Donna ELMALE, née SÉVI 1899-1944
La famille Elmale: Au delà de sa disparition, elle continue à vivre grâce à nos récits
Introduction
Nous sommes quatre lycéens scolarisés à Pontoise en classe défense et citoyenneté lors de notre année de troisième. Nous avons participé au CNRD (Concours National de la Résistance et de la Déportation) session 2018-2019. Le thème était « Répressions et déportations en France et en Europe, 1939-1945, Espaces et Histoire ». Nous nous sommes engagés dans le même temps dans le projet européen et citoyen « Convoi77 » pour lequel on nous a confié l’étude de la famille Elmale, en particulier la biographie de la jeune Renée, ses deux parents et elle ayant été déportés par un des derniers convois, le 31 juillet 1944. Nous avons lié les deux projets. Vous pouvez voir dans les documents annexes notre réalisation pour la production collective du CNRD 2019 qui est davantage une fiction autour de la vie de Renée Elmale. Nous avons été récompensés pour notre travail par un voyage de travail et de mémoire en Pologne, à destination de Cracovie et du camp d’Auschwitz-Birkenau.
Après deux années de recherches qui nous ont menés de Turquie jusqu’en Israël en passant par la Pologne, nous vous présentons la biographie commune aux trois membres de cette famille : Renée, Donna et Nissim Elmale. Nous avons choisi de croiser leur histoire personnelle avec la Grande Histoire de l’Europe et de la France pendant ces années terribles.
En ce début juillet 1944, les Elmale se font arrêter par la Gestapo à Maisons-Laffitte, dans le département de Seine-et-Oise. Ils sont ensuite internés à Drancy le 7 juillet 1944. Le reçu de fouille (n°24915) indique qu’ils ont sur eux 12173 francs, une somme élevée pour l’époque. Cela nous laisse penser que cette famille a emporté toutes ses économies ne sachant pas où elle allait être emmenée. Qui était cette famille qui n’a laissé de traces de sa vie en France que quelques rares documents d’archives et une seule photographie, celle de Renée retrouvée par le Mémorial de la Shoah l’an passé ?
Reçu de fouille de la famille Elmale
De la Turquie à la France
L’histoire des Elmale commence en Turquie. Donna Sévi naît le 31 octobre 1899 à Constantinople (Istanbul), alors capitale de l’Empire ottoman, en tant que fille d’Ezra Sévi et de Rébecca Lévy. Dans cette même ville elle rencontre Nissim Elmale, né le 15 avril 1891, fils de Haïm Elmale et de Louna Sévi, il a une sœur se nommant Sarah Nathan née Elmale. Elle devient l’épouse de Nissim quelques années plus tard. Nous ignorons cependant la date de leur mariage. Tous les deux sont juifs. Dans les années 1920, avec la mère de Nissim qui est à ce moment-là veuve, le couple quitte la Turquie pour émigrer vers la France. Nous supposons qu’ils ont fui leur pays à cause de la multiplication des persécutions contre les Juifs.
Pendant la Première Guerre mondiale, l’empire ottoman est allié à la Triple-Alliance. Mécontente du traité de Sèvres signé en 1920 par le sultan, l’armée turque, avec à sa tête Mustafa Kemal, organise un coup d’état. Le Traité de Lausanne, signé le 24 juillet 1923, vient remplacer le traité de Sèvres et la République est proclamée suite à la création d’un nouvel État, la Turquie. Une politique de « turquisation » est lancée par le président Mustafa Kemal qui veut édifier un Etat-nation turc. Dès le début de la République, des campagnes de presse anti-juives se répandent dans certaines régions. Les Juifs sont comparés à des sangsues et présentés comme des profiteurs de guerre. Malgré le fait que des représentants de cette communauté aient tenté de se défendre et de témoigner de leur fidélité à l’État turc, les persécutions se multiplient. Cela provoque donc l’émigration d’un tiers à la moitié d’entre eux vers les pays européens dans les années 1920.
Une nouvelle vie en France
Arrivés en France, ces derniers sont à Paris en 1925 et se rendent à Enghien-les-Bains le 9 septembre 1926, certainement pour visiter leur futur lieu d’habitation (1). Le 1er novembre 1928, dans l’une des maternités du douzième arrondissement de Paris, naîtra petite Renée Fanny Elmale. Étant née en France, elle a la nationalité française (2). La famille s’installe ensuite à Enghien-les-Bains, ville située en Seine-et-Oise à onze kilomètres au Nord de Paris. Elle réside 4 bis Villa de la Croix-Blanche dans une ancienne villa de 1013m², divisée en plusieurs appartements (3).
