Isaac Albert BROÏDO
Albert Isaac Broïdo (né Broÿdo) fait partie des 1306 Juifs déportés du convoi 77, dernier grand convoi parti de France à destination du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Sa famille et lui ont été victimes de la Shoah.
Photo : Isaac Albert Broïdo © SHD de Caen
I. QUI EST ISAAC / ALBERT BROÏDO ?
Isaac est né à la maternité de l’hôpital Rothschild, dans le XIIe arrondissement de Paris, le 4 avril 1905 à 17h[1], dans une famille d’origine juive lituanienne. Ses parents se nommaient Noël Broÿdo (autre nom : Notel Nathan Broydo, né le 18 septembre 1878 à Vilno) et Anna Louner (autre nom : Guena Louner), nés à Vilnius[2]. Selon la sœur d’Albert, ils seraient venus en France en raison des activités révolutionnaires de Notel, avec de faux papiers fournis par l’église orthodoxe.
Au moment de la naissance d’Isaac, ils sont domiciliés 12 rue du Plâtre, dans le Marais. Le père est brocanteur-fripier, Anna est ménagère, c’est-à-dire qu’elle s’occupe du foyer et des enfants, mais selon sa petite-fille, Martine, c’était « elle qui vendait des vêtements d’occasion au Carreau du Temple ». Ils ont tous deux survécu à la guerre et sont morts respectivement le 4 avril 1950, à Paris XIe et le 28 mars 1947 à Paris (XIe)[3].
Isaac est l’aîné d’une fratrie de trois : il a un frère, Léon Broÿdo (né en 1913, à Paris IVe), et une sœur, Suzanne Képès (née en 1918). Léon Broÿdo s’est marié une première fois en 1937 avec Marguerite Rabinovitch – Albert a été notamment témoin du mariage[4]. Comme son frère, Léon est engagé dans la Résistance[5], et il est arrêté au moins une fois en 1942, ce qui le conduit au camp de Drancy[6], dont il est un des rares évadés, précise sa nièce Martine. Léon survit à la guerre et meurt à Paris XVIe en 1980. La sœur d’Isaac, Suzanne, est une gynécologue de renom qui a milité pour le droit des femmes à disposer de leur corps et a co-créé le Planning Familial. Elle a épousé Adam Képès, avec qui elle a deux enfants – sa famille et elle se sont réfugiés à Montpellier pendant la guerre[7]. Suzanne a témoigné pour les Archives du Mémorial de la Shoah[8] et a parlé de sa famille. Elle a également déposé une feuille de témoignage pour Claude et Brana/Blanche au Mémorial de Yad Vashem[9]. Elle est morte en 2005.
Isaac/Albert a peu fréquenté l’école, où après avoir subi des violences antisémites de la part de ses condisciples, il décide de ne plus retourner. Il commence sa vie active comme marchand forain (vendeur ambulant) : à 16 ans, il a une patente, qu’il conserve jusqu’en 1930.
En 1926, l’affaire se développe. Il a 21 ans et est gérant de la Société Broïdo & Fils, Friperie en gros[10]. Il roule en automobile, avec laquelle il renverse un jeune cycliste le 10 mai 1927 à Pont-Hubert, dans l’Aube, ce qui lui occasionnera une amende de 50 francs et le paiement de dommages-intérêts de 7.500 francs[11].
Mais Albert, dont la famille a été naturalisée, doit faire son service militaire. Il est affecté au 71e Régiment d’Infanterie à Saint-Brieuc ; puis a été détaché à la 6e section comme secrétaire d’État-Major au secrétariat particulier du ministre de la Guerre. Après dix-huit mois de service, il est démobilisé. Il peut retrouver sa jeune femme, Brana, dite Blanche Weintraub (ou Veintraub), qu’il a épousée le 28 août 1924, à la mairie du IVe arrondissement de Paris. Ils ont un premier enfant, Marc, né le 13 janvier 1928[12]. Le couple vit 42, rue de Turbigo, dans le IIIe arrondissement de Paris[13]. Brana est sténodactylo, peut-être travaillent-ils ensemble ? Comme de nombreux Juifs qui veulent s’intégrer, ils ont opté pour des prénoms français : Albert pour lui, Blanche pour elle.
