Esther CAMHI, née Eskenazy (1905 – 1944)
Photo : Coll. : mémorial de la shoah
Esther est née le 14 août 1905 à Constantinople dans l’empire ottoman. Elle est la fille d’Eliezer Eskenazy et Rebecca Tchiprout, citoyens turcs. Elle arrive en France en 1919. Lorsqu’elle se marie le 16 septembre 1933 avec Albert Camhi, elle habite à Bourg d’Oisans avec ses parents et est employée de commerce.
Esther n’a pas souscrit la déclaration prévue par la loi du 10 août 1927 qui lui permettait d’acquérir la nationalité française par son mariage avec Albert, français depuis 1928, et a fait cette demande le 3 octobre 1939. Demande qui a été ajournée le 25 août 1942. Sur certains des papiers après son décès, cependant, il est indiqué qu’elle est naturalisée française.
Le couple a un fils, Victor, qui naît le 6 juillet 1934 à la Tronche (Isère).
Esther a-t-elle continué à travailler ? Sa pension de femme de militaire lui a-t-elle suffit pour vivre quand Albert était au front ? Est-elle retournée vivre chez ses parents, qui ne vivent pas loin ?
Arbre généalogique
ARRESTATION ET DÉPORTATION
La famille Camhi est arrêtée le 18 juin 1944 à Grenoble, à son domicile 18, rue Lakanal, par la Gestapo et la milice. Or différents papiers font état d’un domicile à la clinique des Alpes, à La Tronche comme dernier lieu de résidence pour Esther et le petit Victor. Se cachaient-ils dans cette clinique ? Etaient-ils en mauvaise santé ? Esther y avait-elle trouvé un emploi qui lui permettait d’être à l’abri des arrestations de Juifs, avec son fils ? « À partir d’octobre 1943, la police allemande, et les Français qui travaillent pour elle, arrêtent systématiquement les Juifs à Grenoble et ses environs », explique l’historien de la Shoah Tal Bruttmann. Le Service social des Jeunes (SSJ), une branche grenobloise des Éclaireurs israélites de France, qui était investi dans le sauvetage des enfants juifs a caché des enfants à l’hôpital de la Tronche. La clinique était également un abri où le Dr Gaston Valois cachait des résistants, avant d’être lui-même arrêté et déporté.
C’est en tout cas à La Tronche, dans cette ville proche de Grenoble, que l’acte de décès d’Esther est inscrit à l’état civil. La mention « Mort en Déportation » y sera ajoutée en 1989.
Notons également que le site des Enfants déportés de Lyon, qui consacre une notice biographique à Victor évoque une arrestation d’Esther à Lyon, pendant qu’Albert et Victor auraient été arrêtés à Grenoble, ce que ne confirme pas le récit d’Albert.
Esther est emmenée avec son mari au siège de la Gestapo où Albert est torturé pour qu’il avoue qu’il sait où se trouve une cache d’armes. Celles-ci avaient été déménagées et n’ont pas été trouvées. Mais la famille juive et suspectée de résistance est désormais dans le viseur des nazis.
Emprisonnée à Montluc dans une cellule pour femmes, Esther est séparée de son fils, envoyé à l’hôpital de l’Antiquaille, maison d’enfants gérée par l’Union Générale des Israélite de France (UGIF, un organisme d’assistance et de prévoyance crée par les Allemands mais dirigé par des Juifs) tandis qu’Albert est incarcéré du côté des hommes.
Pour le transfert à Drancy le 24 juillet, la famille se retrouve. Ils sont déportés dans le même wagon du convoi 77 vers Auschwitz Birkenau le 31 juillet 1944.
C’est à la descente du train qu’elle voit Albert pour la dernière fois.
Comme toutes les mères de famille avec enfants, Esther est conduite dans les chambres à gaz avec son fils.
APRÈS LA GUERRE…
Après la guerre, les parents d’Esther et Albert entreprennent les démarches pour qu’elle reçoive le titre de déporté politique et que son décès soit reconnu et inscrit à l’état civil. En 1948, pour régler la succession, Maître Piloz, notaire à Grenoble, demande un certificat pour obtenir l’exonération des droits de mutation par décès. Cela signifie qu’Esther a laissé un héritage.
Sa mère, Rébecca, meurt le 1er juillet 1962 alors qu’elle avait déposé un dossier au nom de sa fille. A une demande que le couple Askénazi ont faite d’indemnisation la concernant, il est répondu, en 1972, que, les parents n’étant pas français mais de nationalité étrangère, leur demande ne peut pas être satisfaite. Le 15 novembre 1963, néanmoins, Eliezer Eskenazi reçoit le pécule de 132 francs en tant qu’ascendant de sa fille. Albert, remarié, n’y a pas droit.
Ces documents sont extraits du dossier DAVCC 21 P 432 816, CAMHI Esther née ESKENAZY