Ida FRIEDMANN

1927-2015 | Naissance: | Arrestation: | Résidence:

Ida FRIEDMANN (1927-2015)

Parcours de vie d’une rescapée de la Shoah, déportée du Convoi 77

Ida Friedmann, photo d’identité, 1950
Source : Archives de la Division des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC) à Caen

Introduction

Ida Friedmann, aussi appelée Irène, est l’une des très nombreuses victimes de la Shoah, persécutées pour le seul fait d’être nées juives. Irène devient orpheline de mère à l’âge de 3 ans, avant d’être placée à l’orphelinat par son père. Ce dernier, résistant juif communiste, est livré par Vichy aux Allemands puis fusillé alors qu’elle n’a que 14 ans. À 16 ans, Ida Friedman est déportée avec 1305 autres personnes par le Convoi 77, parties de la gare de Bobigny le 31 juillet 1944. Malgré ce début de vie difficile et hors norme, elle a cependant la chance immense de pouvoir sortir vivante des camps, sachant que sur les 76 000 déportés juifs de France entre 1942 et 1944, moins de 4000 en sont revenus. Ainsi, Ida a la possibilité et la grande force mentale de se relever de cette épreuve, et en fait son combat en intégrant par exemple L’Association nationale des familles de fusillés et massacrés de la résistance française et de leurs amis pour rendre hommage et sauvegarder la mémoire de son père.

Travailler sur la vie d’Ida, c’est donc approcher la Shoah au travers du spectre d’un individu pour mieux en saisir les spécificités. C’est aussi mieux comprendre le convoi 77 et ses particularités. En effet, alors que les opérations Overlord et Bagration mettent à mal les troupes de l’Axe et que la tentative d’assassinat d’Hitler sème la confusion dans toute l’organisation nazie, Alois Brunner, commandant du camp de Drancy, organise des rafles dans tout le département de la Seine en urgence afin de compléter un dernier convoi en partance vers Auschwitz : celui du 31 juillet 1944, que l’on désignera ensuite comme le convoi 77. Sa caractéristique principale, témoignant des circonstances dans lesquelles il est organisé, est le nombre particulièrement élevé d’enfants, souvent orphelins, et de femmes. En effet, il est issu en grande partie de rafles ayant pour cible l’UGIF, l’Union générale des Israélites de France, dont les responsables sont arrêtés en 1944, et d’autres foyers d’enfants en région parisienne.

Mais Ida Friedmann incarne également de manière plus générale la Seconde Guerre mondiale, qui ne peut être étudiée sans évoquer la Shoah. Cette guerre, à la fois guerre d’anéantissement et guerre totale, fait 45 millions de victimes civiles dont 6 millions de Juifs, soit 75% des Juifs d’Europe.

Nous allons ainsi présenter le résultat de nos recherches. Nous avons étudié son enfance et ses liens familiaux, qui ont été des facteurs déterminants sur le reste de sa vie, son arrestation et sa déportation, qui ont marqué un tournant dans son existence, mais également les répercussions qu’elles ont eu à long terme lors de son rapatriement et de sa vie de retour en France, et comment elle s’est reconstruite à postériori.

L’enfance et la jeunesse d’Ida Friedmann

Ida Irène Friedmann voit le jour le 9 décembre 1927 à Paris, dans une famille juive dont elle est le huitième enfant, d’origine polonaise par son père et ottomane par sa mère. Elle a également un demi-frère et une demi-sœur, issus du deuxième mariage de son père. Elle est la fille de Bernard Friedmann, né à Varsovie le 31 décembre 1886, et de Sabina Segal, née en novembre 1889 à Constantinople. Bernard Friedmann, juif ashkénaze, quitte l’Empire russe et émigre vers la France pour fuir les persécutions antisémites et dans l’espérance d’une vie meilleure. Il est naturalisé français le 13 décembre 1927. Quant à Sabina Segal, sa famille est juive sépharade. Elle émigre vers la France depuis l’Empire ottoman. Les raisons de son départ restent incertaines, mais pourraient être liées à des difficultés économiques et à la recherche d’une vie meilleure. Bernard Friedmann et Sabina Segal se marient le 4 juin 1925 à la mairie du IVe arrondissement de Paris.