Villa de la Croix-Blanche
Arrive l’année 1933, dramatiquement décisive quant à l’avenir de l’Allemagne et du monde. Le 30 janvier 1933, Adolf Hitler estnommé Chancelier du Reich par le maréchal Paul von Hindenburg. Sa prise de pouvoir est fulgurante étant donné qu’à peine deux mois après, à la suite de l’incendie du Reichstag, il obtient les pleins pouvoirs pour une durée de quatre ans. Dès lors, l’auteur de Mein Kampf (1925), ouvrage dans lequel il développe ses idées sur la théorie raciale et la domination nazie sur le monde, n’hésite pas à imposer sa dictature qui est antisémite, raciste et totalitaire. Jusqu’en septembre 1939, les agressions nazies se multiplient, les répressions contre les opposants sont importantes et les Juifs se voient déjà être mis à l’écart : ouverture du premier camp de concentration nazi à Dachau en mars 1933, d’abord destiné à emprisonner les opposants politiques allemands au régime nazi (communistes, sociaux-démocrates).
La mère de Nissim, Louna Sévi veuve Elmale, décède le 19 février 1937 à Enghien-les-Bains à l’âge de soixante-six ans (4).
Nous supposons que Renée Elmale a fréquenté l’école d’Ormesson « 2 » vers 1935. Cette école primaire, qui est à l’époque une école destinée à l’enseignement des filles, est située à une dizaine de minutes du lieu d’habitation des Elmale. Rien ne nous permet à ce jour de prouver que Renée y était inscrite, malgré plusieurs démarches effectuées.
Donna n‘a pas de profession et son mari exerce le métier de forain. Nous n’avons malheureusement pas plus trouvé d’informations sur leur vie à Enghien-les-Bains.
Au Mémorial de la Shoah puis au musée national d’Auschwitz-Birkenau, nous avons retrouvé l’unique portrait de Renée (5). C’est une photo d’école qui date des années 1940 avec un décor peint en arrière-plan. Nous y retrouvons une charmante et souriante jeune fille.
Aucune photo de Donna et de Nissim n’a été retrouvée. Dans le cadre du CNRD, nous avons attribué à chacun une photo fictive, en fonction des similarités que l’on a pu trouver. Nous avons associé à Nissim une image d’un forain juif qui a quitté la Turquie pour aller vers la France dans les années 1920 et qui a été déporté à Auschwitz. Pour Donna, nous avons trouvé celui d’une femme juive turque d’une quarantaine d’années. Ces représentations restent des hypothèses dès lors qu’aucune photo d’eux n’a été retrouvée.
Photo associée à Nissim Elmale
Photo associée à Donna Elmale
Le 1er septembre 1939, la Wehrmacht envahit la Pologne. Cette invasion est réfléchie et préparée par Adolf Hitler qui veut mettre toute l’Europe sous sa botte. Deux jours après, la Grande-Bretagne et la France déclarent la guerre à l’Allemagne nazie. Cela marque le début de la Seconde Guerre mondiale. Les Nazis commencent les repressions contre les Juifs polonais. Beaucoup sont enfermés dans des ghettos.
Plus rien ne peut alors arrêter Adolf Hitler. Son bras droit, Heinrich Himmler, Reichsführer-SS (maître absolu de la SS), donne l’ordre le 27 avril 1940 de construire un camp de concentration nommé Auschwitz à Oswiecim, une ville située au sud de la Pologne.
A la suite de la bataille de France de mai-juin 1940, la France vaincue signe l’Armistice le 22 juin 1940 avec le Reich. Il est stipulé dans le texte de l’Armistice que la partie Nord occupée de la France doit être séparée de la partie Sud non-occupée par une ligne de démarcation s’étendant des Pyrénées jusqu’à la frontière suisse. La zone occupée est rattachée au grand Reich et celle non-occupée au régime de Vichy du Maréchal Pétain, Chef de l’État français. Ce dernier décide de collaborer avec le régime nazi.
