Rachel HONIGMANN
Photographie de Rachel Honigmann. Date inconnue.
Source: Yad Vashem
Nous, les élèves de 3eC du collège Guy Môquet de Villejuif, avons tenté de retracer la courte vie de Rachel Honigmann. Ce travail collectif nous a menés aux archives départementales de Créteil où nous avons travaillé sur les archives mises à notre disposition par Convoi 77 avec nos professeures (Mme Clair/H-G, Mme Hourch/Français, Mme Mazuer/Documentation) et Nathalie Baron, professeure relais aux archives départementales. Les archives du Mémorial de la Shoah, notre visite au Mémorial de la Shoah de Drancy sur les traces de Rachel ainsi que des recherches sur Internet nous ont permis de compléter nos informations. Mais une grande partie de son parcours reste un grand mystère.
Dans cette biographie, nous nous intéresserons tout d’abord à la famille de Rachel. Puis nous nous pencherons sur son arrestation rue Vauquelin et son internement à Drancy suivi de sa déportation. Enfin, nous nous demanderons si la mémoire de Rachel et de sa famille est encore présente à Villejuif.
La rédactrice et les rédacteurs de cette biographie sont Soumia Ahrika, Ibrahim Mohamad, Aaron Djougba et Adel Amourat.
1 – Sa famille
Rachel Honigmann est née le 12 juillet 1925 à Paris dans le 12e arrondissement. D’origine polonaise, elle a été naturalisée le 18 juin 1926. Son père s’appelait Bernard Honigman. Nous ne savons pas pourquoi le patronyme de Rachel comporte deux “n”. D’après les ressources du Mémorial de la Shoah, son père est né en Pologne le 25 avril 1901. Emigré en France, il habite 130 rue du Point du jour à Boulogne-Billancourt. Il est forain. Le 25 juin 1942, il est interné à Pithiviers puis déporté à Auschwitz par le convoi n°4. Il y meurt le 25 août 1942.
Photographie de Bernard Honingmann source Mémorial de la Shoah
Fiche de Pithiviers source Mémorial de la Shoah FRAN107_F_9_5759_290316_L et FRAN107_F_9_5759_290317_L
Acte de décès de Bernard Honigman établi à Auschwitz. Il serait mort d’insuffisance cardiaque. Archive publiée à la suite du témoignage de Jacqueline Passentin sur son père. Source : Musée d’Auschwitz
La mère de Rachel, Biewoja Honigman, née Chalow, est née en Pologne le 18 mai 1899 à Plonsk. Nous n’avons trouvé aucune trace qui montre qu’elle travaillait. D’après le témoignage de la sœur de Rachel, Jacqueline Passentin, née Honigmann (1930-2019), Biewoja et Bernard Honigman se sont rencontrés en France et se sont séparés à la naissance de Jacqueline. Nous ne connaissons qu’une seule adresse où ont vécu Rachel, sa sœur et sa mère : 47 rue Pasteur à Villejuif.
47 rue Pasteur à Villejuif. Juin 2024
Photo : Aaron Djougba
C’est ici que Biewoja Honigman est arrêtée le 16 juillet 1942. Est-ce dans le cadre de la rafle du Vél’ d’Hiv ? Comment Rachel et sa sœur ont-elles pu échapper à l’arrestation ? Elle est internée à Drancy et déportée à Auschwitz le 23 septembre 1942 par le convoi n°36. Elle ne reviendra pas.
Photographie de Biewoja Honigman
Source : Mémorial de la Shoah
Fiche de la préfecture. La soeur de Rachel apparaît sous le prénom de Jeanne et non Jacqueline ou Jeanine (autre prénom que l’on retrouve dans certaines archives)
Fiche de Drancy
Source : Mémorial de la Shoah
2 – La rue Vauquelin
A la suite de la déportation de leur mère, Rachel et Jacqueline quittent Villejuif et trouvent refuge à l’UGIF (L’Union générale des Israélites de France), 9 rue Vauquelin à Paris 5e, comme le confirme une feuille de témoignage du Comité Français pour Yad Vashem.
Dans son témoignage Jacqueline Honigmann citait l’ORT, situé rue des Saules à Paris dans le 18e arrondissement. Nous avons donc envoyé un mail à ORT France qui nous a transmis une partie du registre des élèves inscrits aux cours de l’ORT où apparaît Rachel. Nous avons eu la surprise de découvrir une nouvelle adresse : 150 boulevard Magenta – Paris. Sa fréquentation fragmentée et courte des cours est également étrange. Il est indiqué qu’elle a suivi le cours de couture.
