Paulette LEVI

1914-1944 | Naissance: | Arrestation: |

Paulette LEVI

Paulette Lévi était la cousine germaine de ma mère, Simone Crémieux, née Lévy. Sa mère, Marguerite Lévi née Lévy était la sœur cadette de ma grand-mère, Hermance Lévy née Lévy (je précise que je ne fais pas d’erreur, ni de nom ni d’orthographe ; Marguerite Lévy a bien épousé Arthur Lévi et sa sœur, Hermance Lévy a bien épousé Ferdinand Lévy).

Paulette était née à Paris le 12 novembre 1914. Elle avait vécu quelques années en Angleterre avec ses parents dans les années vingt.
En 1936, alors qu’elle a 22 ans, elle habite chez ses parents, 35, rue du Pré St Gervais à Paris dans le dix-neuvième arrondissement. Elle est institutrice dans une école maternelle, rue de Palestine (Paris 19).
En 1937, elle exerce dans une autre école maternelle, rue St Denis à Paris. En octobre 1940, dans une école élémentaire, rue Condorcet à Paris.
Le 12 décembre 1940, elle est avertie de la cessation de ses fonctions à compter du 19 décembre, suite à la loi du 3 octobre 1940. Cette décision est confirmée par une lettre du 27 mars 1941, en déterminant les conditions financières.
Paulette Lévi est ensuite devenue directrice de la Maison d’enfants dite « Pension Zysman » de l’UGIF de La Varenne, au moins à partir du 16 octobre 1942.
Elle y a été arrêtée le 22 juillet 1944, internée à Drancy quelques jours puis déportée vers Auschwitz par le convoi N° 77 avec les dix enfants dont elle avait la garde.

Un certain nombre d’informations sur les conditions de la déportation – et de la mort – de Paulette Lévi se trouvent dans un livre qui a pour titre : « Les Orphelins de La Varenne – 1941/1944 ».
L’ouvrage a été publié par le « Groupe Saint-Maurien contre l’oubli » chez la « Société d’histoire et d’archéologie : Le vieux Saint-Maur » et préfacé par André Kaspi. En 2015, il était facile à trouver en trois clics sur Internet. En première page une photo de la plaque posée à La Varenne à la mémoire des vingt-huit enfants, dont 10 se trouvaient avec Paulette, et les autres dans un orphelinat voisin, et des six adultes – dont Paulette Lévi – « raflés » le vingt-deux juillet 1944 et déportés par le convoi 77 du trente-et-un juillet.

Dans les années trente, La Varenne était une campagne aisément accessible depuis le quartier du Marais par le « Petit train de la Bastille » dont la gare, détruite depuis, a fait place à l’Opéra du même nom. Il s’y était donc tout naturellement rassemblé une petite communauté juive (un peu moins de cinq cents personnes dont une centaine d’enfants au recensement de 1940). Il s’y trouvait une synagogue et diverses institutions dont la « Pension Zysman » ou « Maison des enfants heureux » ou encore en Yiddish « Beiss Yessoïnim », c’est à dire « Maison des Orphelins », en hommage à l’institution dirigée à Varsovie par Janusz Korczack dont le sort n’est pas sans rappeler celui de Paulette.
La pension était dirigée par Isaac et Sarah Zysman qui y habitaient avec leurs enfants Pierre et Louise. Pierre Zysman a fait partie, en Angleterre, des Français libres.
Une première rafle y a eu lieu le seize juillet 1942 (la rafle du Vel d’Hiv) mais seuls Monsieur et Madame Zysman avaient été emmenés, avec leur fille Louise âgée de seize ans.
Louise Zysman fut renvoyée immédiatement par le commissaire de Saint-Maur (« Prends ta valise et fous le camp »). Se retrouvant seule avec une douzaine d’enfants elle prit contact avec l’Union Générale des Israélites de France, l’UGIF, dont il sera question plus loin. Madame Zysman reviendra de Drancy quelques jours plus tard.