Dans les années 1940, Enghien-les-Bains est une ville de la région parisienne très concernée par l’occupation allemande. Elle est le siège de la Kommandantur du département et l’occupation de la Seine-et-Oise s’y organise. Le maire doit collaborer avec l’occupant qui se montre très exigeant.
La vie quotidienne des habitants de cette ville du jeu est totalement chamboulée. Par exemple, le grand casino a fermé ses portes en septembre 1939 et il est devenu un lieu de casernement où logent les soldats français engagés dans l’armée allemande. Occupation doit rimer avec collaboration (6).
Le 3 octobre 1940, le Gouvernement de Vichy promulgue une première loi portant sur le statut des Juifs en zone occupée, en excluant ces derniers de la plupart des fonctions publiques et de certaines autres professions. Cette décision n’a pas été prise par l’Allemagne nazie mais par l’État français. Cela marque le début de sa politique antisémite. Il n’hésite pas à remplacer cette loi le 2 juin 1941 afin d’élargir la définition de ce statut en l’appliquant à la France entière.
L’été 1941 constitue un tournant considérable en Europe, tant par sa géographie que par sa nature. Cette guerre qui s’étend alors à l’échelle mondiale devient également une guerre d’anéantissement à l’Est où la violence se déchaîne. A l’Ouest, le système répressif se durcit alors qu’à l’échelle de toute l’Europe, le processus d’extermination des Juifs se généralise à partir de la conférence de Wannsee en 1942.
En juillet 1940, la cité de la Muette à Drancy est réquisitionnée par la Wehrmacht et elle sert de camp de détention provisoire pour les prisonniers de guerre français et anglais. A partir de l’année 1941, le camp de détention devient un camp d’internement et de représailles puis une plaque tournante de la déportation des juifs de France.
Le Gouvernement de Vichy et principalement la Préfecture de Police créent un ensemble de fichiers des Juifs entre 1941 et 1944. Les dossiers de la Préfecture de police comprennent les fichiers individuels et familiaux des Juifs arrêtés à Paris et dans le département de la Seine. Le « fichier juif » comprend également les fiches du camp de Drancy, de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande dans le Loiret. Tous ces fichiers présentent une subdivision spécifique aux enfants internés.
La situation des Elmale est particulière, notamment celles de Donna et de Nissim, étant donné qu’ils sont des étrangers juifs turcs ; Renée a quant à elle la nationalité française. On sait que les juifs étrangers sont très rapidement l’objet des mesures antisémites mais leur origine turque les soustrait temporairement aux rafles, suite au pacte d’amitié turco-allemand. C’est ainsi qu’ils n’ont vraisemblablement pas été inquiétés jusqu’en juillet 1944.
Les autorités ont cependant exprimé la volonté de contrôler l’ensemble de la main d’œuvre étrangère. Le décret du 2 avril 1917, qui instaure la création d’une carte d’identité pour les étrangers de plus de quinze ans et séjournant plus de quinze jours en France, conditionne l’obtention d’une carte au paiement d’une taxe. On apprend que dans ce contexte, Nissim a refait sa carte de séjour le 20 décembre 1941 à la Préfecture de Police de Seine-et-Oise et Donna le 5 octobre 1943. Tous les deux ont payé une taxe de cent francs. Nous avons trouvé les copies conformes de leurs cartes de séjour (7).
A partir du 7 juin 1942, le port de l’étoile jaune pour les Juifs de plus de six ans est exigé en zone occupée.
Renée Elmale, âgée de treize ans, doit donc aussi porter cette étoile. Nous pouvons alors nous demander si cette dernière a été victime de moqueries de la part de ses camarades de classe, s’ils l’ont rejetée à cause de son étoile ou bien s’ils sont restés bienveillants envers elle. Malheureusement, rien ne nous permet de le savoir.
Le tournant 1943-1944 marque le retour effectif de la guerre en France, avec le durcissement des politiques répressives, l’intensification des opérations « de maintien de l’ordre » et le renforcement de la pression policière, allemande et française, contre la Résistance. Le 6 juin 1944, les Alliés débarquent sur les plages de Normandie et progressent vers Paris. La fin de la guerre approche. Et pourtant…
L’arrestation et la déportation
La fin de l’année 1944 est marquée par la volonté d’arrêter les derniers Juifs de France. Aloïs Brünner, commandant du camp de Drancy, est furieux après l’attentat manqué du 20 juillet 1944 qui a eu pour cible Hitler et pour but de renverser le troisième Reich (opération Walkyrie). Il ordonne la déportation de tous les Juifs, des derniers étrangers et aussi des Juifs français. Entre le 20 et le 22 juillet 1944, il fait arrêter plus de 345 enfants des maisons de l’UGIF (Union Générale des Israélites de France). Ces derniers sont internés au camp de Drancy.
