André WOLFF-VANDOR

1910-1944 | Naissance: | Arrestation: | Résidence:

André WOLFF-VANDOR

Rédigée par Johann, Malo, Yannis, Antoine et Titouan avec la contribution d’Ambre-Ayan, Rayan, Dany, Coline et Anna en avril 2025, avec l’aide de notre professeur d’Histoire-Géographie Monsieur Stéphane AUTRET.

Andras (André) WOLFF dit VANDOR né le 14 mars 1910 à Arad, en Transylvanie hongroise (Empire austro-hongrois)[1].

Document : WOLFF dit VANDOR André, © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21-P-551-024, d’après la page relative à son acte de déportation).

Une famille juive de commerçants

Andras / André est le fils du commerçant et négociant en vins Jenö (Eugène) WOLFF, né le 7 janvier 1878 à Glogovăt, et de Jolan (Yolande) FLEISCHER, née le 13 octobre 1882 à Arad.

Jenö est le fils d’Alexandru WOLFF et de Paulina STEIN, tandis que Jolan est la fille de Vilhelm FLEISCHER et de Pepi DÓMAN. Ils sont de confession juive.

A Arad, la communauté juive est alors prospère et bien implantée. A partir de 1867, les discriminations antijuives avaient été abolies par la Chambre des députés. Cependant, après la Première Guerre mondiale, la situation se tend. Dans les années 1920 et 1930, les clubs fascistes se développent, notamment dans les universités. Les agressions antisémites sont tolérées par la police.

Andras est le benjamin d’une fratrie de trois enfants. Il a en effet un frère Gyula (Jules, Georges, Jules-Georges), né le 31 mars 1905 à Arad, et une sœur, Elisabeth, née le 4 avril 1908 à Arad.

Elisabeth a été mariée tout d’abord en 1932, à Budapest, à Ernest SERENYI, né le 3 décembre 1903 à Budapest, engagé en France au 23e Régiment de Marche des Volontaires Étrangers (R.M.V.E.), puis, s’est remariée vingt ans plus tard, avec Robert Louis DUBOIS, né le 1er février 1907 à Paris Xe (75).

WOLFF Elisabeth, © Fonds de Moscou, Dossier n°19940485/6,
d’après la page relative à sa demande de séjour en France.

Elisabeth qui travaille pour une société cinématographique, Film service basée à Budapest, sollicite l’administration pour pouvoir demeurer en France, d’autant plus que son mari, Ernest SENYI, s’est engagé dans la Légion Étrangère.

WOLFF Elisabeth, © Fonds de Moscou, Dossier n°19940485/6,
d’après la page relative à sa demande de naturalisation française, après-guerre, en 1946.

Extrait d’acte de mariage de Madame Elisabeth WOLFF et Monsieur Robert Louis DUBOIS,
© La Celle-Saint-Cloud

La recherche de descendants et la demande de consultation d’archives auprès de la ville d’Arad n’ayant pas abouti, nous n’avons ni réussi à trouver des informations plus précises sur leur généalogie, ni obtenu de photographie.

L’arrivée en France et l’engagement militaire

Poussés sans doute à quitter leur terre natale à cause des persécutions antisémites des nationalistes et des difficultés économiques liées à la crise de 29, les frères WOLFF[2] arrivent en France en 1939.

WOLFF dit VANDOR André, © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21-P-551-024,
d’après son certificat de domicile du 1er juillet 1939 au 1er avril 1947.

Avenue de la Grande Armée vue depuis l’Arc de Triomphe, Paris 1931,
© BnF Gallica

Leur sœur Elisabeth les a précédés avec son mari, arrivée le 6 mars 1939 en France, par Strasbourg, avec un visa provisoire ; elle dit travailler dans l’industrie cinématographique pour le compte de la société Filmservice, dont le siège est à Budapest. Elle est traductrice et négocie des films français pour l’exportation en Hongrie. Elle demande, en avril 1940, un visa de travail de commerçante.

Elle réside, en 1940, alors que son mari est engagé dans la Légion étrangère 6, square Villaret-de-Joyeuse, à Paris XVIIe dans un appartement au loyer de 500 francs par mois. Leur mère, Yolande, est également à Paris.

