Zelda MENASCE

1917-2009 | Naissance: | Arrestation: | Résidence:

Zelda MENASCE ou Menasse (1917-2009)

Atelier « secrets d’archives » au Mémorial de la Shoah

Les élèves de 3e3 ont participé mardi 7 mai à un atelier au Mémorial de la Shoah. En effet, ce fut l’occasion pour eux de découvrir l’histoire du centre de documentation du Mémorial et le contenu de ses ressources à travers les fiches de recensement, le cahier de mutations de Drancy et un extrait des archives départementales des Ardennes. Ils ont ainsi pu compléter quelques éléments biographiques sur Zelda MENASCE et Charles MENACHE, déportés par le convoi 77 le 31 juillet 1944, sur lesquels les élèves travaillent depuis le début de l’année. Par exemple, ils savent désormais que Zelda vivait rue de la Convention depuis 1940 alors que Charles n’étant pas mentionné dans les recensements des juifs parisiens de 1940 et 1941, il n’habitait pas encore le 15e arrondissement, ce qui confirme nos informations. Ils ont appris aussi où précisément étaient détenus les deux cousins à Drancy et que la famille de Charles avait été spoliée de ses biens à Sedan. Les élèves ont également trouvé sur le Mur des Noms les deux déportés. Cet atelier sera complété par une visite du Mémorial en juin.

Mme Chabaud et Mme Séné.

Zelda Menasce

Zelda Menasce est née le 12 septembre (archives[1]) ou le 12 juillet (lettre de Zelda[2]) 1917 à Constantinople. Ses parents sont Moïse Menasce, né au Caire en Egypte ou à Varna en Bulgarie en août 1880 (mort en 1934) et Elise Alcalay née en Bulgarie en 1885 (morte en 1950). Le consulat français à Istanbul évoque dans les archives un Moïse Ménaché qui serait parti en France en 1923 avec sa femme et deux enfants. S’agit-il de lui ou d’un homonyme ? Zelda a un frère Victor, né au Caire en 1912 (mort en 1948) et deux sœurs, Mathilde, née en 1910 au Caire et Béki-Henriette, née à Constantinople en 1914 ou 1915 (morte en 1998).

La famille habite Bois-Colombes, dans la région parisienne à partir de 1923 et jusqu’en 1946, à plusieurs adresses différentes, d’après les recensements communaux consultés[3]. Elle y a retrouvé des cousins du nom d’Alcalay. La famille obtient par naturalisation la nationalité française le 12 juin 1928 (J.O. du 24 juin 1928). Bonne élève, Zelda fréquente les écoles primaires de Bois-Colombes (dont l’école des filles Paul Bert d’octobre 1923 à avril 1925) puis fait des études de dactylographie. Nous perdons ensuite sa trace jusqu’en 1940 (fichiers des recensements des juifs) : elle vit à Paris, dans le 15e arrondissement au 71 rue de la Convention. Elle est célibataire et n’a pas d’enfants. Elle travaille comme secrétaire à Paris, à la Robe de sport, rue Feydeau dans le 2e arrondissement.

Alors qu’elle discutait avec son cousin pour avoir des nouvelles de leurs familles respectives, ils sont tous les deux arrêtés, place de la Bourse par la police française. Les sources évoquent les motifs suivants : non port de l’étoile jaune ou effacement de la mention « juif » sur la carte d’identité. Emmenés au commissariat, ils sont, le soir-même, transférés au camp d’internement de Drancy et on leur attribue un « logement » à l’escalier 18. Zelda Menasce y porte le matricule 25104. Les conditions de vie y sont difficiles : pas d’hygiène et presque rien à manger et à faire si ce n’est arpenter la cour. On lui dit qu’elle va être envoyée à Teresenstadt pour travailler dans une usine à chaussures.

Elle monte dans un train le 31 juillet à destination d’Auschwitz-Birkenau où elle arrive le 5 août[4] : c’est le convoi n° 77. Elle explique qu’il était impossible de s’y asseoir, qu’il y régnait une odeur épouvantable pendant quatre jours et trois nuits.