Durant la Première Guerre mondiale, en raison de leur statut d’étrangers originaires de pays ennemis ou neutres, la famille est regroupée dans un camp pour « Turcs » à Pontmain, en Mayenne. Désigné par les autorités françaises comme un « camp de concentration », il n’a toutefois rien à voir avec les camps de concentration de la dictature nazie. Il s’agit malgré tout d’un camp d’internement visant à contrôler les ressortissants des pays, avec lesquels la France est en guerre, présents dans le pays à partir d’août 1914. Cela explique que Louise, Edouard et Isabelle, les enfants du couple du couple Friedmann nés respectivement en 1915, 1917 et 1919, aient vus le jour à Mayenne, dans le département du même nom.

Bernard Friedmann (sans doute dans les années 1930)
Source : Le Maitron, dictionnaire biographique, les fusillés (1940-1944)

Nous savons que la famille vit depuis le 1er juin 1928 dans un habitat à bon marché (HBM) au 2, rue Camille Flammarion, dans le 18e arrondissement de Paris. Pour faire vivre sa famille, Bernard Friedmann exerce le métier de « casquettier » ou de « bichonneur en chapeaux ». Cette activité est très précaire et Bernard Friedmann traverse souvent des périodes plus ou moins longues de chômage, notamment durant les années trente. En lien avec son métier d’ouvrier, le père d’Ida Friedmann est, dès les années 1920, très engagé syndicalement à la Confédération générale du travail unitaire (CGTU) et politiquement au parti communiste français (PCF). Il est un militant actif du mouvement ouvrier.

Sabina, décède en 1931, alors qu’Ida n’a que trois ans et demi. Après le décès de son épouse, Bernard Friedmann contracte, le 8 avril 1933, un nouveau mariage avec Blonia Gerszonowicz, dont il a eu une fille, Lucienne, née en octobre 1932. Le couple a ensuite un fils, Jacques, qui voit le jour le 13 janvier 1934.

Après la mort de sa mère, Ida est placée, avec son frère Maurice, né en 1926, à l’orphelinat Rothschild, au 15 de la rue Lamblardie dans le 12e arrondissement de Paris. Un registre de l’orphelinat présentant les effectifs au 1er janvier 1943 nous apprend qu’Ida Friedmann est entrée dans l’institution de la rue Lamblardie le 27 janvier 1932. On peut imaginer que son père, du fait du contexte économique difficile et de ses activités militantes, ne pouvait assumer la charge de l’éducation de ses enfants. L’orphelinat accueille des enfants juifs orphelins ou séparés de leur famille. Ida et son frère Maurice, séparés dans l’orphelinat, arrivent toutefois à se voir en cachette.

Ida Friedmann dans la tourmente de la guerre et de l’Occupation

Lorsque la guerre est déclarée en septembre 1939, Ida est donc pensionnaire de l’Orphelinat Rothschild.

Avec l’occupation allemande, à partir de juin 1940, le père d’Ida poursuit son activité militante au PCF, interdit après le Pacte germano-soviétique d’août 1939. A partir du 22 juin 1941, et la rupture du pacte entre Hitler et Staline par l’entrée des troupes allemandes sur le territoire sous contrôle russe, les communistes entrent pleinement dans la résistance et lancent la lutte armée contre l’occupant. Bernard Friedmann est de ce combat dans la résistance. Le 8 août 1941, il est arrêté alors qu’il distribue des tracts. Condamné à dix ans de travaux forcés par le tribunal de la Section Spéciale de la Seine, il est, dans un premier temps, incarcéré à la prison de la Santé à Paris, puis transféré à la maison centrale de Caen. Le 15 décembre 1941, il est livré aux Allemands et fusillé dans le cadre de la politique des otages menée par l’occupant en représailles des actions armées menées par la résistance.

Comment Ida et Maurice ont-ils appris la mort tragique de leur père ? Emmanuelle Friedmann, une nièce d’Ida avec qui nous avons pu entrer en contact, nous a indiqué que Maurice aurait appris la terrible nouvelle le premier et l’aurait, dans un premier temps, cachée à sa sœur pour tenter de la protéger. Il l’en informe à la fin de l’année 1942.

