Paulette MEZRAHID

1924-2020 | Naissance: | Arrestation: | Résidence:

Paulette Henriette MEZRAHID
(19 août 1924 Alger, Algérie française – 16 août 2020, Antibes, France)

Document : Acte de naissance de Paulette Mezrahid

La famille Mezrahid

Paulette Henriette était la plus jeune des quatre filles d’une famille de Juifs algériens. Son père, Messaoud Prosper Mezrahid[1] (né le 13 décembre 1886), ancien soldat durant la Première Guerre mondiale (maintenu réformé en raison d’une bronchite emphysémateuse généralisée résultant des campagnes contre l’armée allemande durant la Grande Guerre, qu’il a faite en partie sur le territoire algérien[2]) et tailleur, s’est installé avec sa femme Élisa dite Louise, née Albou en 1887, et leurs enfants à Paris, après avoir vécu à Alger. Sa fiche militaire indique qu’il était à Paris en décembre 1936 (et aussi en juillet 1925). C’est autour de cette date de 1936 que les Mezrahid se sont probablement installés à Paris.

Paulette avait trois sœurs, Fortunée Reine (née en 1915), Marie Marthe Berthe, née le 1er octobre 1916, et Yvonne Camille née le 13 novembre 1917 et un frère, Georges.

©Mémorial de la Shoah/Coll. Josiane Piquard

Sur cette photo, la famille pose chez un photographe à Alger, mais nous n’avons pas la date de prise de la photographie[3]..

De gauche à droite : Marie Berthe Mezrahid, Reine Mezrahid, Paulette Mezrahid, Monsieur Mezrahid, Elisa Mezrahid, Yvonne Mezrahid et Georges Mezrahid

La famille eut un destin funeste, car seuls Paulette et Georges ont survécu.

Élisa (née le 23 janvier 1887), leur mère, est déportée par le convoi 63 parti de Drancy le 17 décembre 1943. Son matricule d’internement est le numéro 9790 lui a été attribué le 7 décembre. Son nom est placé sur le Mur des Noms[4]

Marie Berthe (née le 1er octobre 1916) est déportée de Drancy vers Auschwitz par le convoi 71, parti le 13 avril 1944. Elle arrive à Drancy le 6 ou le 7avril et son matricule d’internement est le 19082.

Il s’agit du même convoi par lequel Simone Veil a été déportée. Son nom est placé sur le Mur des Noms[5], non loin de celui de Paulette. 

Yvonne Camille est déportée par le convoi 72 parti de Drancy le 29 avril 1944. Son nom est placé sur le Mur des Noms[6].

Georges est interné à Drancy alors qu’il a 16/17ans, en 1941, mais il parvient à s’échapper grâce à l’aide d’un gendarme français.

Prosper ne sera pas déporté, il meurt accidentellement suite à une chute dans les escaliers avant la déportation. Il ne verra pas le sort infligé à sa famille.

Sa sœur Yvonne et ses nièces Josiane et Micheline

Yvonne, la sœur aînée de Paulette a eu deux filles hors mariage, Josiane (née en 1939) et Micheline (née en 1941). Elle s’est mariée à M. Perot, le 19 avril 1941, qui a reconnu les deux enfants. Elle était vendeuse et a été déportée le 29 avril par le convoi 72. Son numéro d’internement à Drancy est le 19401 (son nom d’internement est Yvonne Kahn, mais elle figure sous le nom de Perot sur la liste dactylographiée, en allemand, des déportés de ce convoi).

Portrait d’Yvonne Pérot née Mezrahid. Sans lieu ni date©Mémorial de la Shoah/Coll. Josiane Piquard

Ses petites filles sont cachées dans un orphelinat catholique, ce qui leur a sauvé la vie. Yvonne, elle, ne reviendra malheureusement pas.

Josiane Piquard, fille d’Yvonne et nièce de Paulette nous a confié des informations que nous n’avions pas réussi à trouver via les archives. Son aide a été très précieuse et a permis de faire revivre, pour un court moment, la mémoire de cette famille.

Yvonne Pérot née Mezrahid posant avec des personnes non identifiées à Alger. Algérie sans date. Yvonne est devant, à gauche ©Mémorial de la Shoah/Coll. Josiane Piquard.