Albert continue son ascension professionnelle. Il devient membre fondateur et secrétaire de la Chambre syndicale des Négociants en vêtements usagés et articles s’y rattachant. En 1930, il diversifie ses activités et créé avec Jean Guerber les Établissements SPIP (Société parisienne d’importation de porcelaines) sise 39 rue Grange-aux-Belles, à Paris. Un fonds de commerce de verreries et porcelaines en gros, dont il est également le gérant. Il est domicilié 42, rue de Turbigo, dans le IIIe arrondissement. Devenu maître-verrier en 1936, il fonde et gère les Verreries et Cristalleries de la Seine.
Albert est désormais un homme d’affaires, travaillant dans l’industrie[14]. Il semble travailler avec son frère Léon, lui aussi homme d’affaires – peut-être dans une entreprise familiale[15].
En 1938, alors que la situation internationale devient explosive, il est rappelé sous les drapeaux par convocation spéciale, mais il est renvoyé rapidement chez lui. En août 1939, il est mobilisé à la 662e Compagnie des Transports Auto. En septembre, la guerre contre l’Allemagne débute. Albert, bien que militaire, développe son génie créatif : il fonde la première Coopérative militaire ambulante, indique sa fille. Il n’est pas envoyé au front, mis à la disposition d’un conseiller de la préfecture de la Seine.
En avril 1940, il est placé en « affectation spéciale pour la fabrication d’articles militaires ». Il est démobilisé en juillet, après la capitulation française.
Son fils Marc est né le 5 mai, à Paris[16].
II. ISAAC/ ALBERT BROÏDO, MEMBRE DE LA RÉSISTANCE
Dans ses états de service militaires, sur la période 1940-1945, Albert est indiqué comme étant brigadier de réserve pour l’armée française[17]. Cependant, il se fait aussi remarquer par son engagement dans la Résistance, dans laquelle il s’engage dès le début de l’Occupation – ce qui met en danger sa famille.
Tout d’abord, Albert intègre la Résistance dans le réseau d’Ernest Pruvost, qui sera ensuite fait officier de la Légion d’honneur, Compagnon de la Libération, Chef national et Liquidateur officiel du Réseau EM P.T.T. Ils travaillent ensemble à la confection de fausses cartes d’identité et faux tickets d’alimentation. Dans ce réseau, Albert occupe le poste de chargé de mission de 3e classe avec le grade de lieutenant. Hélas, Albert est poursuivi pour ses activités, ce qui le contraint à quitter le réseau en 1941[18].
Le 20 août 1941, son frère Léon est pris dans la grande rafle du XIe arrondissement et interné à Drancy.
Albert s’enfuit à Nonancourt et, guidé par son ancien chef de réseau parisien, il rejoint un nouveau réseau de résistance. Du 1er septembre 1941 à décembre 1942, il participe ainsi aux actions des FCC (Forces françaises combattantes, créées par De Gaulle en 1942 depuis Londres), avec le Capitaine Henri Le Veille, responsable Régional clandestin pour la Normandie, où il a le grade de sous-lieutenant.
Albert et sa famille ont évidemment de faux papiers qui cachent leur origine juive. Brana, dite Blanche, qui est née à Alexandrie, en Égypte, est ainsi née à Lens sur ses nouveaux papiers falsifiés. « Craignant d’être arrêté » pour ses activité, Albert va mettre sa famille en sécurité en zone libre et revient ensuite en Normandie pour reprendre « son activité auprès de Monsieur Le Veille ».