A la mort de Bernard Friedmann, les enfants du premier mariage sont soit indépendants, soit à l’orphelinat comme Ida. Seuls les deux enfants issus du remariage, et Jean le plus jeune frère d’Ida né en 1929, vivent encore avec Blonia, leur mère. Charles Friedmann, l’aîné des enfants de la famille, né en 1911, meurt sur le front lors de l’offensive allemande en juin 1940. Louise est déportée à Auschwitz- Birkenau par le convoi n° 70 du 27 mars 1944. Elle a la chance d’en revenir en 1945. Édouard, né en 1917, est déporté par le convoi n° 47 du 11 février 1943 et est sans doute assassiné à son arrivée à Auschwitz-Birkenau. D’autres enfants de la famille, comme Jacques et Lucienne, survivent, cachés dans des familles françaises, parfois protestantes, de nombreux pasteurs ayant joué un rôle déterminant dans la protection des Juifs.

Le 1er janvier 1943, Ida Friedmann arrive à l’internat pour jeunes filles situé au 9 rue Vauquelin, dans le 5e arrondissement de Paris. Cet internat est géré par l’UGIF (Union Générale des Israélites de France), un organisme créé le 29 novembre 1941 par le régime de Vichy, dans le contexte de la politique antisémite qu’il mène depuis le mois d’octobre 1940. Officiellement, l’UGIF est chargée de porter assistance aux Juifs de France. Mais, c’est aussi une organisation qui, de fait, rend plus facile le recensement, la surveillance et le contrôle de la population juive par les autorités allemandes et le régime de Vichy. Elle est sous le contrôle du Commissariat général aux questions juives et tous les Juifs sont censés y adhérer.

Le 9 rue Vauquelin aujourd’hui
Photographie : DR

Nous disposons de quelques renseignements sur le séjour d’Ida à Vauquelin grâce à trois rapports faits par des médecins, chefs de service de l’internat, respectivement en février 1943, en mars 1943 et en juillet 1944. Ces documents tendent à nous laisser penser que le séjour d’Ida ne fut pas facile. Au début, elle y vit avec sa meilleure amie (dont le nom et le prénom ne sont pas mentionnés), mais cette dernière finit par quitter les lieux. Le rapport du 22 février 1943 recommande ainsi qu’Ida soit examinée par le psychiatre de l’internat, le docteur Eugène Minkowski. Il signale qu’Ida « est très en retard tant du point de vue physique qu’au point de vue mental » et ajoute « elle est généralement assez gentille, mais sujette depuis que sa meilleure amie a quitté l’internat, à des crises de rire convulsif, assez brèves d’ailleurs mais qui [risquent] de devenir sérieuses si on n’y porte pas remède au plus tôt ». Le deuxième rapport à notre disposition, daté du 16 mars 1943 est rédigé par Fernand Musnik, chef de service de l’internat, et par ailleurs dirigeant clandestin des Éclaireurs Israélites de France (EIF) dans la résistance. Il y écrit : « une de mes pensionnaires, la jeune FRIEDMANN Irène, de qui je vous avais déjà signalé l’état nerveux anormal, après des crises de rire convulsifs, a refusé d’aller se coucher et comme je voulais la faire entrer dans la chambre, elle s’est jetée sur moi, cherchant à griffer et à mordre et poussant des hurlements à ameuter le quartier. Il a fallu la maintenir et lui jeter de l’eau à la tête pour la calmer. Elle nous a de plus copieusement injurié ».

On peut s’interroger sur ce qui nous est dit d’Ida dans ces deux rapports. Ida avait- elle appris que son frère aîné, Edouard, avait été déporté le 11 février 1943 vers une destination qui restait inconnue à l’époque ? Cette nouvelle, s’ajoutant à celle de la mort brutale de son père en plus du contexte général de guerre et d’antisémitisme avec la crainte des arrestations et des rafles, avait de quoi l’inquiéter et la bouleverser. Tout être humain l’aurait été à moins… Le séjour d’Ida Friedmann à Vauquelin s’est poursuivi avec sans doute la peur de l’arrestation jusqu’au 22 juillet 1944. Un rapport mensuel pour la période du 15 juin au 15 juillet 1944 fait par Madame Mortier, la directrice de l’orphelinat, recommande qu’Ida soit transférée dans les orphelinats de l’UGIF de La Varenne ou de Louveciennes, précisant qu’un « séjour à la campagne lui serait favorable ». Est-ce le signe de carences alimentaires liées aux difficultés de ravitaillement dans le Paris occupé ? Yvette Lévy, autre déportée du Convoi 77 qui a séjourné à Vauquelin à cette époque précise dans un témoignage : « la peur d’être arrêtés ne nous quittait pas ». Et elle ajoute : « lorsque nous avons appris le débarquement le 6 juin [1944], on s’est dit que ce serait bientôt la fin de notre calvaire, le commencement d’une vie. On y a vraiment cru. Au foyer nous avons dansé dans la cour ». Ainsi, l’espérance de la libération était là, pour Ida comme pour ses camarades.

