Léon KOUNOVSKI

1893-1996 | Naissance: | Arrestation: | Résidence:

Léon KOUNOVSKI

Léon Kounovski est un déporté du convoi 77. Il fait partie des survivants. Pourtant il n’a jamais témoigné, même auprès de ses neveux ou de ses nièces. Pour restituer le parcours si incroyable de cet homme, il a donc fallu récupérer des archives partout où elles existaient… et cela n’a pas été aisé car son nom comporte de très nombreuses variations en fonction des orthographes et des périodes : Kounovski, Kounowski, Kounouski, etc. De même son prénom évolue de Leiba, Leibe ou Leisha à Léon. Chacune des archives ci-dessous est présentée par un ou deux élèves de la classe de 3°1 du Collège Jacques Prévert à Saint-Orens-de-Gameville.

la classe de 3°1 du Collège Jacques Prévert (2024-2025), devant l’évocation du bloc 30 à Dachau, où Léon a passé du temps durant sa déportation.

Une famille d’étrangers dans la France du début du XX°siècle

Registre d’immatriculation de la Famille Kounoski à son arrivée en France en 1901. Source : archive familiale

LUCAS N et NATHAN P. : Ce document est l’archive la plus ancienne que nous ayons trouvée, conservée par la famille. Il s’agit d’un registre d’immatriculation que les étrangers devaient faire tamponner à la préfecture pour être en situation régulière. On y apprend que la famille vient de « Russie », plus précisément des environs de Minsk. Le père est né en 1865 à Slutsk, la mère en 1867 à Minsk.Tous les frères et sœurs sont nés à Lubca, actuellement en Biélorussie, à l’est de Minsk : Marcelle (ou Moucha, épouse SOFER) en 1893, Abraham autour de 1894, Paulette (épouse HIMELFARB) en 1898, Ginette (épouse WEINSTEIN) en 1899. Lubca est à cette époque sous l’autorité du Tsar russe. Les Kounovski ont fui l’empire comme de nombreuses autres familles : le recensement de 1911 compte 35 000 Russes en France. Ils ont migré pour diverses raisons. Sans doute ont-ils fui les violences envers les Juifs, les pogroms. Ou pour des raisons économiques car ils viennent d’une région assez pauvre. Une troisième hypotèse est possible : le simple fait de vouloir quitter leur village pour changer de vie en France. Léon,lui, n’apparaît pas sur cette fiche, sans que l’on puisse l’expliquer.

AMAURY : Ce que l’on sait par contre, c’est où vit la famille. La Préfecture enregistre successivement 3 adresses parisiennes : 119 rue des Boulets, 99 rue de Montreuil et 8 rue de Buzenval. Le XI arrondissement comptait une importante population juive, issue principalement des migrations d’Europe de l’Est à la fin du XIXe siècle, fuyant les persécutions. Attirés par des logements abordables et des opportunités artisanales, à proximité immédiate du quartier du Marais, ces immigrants formèrent une communauté soudée.

Léon Kounovski, 8 ans, à la une de Le Petit Journal pour avoir sauvé la vie d’une camarade, 25 septembre 1907, BNF.

ISMAEL : C’est dans ce quartier que Léon Kounovski grandit et s’intègre dans la société française. Dans cet article du Petit Journal en 1907, on trouve à la une la photo de Léon Kounovski, « sauveteur à 9 ans ». En effet, un jour Léon donna rendez-vous à ses amis et un de ses camarades tomba dans le canal Saint-Martin pendant leur jeu ; sauf qu’il ne savait pas nager. Par réflexe, Léon et son ami Lucien Gewis partirent le sauver. Il rentra ensuite chez lui et raconta tout à sa mère. Au-delà de l’exploit, cet article nous permet de mesurer le degré d’intégration de la famille. Léon avait des amis à l’école. Les parents Merdouck et Sarah, interviewés aux-aussi dans l’article, parlaient bien le Français et avaient du travail en plein centre de Paris.