Sur le conseil de son chef, fin 1942, Albert doit partir rejoindre sa famille dans le Midi, à Cannes. De décembre 1942 à juin 1944, il « est en liaison » avec Roger Chevalier[19] et travaille sous ses ordres comme chargé de mission de 3° classe au réseau Mithridate. Il a la charge de la recherche d’emplacements pour installer des postes d’émission clandestins et les installe – Albert aurait également fourni des informations précieuses sur « les mouvements des troupes allemandes et celles de batteries de DCA[20] ». Malheureusement, son réseau est repéré par la Gestapo – probablement à la suite de dénonciations – qui se met à le filer, ce qui conduit la police allemande jusqu’au domicile de la famille Broïdo, la villa Cacho Maïo, avenue du Commandant Bret à Cannes[21].
III. L’ARRESTATION
Le 27 juin 1944, la Gestapo débarque au petit matin au domicile des Broïdo et découvre qu’en plus des activités de résistance d’Isaac, la famille est juive. Dans une lettre rédigée à l’intention du ministre des Anciens Combattants le 12 décembre 1955, Albert raconte :
« Fin juin 1944, un matin, on a frappé à ma porte en criant : Police !, mon premier réflexe a été de m’enfuir, mais après avoir erré pendant quelques minutes et après avoir réfléchi, je suis revenu, car il y avait à la maison ma femme et mes deux fils.
Quelles sont exactement les questions que la Police, que j’ai appris par la suite être la Gestapo, avait posées à ma femme ? je n’ai jamais pu le savoir, mais à mon arrivée deux hommes m’ont accueilli revolver au poing et m’ont dit : “Alors on est Juif à ce qu’il paraît, par-dessus le marché !” et ils m’ont emmené avec ma femme et mon plus jeune fils âgé de 5 ans à l’Hôtel Montfleury[22] à Cannes, siège de la Gestapo.
Entre temps, mon second fils, alors âgé de 16 ans et qui militait aussi, avait réussi à grimper sur le toit et, tout nu, s’était mis à plat ventre, ce qui lui avait permis d’échapper aux recherches[23]. »
Après leur départ, la villa des Broïdo a été pillée par un membre de la Gestapo accompagné d’un Français[24].
Après leur arrestation, les Broïdo sont transférés à Nice, à l’hôtel Excelsior, où sont incarcérés les Juifs arrêtés. Là, leurs biens leur sont confisqués par les Allemands – il y avait notamment des bijoux de Brana et quelques richesses[25]. Isaac est ensuite interrogé pendant plusieurs jours : il a été violemment frappé, bastonné, afin qu’il livre des renseignements sur son activité dans le réseau de Résistance. Il a été maltraité à coups de nerfs de bœuf sur tout le corps et notamment aux reins et à la tête, il a perdu des dents[26]. D’après un témoignage, après-guerre, de l’un de ses camarades résistants, Albert protège le réseau Mithridate et ne révèle aucune information à la Gestapo pendant son interrogatoire[27]. Il prétend habilement être à Cannes pour se cacher en tant que juif.
IV. L’INTERNEMENT ET LA DÉPORTATION
Commence la période d’internement et de déportation pour les Broÿdo. Du 12 au 30 juillet 1944, Albert est interné au camp de Drancy où il reçoit le matricule 25.074. Aux yeux des autorités, la famille est internée parce qu’elle est juive. Sans doute n’a-t-on pas découvert qu’ils avaient de faux papiers car sur les leurs, Isaac se fait appeler Albert et Brana, Blanche. Cette dernière donne également un nom de jeune fille à consonance française, « Veiret » et non Weintraub, qui serait un indicateur de son origine étrangère[28].
À Drancy, Albert dresse l’inventaire des biens ayant été pillés par la Gestapo à Nice : « un étui à cigarettes, une bague en platine brillante, une broche en platine brillante, deux boucles d’oreille platine et rose, une broche en or, une chaînette en or, pierre bleue, divers pièces étrangères en bronze[29] ».