Les Elmale bénéficient du statut de « non-déportables » car les parents sont turcs et Renée est française. Malgré cela, ils se font arrêter puis interner à Drancy en juillet 1944, ayant avec eux une grande somme d’argent (8) .
Fichiers de Drancy de la famille Elmale
Le 31 juillet 1944, Nissim, Donna et Renée Elmale se font enregistrer (9). Ils quittent Drancy et se dirigent vers la gare de Bobigny. Ils montent ensuite dans le train du convoi 77 qui part en direction d’Auschwitz-Birkenau. Ce dernier grand convoi de déportés est composé de 1310 personnes, dont 125 enfants de moins de dix ans. Les 1310 déportés sont titulaires de trente-cinq nationalités différentes mais la plupart d’entre eux sont nés en France (environ 55%). Ils sont environ soixante par wagon à bestiaux. Ce voyage éprouvant dure deux jours et demi. Le train ne s’arrête qu’une seule fois à la gare de Metz. Il fait très chaud mais l’eau est inaccessible. Beaucoup d’enfants sont présents.
Yuval NAOR, responsable des recherches du « International Tracing Service » (ITS) du mémorial israélien Yad Vashem situé à Jérusalem, nous a fait parvenir les documents de transport jusqu’à Auschwitz des Elmale. Il nous a aussi transmis la première page du dossier de la liste de transport des déportés de Drancy à Auschwitz. Il y est noté en allemand « Transporte zum KL-AUSCHWITZ », ce qui veut dire « transports vers Auschwitz ».
Liste de transport de Drancy à Auschwitz
Le convoi arrive dans la nuit du 2 au 3 août 1944 à Auschwitz-Birkenau et y rentre directement. On peut imaginer que des camions éclairent la descente des déportés avec leurs phares, qu’une ambulance est aussi présente. Serait-ce le Dr Mengele ? A peine ont-ils le temps de descendre qu’il faut immédiatement se ranger. La sélection débute. Parmi les 1310 déportés, 836 sont directement dirigés vers les chambres à gaz, 291 hommes et 183 femmes sont sélectionnés pour le travail. 93 hommes et 157 femmes survivent et sont libérés en 1945.
Les Elmale sont gazés le 5 août 1944 (date de décès officielle, même si la plupart des déportés ont été gazés le 3 août 1944 dès leur arrivée). Pourquoi n’ont-ils pas été déclarés aptes au travail ? Etaient-ils malades ? Ce ne serait pas étonnant. Donna et Nissim étaient quant à eux trop âgés selon les critères de sélection. Sa fille Renée avait quinze ans, son mari cinquante-trois ans et elle-même quarante-quatre ans. Nous n’avons trouvé aucune réponse concrète à ces questions.
Les Elmale ne connaîtront jamais la libération du camp d’Auschwitz le 27 janvier 1945. Ils ne connaîtront pas non plus l’effondrement du régime nazi avec le suicide d’Hitler le 30 avril 1945 ainsi que la capitulation de l’Allemagne le 8 mai 1945. Ils n’ont pas eu le temps de vivre. Ils font partie des six millions de personnes qui se sont fait exclure de ce monde et tuer seulement parce qu’ils sont nés Juifs…
Au musée national d’Auschwitz-Birkenau, il y a un énorme livre, le « livre des noms ». A l’intérieur sont répertoriés les noms des hommes et des femmes, juifs pour la plupart, qui ont été exterminés dans ce camp. Lors de notre voyage en Pologne, nous y avons retrouvé les noms de Renée, Donna et Nissim Elmale.
„Livre des noms“ au musée national d‘Auschwitz-Birkenau
Leur nom est également gravé sur un mémorial aux Juifs français ou venus de France sur la route vers Jérusalem et à Yad Vashem en Israël.
Chère Renée, chers Dona et Nissim, nous ne vous oublierons pas.