Paulette est citée (p77, avec l’orthographe erronée « Lévy ») par Salomon Cukierman qui était non pas à la pension mais à l’Orphelinat, autre institution de La Varenne dont Paulette a aussi été directrice pendant une courte période en 1942 avant de prendre la direction de la pension.
Paulette est aussi citée (p78) par M.-P. Descoux, qui fut l’une de ses collègues : « Je reste très fidèle à sa mémoire et je pense qu’elle était, pour moi catholique, une sainte. Elle a volontairement choisi de mourir avec ses enfants (…). Elle était institutrice à l’école maternelle de la Boissière à Montreuil et moi j’étais une collègue (…). Mlle Lévi a ensuite été radiée de l’enseignement parce que juive, et peu après elle a pris en charge l’orphelinat « Beiss Yessoïnim » (…) Elle était très dévouée, elle s’était fixé un but : à la fin des hostilités elle retrouverait les familles et ferait en sorte que chaque enfant soit bien accueilli. Un jour de juillet 1944, elle m’a téléphoné de chez ses parents (étrange : les parents de Paulette, oncle et tante de ma mère, ne s’étaient-ils pas fait supprimer le téléphone, comme mes grand-parents, en tant que juifs ?) , « Je rentre à La Varenne, car il va y avoir une rafle cette nuit et je veux être avec les enfants. Vous appellerez demain ; si je ne réponds pas c’est qu’on nous aura arrêtés ». Elle serait donc bien revenue, comme l’a confirmé Yvette (Yvette Lévy, devenue après son mariage Yvette Salavize), sa cousine, d’une semaine de congé. Louise Zysman (devenue Louise Lemberger) l’a aussi prévenue le jour même de son arrestation.

Bien que cela n’ait pas de rapport direct avec Paulette je veux mentionner le témoignage de Marcel Butler qui quitta la pension en avril 1943 et fut placé chez le couple Boutonnet près de Coulommiers. Par leur témoignage, les rédacteurs des « Orphelins de La Varenne » ont appris l’existence dans les environs de Coulommiers d’un « groupe de protestants » et d’un capitaine de gendarmerie qui ont favorisé le sauvetage de nombreux Juifs dont des enfants. Les protestants sont nettement surreprésentés parmi ceux qui, en France, aidèrent des Juifs pendant la guerre, les gendarmes beaucoup moins, ce qui justifiait à mes yeux cette digression.

En octobre 1943, alors que Paulette dirige, apparemment sans histoires, la pension depuis plus d’un an, elle prévient un jour Louise Zysman qui travaille toujours à la pension, mais loge par prudence ailleurs, qu’« on » est venu cette nuit la chercher, elle et sa mère. Elle ne dit pas « les Allemands ».
Une anecdote : fin 1943 Paulette qui promenait les enfants est interpellée par Charles Trenet qui les invite chez lui pour un goûter musical. Les enfants chantent en chœur les succès du moment avec leur hôte au piano…

Il y a à cette époque à la pension des enfants dits « libres » et des enfants dits « bloqués » qui, ayant été arrêtés puis libérés, sont fichés, contrôlés et « convocables ». Il y en a dont les parents ont été arrêtés lors de la rafle du Vel d’Hiv, et d’autres qui ont été confiés par leurs parents ou par une institution. Certains enfants dits « bloqués » reviennent du camp de Poitiers.
À la pension on fête Hanoukka et Pourim.

Le chapitre VIII est entièrement consacré à l’arrestation du vingt-deux juillet. Entre le vingt (c’est le jour de l’attentat manqué contre Hitler mais cette coïncidence n’est pas signalée), et le vingt-quatre juillet 1944, deux-cent-cinquante enfants ont été raflés dans les centres de l’UGIF de la région parisienne dont dix à la pension Zysman (quatre-vingt-huit avenue Secrétan !). Une trentaine seulement sont revenus. La rafle de la pension Zysman a eu lieu dans la nuit du vingt-et-un au vingt-deux juillet. Quelques enfants « libres » avaient été évacués la veille dont Paul Curtz (voir plus bas). Les dix enfants qui y sont le vingt-et-un juillet avec Paulette sont vraisemblablement tous des enfants « bloqués ».
Dans son témoignage, Louise Zysman précise qu’elle est venue prévenir Paulette le vingt-et-un. Elle savait par un membre du réseau FTP-MOI (Franc Tireurs Partisans-Main d’Œuvre Immigrée, un réseau d’obédience communiste) qu’une rafle aurait lieu le lendemain mais Paulette ne l’a pas crue, a téléphoné à l’UGIF qui lui a dit que c’étaient « des bobards communistes », et Paulette s’est rassurée en disant que les enfants ne risquaient rien parce que français. L’arrestation, relatée le lendemain à Louise Zysman par une voisine a été faite par des Allemands (deux) en uniformes et des civils à leurs ordres (de la Gestapo ?). Le transport a eu lieu par autobus. Pas d’informations sur la nationalité des civils ni des conducteurs des autobus. N’y aurait-il eu que deux Allemands ?

