Alfred KRUMHOLZ

1899-1944 | Naissance: | Arrestation: | Résidence: , , , , ,

Alfred KRUMHOLZ

 

Alfred Krumholz est né en 1899 à Jaroslaw. A l’époque, cette ville, aujourd’hui polonaise, faisait partie du vaste Empire d’Autriche-Hongrie. Alfred avait un frère aîné, Bronislaus Heinrich, et une sœur cadette, Helena.[1] En 1908,[2] la famille déménagea en Suisse. Le père, Léon Krumholz, devint directeur d’un magasin de textile à Zurich. Il s’agissait d’une succursale du « Wiener Kleiderhaus », une chaîne de magasins qui, sous le nom de « Heilmann Kohn und Söhne » (en polonais: « Heilmann Kohn i synowie »), existait dans plusieurs des grandes villes d’Europe centrale, comme Vienne, Budapest, Lviv, Cracovie, Innsbruck.[3]

 

« Wiener Kleiderhaus », Bahnhofplatz 3, Zurich, en 1910. Sur la photo on trouve le magasin en bas, à gauche.  Source: E-Pics Baugeschichtliches Archiv (ethz.ch)

 

En 1909, la famille s’établit à la Rötelstrasse.[4] En 1915, les Krumholz sont naturalisés à Zurich et ils obtiennent la citoyenneté suisse.[5] Les trois enfants fréquentent différentes écoles.[6] Après leur maturité, les garçons entrent à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Zurich, tandis que Helena entame des études de jurisprudence. En 1922, Heinrich[7] et Alfred[8] terminent leurs études à l’Ecole Polytechnique avec des diplômes d’ingénieur en bâtiment.

Heinrich se fera une position d’ingénieur en France, où il participera à plusieurs grands chantiers. Alfred poursuit d’abord ces études à Zurich, jusqu’en 1928[9]. Après avoir travaillé dans la Sarre, il s’établit en France, faisant de la France sa patrie d’élection, comme son frère. En 1930, il trouve un emploi d’ingénieur dans la «Société des Grands Travaux de Marseille», grande entreprise de bâtiment.[10]

Informations concernant Alfred Krumholz, Contrôle des habitants (« Einwohnerkontrolle ») Zurich. Source: Archives de la ville de Zurich, V.E.c.100.

 

Désormais, il prend domicile au 17e arrondissement de Paris:

Archives de Paris, Extrait du recensement de 1936, (D2M8_663_0216, page 215). Comme on voit en bas, à gauche, Alfred Krumholz, inscrit comme « ingénieur civil », habite 133, Avenue de Wagram.

 

Malheureusement, il n’a, jusqu’ici, pas été possible de repérer les chantiers sur lesquels Alfred a été actif. Grâce aux informations que son frère fournira plus tard sur sa propre carrière, on peut se faire une image approximative des possibilités que la France offrait à un jeune ingénieur suisse, diplômé de l’Ecole Polytechnique de Zurich, dans l’entre-deux-guerres. Voilà les activités professionnelles d’Heinrich Bronislaus Krumholz, avec une formation similaire que celle d’Alfred: Entre 1924 et 1926, il a été sous-directeur d’une entreprise chargé de la reconstruction des sucreries d’Aulnoy-sur-Laon. Puis il a travaillé comme ingénieur-conseil de deux architectes-chefs du Ministère de la Marine, nommément Hermant et André Maurice; et lors de la construction de la partie centrale de l’Ecole Navale de Brest, il a collaboré avec l’entreprise Balmain.[11]

Probablement en septembre 1940, dans une situation déjà extrêmement dangereuse, Alfred quitte Paris pour la zone non occupée. Dès le 1er avril 1941, il travaille officiellement pour la succursale lyonnaise de la «Société des Grands Travaux de Marseille» (alors domiciliée à Lyon, 6, rue Emila Zola), tandis que Henri retourne, en août 1942, définitivement en Suisse, où il s’établit d’abord à Zurich, plus tard au Tessin [12]. Quant à Alfred, il reste à Villeurbanne (21, rue Eugène Fournière), même en deça de novembre 1942 (fin de la zone libre).

21, Rue Eugène Fournière, domicile d’Alfred Krumholz à Villeurbanne
(Photo prise en février 2023).

 

Selon un certificat de résidence établi en 1946, Alfred est demeuré à cette adresse jusqu’à son arrestation:

Selon ce document, Alfred Krumholz a résidé 21, Eugène Fournière du 30 septembre 1940 jusqu’au 30 juin 1944.  KRUMHOLZ-Alfred-DAVCC-21-P-470-730-10.jpg (1713×2284) (convoi77.org)

 

Pendant tout ce temps-là, il reste attaché à sa famille en Suisse. Quand ses parents meurent en 1940, dans l’intervalle de quelques mois (Leon meurt le 14 mai 1940; Anna le 28 juillet 1940), il est empêché de faire le voyage pour participer aux enterrements. Mais plus tard, il réussit, à plusieurs reprises, de voir son frère à Zurich. Son dernier séjour en Suisse, enregistré à la douane de Genève,[13] dure du 29 au 31 mai 1944.[14]

