Hermann GARBOUS
La photo reproduite ci-contre provient du SHD-DAVCC de Caen, dossier n° 21P453 465
Une vie libre et heureuse :
Hermann Garbous, fils de Rosa Kortsarz et de Leib Garbous, est né le 17 décembre 1893 à Wegrow, voïvodie de Mazovie, en Pologne. Il est l’un des derniers déportés juifs du camp de Drancy, acheminé jusqu’au camp d’extermination Auschwitz-Birkenau par le convoi 77.
Néanmoins, avant de connaître l’horreur, Hermann connaît l’amour. C’est le 16 avril 1935 à 11h15 dans le XIe arrondissement qu’il épouse Marguerite Claire Barbon, fille d’Eugène Frédéric Barbon et de Marie Louise Aubry, née à Quincy-Voisins le 6 septembre 1891.
Marguerite était divorcée de Joseph Casanova.
Un contrat de mariage est reçu le 15 avril 1935 par Maître Thion de la Chaume, notaire à Paris.
Dessin de Cassiopée Perraguin, élève de TL
D’un homme à un numéro …
Hermann Garbous est domicilié au 73 rue Pasteur à Quincy-Voisins depuis 1930.
Le 21 octobre 1942,[1] il est arrêté par la Feldgendarmerie[2], la Gendarmerie nationale et la Police d’État.
En effet, on trouve le témoignage de M. André Ganne[3], 47 ans, garagiste, qui a assisté à l’arrestation d’Hermann Garbous. Celui-ci affirme que M. Garbous est monté dans un camion français, de marque Renault. Plusieurs feldgendarmes étaient présents.
Dans une autre déposition en date du 21 janvier 1952, faite par M. Lucien Dagro[4], 62 ans, sans profession, nous apprenons que ce dernier conduisait le camion qui a transporté M. Garbous. M. Dagro travaillait dans une coopérative de la Brie comme chauffeur et était réquisitionné deux fois par semaine par les Allemands. Il a été avisé le 20 octobre 1942 de se tenir à la disposition des Allemands dès le 21 octobre à 5 heures du matin à Meaux, à la Feldgendarmerie. Il confie aux gendarmes que quatre feldgendarmes étaient présents et qu’il est d’abord allé à Meaux pour arrêter une femme juive, puis à Nanteuil-les-Meaux où une dizaine d’hommes ont été obligés de monter dans le camion.
Deux feldgendarmes étaient à l’arrière du camion, et deux devant avec M. Dagro. Enfin ils sont allés à Quincy-Voisins pour emmener M. Garbous. Tous ont été transportés à Melun.
De fait, une rafle a été effectuée le 21 octobre 1942 dans le département de Seine-et-Marne en vue de l’arrestation des Juifs étrangers. Le nombre de Juifs visés par l’opération était de 81[5]. On peut d’ailleurs citer l’arrestation, lors de cette rafle, du docteur Iancu Vexler et de sa femme Fajga à Saint-Cyr-sur-Morin.
On perd la trace d’Hermann Garbous d’octobre 1942 à mars 1943.
D’après le témoignage de Marguerite Garbous, son mari a ensuite été transféré à Beaune-la-Rolande[6] avec des centaines d’autres conjoints d’aryennes, le 9 mars 1943.
Le 12 juillet 1943, ils réintègrent en masse le camp de Drancy[7], à l’initiative d’Aloïs Brunner[8] où Hermann Garbous ne reste que trois jours.
Il est ensuite transféré le 15 juillet 1943, avec ses camarades, sur l’île d’Aurigny[9] qui est alors occupée par les Allemands depuis le 2 juillet 1940. Au camp n°2, ce sont des « Juifs conjoints d’Aryennes », explique Benoît Luc[10], qui sont utilisés comme travailleurs forcés pour le compte de l’Organisation Todt[11]. Pour Benoît Luc « ils n’étaient pas assez juifs pour être déportés à Auschwitz mais trop juifs pour être laissés tranquilles. »
Mais le 1er avril 1944, Hermann Garbous est renvoyé à Paris pour être interné (et peut-être soigné) à l’hospice Rothschild[12], rue de Picpus. L’hospice est alors une annexe de Drancy. Beaucoup de détenus juifs d’Aubigny y arrivent en mai 1944.
Le 15 juillet 1944, Aloïs Brunner, qui veut déporter le maximum de Juifs de Paris avant la libération de la capitale, investit l’hospice et transfère à Drancy 28 de ses occupants, dont Hermann Garbous.
Il reste quelques jours en détention au camp de Drancy avant d’être déporté le 31 juillet 1944 à Auschwitz-Birkenau[13] lors du dernier convoi, le convoi 77[14].