ELOISE : C’est grâce à un réseau familial et matrimonial que Merdouk (Maurice) et ses enfants se sont lancés dans la fabrication de meubles. Ils ont probablement été soutenus dans leur installation par la famille Sofer, car Jean Sofer a épousé la soeur de Léon, Marcelle. Il est également possible que l’oncle de Léon, le frère de sa mère, Leibe Nochimovski, ait joué un rôle dans leur installation. Les Kounovski ouvrent leur magasin en 1919 au 164 boulevard Magenta, un lieu central pour la communauté juive d’Europe de l’Est. Ce boulevard, prolongement du boulevard Barbès, est un axe majeur pour les magasins de meubles. Des familles comme les Gross, Lévitan, Blachère et Sofer y ont également établi leurs affaires. Blachère est d’ailleurs l’oncle de Léon, car il a épousé la soeur de sa mère Chanah. L’activité du meuble est attestée par de nombreuses archives notamment, ce document ci-dessous. Les deux frères Kounovski exercent « comme leur père la profession d’ébeniste »

Source : archives 19940457 dossier 18373 tirée du « fond Moscou », Archives Nationales, Pierrefitte.

STÉPHANIE, PALOMA et LOLA : Cette archive, retrouvée dans le fonds de Moscou, montre que les deux frères étaient surveillés par la police. Le fond Moscou est un ensemble d’archives policières saisies par l’armée allemande lors de son entrée dans Paris en 1940. Elles sont ensuite transportées à Berlin par les Allemands puis et amenées à Moscou par l’Armée rouge après 1945. Finalement, ces documents ont été restitués à la France entre 1994 et 2004. Il peut s’agir d’archives publiques et d’archives privées. Elles contiennent des milliers de fiches individuelles et de dossiers écrits et rédigés par la police et agents de la sûreté nationale entre 1880 et 1940.En effet, au lendemain de la Première Guerre mondiale, les « Russes » sont suspectés d’être des révolutionnaires communistes. Pour les frères Kounovski, l’enquête conclut qu’ils sont juste partisans d’un régime socialiste, non révolutionnaire. Ce que cette archive montre par contre, c’est la pauvreté que subit la famille pendant la Première Guerre mondiale : « le loyer, de 630 frs par an, est impayé depuis le début des hostilités ». Elle montre aussi que les frères Kounovski ont refusé de s’engager dans la Légion étrangère car elle est « composée d’apaches et de bandits ».

A l’épreuve de la guerre

Livret individuel de soldat. Source : archive familiale.

ALIX ET ZOE : Dans l’entre-deux-guerres, Léon continue de travailler dans le meuble, il participe à un club de théâtre expérimental Art et Action, avec notamment Edouard Autant et Louise Lara. Il s’engage aussi quelques années chez les francs-maçons, dans une loge de Reims. En 1939, après l’invasion de la Pologne, les deux frères Kounovski s’engagent contre les Nazis. Léon Kounovsky n’était pas français. Il s’est donc peut-être engagé dans l’Armée polonaise en France comme son frère Abraham…

L’Armée polonaise en France est une armée de Polonais reconstituée sur le sol français après l’invasion de la Pologne par l’Allemagne nazie et l’Union soviétique et le discours de Wladyslaw Sikorski, général polonais dans un discours à la BBC le 25 juin 1940. Elle est officiellement créée grâce à l’accord franco-polonais du 9 septembre 1939 et confirmée par celui du 4 janvier 1940. Elle est composée de 80 000 hommes et a participé à plusieurs batailles du 10 mai au 25 juin 1940. Léon, lui, est affecté à Marseille, dans la 15° section du COA de Marseille, comme le montre ce document conservé par la famille. On voit que Léon est appelé ici Leiba, mais que son surnom « Counod » apparaît à côté. Son frère lui, intègre l’armée à Toulouse. On ne sait pas exactement le rôle qu’ils ont joué durant la débâcle. La France, qui avait misé sur la ligne Maginot pour se protéger, s’est révélée vulnérable face à l’avancée allemande. Le 14 juin 1940, Paris tombe aux mains des Allemands. Finalement, le 22 juin 1940, la France signe l’armistice avec l’Allemagne. Les deux frères sont démobilisés durant l’été.