Un mois après seulement, le 30 juin 1944, Alfred Krumholz est arrêté, lors d’une rafle à Lyon, Place Bellecour.[15]  Dès que son frère et sa sœur apprennent ce qui est en train de se passer, ils essaient désespérément de faire relâcher Alfred, par le biais des représentants suisses à Lyon, Vichy, Paris et Berlin. Elena Krumholz, la soeur d’Alfred qui vit au Tessin, arrive même à alerter un membre du gouvernement suisse italophone, Enrico Celio, mais en vain. Toutes les interventions s’avèrent inefficaces.[16] Alfred reste détenu à Montluc où on le torture. Le 24 juillet, il est transféré à Drancy. Il sera dans le Convoi 77 qui quitte Drancy, le 31 juillet 1944 en direction d’Auschwitz. Vers la fin d’octobre 1944, Alfred Krumholz est soumis à une dernière déportation, cette fois d’Auschwitz à Stutthof, où il meurt peu après, suite à la violence subie.[17]

 

Fiche d’Alfred Krumholz, détenu à Stutthof.

 

Sa sœur Helena (Elena) est morte en 1970, son frère Bronislaus Heinrich en 1977.[18]

Nous n’avons pas trouvé de photos d’Alfred Krumholz. Il existe pourtant les témoignages de plusieurs survivants lyonnais du Convoi 77, notamment [Raphael et Arnold] Reingewirz et [Moïse] Karsenty.

Attestation d’Arnold Reingewirz, KRUMHOLZ-Alfred-DAVCC-21-P-470-730-13.jpg (1713×2284) (convoi77.org)

 

Notes et références

[1] Cf. Jewish Records Indexing (visité le 29 août 2018): Les parents Leon Leib Krumholz et Chaja Sura Gronner, résidant à Jaroslaw, Kamienica, avec les trois enfants Bronislaw Henryk (*1898), Alfred (*1899) et Helena (*1902). Pour l’histoire de la communauté juive de Jaroslaw, cf. Jerzy Czechowicz, Zarys historii Żydów w Jarosławiu i okolicy. Holokaust, czasy powojenne i współczesne, Rzeszów 2015.

[2] Archives de la ville de Zurich, Meldekarten der Einwohnerkontrolle Zürich (V.E.c.100).

[3] Annonce dans : Grütlianer [Journal suisse] du 16 mai 1908.

[4] Adresse zurichoise de la famille dans cette période : De 1909 à 1911 : 24, Rötelstrasse ; de 1912 à 1937 : 32, Rötelstrasse ; dès 1938: 338, Winterthurerstrasse. Source : Adressbuch der Stadt Zürich, conservé à la Bibliothèque Nationale Suisse, Berne.

[5] Archives d’Etat du Canton de Zurich (StAZH MM 3.29 RRB 1915/0363), 18 février 1915 (https://suche.staatsarchiv.djiktzh.ch/Dateien/158/D793365.pdf).

[6] On trouve Alfred dans les programmes annuels du « Realgymnasium » (StAZH III Ee 5/1). Son frère Henryk / Heinrich fréquentait par contre la « Industrieschule » zurichoise  (StAZH III Ee 7/1), pour Helena c’était l’institut « Minerva » (cf. http://www.matrikel.uzh.ch/active/static/26677.htm ).

[7] Schweizerische Bauzeitung du 11 février 1922 (volume 79/6), p. 78.

[8] Schweizerische Bauzeitung du 19 août 1922 (volume 80/8), p. 94.

[9] Etudes de jurisprudence, 1924-1928. Source : Matrikel, Universität Zürich, Matrikeledition (uzh.ch).

[10] Dominique Barjot. La trace des bâtisseurs. Histoire du groupe Vinci, Rueil-Malmaison 2003, p. 259.

[11] Archives Fédérales Suisses, E2001-08#1978/107#968* Krumholz, Alfred, 1899; Krumholz, Henri, Montagnola b/Lugano.

[12] Adresse à Zurich : Winterthurstrasse 338.

[13] Pour la situation genevoise durant cette période, cf. Ruth Fivaz-Silbermann. La fuite en Suisse, Genève 2017.

[14] Archives d’Etat de Genève (AEG), Justice et police Ef2, dossier 5093.

[15] Pour Carlo Polla, cf. : Archives Fédérales Suisses (AFS), E2200.42-01#1000/594#544*.

[16] Plusieurs dossiers aux Archives Fédérales Suisses (AFS).

[17] Date officielle de mort: 31 octobre 1944, cf. AFS. Dossier Krumholz Alfred (E 2001-08#1978/107#968*.

[18] Date officielle de mort d’Helena (Elena) Rezzonico Rezzonico-Krumholz : 9 juin 1970 à Porza  (source : Atto di morte Ufficio dello stato civile, Breganzona); date officielle de mort de Bronislaus Heinrich : Krumholz : 22 mars 1977 à Cevio (source : Feuille officielle suisse du commerce, p.3493)

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Cette biographie a été rédigée par Beat Hodler.

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1 Comment
  1. Beat Hodler 5 mois ago

    Bonsoir
    En survolant la version anglaise de ce texte, je viens de découvrir une petite faute que je vous prie de corriger: Le témoin cité au dernier alinéa, s’appelle Karsenty (et non pas Karsentyubie).
    Avec mes meilleures salutations
    Beat Hodler

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