Hermann Garbous est assassiné dès son arrivée à Auschwitz, probablement le 2 août 1944.
Dessin de Cassiopée Perraguin, élève de TL.
Il n’a pas « la chance » d’être sélectionné pour le travail….
Le long combat de Marguerite Garbous …
Dès le mois de juillet 1946, une demande est formulée par Marguerite Garbous, l’épouse d’Hermann, en vue d’obtenir la régularisation de l’état civil d’un non-rentré[15]. On déclare par la même occasion le statut d’Hermann Garbous, victime de déportation raciale.
Le 17 octobre 1946, le ministère des Anciens Combattants et Victimes de guerre envoie un acte de disparition à Madame Garbous concernant son mari, Hermann, sous le numéro de dossier 20.282[16]. Le 2 novembre 1946, elle reconnaît avoir reçu l’acte de disparition de son mari de la part du service de l’état civil du ministère des Anciens Combattants et Victimes de guerre.
Officiellement, l’acte de disparition est signé et publié le 1er novembre 1946.
Mais les démarches ne s’arrêtent pas là. Le 26 octobre 1951, le ministère des Anciens Combattants et Victimes de guerre reçoit une requête de Mme Garbous demandant l’attribution du titre de déporté politique pour son défunt époux.
Le ministère des Anciens Combattants et Victimes de guerre diligente alors une enquête sur les circonstances de l’arrestation et de la disparition de son mari. Plusieurs documents en attestent : les procès-verbaux de la Gendarmerie nationale du 17 janvier 1952 et du 21 janvier 1952, rédigés par les gendarmes de la brigade de Meaux où plusieurs témoins sont auditionnés[17].
Le 5 juin 1953, le ministère des Anciens Combattants et Victimes de guerre décide d’attribuer à M. Garbous le statut de déporté politique. Ce qui permet à Mme Garbous de bénéficier du « pécule aux-ayants-cause des déportés politiques décédés pendant leur détention ». Garbous Hermann, numéro de carte 11.01.06051 est reconnu déporté politique, ce qui permet à Marguerite de toucher la somme de 37 200 francs le 10 octobre 1958.
Parallèlement à cette démarche de reconnaissance de déporté politique, Mme Marguerite Garbous envoie une lettre en date du 10 mars 1952, par le biais de Maître Pierre Eveno, au directeur du contentieux de l’état civil pour demander un acte de présomption de décès concernant M. Garbous. Elle en a besoin pour gérer la succession de son mari et le partage des biens du patrimoine du couple.
Mais ce directeur ne peut pas accéder à sa demande en raison de la nationalité polonaise du défunt[18]. Mme Garbous va alors déposer au Tribunal de Meaux une requête comme cela lui a été suggéré par le service de l’état civil du ministère des Anciens Combattants et Victimes de guerre.
Il aura fallu 11 ans à compter de la mort de M. Garbous pour que son décès soit transcrit, le 10 janvier 1955 à Quincy-Voisins au registre de l’État-civil ! Monsieur Hermann Garbous, fils de Rosa Kortzarz et de Leib Garbous et époux de Marguerite Claire Barbon est officiellement déclaré comme non-rentré : « Monsieur Garbous n’a pas reparu à son domicile depuis le 21 octobre 1942. ».
Un devoir de mémoire fondamental
Hermann Garbous a connu un destin tragique pendant la guerre. Il est arrêté dans sa commune de Quincy-Voisins, le 21 octobre 1942. Il est interné, puis envoyé à Drancy le 17 juillet 1944. Son dernier voyage le ramène en Pologne où il est assassiné dès son arrivée. Son seul « crime » : être né Israélite ! Il est l’un des derniers déportés de France de la Seconde Guerre mondiale, nous nous devons de faire perdurer sa mémoire et de ne pas l’oublier. Il est de notre devoir de rendre hommage à toutes ces personnes qui ont malheureusement perdu la vie et de retenir que la tolérance est l’une des clés essentielles pour l’avenir de notre Humanité.
Nous nous devons de ne pas oublier et d’honorer chaque personne décédée. Ici M. Hermann Garbous, et non le numéro 20.282, donné par le ministère des Anciens Combattants et Victimes de guerre pour le certificat de non-rentré ou encore le numéro 11.01.06051 de déporté politique.
Monument aux morts de Quincy-Voisins, vue d’ensemble et détail
La Patrie reconnaissante….
Références
[1] Témoignage du maire de Quincy-Voisins, M. Joseph Albert Bailloux, en date du 10 septembre 1951.