Albert et sa famille passent près de vingt jours dans le camp de Drancy au niveau de l’escalier 3, chambre 1[30]. Le 31 juillet 1944, il est déporté à Auschwitz avec sa femme et son fils Claude.
Ils sont dans le même convoi, entassés avec une soixantaine de personnes dans un wagon à bestiaux, sans air, sans eau et sans hygiène, avec très peu de vivres. Claude ne veut pas quitter son père et pleure.
Le convoi arrive le 3 août dans la nuit à Auschwitz-Birkenau. Là, Albert est séparé de sa femme et de son fils, qui sont exterminés le jour même dans les chambres à gaz, tandis que lui est sélectionné pour le travail et entre dans le camp d’Auschwitz. Sa vie devient un enfer, où l’humiliation, la violence, la faim, le froid, les poux et les maladies sont le quotidien de ceux qui n’ont pas été gazés à l’arrivée.
Après un rasage intégral des cheveux et des poils, il est tatoué du matricule B-3705.
Le 8 novembre 1944, il est affecté au « Bomben Kommando », un kommando très dur où il faut déterrer des bombes non explosées. Il y est victime des violences des SS, il relate :
« Les SS chargés de la surveillance de ces travaux nous harcelaient sans cesse, tant à coup de pieds sur diverses parties sensibles du corps que des coups de fusils et de matraque[31]. »
Il reste à Auschwitz jusqu’en janvier 1945, puis fait les « marches de la mort » qui le conduisent dans plusieurs camps successifs : Gross Rosen, Bockenheim, Hirschberg, Reichenau, en février. Finalement, alors que les Allemands fuient toujours l’avancée de l’Armée rouge, il arrive au camp de Buchenwald le 7 mars 1945, où on lui attribue le numéro de déporté 134.075[32].
Dans son dossier de demande du statut de résistant, deux témoignages d’anciens déportés attestent de la solidarité dont il a fait preuve vis-à-vis des autres détenus. Dans une attestation rédigée le 24 février 1956, Maître Émile Fournier certifie avoir l’avoir connu dans les premiers mois de 1945 au camp de Buchenwald. Ils y ont eu de nombreuses conversations dans le Block 60, Albert a aidé à remonter le moral des hommes[33]. Un autre camarade, le colonel Camille Sauterau, pilote aviateur résistant, explique que plusieurs détenus ont survécu grâce aux conseils d’Albert :
« Il a essayé, principalement, de convaincre tous les déportés résistants du bloc 63 de ne pas se laisser entraîner lors des évacuations du camp [Buchenwald] et de rester sur place. Il est certain que beaucoup ont suivi ses conseils et qu’ainsi ils ont eu la vie sauve[34]. »
Finalement, Isaac Albert Broïdo est libéré le 11 avril 1945 par les Américains.
En mauvais état, ne pouvant presque plus marcher, il est choisi par Christian Pineau (qui deviendra ministre dans différents ministères successifs de 1945 à 1958) pour sortir avec lui du camp, a-t-il expliqué à sa fille. Il est rapatrié le 22 avril par Orsay[35]. Il a perdu vingt kilos.
Arrivé à l’hôtel Lutetia à Paris, palace occupé par les Allemands puis réquisitionné par le général De Gaulle pour accueillir les déportés, ou à l’hôtel Daniel (selon des sources divergentes), il n’est pas reconnu par sa sœur Suzanne qui vient l’y chercher.
Commence alors une nouvelle période pour lui : celle de la reconnaissance de ses droits en tant que déporté et résistant.
V. LA RECONNAISSANCE
De retour en France, Albert reprend ses activités dans la « friperie », ce qui est un savoir-faire appréciable en cette période où le tissu est encore disponible uniquement avec des tickets de rationnement et où l’on manque de vêtements. En 1955, il indique dans un courrier qu’il est président d’honneur de la section « Friperie » de la Fédération nationale de la récupération. Il se lance également dans l’industrie textile. Il fonde et gère la Société Sotexinco (importation de tissus) qu’il gardera jusqu’à sa retraite, peu de temps avant son décès.