André est, comme son frère, dessinateur, mais il est également artiste peintre. Toutefois, nous n’avons trouvé aucune information sur sa vie d’avant-guerre.

On ne sait pas quand exactement la famille s’installe 41, avenue de la Grande-Armée, près de la place de l’Étoile (actuelle place Charles-de-Gaulle), dans un immeuble en apparence cossu, ce qui peut laisser penser que la famille avait quelques moyens financiers. Cependant une enquête de police indique qu’Elisabeth « gagnerait entre 1.500 et 2.000 francs par mois »[3] en avril 1940, et qu’elle résidait alors à une autre adresse.

Aucune information concernant le signalement physique d’André ne nous est parvenue.

Résistant…

A la différence de son beau-frère Ernest Serényi et de son frère Georges-Jules, André ne semble pas s’être engagé comme volontaire au sein des Régiments de Marche des Volontaires étrangers.

Mais au retour de son frère, prisonnier évadé, usant de ses talents de dessinateur, André et Georges-Jules décident de mettre à profit leurs talents de dessinateurs pour la Résistance. C’est vraisemblablement à ce moment-là qu’ils prennent leur appellation « Vandor » qui complète leur nom de famille WOLFF. En hongrois, « Vándor » signifie « vagabond » : peut-être en hommage à leur origine de Juifs hongrois. Toutefois, il faut noter que la mention « dit Vandor » apparaît sur leurs actes de disparition et de décès.

Ainsi, les deux frères se mettent à établir des faux papiers pour des résistants. Pour ce motif – qui s’ajoute à la condition de « prisonnier de guerre évadé » de Gyula –, les deux frères sont arrêtés le 10 septembre 1943 chez leur sœur au 41, avenue de la Grande-Armée par la Feldgendarmerie (police militaire allemande). Le document du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre précise que la concierge, Madame LEBOUCHER, est témoin de l’arrestation[4].

WOLFF dit VANDOR André, © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21-P-551-024,
WOLFF dit VANDOR Jules, © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21-P-551-069,
Ces documents apportent les raisons de l’arrestation des frères WOLFF dit VANDOR le 10 septembre 1943.

« Arrêté au domicile de sa sœur (Mme « Sereny » sic) [par la Feldgendarmerie], 10, Avenue de la Grande-Armée, Paris » [avec] son frère André » ; « Accusé d’avoir établi des faux-papiers pour des résistants (en qualité de dessinateurs) ; par la suite vraisemblablement découvert son origine israélite. ». Les frères WOLFF DIT VANDOR sont donc des résistants.

On ne sait pas pour quelles raisons les deux frères ont été arrêtés ce jour-là. Faisaient-ils partie d’un réseau dont des membres étaient surveillés ? Il n’est pas possible de fabriquer des faux-papiers sans être intégré à un groupe, mais nous ne savons rien de leurs relations clandestines.

Aucun réseau de Résistance n’a, à notre connaissance, déclaré André comme l’un de ses membres.

Mais déporté et assassiné en tant que Juif

C’est par la suite que les Allemands découvrent l’origine israélite des deux frères. Ils sont envoyés à la prison de Fresnes (94) le jour de leur arrestation. Pendant l’Occupation, « la prison de Fresnes était le plus grand centre de la répression de la Résistance »[5].

Incarcérés en tant que détenus politiques, André et Jules, comme bon nombre d’autres résistants, vivent dans des conditions inhumaines : surpopulation, privations, tortures, etc. Ils sont internés à la prison de Fresnes jusqu’au 24 juillet 1944, date à laquelle, puisqu’ils sont juifs, ils la quittent pour le camp de Drancy où se prépare le départ d’un convoi pour Auschwitz [6]. Quarante-quatre prisonnières et prisonniers sont extraits des cellules de Fresnes pour être déportés par le convoi 77.

Photo 1 : Couloir central à Fresnes (1945-46) © Criminocorpus,
Photo 2 : Plaque commémorative apposée à la prison de Fresnes par la Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP), © Musée de la Résistance en ligne

Depuis le 18 juin 1943, le camp de Drancy est tenu par l’Hauptsturmführer-SS Aloïs BRUNNER qui, suite au débarquement des Alliés en Normandie, le 6 juin 1944, intensifie les déportations, souhaitant déporter un maximum de personnes avant l’arrivée des Alliés à Paris[7].