Inscription d’Yvonne Pérot sur le Mur des Noms[7]

L’arrestation

Le 11 juillet 1944, Paulette est arrêtée au cours d’une rafle de la milice dans son quartier, rue de Charonne à Paris XIe (dans un document, elle écrit : place de la Bastille). Elle se rendait, vers 12 heures, au restaurant rue de Charonne. Selon le rapport de police en date du 15 octobre 1952, elle n’avait pas de papiers sur elle[8]. Selon sa petite-nièce, elle était en possession d’une fausse carte d’identité au nom de Paulette Bertrand. La milice aurait également noté qu’elle était en infraction avec la 8e ordonnance allemande du 29 mai 1942 sur le port de l’étoile jaune en public, c’est-à-dire qu’elle ne portait pas l’étoile obligatoire. Elle est conduite au commissariat de la place Voltaire (Paris XIe), puis le 12 juillet à 20 heures, elle arrive au « dépôt » de la préfecture de police, dont elle est extraite le 13 juillet à 15 heures pour être internée au camp de Drancy (alors département de la Seine).

Lors de son arrestation, il est indiqué sur le registre du dépôt de la préfecture de police (cf. doc), que Paulette réside 44, rue Basfroi, dans le XIe, on verra ensuite qu’une autre adresse sera citée. Peut-être était-elle hébergée dans une famille, alors qu’elle était désormais seule, ou à l’hôtel. Elle est modiste.

Extrait du registre des arrestations, Dépôt de la préfecture de police de Paris ©APP_CC2-8.

Paulette passe deux semaines dans le camp avant d’être déportée par le convoi 77, parti de la gare de Bobigny le 31 juillet 1944 à destination du camp d’Auschwitz-Birkenau (Pologne).

À l’arrivée du convoi, dans la nuit du 3 au 4 août, elle est sélectionnée pour entrer dans le camp. Elle y est tatouée du numéro de matricule A-16 771.

En octobre 1944, elle est transférée au camp de Bergen-Belsen (Allemagne) avec d’autres déportées pour travailler dans des usines d’aviation, elle y est libérée le 15 avril 1945 par les Britanniques. En avril 1945, c’est dans ce camp que sont acheminés de nombreux convois de déportés d’Auschwitz, de Buchenwald, de Dora, de Dachau, de Sachsenhausen : il devient alors un mouroir. Les Britanniques découvrent, à leur arrivée, d’immenses étendues de cadavres victimes de la faim, de la soif et du typhus. Ils maintiennent le camp en quarantaine et empêche les déportés d’en sortir.

Le retour et l’après-guerre

Paulette est finalement rapatriée à Paris le 8 juin 1945 et est accueillie à l’Hôtel Lutetia, centre d’accueil des déportés. Son état de santé est très mauvais, et elle a été rapatriée par avion, ce qui est réservé aux personnes très faibles. Grâce à la fiche médicale qui est remplie à son retour, on apprend qu’elle a perdu 16 kilos, Elle mesure 1, 58 mètre et son poids indiqué est 20 kilos. Elle va avoir 21 ans[9].

Fiche de l’examen médical mené au retour de Paulette, in dossier ©DAVCC 21 P 676 236

Après la guerre, elle est suivie par le Service Social des Jeunes (SSJ). Lors d’une réunion réunissant des rescapés d’Auschwitz, Paulette rencontre Maximilien Sobel, né le 7 juillet 1910 à Cernauti (Tchernivtsi dans l’actuelle Ukraine, à la frontière roumaine). Il a été déporté à Auschwitz, le 27 mars 1944 dans le convoi 70[10].

Elle l’épouse le 24 septembre 1946 à Sèvres (Hauts-de-Seine). Maximilien, qui avait soutenu sa thèse à Lyon en 1937, est médecin. Paulette et lui s’installent à Argenteuil (Val d’Oise). Ils y vivent en juin 1948 et son cabinet médical est déjà ouvert en 1949.

Paulette effectuera en 1952 des démarches pour obtenir une reconnaissance de son statut de déportée. En avril 1954, elle reçoit le pécule octroyé aux déportés ou internés politiques de 13.200 Francs (l’équivalent d’environ 300 euros aujourd’hui).

Le motif qu’elle indique pour son arrestation est « racial ».