Source : Archives familiales

ALICE : Sur cette carte postale, on lit qu’André, toujours à Toulouse invite ses frères et ses sœurs à le rejoindre à Toulouse. Il dit aussi qu’ils ont bien reçu les « sacs ». Dans les dossiers de spoliations, on apprend que lorsque les autorités ont voulu prendre possession de l’entreprise de la sœur, le local était vide et que tout le matériel avait été emporté. Les voisins ont également déclaré que Ginette était partie en zone sud, sans doute à Toulouse. Léon et ses sœurs ont certainement rejoint Abraham dans la ville rose pour échapper à l’occupation nazie. Toulouse accueille en effet des milliers de réfugiés. À partir du 15 mai 1940, on assiste d’abord à une arrivée massive de réfugiés belges qui fuient l’invasion de leur pays. Comme l’explique Jean Estèbe dans son livre Toulouse 1940 -1944, le hall de gare Matabiau à Toulouse « était rempli jour et nuit par une foule agitée. » Puis Les jours qui suivent l’armistice sont marqués par l’exode de milliers de personnes venus du nord et de l’est du pays. On estime qu’en juin 1940, la population de Toulouse passe de 213 000 en 1936 à près de 500 000 en juin 1940.

Toulouse cinq ans après la guerre : on voit le quartier Jolimont en pleine reconfiguration. Le 7 place Jolimont a déjà été détruit.

LINA : Le dossier de Déporté Interné Résistant de Léon mentionne l’adresse du 7 place Jolimont. Cette adresse a beaucoup changé depuis. A cette époque, cette zone était en marge de la ville, ouverte sur la campagne. C’est dans ce quartier ouvrier, fortement marqué par les Habitations Bon Marché et la présence d’étrangers espagnols que vivait Léon Kounovski, sans doute pour se cacher plus facilement ou parce que loyer était plus accessible. Dès 1950, on détruit les bâtiments dans lequel il vivait pour construire les premières tours de la Cité Jolimont que nous connaissons (anecdote : c’est à cette adresse que le père de Lina possède aujourd’hui un commerce !).

Engagé dans la résistance.

CHLOÉ : Dès les débuts de l’occupation, Léon se rapproche de la Résistance. Ses activités de résistance sont homologuées dans  plusieurs dossiers. Le dossier GR16P322997 est conservé à Vincennes avec à peu près 600 000 autres dossiers de membres de la Résistance au Service Historique de la défense (SHD). Ce dossier, s’il est homologué, permet d’avoir une pension militaire que l’on soit Forces Françaises Libres (FFL), aux Force Françaises de l’Intérieur (FFI), Forces Françaises Combattantes (FFC), ou Déporté et Interné Résistant (DIR), comme c’est le cas pour Léon.

lettre de Camus dans le Dossier Charles Bodio, GR6P66700, SHD.

LOU et LENA : Ses premières activités de résistance sont mentionnées dans le dossier de Chabor, son chef de réseau, mais pour son lien avec d’autres résistants. On y trouve un courrier de Grodner, alias Camus, un des premiers résistants toulousains. Celui ci écrit qu’il est l’ami de Léon Kounovski depuis « septembre 1940, date à laquelle nous nous sommes rencontrés à Toulouse après la retraite ». Grodner a notamment été actif dans le réseau Bertaud, ce groupe d’intellectuels de gauche autour de Jean Cassou et de Pierre Bertaux, qui se réunissaient dans la librairie de l’antifasciste italien Silvio Trentin, rue du Languedoc. Ils transmettaient des renseignements à Londres, aidaient aux passages des Pyrénées et recevaient l’armement britannique. Mais ils furent arrêtés place Esquirol le 22 novembre 1941 et emprisonnés. Grodner s’évada et relança le service Guyenne (organisation REIMS) puis se mit au service de Françoise qui l’employa en 1943 dans son service d’Evasion avant de le faire passer en Espagne. C’est donc un résistant très actif qui dit que Léon Kounovski est « toujours prêt à servir » et qu’il lui a « prêté main forte ». Il demande d’ailleurs la légion d’honneur pour son ami.