2 La Feldgendarmerie était le nom de la police militaire allemande. Pendant la guerre, certaines unités de Feldgendarmerie étaient chargées des missions d’occupation des territoires sous contrôle de la Wehrmacht.
3 Témoignage de M. André Ganne, présent lors de l’arrestation d’Hermann Garbous. Déposition en date du 17 janvier 1952 auprès de la Gendarmerie nationale, chargée par le directeur interdépartemental des Anciens Combattants et Victimes de guerre à Paris de mener une enquête, en vue d’obtenir des informations sur l’arrestation et la disparition d’Hermann Garbous.
[4] Chauffeur du camion qui transporte les Juifs étrangers lors de l’arrestation de M. Garbous. Témoignage du 18 janvier 1952 recueilli par la Gendarmerie nationale, chargée par le directeur interdépartemental des anciens combattants et victimes de guerre à Paris de mener une enquête en vue d’obtenir des informations sur l’arrestation et la disparition d’Hermann Garbous.
[5] AJPN (Anonymes, Justes et Persécutés durant la période Nazie dans les communes de France). Frédéric Viey, historien spécialiste de l’histoire de Seine-et-Marne.
[6] Beaune-la-Rolande est un camp d’internement situé dans la commune de Beaune-la-Rolande dans le département du Loiret. Construit en 1939 pour y enfermer les futurs prisonniers de guerre allemands de la Seconde Guerre mondiale, ce camp sert par la suite aux Allemands. Ce camp est fermé en juillet 1943 par Aloïs Brunner et les internés sont transférés à Drancy.
[7] Drancy sert de camp d’internement et de regroupement des Juifs de France avant leur déportation dans les camps de concentration et les centres de mise à mort. Près de 63 000 d’entre eux seront déportés depuis Drancy.
[8] Aloïs Brunner est un criminel de guerre nazi né le 8 avril 1912 à Rohrbrunn en Autriche. Il prend en main le camp de Drancy à partir du 2 juillet 1943. Il fait déporter en un an plus de 22 000 Juifs français, ou résidant en France, soit 1/3 des déportés juifs de France.
[9] Aurigny est occupée par les Allemands le 2 juillet 1940. Il s’agit de l’une des îles anglo-normandes. Pendant la guerre l’île compte jusqu’à 5 000 déportés.
[10] Benoit Luc, chargé de Mémoire à l’office des anciens combattants à Aurigny, article Ouest France, 11 mai 2014.
[11] L’organisation Todt est un groupe de génie civile et militaire du Troisième Reich. Elle porte le nom de son fondateur Fritz Todt, qui est un ingénieur et une figure importante du nazisme. L’organisation a été chargée de presque toutes les grandes opérations de génie civile durant la guerre. Elle a eu recours à des prisonniers et à des déportés.
[12] Pendant la deuxième Guerre mondiale, l’établissement est placé sous une direction agréée par les autorités nazies et il devient de fait un centre de détention de malades juifs, en attendant leur envoi en camp de concentration.
[13] Auschwitz-Birkenau est un grand camp de concentration et un centre de mise à mort en Pologne. Plus de 1,1 million de Juifs, y seront assassinés.
[14] Convoi 77 est le dernier grand convoi (1309 déportés) ayant quitté Drancy pour Auschwitz le 31 juillet 1944.
[15] Demande formulée le 18 juillet 1946 en vue d’obtenir la régularisation de l’état civil d’un « non-rentré »
[16] Par application de la loi du 22 septembre 1942, et de l’ordonnance d’Alger du 5 avril 1944, Mme Garbous peut, par simple courrier adressé au Procureur de la République du domicile du disparu, obtenir un jugement déclaratif d’absence. Au bout de 5 ans, partant du jour de la disparition de M. Garbous, sa veuve peut obtenir un jugement déclaratif de décès.
[17] Procès-verbal du 17 janvier 1952. Témoignage de M. André Ganne, de M. Julien Richard.
Procès-verbal du 21 janvier 1952. Témoignage de M. Lucien Dagro.
[18] L’ordonnance du 30 novembre 1945 modifiant les dispositions du code civil n’est pas applicable aux étrangers, sauf s’ils sont morts sur le territoire français.
Hermann était le fils de Leib (né en Pologne le 15 août 1859), marchand d’habits après avoir été tailleur, et de Rosa Kortzarg. Après la mort de Leib le 15 août 1924, Hermann vit avec sa mère et ses soeurs 129 boulevard Richard-Lenoir, à Paris. C’est là qu’il réside avant de rejoindre Quincy-Voisins où est née son épouse et où il avait une résidence.
Avant de s’installer au 129 du bv Richard-Lenoir, la famille a beaucoup déménagé
Ses soeurs Lisa et Sarah sont nées à Paris.