Célestine AJZYKOWICZ
Bonjour, nous sommes Elliot, Stella, Minerva, Lucie, Alannah et Louise du collège des Blés d’or à Bailly-Romainvilliers en classe de 3eme et nous travaillons pour le projet de l’association « Convoi 77 » qui rassemble de jeunes de différents pays, Juifs ou non Juifs, pratiquants ou athées, tous animés par la même volonté : mieux connaître et faire connaître les destins des 1306 hommes, femmes et enfants qui, le 31 juillet 1944, ont été déportés de Drancy pour Auschwitz dans des wagons à bestiaux.
L’association a pour but de poursuivre le travail de témoignage des survivants et prendre ainsi une part active dans la transmission de la mémoire de la Shoah et continuer le combat contre toute forme de discrimination et de haine.
Pour travailler sur ce projet nous avons choisi d’écrire l’autobiographie fictive de la jeune Célestine Ajzykowicz qui fait partie du convoi 77 : elle complète celle de Léon, rédigée par un autre groupe de la classe, nous intervenons en gras pour rajouter des informations aux lecteurs. Nous avons reçu très peu de documents sur Célestine et nous n’avons pas réussi à en trouver beaucoup plus.
Je m’appelle Célestine Ajzykowicz, je suis née le 29 novembre 1932 à Yutz en Moselle. J’ai un grand frère Léon qui est né le 17 décembre 1931. Papa s’appelle Guerschlik, Henri pour les Français, et est né le 2 février 1902 en Pologne. Maman s’appelle Reszka et est née le 31 mai 1909 en Pologne aussi dans la même ville : Czestochowicze. Je m’entends bien avec mon frère.
J’ai vécu en Moselle de ma naissance à septembre 1939, au début de la seconde guerre mondiale. Nous avons déménagé à Juillaguet au sud-ouest de la France, la même année, comme beaucoup de Français poussés sur les routes de l’exode. Nous sommes maintenant dans un petit village pour pas « qu’ils nous retrouvent » comme dit maman. Sincèrement je ne sais pas de qui elle parle mais je sais juste que beaucoup de personnes ne m’aiment pas parce que je suis juive. Être dans un petit village me fait bizarre car j’ai l’habitude d’habiter dans une grande ville or là, il n’y a que très peu d’habitants et presque pas de commerces, le seul commerce des alentours est une petite boulangerie tenue par un vieille dame. Maman a dit que Léon et moi n’irions plus à l’école car nous sommes sacrément malins et que cela ne servirait plus à rien.
En plein milieu de la nuit, on entendit quelqu’un dehors, alors j’ai jeté un coup d’œil par la fenêtre, c’est là que je vis des hommes en uniforme sans doute des policiers. Puis tout d’un coup, il y a eu un grand bruit : ils avaient défoncé la porte. Ils entraient dans la maison puis ils firent sortir nos parents de leur chambre, ils leur mirent des menottes. Léon et moi, nous étions choqués par ce qu’il venait de se passer. Papa et maman ont été emmenés. Nous sommes ensuite restés tout seuls pendant plusieurs jours puis un matin une famille d’accueil nous a emmenés chez elle. Nous avons été réfugiés à Bazac, un petit village de Charente où une famille nous a accueillis. Ce village était à peu près aussi petit que Juillaguet. Il était près de la ligne de démarcation c’est-à-dire de la partie libre de la France. Nous sommes restés quelques temps dans ce village mais après une dame est venue. Elle a dit que nous partions au Centre Lamarck de l’UGIF à Paris. J’étais contente d’aller à Paris mais je me demandais comment Papa et Maman nous retrouveraient si on partait loin. Personne ne m’a répondu. Je suis triste que mes parents aient été emmenés mais j’espère qu’ils reviendront bientôt.
Le 20 juillet 1942, le père de Célestine est déporté par le convoi n°8 pour aller au camp d’Auschwitz. Le 4 novembre 1942, sa mère est aussi déportée mais cette fois par le convoi n°40, pour aller elle aussi au camp d’Auschwitz.
Célestine et son frère, sans parents se sont réfugiés dans un village. On peut se demander étaient-ils seuls, avaient-ils peur ? Peut-être étaient-ils à l’OSE ou en famille d’accueil ? Ce village se situe dans la zone occupée mais il faut noter que celui-ci est juste à côté de la ligne de démarcation donc nous pouvons en déduire qu’ils sont allés dans ce village soit pour essayer de franchir la ligne de démarcation soit seulement pour éviter d’être repérés par la police responsable des arrestations.