Il se reconstruit dans sa vie personnelle puisqu’il retrouve son fils Marc (qui se marie le 23 juillet 1949) et qu’il se remarie le 25 mars 1948, à Paris, avec Gilberte Valentine Marchand, née le 25 mars 1916 à Nonancourt dans l’Eure. Peut-être l’a-t-il connue pendant sa deuxième expérience résistance entre 1941 et 1942 ? Le couple a eu une fille, Martine, née en 1950[36] et une autre, née en 1952.
Albert retourne vivre avec sa nouvelle famille là où il résidait avant la guerre, au 33, boulevard Saint-Martin à Paris. Entre 1955 et 1960, il installe sa famille à Cannes et continue de vivre et travailler à Paris.
Dans les années 1980, sur ses documents administratifs, il indique une nouvelle adresse, le 54 boulevard Suchet dans le XVIe[37]. Il continue son activité professionnelle et il occupe, par exemple, des fonctions de conseiller du Commerce extérieur de la France en 1956[38]. Il est également arbitre-commerçant près le Tribunal de commerce la Seine, délégué au Bureau international de Récupération.
Parallèlement à la reconstruction de sa vie familiale et professionnelle, il se lance dans le difficile parcours du déporté qui doit faire valoir ses droits et ceux de ses disparus.
Albert a été interné du 27 juin au 30 juillet 1944 et déporté du 31 juillet 1944 au 21 avril 1945. Dès 1946, il entame des démarches pour faire reconnaître son statut de déporté et celui de sa femme et son fils Claude. Il demande aussi une indemnisation pour le sac de la villa Cacho Maïo à Cannes et se porte partie civile dans le procès des responsables du pillages[39].
À partir de 1947, Albert fait des démarches pour faire reconnaître le statut de « mort pour la France » et de déporté politique pour Brana/Blanche et Claude. Ils obtiennent le premier statut en 1947[40] et le second en 1953[41].
À partir de 1955, Isaac Albert entreprend de nombreuses démarches, cette fois-ci pour faire reconnaître son statut de déporté résistant[42]. D’après les témoignages qu’il fournit, Albert a rencontré des difficultés à prouver ses activités de résistance et il a dû attendre le retour de ses chefs de réseaux en France pour attester de ses actions : Ernest Pruvost pour le réseau EM P.T.T., Henri Le Veille pour le réseau régional clandestin de Normandie et Roger Chevalier pour le réseau Mithridate. Par exemple, Ernest Pruvost explique qu’il n’a pas pu homologuer Albert Broïdo plus tôt car il ne savait pas qu’il était rentré de déportation et ce n’est qu’en 1949 qu’il découvre sa survie. Toutefois, il est trop tard, car il y avait alors forclusion (la date de clôture des dossiers) pour les demandes d’homologation[43]. Après bien des courriers explicatifs et des témoignages (il a eu de la chance, ses camarades de résistance ont survécu) Albert finit par obtenir le 28 janvier 1956 le carte de déporté résistant dont le numéro est le 1001.28737[44].
Albert a également subi des sévices importants pendant son interrogatoire ainsi que dans les sept différents camps où il est passé, en particulier à Grossbreitenbach et Buchenwald. Il fait donc la demande d’attribution de grade d’assimilation de validation des services et campagnes et homologation de blessures de guerre le 28 février 1956[45]. Le 20 mars 1956, il reçoit un premier certificat de validation des services et campagnes et d’homologation des blessures de guerre. Celui-ci lui permet de faire des demandes pour percevoir des soldes[46].