Les documents fournis par le projet Convoi77 :
Le 24 septembre 1962, la sœur de Nissim, Sarah Nathan veuve Elmale, envoie une lettre au Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre. Elle leur demande de lui faire parvenir les extraits de déportation de son frère, de sa belle-sœur et de sa nièce.
Le 9 octobre 1962, des fiches de contrôle concernant Nissim et Donna sont réalisées.
Le Ministre des ACVG s’adresse au Préfet de Police le 14 novembre 1962, demandant une copie des fiches d’étrangers de Donna et Nissim. Un courrier est envoyé le jour même par le Consul de France à Istanbul, à l’intention de Sarah Nathan, lui indiquant que les recherches sont en cours.
Le Préfet de Seine-et-Oise transmet le 7 janvier 1963 les copies des fiches d’étrangers de Nissim et Donna au Ministre des ACVG.
Le 28 janvier 1963, Le Ministre des ACVG atteste que les Elmale ont disparu. Ce même jour, les attestations de disparitions sont envoyées à Sarah Nathan.
L’ONACVG demande le 23 avril 2010 les actes de décès des Elmale dans le cadre de l’attribution de la mention « mort en déportation ». Les recherches sont menées dans les tables décennales d’Enghien-les-Bains entre 1963 et 1992 mais se voient être infructueuses.
Les actes de décès sont dressés à Paris le 4 juin 2010. Ils sont ensuite transcrits au ministère des ACVG par l’adjoint au maire d’Enghien-les-Bains le 9 juin 2010.
Les Elmale obtiennent la mention « mort en déportation » dans leurs dossiers de décès respectifs le 22 juin 2010.
Enfin, l’officier de l’état civil du ministère des affaires étrangères et européennes à Nantes transcrit les trois actes de décès le 26 octobre 2010.
Quatre élèves-citoyens très engagés
Notre histoire a commencé grâce à une classe défense et citoyenneté et à une professeure déterminée. Nous l’avions intégrée, puis nous nous étions engagés à participer au CNRD. Ce concours était divisé en deux parties qui étaient la réalisation d’un travail collectif et la réalisation d’un devoir individuel. Nous étions un groupe de sept élèves. En parallèle, nous avions commencéà travailler sur le projet « Convoi77 » qui vise à réaliser la biographie d’une ou plusieurs personnes ayant été déportées par ce convoi.
Pour la mise en forme de notre dossier, nous avions imaginé une valise qui aurait été « La valise de Renée », laissée abandonnée à Drancy, puis retrouvée des années après. A l’intérieur de celle-ci se trouvait « le journal intime » de Renée, où nous racontions premièrement la guerre à travers ses yeux, puis nous relations des faits réels historiques. La valise contenait également la photo de Renée, les photos qui auraient pu être celles de ses parents, des affaires de toilette, un journal de l’époque, le plumier qui nous a servi à écrire ainsi que le document de réalisation expliquant toutes nos démarches. Notre groupe a été classé à la 3èmeplace du département du Val-d’Oise et à la 2ème place de l’académie de Versailles. Notre dossier est même remonté jusqu’au jury national du CNRD.
Le groupe du CNRD
Le „journal intime“ de Renée imaginé par les élèves
La „valise“ de Renée imaginée par les élèves
Après le CNRD, nous avons souhaité investir encore plus ce projet et y consacrer une grande partie de notre temps libre, tout au moins pour trois d’entre nous. Nous aurions tellement aimé en apprendre plus sur leur vie mais nous nous sommes heurtés au silence des sources ! Et il a fallu l’accepter.
Ce rôle d’investigateurs, de témoins qui nous a été confié nous a particulièrement tenu à cœur. Malgré tous nos efforts, nous n’avons pas trouvé énormément d’informations sur les Elmale. La plupart de nos recherches n’ont pas abouti étant donné que les différentes archives/personnes que nous avons contactées et côtoyées ne disposaient pas de beaucoup de documents, d’informations les concernant. De plus, mis à part la sœur de Nissim, aucun membre de cette famille n’est connu à ce jour. Nous avons essayé par tous les moyens de retrouver sa trace en Turquie, du moins la trace de ses enfants car cette dernière est très certainement décédée, mais nous n’avons pas réussi.
Cependant, notre modeste contribution aura permis de faire échouer d’une certaine manière la Shoah puisque l’intention des Nazis était d’effacer toute trace du passage des juifs sur cette terre. Or notre biographie de la famille Elmale a été réalisée et elle passera à la postérité.