Page du registre des élèves inscrits aux cours de l’ORT à Paris sous l’Occupation
Source : Archives de l’ORT France
Mais c’est bien rue Vauquelin que Rachel sera arrêtée dans la nuit du 21 au 22 juillet 1944. En représailles à des actes de résistance contre la division Das Reich (2e division blindée SS) appelée en renfort sur le front de Normandie, Aloïs Brunner fait arrêter tous les enfants des maisons de l’UGIF. Rachel est internée au camp de Drancy avec les autres filles.
Fichier national
Source : Archives de Pierrefitte
Mais qu’en est-il de la sœur de Rachel ? Nous apprenons dans son témoignage qu’elle était alors cachée à la campagne. Peut-être était-elle déjà chez Micheline Bellair qui l’a sauvée, elle et d’autres personnes juives pendant l’occupation allemande ? En 1988, Yad Vashem – Institut International pour la Mémoire de la Shoah – a décerné à Micheline Bellair le titre de Juste parmi les Nations.
Micheline Bellair à Yad Vashem en 1988
Source : Yad Vashem
3 – Camp de Drancy et déportation
Rachel Honigmann est donc internée à Drancy le 22 juillet 1944. La mention B sur sa fiche signifie “déportable maintenant”.
Fiche de Drancy
Source : Archives de Pierrefitte, FRAN107_F_9_5701_158890_L
Comme nous l’indique le cahier de mutation du camp, Rachel se trouvait dans l’escalier n°6 au 3e étage.
Cahier de mutation du camp de Drancy
Source : Archives de Pierrefitte FRAN107_F_9_5788_0041_L
Lors de notre visite au Mémorial de la Shoah de Drancy, nous avons pu avoir une idée précise des lieux.
La maquette du camp de Drancy au Mémorial de la Shoah de Drancy
Photo : Stéphanie Mazuer
Le 31 juillet 1944, Rachel est déportée à Auschwitz par le convoi n°77. Nous n’avons pu trouver qu’un témoignage indirect dans la biographie de Germaine Wagensberg sur le site de Convoi 77 concernant la déportation de Rachel. Rachel Honigmann est citée nommément dans la biographie. Germaine W. a également été arrêtée lors de la rafle de la rue Vauquelin et déportée dans le même convoi que Rachel. Elle indique que les déportés furent entassés dans des wagons à bestiaux à la gare de Bobigny et que le trajet fut “horrible” et “le plus dur de tous”. Les conditions d’hygiène étaient également effroyables. Après trois jours, le train arrive à Auschwitz. Les nazis sélectionnent les déportés : la vie ou la mort. Germaine raconte que la directrice de l’UGIF est séparée des autres filles. Rachel refuse de la laisser partir et s’accroche à elle. Aucune des deux ne passera la sélection.
Bien plus tard, la sœur de Rachel devenue Jacqueline Passentin a probablement vécu un véritable parcours du combattant avec l’administration afin d’obtenir l’acte de décès de Rachel .
Lettre de Jacqueline Passentin à l’attention du ministère des anciens combattants
Source : HONIGMAN Rachel © SHD de Caen dossier 21 P 258 458
Elle ne reçoit qu’une attestation de disparition le 15 mai 1962. L’administration ne procure aucun acte de décès s’il “n’existe aucun document ou témoignage relatif aux dates et lieux de décès”.
Attestation de disparition délivrée en 1962
Il faudra attendre le 20 juin 1975 pour que Jacqueline Passentin obtienne enfin un jugement qui tiendra lieu d’acte de décès. Mais le lieu de décès est Drancy alors que l’attestation de décès stipule “déportée vers Auschwitz”.
Dispositif du jugement rendu le 20 juin 1975 qui tient lieu d’acte de décès
Une phrase nous intrigue dans ce document de la ville de Villejuif…
4 – Et si l’on réparait un oubli ?
Dans ce document, cette phrase est la suivante : “Ordonne la transcription du présent dispositif sur les registres de l’état civil : 1°) de la mairie de Drancy, lieu de décès [?], et 2°) de la mairie de Villejuif, lieu du dernier domicile de la défunte”.
Auparavant nous avions contacté le service des Archives communales de Villejuif qui nous avait affirmé n’avoir retrouvé aucune information concernant Rachel Honigmann ou sa mère. “Elles n’apparaissent pas sur le recensement de 1936, ni sur les listes électorales de la fin des années 30, ni sur les listes des déportés villejuifois qui ont été établis à la fin de la Seconde guerre.”
Le temps nous a manqué pour faire des recherches dans les fichiers de l’état civil. Nous espérions corriger cet oubli et faire la demande pour que les noms de Rachel et de sa mère soient inscrits sur la stèle des déportés de Villejuif qui se trouve dans le parc Pablo Neruda.
Monument aux déportés de Villejuif
Photo : Emilie Claire