L’arrestation et la déportation

 

Plaque mémorielle rappelant la rafle du 21-22 juillet 1944 sur le bâtiment du 9 rue Vauquelin.
Photographie : DR

Dans la nuit du 21 au 22 juillet 1944, Ida est arrêtée rue Vauquelin pour être déportée par le convoi 77. Le témoignage d’Yvette Lévy, également arrêtée rue Vauquelin et déportée par le convoi 77, est assez précis sur le déroulement de la rafle et le séjour à Drancy avant la déportation. La rafle a été menée par le chef du camp de Drancy, Aloïs Brunner, à cinq heures du matin dans la nuit du 21 au 22 juillet 1944. Les 33 jeunes filles de l’internat et le personnel de l’orphelinat sont transférés à Drancy dans un camion bâché sans avoir eu le temps de s’habiller. Yvette Lévy précise : « Nous avons chanté pendant tout le trajet pour nous donner du courage. L’entrée dans le camp de Drancy s’est faite aussi en chanson ; nous avons réveillé tout le monde ».

D’après sa fiche conservée dans le fichier de Drancy, Ida porte le matricule 24 485. Une lettre « B » au crayon rouge indique qu’elle est « déportable immédiatement » par le prochain convoi. D’après ce document, elle résidait dans la chambrée 4 de l’escalier 6 du camp. Le cahier de mutation du camp de Drancy nous informe qu’Ida Friedmann était dans la chambrée 1 de l’escalier 7 (elle a très bien pu changer de chambrée). Yvette Lévy (qui, d’après le même document, était dans la même chambrée) précise : « Pendant trois jours nous sommes restées en chemises de nuit; c’est la directrice du foyer, Mme Mortier qui est retournée chercher nos affaires. A défaut de valises et de sacs à dos, elle a fait des baluchons avec des draps ».

Fiche Drancy de Ida Friedmann
Source : Archives Nationales de Pierrefitte F9 5743 262025 L

Ida Friedmann reste dix jours à Drancy, dans la chaleur de l’été, dormant dans des châlits couverts de paillasses pleines de punaises, sans accès à l’eau ni à des toilettes. Yvette Lévy ajoute : « c’était l’enfer. Aloïs Brunner interdisait aux enfants de descendre dans la cour pour courir un peu et se délasser. Il ne voulait pas les voir rire, il ne voulait pas les voir pleurer non plus. Les enfants ont été malades à cause de la bouffe. Nous avons aidé les monitrices à s’occuper des plus petits et pour tuer le temps on les a fait chanter ».

Le 28 juillet, le camp bruisse de rumeurs indiquant qu’un départ est imminent pour l’Allemagne. Ida en a certainement eu vent de ces rumeurs. On l’imagine, comme les autres détenus de Drancy « déportables », inquiète, s’interrogeant sur la destination (les rumeurs de Drancy évoquaient un lieu nommé Pitchipoï, qui était traduit par les détenus du camp comme un équivalent de Pétaouchnok ou de Triffouillis les Oies).

Deux jours avant le départ ceux dont le nom sont sur les listes sont déplacés dans un escalier et des chambrées dédiées à cet effet. Les familles et les couples sont réunis. En revanche, il n’est plus possible d’avoir des contacts avec le reste des internés dans le camp.