Le camp d’Auschwitz-Birkenau a été libéré il y a 76 ans. Tout a-t-il été écrit ? Beaucoup de choses certes. Pourtant le négationnisme ne s’est jamais aussi bien porté.
Il y a douze lieux de mémoire en France et pourtant ? Comment faire pour ne pas tomber dans l’oubli ?
Nous sommes la dernière génération à pouvoir écouter des témoignages. Comment des personnes ont-elles pu commettre de telles atrocités ? Comment agir pour que cela ne se reproduise plus jamais ?
» « Un mort n’est vraiment mort que quand meurt la dernière personne qui l’a connu » (Borges). Les morts sont aussi le poids de l’histoire et du passé, avec lequel nous dialoguons sans fin. Nouant ainsi la chaîne inlassable de l’humanité, nous continuons d’aider les morts à survivre, attendant qu’un jour, à leur tour, ils nous aident peut-être à mourir ». Edito du magazine L’Histoire, « Vivre avec les morts », juillet-août 2020.
Ce sont grâce à des projets comme le « Convoi77″ ou des concours mémoriels comme le CNRD que nous n’oublions pas ce qu’il s’est passé. C’est de cette manière que la chaîne de l’humanité ne se brise pas et que les victimes de la Shoah ne tomberont jamais dans l’oubli.
Nous faisons « nôtres » les mots de Monsieur Meyer, président de l’association Convoi77 : « Nous sommes des vigies pour l’avenir ! »
Renvois :
- D’après les documents d’archives fournis par l’association au début du projet.
- Grâce à une demande faite en ligne à la mairie du douzième arrondissement de Paris, nous avons pu obtenir l’extrait sans filiation de son acte de naissance. Nous avons également retrouvé son nom dans les archives en ligne de Paris, dans la table des naissances entre 1923 et 1932.
- Nous avons retrouvé leur trace (noms) dans le recensement de population de 1931 d’Enghien-les-Bains, dans les archives en ligne du Val-d’Oise.
- Son nom apparaît dans la table des successions et absences entre 1937 et 1939 des archives du Val-d’Oise, ainsi que dans le journal « Le Progrès de Seine-et-Oise », datant du 28 février 1937.
- Sa photo se trouve au Mémorial de la Shoah ainsi qu’au musée national d’Auschwitz-Birkenau
- D’après l’ouvrage Enghien-les-Bains Kommandantur Val-d’Oise 1940-1945, Bruno Renoult, 2015
- Parmi le cursus d’archives fourni par l’association.
- D’après le reçu de fouille que nous avons retrouvé sur le site du Mémorial de la Shoah.
- Nous avons retrouvé leurs trois fiches de départ lors d’une visite à Drancy.
Démarches effectuées :
- Février 2019 : Mails envoyés à la petite fille de Fortunée Cambi.
Lors de nos recherches, nous nous nous sommes interrogés sur le cas de Fortunée CAMBI née Sévi. Elle naît à Constantinople en 1882. Elle émigre vers la France avec son mari dans les années 1910. Ils ont eu des enfants qui sont nés dans le douzième arrondissement de Paris. Ils sont aussi l’une des familles emportées par le convoi77 et gazées dès l’arrivée. Même si le nom Sévi est très répandu dans le monde, toutes ces informations nous ont laissé penser que Fortunée Sévi est un membre de la famille de Donna Elmale née Sévi, au vu de tous les points communs que l’on retrouve entre elles. Une cousine ? Nous avons par conséquent effectué de multiples démarches pour confirmer cette hypothèse : mails envoyés à sa petite fille, appels, courriels laissés sur des sites internet. Malheureusement, nous n’avons pas obtenu de réponses concrètes. Cela reste encore une hypothèse à ce jour.
Nous avons réalisé l’arbre généalogique de la famille Elmale ainsi qu’une carte montrant leurs déplacements tout au long de leur vie. Nous avons également créé deux frises chronologiques : une frise avec les principaux faits historiques concernant les Juifs depuis la venue d’Hitler au pouvoir jusqu’à sa mort (faits cités tout au long de la biographie) et une autre frise avec les événements connus sur la famille Elmale (naissances, déplacements etc).
