Albert CAMHI

1909 - 1985 | Naissance: | Arrestation: | Résidence:

Albert CAMHI (1909 – 1985)

Photo : Mémorial de la Shoah, coll. Martine Camhi.

Albert est né le 15 août 1909 à Constantinople dans l’empire ottoman. Son père, Vitali Camhi (ou Kamhi, né en 1885) et sa mère Luna (dite Fanny, née en 1886) Levy, qui se sont mariés en 1908 à la synagogue Zülfaris de Constantinople, se sont installés en France. Il a deux frères et sœurs cadets.

Nous ne savons pas exactement quand Albert arrive en France, mais sœur Dorette étant née en 1911 à Istanbul et son frère Ely en 1913 à Lyon (Simone, la plus jeune est née à Paris 12e en 1927), on peut penser qu’ils sont arrivés vers 1912. Albert a donc grandi et a été scolarisé en France. Il est naturalisé français le 9 février 1928, en même temps que ses parents.

Albert s’est marié à Esther Eskenazi, née également à Constantinople. Se sont-ils rencontrés par des amis communs ou selon des réseaux familiaux, en vertu des traditions des Juifs de Turquie ?

Lorsqu’ils se marient le 16 septembre 1933, à Bourg d’Oisans, où vivent Esther et ses parents, Albert est domicilié à Lyon 173, rue Pierre-Corneille. Un contrat de mariage a été déposé chez Maître Pelissier, notaire de Bourg-d’Oisans.

Au moment du mariage, Albert est « employé » ; il sera ensuite marchand ambulant de bonneterie, ce qui est désigné comme « forain ».

Albert et Esther habitent au début de leur mariage à la Tronche (Isère), dans la périphérie de Grenoble. C’est là que naît Victor, le 6 septembre 1934, à la clinique des Alpes.

Ils résideront à Grenoble jusqu’à leur arrestation.

Arbre généalogique

LA GUERRE

Quand, après l’invasion de la Pologne par les troupes d’Hitler, la France déclare la guerre à l’Allemagne, Albert, devenu français, est mobilisé. Il se bat vaillamment. Après la défaite, il est démobilisé et rejoint sa femme et son fils. Dans un rapport de la direction générale de la sûreté nationale datant de 1962, il est précisé qu’Albert « malgré sa qualité de juif » a « obtenu le droit de continuer son commerce de marchand forain en bonneterie pendant l’occupation de par son titre d’ancien combattant de la guerre de 1939-1940 où il avait été décoré de la croix de guerre ». Le 2e Statut des Juifs du maréchal Pétain, du 2 juin 1941, en effet, interdisait presque toutes les professions aux Juifs, qu’ils soient français ou étrangers.

Rapport de la Direction Générale de la Sureté Nationale à propos d’Albert datant du 13 août 1962, CAMHI-Victor-DAVCC-21-P-432-819-59

Son frère cadet (Ely), écrira Albert dans un courrier, est mort en captivité, c’est-à-dire comme prisonnier de guerre, en 1941 ou 42, et sera distingué de la mention « Mort pour la France », mais cela n’empêche pas les persécutions.

Il est fort probable qu’Albert soit allé se faire recenser, comme l’exigent le 1er puis le 2e Statut des Juifs créés par le gouvernement de Vichy, appuyés par un dispositif qu’il a mis en place avec sa police et son administration. En zone « libre », depuis le 2 juin 1941, tous les Juifs doivent se présenter à la préfecture ou à la mairie de leur ville.

Mais, même une fois que la zone sous contrôle du gouvernement de Vichy a été envahie par les troupes allemandes en juin 1942, les Juifs ne portent pas l’étoile juive. Cela facilite la vie quotidienne et, sans doute dans le cas d’Albert, des activités plus ou moins légales. 

L’ARRESTATION ET LA DÉPORTATION

Toute la famille est arrêtée par la Gestapo et la milice le 18 juin 1944 à Grenoble, à son domicile 18, rue Lakanal au 3e étage de l’immeuble, selon Albert Camhi qui déposera le 19 février 1962 un dossier pour faire reconnaître la déportation de son fils. Probablement sur dénonciation comme résistant.

Après son arrestation, Albert est conduit au siège de la gestapo, à l’hôtel Gambetta de Grenoble, boulevard du maréchal Pétain. Là, il est torturé et forcé de « dénoncer une cache d’armes et de munitions appartenant à la résistance ». Celle-ci ne sera finalement pas découverte. Quinze jours après Albert est envoyé à Lyon, où sévit Klaus Barbie. Il est emprisonné au fort de Montluc, puis conduit en train à Drancy le 24 juillet avec Esther et Victor et de nombreux autres Juifs arrêtés dans la région lyonnaise.

Dans le camp de transit qu’est Drancy, il ne reste que quelques jours. Avec sa femme et Victor, Albert est déporté dans le Convoi 77, le 31 Juillet 1944, depuis la gare de Bobigny en direction du camp d’extermination d’Auschwitz. Après un terrible voyage presque sans eau ni nourriture, sans air, à 60 prisonniers entassés dans des wagons à bestiaux, le convoi est arrivé dans la nuit du 3 août à Auschwitz. Ce convoi est le dernier grand convoi qui quitte la région parisienne, alors que le Débarquement a eu lieu depuis près de deux mois et que les troupes alliées sont toutes proches.