Ci-dessous les noms des dix enfants raflés avec Paulette LEVI et Lucie LITHUAC (cuisinière) :

  • Jacques HOPENSZTANDT (10 ans)
  • Isaac RACHOW (7 ans)
  • Raphaël BENDERSKI (6 ans)
  • Justine FRIEDRICH (6 ans)
  • Paul JAKUBOWICZ (6 ans)
  • Suzanne STERBER (5 ans)
  • Bernard TATTENBAUM (4 ans)
  • André KANE (4 ans)
  • Edouard WAJNRYB (4 ans)
  • Michel WESTREICH (4 ans)
    Tous nés en France.

Rien de particulier et en tout cas rien qui se rapporte à Paulette dans le chapitre sur le séjour à Drancy. Rien non plus sur le départ vers Auschwitz, le 31 juillet. Denise Holstein, arrêtée à l’orphelinat, a dit plus tard, après son retour, comment, arrivant à Auschwitz, elle avait évité l’exécution immédiate en obéissant à un détenu français qui lui ordonna par deux fois d’abandonner l’enfant qu’elle tenait par la main. Son témoignage se termine par ces mots : « …tous les enfants étaient allés vers les camions, ainsi que les femmes âgées et toutes les personnes portant des enfants dans les bras ».
D’autres informations se trouvent dans «Le Calendrier de la persécution des Juifs en France 1940/1944» publié par Serge Klarsfeld en 1993.

La concomitance du début des déportations d’enfants juifs, le vingt juillet, et de l’attentat manqué contre Hitler est signalée (p. 1056) et expliquée : Brunner l’a échappé belle et ses chefs, dont Oberg, ont l’esprit ailleurs.

On trouve aussi dans le « Calendrier » les notes de service écrites par le chef-adjoint, juif, du camp de Drancy qui conseillent « le maximum de serviabilité » et après le départ du convoi expriment sa « satisfaction » des conditions dans lesquelles s’est déroulé ce départ.

On y trouve enfin le témoignage complet de Denise Holstein.
Voilà pour ce que j’ai retenu de la lecture de ces deux ouvrages. J’ai aussi rencontré, quelques jours après ma conversation avec Serge et Beate Klarsfeld, trois anciens de La Varenne : Paul Curtz, Betty Ertel et une certaine Olga dont je ne connais pas le nom de famille. Betty Ertel nous a invités, Colette (mon épouse) et moi, à prendre le thé chez elle près de la Bastille. J’ai aussi joint au téléphone Louise Lemberger (née Zysman) qui vivait à Cannes en 1997. En dehors de la confirmation de ce que l’on trouve ci-dessus j’en ai retiré quelques enseignements sur l’atmosphère qui prévalait à l’époque et sur Paulette elle-même.

L’atmosphère était une atmosphère de peur mêlée de légalisme. Les lois et règlements allemands et français étaient scrupuleusement appliqués. Il devait être difficile, malgré l’évidence, de penser qu’on pouvait, innocent, être arrêté. L’approche des alliés n’a déclenché aucun réflexe d’éparpillement (sauf parmi certains résistants qui ont évacué des enfants vers des lieux plus sûrs). Paul Curtz ne s’est débarrassé de son étoile qu’à la libération. La plupart des Juifs parisiens n’avaient pas de relations chez qui se réfugier et aussi, tout simplement, les moyens matériels et financiers manquaient. Une pension d’enfants pouvait aussi paraître un refuge sûr.