A l’arrivée, à la sélection, elle perd son cousin de vue dans la sélection et ne saura pas ce qui lui arrivera, d’après l’interview réalisée par son cousin, Jean-Marc Alcalay[5]. Après la douche, elle est déshabillée, rasée et tatouée ; elle porte à Birkenau le numéro A-16770, A pour le nom du camp, le lager A. 183 femmes ont été sélectionnées avec les matricules A-16652 à A-16834. Elle raconte que ses conditions de détention ont été épouvantables. Elle ne mangeait presque pas : une gamelle pour cinq, ni fourchette, ni cuillère, de la soupe liquide ou du pain avec de la margarine, pas d’eau potable. On mendie ou on vole la nourriture. L’hygiène était déplorable : ni savon, ni serviette. Zelda Menasce dormait dans un bloc qui hébergeait 300 personnes dans des châlits à double étage.

Elle travaillait beaucoup jusqu’à l’épuisement : transport des tonneaux de soupe, piocher des roches au bord de la Vistule pour remplir des wagonnets de terre, tissage de natte de caoutchouc pour protéger les canons, en étant frappée (un coup de crosse de fusil d’un gardien SS l’a rendue sourde d’une oreille). Enfin, elle voyait les personnes qu’elle aimait partir pour la sélection vers la chambre à gaz ou mourir de maladie ou d’épuisement. Elle subissait les appels interminables, nuit et jour, sous la pluie et dans le froid. Malade de la scarlatine, en octobre 1944, elle est emmenée à l’infirmerie, le « revier » où elle passe quarante jours sans recevoir de traitement.

Elle est transférée volontairement selon ses dires à Bergen-Belsen en janvier 1945, camp qui est déjà surpeuplé et où il n’y a rien à manger. Les Anglais libèrent le camp le 15 avril 1945. Malade (dysenterie et typhus), ne pesant plus qu’une trentaine de kilos, elle est soignée dans l’hôpital du camp. Elle est ensuite évacuée sur Soltan le 17 mai avant d’être rapatriée par la Croix Rouge le 4 juin 1945, à Paris, en avion. Zelda fait donc partie des 209 survivants dont 141 femmes. Son cousin avec lequel elle avait été arrêtée, n’est pas revenu, ainsi qu’une sœur de la mère de Zelda.

Après un séjour à l’hôpital de la Salpétrière et à l’institut Pasteur, elle retrouve sa famille restée à Bois-Colombes. Elle reprend le travail en septembre 1945 malgré les séquelles dues à sa déportation. Elle est titulaire de la carte de déporté politique depuis 1955. Elle habite au 1 allée Marie Laurent dans le 20e arrondissement de Paris.

Elle se marie avec Paul-Robert Ostoya Kinderfreund (journaliste, botaniste et ancien résistant, 1904-1969) en 1968. Ils n’auront pas d’enfants. Après la mort de son mari, elle quitte Paris pour Nice. Elle faisait des interventions dans les collèges et les lycées, participait aux cérémonies officielles et à des réunions d’anciens déportés. Elle était la vice-présidente de la section des Alpes Maritimes de la Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes. Elle décède le 6 janvier 2009. Son nom est indiqué sur le mur des noms du Mémorial de la Shoah.

Zelda MENASCE, DAVCC, copyright_6620

Photo prise par Axelle Séné, professeur d’Histoire-Géographie des 3e3, collège Apollinaire, Mai 2024.

Sources

[1] Archives transmises par l’association convoi 77 (archives numérisées en provenance de la DAVCC, SHD de Caen)

[2] Documents personnels transmis par M. J.M. Alcalay.

[3] Archives départementales des Hauts de Seine : 1D NUM BOC 1926, 1931, 1936, 1946 et 2506W NUM 3

[4] Archives de Bad Arolsen

[5] Interview publiée dans Le Mouvement n°98, juin 2001.

Contributeur(s)

Les élèves de la classe de 3e3 du collège Apollinaire.

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