Source : Dossier DIR de Léon Kounouski (sic), GR 16P 322997, Vincennes.

ANAE et JADE : Mais c’est surtout pour son activité dans le réseau Kléber que Léon est reconnu. Le réseau SR Kléber Vénus est un service de renseignement. Il est sous les ordres de l’Intelligence Service puis du Bureau Central de Renseignement de Londres et de la Direction Générale des Services Spéciaux d’ Alger à partir de 1943. Principalement implanté à Lyon et à Vichy, il a des sous réseaux partout en France, notamment le sous-réseau Vénus et Chabor, dirigé par Charles Bodio, basé à Toulouse. Dans le réseau, Léon n’est « pas sous les ordres de Chabor » mais il a été arrêté « au moment où il avait une mission de Chabor ». Il est agent de liaison c’est-à-dire qu’il jouait un rôle crucial en transportant messages, armes et informations entre les réseaux clandestins. Souvent jeunes et discrets, les agents de liaison opéraient sous de fausses identités, utilisant vélos, trains ou simples cachettes pour éviter la Gestapo. Léon, lui utilise sa carte de représentant. Chaque mission était un danger : en cas d’arrestation, c’était la torture ou la mort.

ABDALLAH : Léon est d’ailleurs arrêté le 25 juin 1944 alors qu’il se rendait au rendez-vous avec Chabor. Il ne parle pas : « malgré menaces et tortures, refuse de donner la moindre indication ». Son courage est bien souligné dans le document puisqu’il ne dénonce pas son chef de réseau dont il connaît l’adresse. Il néglige également une tentative d’évasion afin de ne pas attirer «  de représailles sur un agent du réseau Chabor ». Identifié comme Juif, Léon ne connaîtra pas le sort des résistants arrêtés mais il est rapidement confronté au projet génocidaire nazi.

Face à la déportation

LORALI : Quelques jours après son arrestation, Léon Kounovski est incarcéré à Drancy. Situé à environ 4 km au nord-est de Paris, ce camp est implanté dans la cité de la Muette dont seul le gros œuvre est achevé. Le camp est dirigé par le SS Alois BRUNNER depuis juin 1943. Drancy sert de camp de transit pour la déportation des Juifs de France. Dès leur arrivée au camp, les prisonniers sont orientés et déportés depuis la gare du Bourget puis celle de Bobigny, vers l’est, essentiellement à Auschwitz-Birkenau. C’est ce qui arrive à Léon Kounovski le 31 Juillet 1944, une vingtaine de jours avant la libération du camp par les Alliés. Il est d’ailleurs dans le même train que son oncle David Blachère, dont il semblait très proche.

LINA : Le convoi 77 est le dernier grand convoi de déportation parti de France vers le camp d’extermination d’Auschwitz – Birkenau. Il transportait 1 306 personnes arrêtées car vus comme « Juifs », dont 324 enfants, entassés dans des wagons à bestiaux avec peu d’eau et de nourriture. Malgré les tentatives, personne n’a réussi à s’évader pendant le transport. A l’arrivée du train à Auschwitz, 63,5% des arrivants sont envoyés immédiatement dans des chambres à gaz. 291 hommes et 183 femmes sont immatriculés par un numéro-matricule qui leur est attribué et tatoué. Seuls 221 survivront, 147 femmes et 74 hommes.