Paulette fera aussi un dossier pour être reconnue en tant que résistante, mais son dossier sera rejeté. Dans le cadre de ses recherches pour obtenir la reconnaissance de son statut de déportée, elle retrouve sa nièce Josiane, âgée alors de 25 ou 26 ans, qu’elle rencontrera et avec laquelle elle entretiendra une correspondance.

Maximilien et Paulette ont eu trois enfants, Ghislaine, Sylvie et Yves.

Quand Maximilien prend sa retraite, Paulette et lui s’installent à Antibes (Alpes Maritimes), où elle décède le 16 août 2020, à l’âge de 95 ans.

Son frère Georges l’y rejoindra, après avoir vécu à Marseille une grande partie de sa vie. Il est décédé il y a quelques années également.

Josiane fera des études et deviendra aide-soignante puis infirmière. Elle aura l’occasion de correspondre à plusieurs reprises avec Simone Veil.

Inscription de Paulette Mezrahid sur le Mur des Noms[11].

Sources

Contributeur(s)

Cette biographie de Paulette a été travaillée par Kaylian, Tom, Camille, Emma, Ciara, Yesim, Mélina, Souhaila et Hysen élèves de 1re Commerce, Vente et Accompagnement, soins et services à la personne au Lycée Pierre et Marie Curie de Freyming Merlebach, sous la direction de leur professeure, Marjorie Tonnelier.

Un très grand merci à madame Josiane Piquard, née Pérot, pour le temps qu’elle nous a accordé et ses précieuses informations. 

Notes & références

[1] Prosper est le fils de Moïse et de Messaouda Lelouch.

[2] Archives nationales d’outre-mer (ANOM) : http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/regmatmil/osd.php?clef=Mezrahid-Messaoud+Prosper-1907-919-Alg%C3%A9rie-Alger-1886-12-13-Alger-Alger-

[3] La famille, élégante, est habillée à la mode occidentale, de la fin des années 20 ou du début des années 1930. Ce qui correspond à l’âge des enfants, les plus jeunes étant Georges et Paulette. En 1933, dans L’Echo d’Alger du 25 juin, on apprend que Georges fait partie d’un groupe de garçons désignés pour partir au Cap Matifou avec l’œuvre des enfants à la montagne du département d’Alger. Il s’agit d’une « école de plein air ». La famille est donc encore en Algérie à l’été 1933. La grande émeute antijuive du 3 au 6 août 1934 a-t-il décidé Prosper Mezhrahid à quitter l’Algérie ?

[4] dalle n° 33, colonne n° 11, rangée n° 3. Les noms sont classés par année de déportation et par ordre alphabétique. On voit que cinq autres Mezrahid sont déportés cette année 1943. Sur la déportation des Juifs originaires d’Algérie, voir Jean Laloum, « La déportation des Juifs natifs d’Algérie », Le Monde Juif, 1988/1 N° 129, p.33-48.

[5] dalle n° 28, colonne n° 10, rangée n° 1

[6] dalle 31, colonne n° 11, rangée n° 1. (voir ci-dessous)

[7] Dalle n° 31, colonne n° 11, rangée n° 1.

[8] DAVCC dossier 21 P 676 236. Cette note de police contient de nombreuses inexactitudes, notamment de dates.

[9] Elle donne comme adresse avant-guerre 14, rue de Charonne. Plus tard, elle constituera un dossier de réclamations en « dommages de guerre » pour le pillage de son appartement à cette adresse. Selon un document de compilation de données pour son dossier, elle aurait résidé 2, rue Gaston-Cavaignac à son retour, en attendant peut-être de retrouver son appartement ?

[10] D’abord envoyé dans un Groupe de travailleurs étrangers (GTE) dans l’Indre, il est muté au 701e GTE de Miramas, travaillant pour l’organisation Todt ; emmené par la Gestapo à la prison des Beaumettes le 26 février 1944, à Marseille, il a transité par Drancy.

[11] dalle n° 28, colonne n° 10, rangée n° 1.

Contributeur(s)

Cette biographie de Paulette a été travaillée par Kaylian, Tom, Camille, Emma, Ciara, Yesim, Mélina, Souhaila et Hysen élèves de 1re Commerce, Vente et Accompagnement, soins et services à la personne au Lycée Pierre et Marie Curie de Freyming Merlebach, sous la direction de leur professeure, Marjorie Tonnelier.

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