Arbre généalogique de la famille Elmale
Frise chronologique
déplacements de la famille Elmale
- Plusieurs mails envoyés aux archives en Turquie au cours des deux années de recherches. Réponses négatives étant donné que la Turquie dispose de très peu d’archives.
- Annonce laissée sur le site AJPN.
- Appel à l’état civil d’Enghien-les-Bains.
- Appels à l’école d’Ormesson 2.
- Appel au particulier de la Villa de la Croix-Blanche d’Enghien-les-Bains.
- 01/03/2019 : Mail envoyé à la bibliothèque du Mémorial de la Shoah.
- 05/03/2019 : Mails envoyés à M. Serge Jacubert, fils de déportée du convoi77, membre du conseil du conseil d’administration.
- 25/02/2020 : Mail envoyé au service des archives d’Enghien-les-Bains.
- 13/05/2020 : Demande en ligne de documents au mémorial israélien Yad Vashem. .
- 25/05/2020 : Mail envoyé au consulat général de France à Istanbul.
- 25/05/2020 : Mail envoyé au maire d’Enghien-les-Bains.
- 25/05/2020 : Mail envoyé à l’ambassade turc de Paris.
- 25/05/2020 : Mail envoyé aux archives des Yvelines.
- 28/05/2020 : Mail envoyé au grand Rabbinat d’Istanbul.
- 30/05/2020 : Mail envoyé à une association de généalogie.
- 11/06/2020 : Courrier envoyé au Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
- 05/07/2020 : Demande en ligne de documents aux Arolsen Archives.
Rencontres, visites et voyages :
- Juin 2019. Visite du camp de concentration de Natzweiler-Struthof.
- Sortie à Oradour-sur-Glane.
- 04/01/2019. Sortie au Mémorial de la Shoah le 4 janvier 2019.
- 25/02/2019. Rencontre avec Frania EISENBACH HAVERLAND, survivante des camps d’extermination. Elle a été déportée en 1941 et a été libérée du camp de Theresienstadt en Tchécoslovaquie en 1945. Elle est aujourd’hui âgée de quatre-vingt-quatorze ans mais elle continue de témoigner inlassablement de son histoire directement liée à la Shoah afin que cette terrible période de l’Histoire ne soit jamais oubliée.Cette rescapée, que nous avons revue plusieurs fois (principalement lors de commémorations) a écrit un livre intitulé Tant que je vivrai. Sa phrase favorite que nous n’oublions pas est « Plus jamais ça ! ». Frania est une femme exceptionnelle ; elle est ancrée dans nos cœurs et nous ne l’oublierons jamais !
- 08/03/2019.Sortie au musée national du camp de Drancy.
- 18/03/2019. Visioconférence avec cinq déportés (Ginette Kolinka, Esther Senot, Elie Buzin, Raphaël Esrail et Victor Perahia).
- Du 30/10/2019 au 01/11/2019. Visite de Cracovie et du camp d’Auschwitz-Birkenau. Grâce à notre 3ème place au CNRD, nous avons gagné un voyage en Pologne. C’était incroyable. Malgré tout le travail effectué sur le thème de la déportation, nous avons encore appris des choses que l’on ne soupçonnait pas. Il faut le voir pour le croire. Il est extrêmement difficile de se rendre compte de la barbarie de ces personnes qui ont fait vivre de telles atrocités à leurs semblables. Un tel génocide est inimaginable et indicible à décrire. Toutes les visites de camps de concentration et d’extermination ne remplaceront jamais le sentiment de terreur et la torture inhumaine qui pouvait y régner.
- 05/10/2019. Cérémonie en mémoire du camp d’internement d’Aincourt.
Photos du voyage en Pologne – musée d’Auschwitz-Birkenau
Liens :
- https://convoi77.org/
- http://www.ajpn.org/
- https://www.reseau-canope.fr/cnrd/
- https://www.geneanet.org/
- https://www.enghienlesbains.fr/
- fondationshoah.org
Remerciements
Nous tenons à remercier toutes les personnes qui nous ont aidés pour nos recherches, tous les survivants des camps de concentration que nous avons eu la chance de rencontrer. Nous remercions également notre professeure, Mme Le Bihan-Buannec, qui nous a consacré beaucoup de temps et qui nous a toujours soutenus. Enfin, nous remercions infiniment l’association du Convoi77 ! Merci de nous avoir fourni les documents d’archives et de nous avoir laissés participer à ce fondamental devoir de mémoire !