La même année, il reçoit son certificat de validation des services, campagne et blessures d’un déporté ou interné de la Résistance portant le n° Rectif 38.607 qu’il renouvelle à plusieurs reprises. On lui attribue une pension militaire d’invalidité de 100% plus 130% pour maladies contractées en déportation. Il souffre effectivement d’obésité hypophysaire, d’hypoacousie et du syndrome de Targowla (un syndrome d’hypermnésie se manifestant par des épisodes violents de souvenirs revécus de manière très vive). Il souffre aussi de douleurs au dos et à la hanche, a des problèmes au bassin, aux intestins et au foie avec des vomissements, de la diarrhée, des problèmes de pieds aux chaussures et des problèmes de cœur[47]. Le 22 avril 1987, il fait une nouvelle demande pour augmenter sa pension d’invalidité[48].
En 1957, le 26 juillet, il est nommé Chevalier dans l’Ordre national de la Légion d’Honneur. Le 10 avril, il est fait Officier de la Légion d’honneur.
VI. RÉPARATIONS DES VOLS ET PILLAGES SUBIS
Dès 1946, Albert tente de récupérer les biens (« une somme d’argent assez importante et beaucoup de bijoux ») que lui a saisis la Gestapo lors de son arrestation. « Lors de mon passage au camp de Drancy, écrit-il à l’Office des Biens et Intérêts privés, un état a été dressé, quoi qu’incomplet, et le reçu m’en a été donné, mais enlevé par la suite à mon arrivée à Auschwitz [49]». Or, il sait qu’il « est possible de retrouver le double des articles que les Allemands ont enlevés ». Il demande donc qu’on lui indique « l’endroit où se trouvent déposés les papiers du Camp de Drancy », pour justifier sa « réclamation ». Ce double existe bien : il est consultable en ligne sur le site du Mémorial de la Shoah, au nom d’Albert.
Après la Libération, une procédure judiciaire est menée contre les deux pilleurs[50] qui ont dévalisé la maison de Cannes et dérobé « une cassette dissimulée dans le garage ». Albert se porte partie civile. Le Français est acquitté et l’Allemand est reconnu coupable. Le tribunal le contraint à payer 1. 875.000 francs de dommages à Albert. Cependant, l’accusé allemand étant introuvable, c’est à l’État de s’acquitter de ces dommages. Or, Albert a touché une indemnisation forfaitaire de 60.000 francs après la guerre et n’est donc plus en mesure d’en toucher une nouvelle par l’État.
Par ailleurs, Albert aide son fils Marc à monter un dossier d’indemnisation de perte de biens pour sa mère, Blanche, dont il est le « seul ayant-cause ». En effet, le remariage d’Albert ne lui donne plus le droit de recevoir des indemnités ou réparations pour sa première épouse[51]. Mais Marc est fondé à demander « la moitié du préjudice subi par la communauté, soit 937.500 francs ». Nous ne savons pas s’il a obtenu gain de cause.
VII. CHANGER DE NOM
Entre les années1950 et 1980, Isaac/Albert cherche à franciser son nom : il se fait officiellement appeler Albert (son prénom usuel depuis son enfance), ce qui est validé par un jugement du Tribunal Civil de la Seine du 7 septembre 1956. Il entreprend des également des démarches administratives pour que le nom « Broÿdo » soit francisé en « Broïdo » pour Brana/Blanche, Claude et lui-même, ainsi que pour son père sur son acte de naissance personnel et l’acte de décès de son père, et idem pour tous ses papiers et ceux de Marc ! C’est chose faite le 16 mai 1958 (publié au JO le 25 juillet 1958)
Son frère, Léon, a également changé son nom en Broïdo. On notera que, depuis au minimum les années 1925, Albert utilise le prénom Albert et la graphie Broïdo[52].
En 1979, Albert perd malheureusement son fils Marc, qui meurt à Paris[53].
Lui-même, quelques années plus tard, le 5 février 1989, est terrassé par un infarctus du myocarde, aux environs de Marseille, dans le train l’emmenant à Cannes, à l’âge de 83 ans[54]. Selon sa fille Martine, ce travailleur infatigable avait arrêté de travailler depuis peu. En 1960, il avait déjà eu un infarctus.