Source : ITS, dossier Dachau, Bad Arolsen

KELYA : Sur cette archive, on voit que Léon Kounovski est considéré comme « de race juive et de religion mosaïque ». Il est aussi Schutzhaft donc « en détention de sécurité » en raison de ses activités de résistance. Ce document permet également de suivre les différents camps où il est admis. Tout d’abord Auschwitz où il est tatoué du numéro B3822. Il est devenu un simple numéro, inscrit dans sa chair ; un numéro qu’il fallait savoir par cœur, en allemand, puisqu’il avait perdu toute identité. Léon a donc été considéré « apte au travail » peut-être parce qu’il est tischler donc menuisier, peut-être aussi parce qu’il parlait plusieurs langues ou qu’il était en bonne condition physique. Cette archive montre aussi que le 28 janvier 1945, Léon Kounovski est évacué vers Dachau. Il y arrive le 4 février et a cette fois le matricule 13990.

Source : ITS, Bad Arolsen

ENZO : Sur cette liste tapée à la machine de plusieurs centaines de noms, on retrouve Léon au milieu d’autres déportés du convoi 77. On y trouve le dernier poste de travail à Auschwitz : Letxte Arbeitsstelle. Il est identifié comme schreiber, celui qui écrit, au sens de secrétaire, mais également comme Blindgänger SuchKdo. Notre hypothèse est que Léon a successivement travaillé dans ces deux kommandos pendant ses six mois à Auschwitz. Le Schreiber est sans doute celui qui établissait les fiches personnelles des déportés (Häftlings-personnalnogen). Car pour gérer ce gigantesque complexe, les nazis ont besoin d’écrits. La Politische Abteilung recevait ces fiches établies et était chargée de les actualiser en indiquant leur mort. A une date imprécise, il devient « BlindgängerSuchKdo», « commando de recherche de munitions non-explosées » : sans doute une sorte de démineur qui devait chercher les obus qui pouvaient resservir. Car les combats se rapprochent dangereusement d’Auschwitz.

lettre écrite par Léon Kounovski en 1953, dossier DIR Léon Kounovski, GR 16P 322997.

PAUL et LÉO : En janvier 1945, face à l’avancée des Soviétiques, les Nazis vident les camps proches du front. Ces déplacements sont menés par les SS, à pied et dans des conditions inhumaines : famine, soif, froid. Ceux qui sont trop faibles pour marcher sont battus et tués. Léon Kounovski a subi les marches de la mort d’Auschwitz à Gross-Rosen, puis finalement vers Dachau. Il raconte cet épisode dans une lettre conservée dans son dossier de Résistant : « en février 1945, faisant parti (sic) d’un convoi évacué de Gross-Rosen à Dachau, j’ai été désigné pour une corvée de ramassage de morts pendant le transport. Exténué par les privations, me traînant (?) à peine, je n’aillais pas assez vite au gré des tortionnaires qui nous surveillaient, alors l’un d’eux m’a frappé de la pointe de son fusil ».

NATHAN F. : Léon Kounovski survit donc aux marches de la mort, mais il arrive blessé à Dachau. Et sa blessure entraîne un « phlegmon » De nos jours, les phlegmons se traitent avec des antibiotiques. Mais à l’époque de Léon, ils n’existaient pas. Léon a néanmoins pu être soigné à Dachau par un autre déporté français, Pierre Suire. Il a du procéder sans anesthésiant ni matériel médical adapté. La méthode la plus courante est décrite par Zameknic, infirmier au Revier (Infirmerie), ancien déporté et principal historien de Dachau. Il fallait presser le pied du patient contre « L’opérateur » et les aides au médecin incisaient le pied et laissaient le pus du phlegmon se répandre et couler abondamment. Comme les bandages et pansements étaient de mauvaise qualité, le pus se répandait partout sur le matelas du lit, en laissant une odeur affreuse et un lit trempé… le bon côté des choses est que les SS fuyaient ce bloc à cause de l’odeur.

Source : ITS, Bad Arolsen.