A l’arrivée du train Auschwitz, Albert est sélectionné pour le travail quand les hommes sont mis d’un côté, les femmes d’un autre et que les personnes avec enfants ou âgées sont dirigées vers des camions. Et c’est au moment de la sélection qu’il voit pour la dernière fois sa femme et son fils.

Après avoir longuement marché pour entrer dans le camp d’Auschwitz et y avoir été tatoué le lendemain du matricule B-3711 qui remplacera dès lors son nom, après une quarantaine, il doit aller travailler. Albert aura notamment un emploi de chauffeur de camion (sous le prénom de Vitali, notons aussi qu’il apparaît également dans un document du camp d’Auschwitz sous le nom Kahmi), ce que certains pouvaient considérer comme une « planque ». Arrêté en tant que résistant, Albert a-t-il été « pris en charge » par la Résistance du camp ? Nous n’avons malheureusement pas de réponse à cette question.

LA LIBÉRATION D’AUSCHWITZ

Le camp d’Auschwitz, en grande partie désert depuis que les déportés ont été entraînés par les nazis et l’armée allemande dans les « marches de la mort » vers d’autres camps à l’approche de l’armée soviétique, est finalement libéré par celle-ci le 18 janvier 1945. Albert se trouve alors à l’infirmerie du camp, raison pour laquelle il n’a pas été contraint de partir à pied dans la neige avec ses camarades déportés. Il a pour compagnon Alex Mayer, qui a également été déporté par le convoi 77 et Simon Stanger, qui aussi dans le convoi 77 avait été arrêté à Lyon.

Pourtant, Albert, comme ses camarades, ne rentre pas tout de suite en France : les Soviétiques n’ont prévu aucune prise en charge des déportés, qu’ils n’imaginaient d’ailleurs pas trouver dans le camp. Après un long périple, Albert est rapatrié en France à Marseille le 10 mai 1945. Selon sa fille Martine, il pèse à l’époque 35 kilos.

LE RETOUR DE DÉPORTATION

Après sa libération, Albert indique qu’il va habiter à Grenoble, 21 chemin des Bergers. C’est de là qu’il commence à envoyer des courriers pour chercher sa femme et son fils. Il entreprend alors de longues démarches dans l’espoir de retrouver Esther et Victor qu’il espère encore vivants. Il envoie une première lettre le 29 mai 1945 au ministère des Anciens Combattants et Victimes civiles dans laquelle il dit avoir entendu parler du retour d’un train de 900 enfants à Paris. Il dit avoir « encore l’espoir de les retrouver malgré tout ce qu’il a vu et souffert ». Il est assez confus sur les dates de leur déportation. Il parle d’une arrestation le 6 juin 1944 (à la place du 18 juin) et d’une arrivée en Haute Silésie le 18 août 1944 (à la place du 5 août 1944).

Lettre d’Albert au ministre des Anciens Combattants et Victimes civiles datant du 29 mai 1945, CAMHI-Victor-DAVCC-21-P-432-819-20

Le 13 juin 1945, Albert écrit une deuxième lettre au même ministre dans laquelle il dit qu’un nouveau train de déportés vient d’arriver à Paris et qu’il est toujours sans nouvelle de sa femme et son fils. Il indique cette fois-ci les bonnes dates d’arrestation et de déportation et joint des photos à sa demande. Il précise qu’il est français et qu’il a « fait toute la guerre avec citations », qu’il a perdu son « frère cadet en captivité en 1942 ».

Lettre d’Albert au ministre des Anciens Combattants et Victimes civiles datant du 13 juin 1945, CAMHI-Victor-DAVCC-21-P-432-819-14

Il reçoit une réponse négative le 2 août du bureau des déportés et internés qui déclare : « à notre grand regret nous n’avons pas pu enregistrer jusqu’à présent des enfants rapatriés de la déportation du 31 juillet 1944 ». Sa détresse est perceptible dans toutes ses lettres. Le 12 août 1945, alors qu’il est à Lyon, chez ses parents au 173, rue Pierre-Corneille, il écrit une lettre au Président de la République pour lui demander d’intervenir afin qu’il obtienne des nouvelles des siens et évoque « ses nombreuses souffrances » et « l’enfer d’Auschwitz ».

Lettre d’Albert au ministre des Anciens Combattants et Victimes civiles datant du 12 août 1945, CAMHI-Victor-DAVCC-21-P-432-819-24

 

Albert refait finalement sa vie avec Régine Caridi et ils ont deux enfants : Georges et Martine. En 1964, il habite 7, rue Dedieu à Villeurbanne.

Contributeur(s)

Ce projet "Convoi 77" a été mené par des élèves de 3ème du Collège Victor Duruy de Châlons en Champagne (Marne), dans le cadre d'un travail de mémoire qui a prolongé le cours d'histoire-géographie. Merci à Mme Martine Camhi, fille d’Albert et demi-sœur de Victor, pour son aide et pour les documents apportés. Noah Humblot et Martin Renollet, Lola Marko et Elisa Froideville pour la réalisation en Arts Plastiques. Encadrés par leur professeur d'histoire-géographie Cécile Boudes.

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