Albert Broïdo, qui n’a jamais renoncé ni à ses origines ni à son amour de la France, est enterré selon le rite juif avec, dit sa fille Martine, le drapeau tricolore posé sur son cercueil pendant la cérémonie.
Notes & références
[1] BROÏDO, Albert © SHD Vincennes GR 16 P 923 80 (17)
[2] BROÏDO, Brana Blanche © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21 P 431 077
[3] BROÏDO, Isaac. Site web Geneanet : Albert Broïdo : généalogie par Nicole DUFOURNAUD (dufournaudn) – Geneanet
[4] BROÏDO, Isaac. Léon est veuf le 18 décembre1970. Il se remarie ensuite. Site web Geneanet : Albert Broïdo : généalogie par Nicole DUFOURNAUD (dufournaudn) – Geneanet.
[5] Léon BROYDO dispose également d’un dossier au service historique de la défense de Vincennes qui n’a pas été consulté par les enseignantes et les élèves.
[6] BROÏDO, Léon © Mémorial de la Shoah (FRAN107_F_9_5683_114081_L)
[7] BROÏDO, Albert, – Mémorial de la Shoah. (s. d.). https://ressources.memorialdelashoah.org/notice.php?qt=dismax&q=bro%C3%AFdo&start=1&rows=1&fq=diffusion%3A%28%5B4%20TO%204%5D%29&from=resultat&sort_define=&sort_order=&rows=
[8] Nous n’avons pas pu étudier le témoignage filmé. Il contient peut-être des informations complémentaires à cette biographie.
[9] WEINTRAUB (épouse BROÏDO), Blanche © Yad Vashem / BROÏDO, Claude © Yad Vashem
[10] Informations communiquées par sa petite-fille, Martine Broido, qui a fait des recherches sur sa famille.
[11] La Dépêche de l’Aube, 31 décembre 1927. Il est indiqué sous le nom d’Albert Broïdo.
[12] BROÏDO, Brana Blanche © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21P431077(49)
[13] BROÏDO, Brana Blanche © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21P431077(24)
[14] BROÏDO, Albert © SHD Vincennes GR 16 P 92380 (7)
[15] Il s’agit d’une hypothèse d’élèves ayant constaté sur la fiche de Drancy de Léon Broydo que lui aussi était homme d’affaires, mais rien n’a été trouvé en ce sens par l’historienne Laurence Klejman.
[16] BROÏDO, Claude © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21P43107876973
[17] BROÏDO, Albert © SHD Vincennes GR 16 P 92380 (7-8)
[18] BROÏDO, Albert © SHD Vincennes GR 16 P 92380 (7-8) / BROÏDO, Albert © SHD Vincennes GR 16 P 92380 (12)
[19] Il sera décoré de la médaille Militaire et de la Croix de Guerre (3 citations).
[20] BROÏDO, Albert © SHD Vincennes GR 16 P 92380 (7-8) / BROÏDO, Albert © SHD Vincennes GR 16 P 923 80 (32) / BROÏDO, Albert © SHD Vincennes GR 16 P 923 80 (31)
[21] BROÏDO, Albert © SHD Vincennes GR 16 P 92380 (7-8) / BROÏDO, Albert © SHD Vincennes GR 16 P 92380 (31)
[22] L’agent de police qui enquête le 11 février 1953 sur son arrestation indique que la famille a été menée à l’hôtel Excelsior, là où sont amenés les Juifs arrêtés.
[23] BROÏDO, Isaac Albert © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21 P 718 454
[24] Les noms des coupables sont cités dans les archives mises en copie mais nous avons choisi de ne pas les nommer directement. Voir plus loin.