André arrive à Drancy avec une petite somme d’argent, 50 Francs, consignée sur sa « fiche de fouille ». Il reçoit le matricule 25.668. Il est assigné à l’escalier 18, chambrée du 4e étage, comme son frère. Ils sont considérés comme « immédiatement déportables ». 

Carnet de fouilles d’André à Drancy
© Mémorial de la Shoah

Dans le camp, la correspondance avec l’extérieur est interdite, de même que les colis personnels, autorisés avant l’arrivée de Brunner. Si les conditions sont moins un peu moins difficiles qu’en 1943, le camp est néanmoins régi par un système de terreur et, avec les rafles que Brunner ordonne le 14 avril 1944 dans toute la France, se remplit vite. Rien n’indique qu’André ait pu échanger avec sa mère et sa sœur. 

Distribution de la soupe à Drancy (1942),
© Mémorial de la Shoah/Coll. BnF.

Le 31 juillet 1944 à l’aube, André et Jules, ainsi que les autres personnes sélectionnées pour le départ à Auschwitz, sont forcés de monter dans des autobus parisiens jusqu’à la gare de Bobigny (93) où un train de marchandise les attend. Ce train, manœuvré par la S.N.C.F., est composé de 30 wagons et embarque 1306 personnes internés, dont 324 enfants. Des soldats en arme accompagnent les wagons. Les hommes célibataires, comme André et Jules, sont réunis dans des wagons particuliers, sous bonne garde, de peur des tentatives d’évasion. Les familles voyagent ensemble.

Le train démarre vers midi, passe par Châlons-Sur-Marne (51), Metz (57), puis Francfort-sur-le-Main (Allemagne) le 1er août au matin. Les wagons arrivent en Pologne via Görlitz (Allemagne) le 2 août dans la nuit, puis s’arrêtent à Auschwitz II-Birkenau (Pologne) le jeudi 3 août 1944 dans la nuit[8].

Le voyage dans les wagons à bestiaux se fait dans des conditions absolument désastreuses, sur la paille, avec très peu d’eau pour boire et juste un seau d’aisance en guise de toilettes[9].

Liste originale du convoi de déportation du 31 juillet 1944 sur laquelle figurent les deux frères WOLFF DIT VANDOR, @Mémorial de la Shoah

 

Document 1 : Reconstitution de la gare de Bobigny telle qu’elle était en 1943,
© Etienne Martin, LM Communiquer
Document 2 : Itinéraire du convoi 77, Source : site Association convoi 77

André est très probablement assassiné peu de temps après l’arrivée du train, après la « sélection » sur la Banhrampe de Birkenau, comme son frère. Bien que l’acte de décès officiel déclare la mort d’André au samedi 5 août 1944 (« convenance administrative »), il est très probable est qu’il se soit fait assassiner dans la nuit du 3 août 1944, mais il n’est non plus totalement pas impossible qu’il ait été inscrit dans le camp avant d’y être supplicié [10].

WOLFF dit VANDOR André, © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21-P-551-024,
d’après la page relative à l’acte de décès dressé par la mairie de Paris concernant Monsieur Andras (André) WOLFF dit VANDOR
).

Une autre hypothèse est que les deux frères aient fait partie du « wagon des évadés », où étaient regroupés des hommes qui avaient prévu depuis Drancy de s’évader. Leur tentative a échoué et, découverts, les 60 occupants du wagon ont été immédiatement gazés à l’arrivée du convoi.

WOLFF dit VANDOR André, © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21-P-551-024,
d’après la page de la direction des statuts et des services médicaux et celle relative à une demande de recherche pour déportés. Ce document fait apparaître les grandes lignes du parcours de persécution d’André.

Après la guerre, Elisabeth, leur sœur et Jolan/Yolande, leur mère, se sont battues pour faire reconnaître André et Georges-Jules comme déportés politiques (c’est-à-dire comme déportés parce que juifs). Le 13 février 1959, le ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre attribue à André le titre de « déporté politique », prenant en compte la période d’internement du 10 septembre 1943 au 30 juillet 1944, et la période de déportation du 31 juillet, au 5 août 1944.