L’Union Générale des Israélites de France est créée en novembre 1941 par le gouvernement de Vichy à la demande des Allemands. Elle assure la représentation des Juifs et est chargée de l’action sociale ; elle verse des allocations aux foyers privés de revenus, finance les cantines populaires et les hospices. Après les rafles de l’été 1942, elle ouvre des centres pour enfants à Paris et en banlieue. Ces centres regroupent des enfants dits « libres », placés par leurs parents, ou « abandonnés » pour diverses raisons et des enfants dits « bloqués » ou isolés, qui avaient été internés puis libérés des camps par les allemands et placés sous la responsabilité de l’UGIF. Ces enfants étrangers ou nés de parents étrangers sont fichés et « déportables » à tout moment. Ces maisons sont sous le contrôle du Commissariat Général aux Questions Juives et de la Gestapo. Des organisations juives et non-juives ont pu soustraire de ces maisons un certain nombre d’enfants et les mettre en lieu sûr.
Nous sommes partis à l’UGIF avec cette dame. Quand nous sommes arrivés dans le bâtiment il n’y avait que des enfants comme nous. Certains étaient tristes et seuls mais j’ai vu des filles qui dansaient dans la cour. J’ai été assignée à la chambre 4 au premier étage. Léon était au deuxième. J’ai hurlé et pleuré de toutes mes forces, je ne voulais pas être séparée de Léon. Une grande fille d’environ 15 ans m’a rassurée, elle était dans ma chambre. La nuit j’étouffais, nous étions une dizaine dans une très petite chambre. Dès que je pouvais j’allais voir Léon. Nous sommes restés là-bas deux ans. C’était long. Chaque jour mon espoir de revoir papa et maman s’éteignait un peu plus. Parfois je discutais avec des filles mais je préférais être seule et écrire ou dessiner. La grande fille m’avait offert un carnet et un crayon de bois. Je faisais attention de ne pas gâcher de pages du cahier à cause des restrictions. Les choses se passaient plutôt bien.
On retrouve la trace de Célestine et son frère Léon en 1943 à Paris dans un centre de l’UGIF. Ils sont d’abord logés au centre Lamarck puis au centre de la rue Secretan.
Puis un jour tout a basculé. Je m’étais couchée comme d’habitude. Au milieu de la nuit j’ai entendu des bruits dans les couloirs. Léon et d’autres enfants qui étaient avec nous s’étaient aussi levés, nous ne savions pas ce qu’il se passait, j’avais peur, j’entendais des cris. Tout à coup, un homme a ouvert la porte de la chambre où nous étions. Ils avaient des uniformes, on savait que c’étaient des soldats, ils nous prirent par les bras, ils nous ont emmenés dans la rue dans des grands camions, j’avais peur, et on était beaucoup, mais j’étais un peu rassurée car Léon était avec moi. Après un long moment, nous sommes arrivés dans une prison qui s’appelait Drancy.
Dans la nuit du 21 au 22 juillet 1944 a lieu une grande rafle des maisons d’enfants de l’UGIF dans la région parisienne. Ils sont 242 enfants et 33 adultes à être arrêtés, dont Célestine de 11 ans et Léon de 13ans. Les déportations se sont déroulées la nuit pour ne pas attirer l’attention et être discret.
Quelques jours plus tard, nous sommes montés dans des bus jusqu’à une gare. On nous a mis dans des wagons, enfermés pendant beaucoup d’heures, on était beaucoup et j’avais du mal à respirer, j’avais soif aussi.
Ils sont ensuite déportés, par le convoi n°77, le 31 juillet 1944. Ce convoi, est le dernier grand convoi de déportation de Juifs parti du camp d’internement de Drancy pour la gare de Bobigny à destination du camp d’extermination nazi d’Auschwitz-Birkenau. Le voyage comme tous les autres voyages de déportation était long, éprouvant et dans des conditions très difficiles. Les déportés étaient dans des wagons à bestiaux, entassés les uns contre les autres. Une partie des déportés décédaient avant l’arrivée du convoi au camp de concentration.
On est arrivés sur une sorte de quai, on pouvait voir plein de soldats allemands, et au fond il y avait beaucoup de fumée, et ça sentait très mauvais, je ne sais pas ce que c’était, je n’avais jamais senti cette odeur. On a suivi le chemin vers lequel tous se dirigeaient. Puis les soldats nous ont demandé notre, âge, on nous a laissés, mon frère et moi aller dans la même direction et je me sentais mieux. Puis plus tard, on nous a demandés de nous doucher…
Ils sont en train de passer les sélections sur le quai, où ils sont jugés aptes ou inaptes pour le travail forcé, les enfants sont donc directement conduits à la mort. Célestine et son frère sont tués à l’arrivé du camp, dans les chambres à gaz. Ce convoi comporte un nombre important d’enfants en bas âge, 324.
Nous n’avons pas de document prouvant qu’un proche ait fait des recherches sur eux : ce qui s’explique par la mort de toute la famille Ajzykowicz.
La loi Française considère qu’ils sont morts après 5 jours de déportation sans indice de vie, ils sont donc considérés morts le 5 aout 1944.
Une fiche de témoignage a été déposée par Xavier Messalati à Yad Vashem, c’est un historien inscrit sur Geneanet, qui est un site de généalogistes, qui permet la recherche de ses ancêtres.
Nous avons également trouvé des documents mis en ligne par Serge Klarsfeld.
This biography of Célestine AJZYKOWICZ has been translated into english.