NATHAN D : Léon Kounovski se remet de sa blessure. Il est intégré dans le camp de concentration de Dachau. Sur 200 000 détenus environ, 41 500 ont péri. Ce document rappelle l’état civil de Léon, son matricule et la raison de sa déportation, mais il nous informe aussi sur ses derniers moments dans le camp. Il était incorporé dans le bloc 30, tout au fond du camp, un de ceux qui ont été le plus touchés par le typhus. Le 29 Avril 1945, les troupes états-uniennes libèrent Dachau mais les nazis ont tenté une dernière évacuation vers le Tyrol et le futur camp d’Otztal. Dans la panique, le convoi se disperse vite. Quelques déportés s’enfuient. C’est sans doute ce que fait Léon Kounovski qui tombe par hasard sur l’armée américaine. C’est ce que montre le tampon « delivered in out-detail by US army ».

Source  : Dossier Léon Kounovski, AC21P731767, SHD de Caen

AMIR : Cette archive est en français. Elle précise que Léon doit être rapatrié par le chemin de fer. Le plus plausible est donc que ce questionnaire de santé ait été complété à Strasbourg, juste après sa libération à Dachau. Son état de santé est jugé « moyen ». Il a besoin de soins dentaires et fait des bronchites chroniques. Il a aussi perdu 20 kg en moins d’un an… Mais vu qu’il n’a ni parasite ni maladie contagieuse, il est autorisé à rentrer chez lui.

Retour à la vie civile dans la France « des lendemains qui chantent »

capture d’écran du film de Claude Autant-Lara (1958). Léon Kounovski, en policier, empêche Jean Gabin de rentrer sur la scène du crime.

Source : pièces militaires de Leisha Kounowski (sic), SHD, Pau.

 

 

 

 

 

Léon Kounovski survit donc à la Shoah. Beaucoup d’autres en France et même parmi sa famille n’ont pas eu cette chance. Un oncle (David Blachère), deux cousins et deux nièces ne rentreront jamais des camps. Lui se reconstruit. Il est homologué comme Résistant au titre des FFC et des DIR, et même décoré en 1945 de la Croix de guerre. Il obtient finalement la nationalité française en 1950. Il francise également son nom en 1960, réutilisant son surnom de soldat : il s’appelle désormais Léon Counod. Ses blessures lui valent une invalidité permanente mais Léon embrassera la vie à pleines dents après la guerre. Il se rapproche du Paris « bohème ». Selon son neveu, il devient ami de Jacques Prévert. Il reprend aussi ses activités de comédien. Proche de la famille Autant Lara, il fait de la figuration pour En cas de malheur (1958) entre Jean Gabin et Brigitte Bardot. Son amitié avec cette famille date de la période du théâtre expérimental de l’entre-deux-guerre. Dans cette dernière archive ci-dessus, on voit même que c’est Claude Autant-Lara en personne qui se porte garant pour Léon après sa démobilisation (1940). Il se marie en 1965 dans la mairie du XVIII°, arrondissement dans lequel il décède presque centenaire en 1996, un an après son épouse. Il est aujourd’hui enterré au Père Lachaise.

Ce projet de recherche se clôture le 12 juin 2025, par une conférence organisée par les élèves. Jean-Alain Fayerstein, un des petits-neveux de Léon a pu venir rencontrer les élèves. Ils ont ainsi confronté ses souvenirs familiaux à la biographie que nous avons pu restituer grâce aux sources. C’est d’ailleurs grâce à lui que nous avons obtenu les documents « archives familiales ».

Jean-Alain Fayerstein et les élèves de 3°, lors de la conférence « Léon Kounovski » du 12 juin 2025

Contributeur(s)

Biographie réalisée par des élèves de la classe de 3°1 du Collège Jacques Prévert à Saint-Orens-de-Gameville, sous la direction de leur professeur d'Histoire-Géographie, M. Florian Meyer.

Reproduction du texte et des images

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