WOLFF dit VANDOR André, © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21-P-551-024,
d’après la page relative à la décision du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre d’attribuer à Monsieur WOLFF dit VANDOR André le titre de déporté politique. André est enfin reconnu déporté politique grâce au combat de sa sœur et de sa mère.

Enfin, Andras, sous son prénom francisé d’André, est inscrit sur le mur des noms du Mémorial de la Shoah.

André WOLFF-VANDOR et son frère Georges, inscrits sur le Mur des Noms,
© Mémorial de la Shoah
.

Nous avons par ailleurs réalisé en novembre 2024, pendant nos recherches, un petit podcast racontant une partie de son histoire, très liée au Convoi n°77.

 

Remerciements particuliers à Madame Claire PODETTI, coordinatrice du projet Convoi 77, Monsieur Serge KLARSFELD, président-fondateur de l’association des Fils et Filles de Déportés Juifs de France (FFDJF), ainsi que Monsieur Nicolas COIFFAIT, généalogiste, pour leur aide précieuse dans nos recherches.

Notes & références

[1] WOLFF dit VANDOR André, © SHD de Caen DAVCC, Dossier n°21-P-551-024, d’après la page relative à son acte de déportation. Arad appartient alors au royaume de Hongrie de l’empire austro-hongrois mais sera rattachée à la Roumanie après la première guerre mondiale. D’où des indications géographiques qui oscillent entre Hongrie et Roumanie.

[2] Sur les actes d’état civil de naissance, Jules et André sont simplement appelés Wolff. La formule « dit Vandor » semble avoir été ajoutée en France. Notons qu’elle figure sur les actes officiels de disparition des deux frères.

[3] Le 19 juillet 1939, Ernest Serényi, demeurant 74-76 avenue de La Grande-Armée, Paris XVIIe, a déposé une demande de prorogation de permis de séjour. Il assure avoir des moyens suffisants pour soutenir « ma propre existence et celle de ma femme ». Archives Nationales 19940485/6. Fonds de Moscou, dossier Elisabeth SERENYI.

[4] Malgré une demande auprès du Mémorial de Caen, du service des archives de Paris et de la Préfecture de Police de Paris, aucune information supplémentaire concernant leur lien avec la Résistance n’a été trouvée. Les deux frères ne sont par ailleurs visiblement pas mentionnés dans les listes des réseaux de Résistance.

[5] D’après les informations données par M. Loïc DIAMANI – historien au Musée national de la Résistance de Champigny-Sur-Marne (94) – recueillis par la journaliste Kanumera CREICHE dans l’article, « Le “couloir de la mort“ de la prison de Fresnes fait des histoires », in Le Monde.

[6] Nous n’avons pas plus d’information sur leur passage à la prison de Fresnes, malgré une demande réalisée auprès du service des archives du Val-de-Marne (94), ainsi que la consultation des répertoires 2742W 1, 2742W 101, 2742W 109, 2742W 43 et 2Y5 433.

[7] Drancy. © Association Convoi 77, page web relative à l’histoire et la composition du convoi ; ”Convoi n°77 du 31 juillet 1944”, Wikipédia.

[8] Association Convoi 77, page web relative à l’histoire et la composition du convoi ; ”Convoi n°77 du 31 juillet 1944”, Wikipédia.

[9] De nombreux témoignages, dont celui de Denise Holstein et de Régine Skorka-Jacubert, rappellent la dureté des conditions de voyage, sur de la paille, avec un seau d’eau et un seul seau en guise de toilettes. En plein été, il faisait une chaleur insupportable. Plusieurs personnes âgées et des malades n’ont pas survécu au voyage mais sont restés dans les wagons jusqu’à l’arrivée en Pologne.

[10] Aucune information supplémentaire concernant leur déportation n’a pu être recueillie et l’objectif initial d’aller directement consulter, par le biais d’une amie, les archives les concernant à Auschwitz, n’a pas pu être réalisé.

Contributeur(s)

Biographie rédigée en avril 2025 par Johann, Malo, Yannis, Antoine et Titouan avec la contribution d’Ambre-Ayan, Rayan, Dany, Coline et Anna, élèves de Terminale au Lycée Jacques Cartier de Saint-Malo (35), avec l’aide de leur professeur d’Histoire-Géographie Monsieur Stéphane AUTRET.

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