Il est clair que Paulette, qui est systématiquement décrite par ceux qui l’ont connu à la pension Zysman, comme « intègre » était aussi très légaliste. Ni préparée à la clandestinité ni soucieuse de se cacher.
Elle a été avertie de la rafle prochaine par Louise Zysman, elle au contraire proche des FTP-MOI, la veille du vingt-deux juillet. Ce point (confirmé par Louise Zysman Lemberger elle-même lors d’une conversation téléphonique datant de 1997) est à raccorder avec le témoignage de M.-P. Descoux et avec ce qu’a écrit Yvette, cousine de Paulette et de ma mère, dans son cahier de mémoires :
« Nous en parlions, ma cousine Paulette Lévi, la fille de tante Margot et oncle Arthur, et moi. Elle dirigeait un aérium de l’UGIF à La Varenne, où une trentaine d’enfants retrouvaient calme, amour, santé, une vie régulière, une nourriture correcte mais une ombre planait sur ces maisons. Une partie des enfants y étaient placés par ordre des Allemands, en annexe de Drancy (il s’agit certainement des enfants « bloqués »). Les autres, progressivement, étaient soit rendus à leur famille quand celles-ci existaient et le souhaitaient, soit planqués par des filières souvent paroissiales, mais ma cousine ne me les révélait pas, car ainsi, si j’avais été arrêtée et interrogée un peu brutalement, je ne risquais pas de révéler ce que j’ignorais.
Le dilemme pendant tout le mois de juillet fut : faut-il planquer les enfants déportables, mais alors comment sauver les autres, que faire ? Je n’aurais pas voulu être dans la peau des dirigeants de l’UGIF qui devaient décider.
Résultat, fin juillet (le 22), tous furent arrêtés, enfants et personnel. Déportés le 31, huit jours après ils n’existaient plus… Ma cousine avait pris quelques jours de congé: son travail était harassant entre des enfants très perturbés, un personnel non qualifié, un ravitaillement si difficile, et un travail administratif délicat puisqu’il devait à la fois satisfaire l’administration allemande et permettre des coulages et fraudes indispensables. Donc ma cousine qui ne prenait jamais de vacances avait pris quelques jours de congé maladie (elle avait 7 de tension) mais inquiète des bruits qui couraient et ne voulant pas laisser la maison sans direction, elle retourna le 30 juillet à La Varenne, attendant le feu vert pour planquer les enfants restant sur place. Trop tard, elle fut arrêtée le 31 juillet. Transférée à Drancy, elle fut déportée huit jours plus tard, quinze jours avant la libération de Paris. Du wagon à bestiaux où elle était parquée avec des enfants de 3 à 10 ans et quelques monitrices, elle réussit à envoyer un papier écrit au crayon où elle gardait l’espoir et demandait pardon de la peine qu’elle faisait à ses parents… elle avait à peine 30 ans. »
De toute évidence il y a des erreurs (minimes) de dates.
Betty Ertel m’a dit s’être fait raconter les conditions de l’arrivée de Paulette à Auschwitz par un membre du convoi qui est revenu.

« Elle est descendue du wagon avec un enfant dans les bras. L’officier sélectionneur lui a demandé si c’était son enfant, ou s’il était avec elle. Elle a répondu « oui ». Des détenus lui ont fait signe de la main de répondre non et l’officier lui a à nouveau posé la question. Elle a répondu « oui » une deuxième fois et est partie avec les enfants vers Birkenau. »

Les informations que j’ai reçues en octobre 1978 du musée d’Auschwitz indiquent que le train est arrivé de Drancy le trois août (départ le trente et un juillet) et que l’exécution de 560 des 1134 arrivants a eu lieu ce même jour.

Rédigé à diverses dates, de 1997 à 2016
Alain Crémieux

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Alain Crémieux

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2 commentaires
  1. TERRAIN Christine 8 ans ago

    Quelqu’un peut-il me parler de Melle Fanny qui a travaillé à la Pension Zysman, je pense depuis son ouverture? Dans l’ouvrage que vous citez, on dit qu’elle est partie fin 1943 pour se cacher car étrangère. Elle nous racontait autre chose, mais nous étions enfants, mes soeurs et moi, et n’écoutions pas toujours, d’autant plus que notre mère, dont la propre mère avait été déportée en 1942, avait institué une sorte de « black out » sur le passé. Melle Fanny était ma grand tante (la soeur de ma grand mère) et a vécu chez nous de 1946 à sa mort en 1967.
    Je suis surprise que personne ne semblait connaître son nom de famille.
    Merci si vous pouvez m’apporter des précisions.

    • Serge Jacubert 7 ans ago

      Madame,
      je sais qu’il peut sembler incongru de tenter de réagir un an après, mais nous sommes gênés de ne pas avoir repris contact plus tôt.
      Votre question était :
      Quelqu’un peut-il me parler de Melle Fanny qui a travaillé à la Pension Zysman, je pense depuis son ouverture? Dans l’ouvrage que vous citez, on dit qu’elle est partie fin 1943 pour se cacher car étrangère. Elle nous racontait autre chose, mais nous étions enfants, mes soeurs et moi, et n’écoutions pas toujours, d’autant plus que notre mère, dont la propre mère avait été déportée en 1942, avait institué une sorte de « black out » sur le passé. Melle Fanny était ma grand tante (la soeur de ma grand mère) et a vécu chez nous de 1946 à sa mort en 1967.
      Je suis surprise que personne ne semblait connaître son nom de famille.
      Merci si vous pouvez m’apporter des précisions.
      Je ne peux que vous orienter vers Paul Curtz, qui a fait partie de cette pension, et qui a contribué à l’écriture de l’article dont les références suivent :
      http://www.ajpn.org/sauvetage-Pension-Zysman-448.html
      Si vous ne connaissez pas Paul, je pourrais vous aider à entrer en relation avec lui.
      Cordialement
      Serge Jacubert

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