporté à Auschwitz le 31 juillet 1944 et enregistré sous le numéro 3739.
La rampe ferroviaire à Birkenau (1944)
Les détenus juifs du camp d’Auschwitz portaient des vêtements avec un triangle jaune et des chaussures en bois de pointure non adaptée, ils ne mangeaient pas à leur faim : une boisson chaude le matin, une soupe pour le déjeuner et un morceau de pain le soir. Les prisonniers étaient contraints de travailler pendant une douzaine d’heures par jour. Chaque soir, cinq à dix corps de prisonniers étaient retrouvés sans vie dans les baraquements.
Libération et rapatriement en France (1945)
Henri Eichner est libéré le 27 janvier 1945 et rapatrié en juillet 1945.
Les événements qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale ont eu un impact considérable sur le destin de la communauté juive. La libération des Juifs des camps de concentration et d’extermination a été l’un des événements les plus importants de l’histoire de la communauté juive. À la fin de la guerre, le processus des réparations de guerre a été lancé pour réparer les dommages causés par les nazis.
La libération des Juifs des camps de concentration a commencé en avril 1945, lorsque les troupes alliées sont entrées en Allemagne. Dans les zones libérées, des camps ont commencé à être organisés pour les réfugiés qui avaient survécu à la Shoah. Beaucoup de ces camps étaient improvisés et les conditions de vie y étaient très mauvaises, mais ils offraient au moins une protection minimale et répondaient aux besoins vitaux. Lors de la conférence de Vienne en 1945, des réparations de guerre pour les Juifs ont été annoncés.
Procédure d’obtention du statut de déporté politique (1945-1958)
Le rapatriement et la réémigration d’Henri Eichner de France ont été possibles grâce à quatre accords entre la Pologne et la France : du 20 février 1946, du 10 septembre 1946, du 28 novembre 1946 et du 24 février 1948, qui lui ont permis le retour.
La vie de 1959 à 1972. Enquête complémentaire de la fille sur les détails de la vie de son père. Ses descendants
Le dernier lieu de résidence connu d’Henri est Lyon. Il y a vécu jusqu’à sa retraite. Il était l’époux de Salomea Eichner (mère d’Edith et de Kurt) et plus tard d’Eva Feuerwerker.
Henri est décédé le 1er juillet 1972, domicilié au 10 rue Burdeau à Lyon (source d’archives 12/56).
Il a eu deux enfants de son premier marriage – Edith Breskin (née en 1926) et Kurt Eichner (né le 23 janvier 1927 à Vienne).
Tous les deux enfants d’Henri sont mentionnés comme anciens propriétaires des entreprises londoniennes K.D. Jewells et Holborn Diamond Polishing Company. Ces entreprises prospèrent encore aujourd’hui sur le marché. La seconde est aujourd’hui dirigée par Sally Naomi Eichner (fille de Kurt, petite-fille d’Henri). Nous savons également que David Jay Breskin est un membre de la famille d’Edith Breskin. En 1986, Edith Breskin a écrit une lettre à la recherche d’informations sur son père. Elle a également demandé une compensation.