[25] BROÏDO, Isaac Albert © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21 P 718 454)
[26] BROÏDO, Albert © SHD Vincennes GR 16 P 92380 (15)
[27] BROÏDO, Albert © SHD Vincennes GR 16 P 92380 (31)
[28] BROÏDO, Isaac Albert © Mémorial de la Shoah (accessible en ligne) / BROÏDO, Brana © Mémorial de la Shoah (FRAN107_F_9_5683_114079_L)
[29] BROÏDO, Isaac Albert © Mémorial de la Shoah (accessible en ligne)
[30] BROÏDO, Brana © Mémorial de la Shoah (FRAN107_F_9_5683_114079_L)
[31] BROÏDO, Albert © SHD Vincennes GR 16 P 92380 (15)
[32] BROÏDO, Isaac Albert © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21 P 718 454
[33] BROÏDO, Albert © SHD Vincennes GR 16 P 92380 (10)
[34] BROÏDO, Albert © SHD Vincennes GR 16 P 92380 (11)
[35] BROÏDO, Isaac Albert © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21P71845476971 (0008). Voir aussi plus loin le témoignage de sa fille, Martine Broïdo.
[36] OUAZAN-LABROSSE, Delphine, – Mémorial de la Shoah. (s. d.-b). https://ressources.memorialdelashoah.org/notice.php?q=identifiant_origine:(FRMEMSH0408900N484366) : Delphine Ouazan-Labrosse, fille de Martine Broïdo, elle-même fille d’Albert Broïdo, a fait au nom de sa mère Martine plusieurs legs au Mémorial de la Shoah (les photographies de Claude, Brana et Isaac Albert). Cette découverte a été faite par les enseignantes du projet après les dernières vérifications. Les élèves et les enseignantes avaient pensé pendant la dernière partie de leur travail commun que le mariage entre Albert et Gilberte n’avait pas été fécond. Voir plus loin le témoignage de Martine Broïdo sur son père.
[37] BROÏDO, Albert © SHD Vincennes GR 16 P 92380 (5) / BROÏDO, Albert © SHD Vincennes GR 16 P 92380 (22-23)
[38] BROÏDO, Albert © SHD Vincennes GR 16 P 92380 (10)
[39] BROÏDO, Isaac Albert © SHD de Caen DAVCC, Dossier déjà cité.
[40] BROÏDO, Brana Blanche © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21 P 431 077
[41] BROÏDO, Brana Blanche © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21 P 431 077
[42] BROÏDO, Isaac Albert © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21 P 718 454
[43] BROÏDO, Albert © SHD Vincennes GR 16 P 92380 (12)
[44] BROÏDO, Isaac Albert © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21 P 718 454
[45] BROÏDO, Albert © SHD Vincennes GR 16 P 92380 (10)
[46] BROÏDO, Albert © SHD Vincennes GR 16 P 92380 (25)
[47] BROÏDO, Albert © SHD Vincennes GR 16 P 92380 (22-23)
[48] BROÏDO, Albert © SHD Vincennes GR 16 P 92380 (22-23)
[49] BROÏDO, Isaac Albert © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21 P 718 454.
[50] Selon un rapport de police et le témoignage d’un de ses chefs dans la Résistance, il s’agirait de deux personnes dont Albert était proche. L’ont-ils, en plus, dénoncé ?
[51] BROÏDO, Isaac Albert © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21 P 718 454 / BROÏDO, Isaac Albert © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21 P 718 454
[52] D’autres personnes ont aussi leur nom orthographié de cette manière dans les années 20-30, sans que l’on sache s’ils étaient des parents.
[53] En souvenir de Monsieur Marc BROIDO. (s. d.). https://www.libramemoria.com/defunts/broido-marc/1d52e1e4576f4e2aa9d635091e7bf3bc
[54] En souvenir de Monsieur Albert BROIDO. (s. d.). https://www.libramemoria.com/defunts/broido-albert/164057eda3084301bfc4592d0b6bfc9f