Le 31 juillet 1944, c’est le départ. Aloïs Brunner a réussi à rassembler suffisamment de wagons en gare de Bobigny. Des autobus y acheminent les déportés depuis le camp de Drancy. Ida fait partie des 324 enfants qui composent le convoi aux côtés des 986 hommes et femmes adultes entassés à une soixantaine par wagon. Les conditions du voyage sont éprouvantes. Là encore, le témoignage d’Yvette Lévy est précieux : « Impossible d’être toutes assises : une moitié l’était et l’autre était assise sur les genoux des copines. On a alterné toutes les 10 minutes et ainsi de suite. Dans chaque wagon il y avait un seau d’eau pour boire et un autre seau pour les besoins naturels. Pour tout ravitaillement pour les enfants, on disposait de beaucoup de boîtes de lait Nestlé sucré mais il n’y avait pas d’eau pour faire les biberons. Il faisait une chaleur terrible, les gamins crevaient de soif et nous aussi. Au fur et à mesure du voyage, le tonneau s’est rempli de nos excréments. Avec les coups de frein du train, il a fini par déborder. A partir de ce moment-là, nous ne pouvions plus rester assises, c’était mouillé partout et quelle odeur ! A la frontière, à Novéant (près de Metz), le chauffeur et le mécanicien sont descendus du train. Le commandement du train a été alors pris par les Allemands et on a roulé nuit et jour sans s’arrêter ».

L’itinéraire du convoi 77 (31 juillet au 3 août 1944)
Source : site web du Convoi 77, https://convoi77.org

Le convoi 77 arrive à Auschwitz-Birkenau le 3 août 1944 dans la nuit. La sélection a lieu immédiatement à la descente du train. 836 personnes, dont tous les vieillards et les enfants, sont dirigées vers les chambres à gaz. Ida Friedmann est sélectionnée pour entrer dans le camp comme 182 autres femmes et 291 hommes. Elle subit toutes les humiliantes procédures d’entrée dans le camp et doit également apprendre rapidement ce qui est arrivé à la majorité des personnes qui étaient avec elle dans le convoi.

Elle passe trois mois dans le camp avant d’être envoyée le 27 octobre 1944 avec d’autres jeunes filles arrivées par le Convoi 77 à Kratzau, un camp de travail forcé installé dans une fabrique de textiles abandonnée localisé au Nord-Est de Prague dans le protectorat de Bohême-Moravie, en Tchéquie actuelle. Ce camp regroupe des déportées juives ainsi que des prisonniers de guerre polonais, dans des baraquements séparés. Yvette Lévy a également séjourné à Kratzau à partir du 27 octobre 1944. Anna Sussmann et Lilli Ségal, deux déportées du Convoi 77, ont réussi à s’en évader fin novembre 1944 et atteindre la Suisse. En janvier 1945, elles ont réussi à transmettre un témoignage sur les conditions de vie dans ce camp.

En arrivant à Kratzau, les femmes sont entassées dans des dortoirs, sans aucune intimité. Les Françaises et les Hongroises, juives, sont au premier étage du bâtiment. Elles ne quittent ces dortoirs qu’en groupe au moment des repas, des douches ou du travail à l’usine. Le travail consiste à fabriquer et teindre des vêtements en utilisant des produits toxiques tels que le plomb qui peut avoir de graves conséquences sur le système respiratoire. Un couvre-feu est instauré à 21h00 sauf pour les travailleuses de nuit dont les conditions sont encore plus terribles. Celles-ci disposent de moins de nourriture, alors même que les portions sont déjà peu consistantes pour les travailleuses de journée. Les repas sont maigres ; le déjeuner est composé d’une tasse de soupe ou d’un bouillon chaud le tout accompagné d’un morceau de pain. Le soir, elles reçoivent des pommes de terre, des betteraves et occasionnellement de la viande et des oignons. Les quantités de nourriture ne sont pas suffisantes pour toutes les travailleuses. Le manque de nourriture accompagné du manque d’hygiène entraîne une importante mortalité due aux maladies infectieuses transmises par les poux (typhus, dysenterie, gale…). De plus, des détenues meurent de froid et de fatigue à force de travailler à l’usine qu’il faut rejoindre par une marche de près d’une heure avant 6h00 du matin, le retour se faisant par le même moyen à 19h00 au camp après douze heures de travail. Et cela, six jours sur sept, quel que soit le temps. Les détenues ne reçoivent aucun médicament et ne peuvent pas être soignées lorsqu’elles sont malades. Les conditions d’hygiène sont déplorables : pas de savon ni de lessive, aucun vêtement de rechange, seulement une tunique légère par détenue, ce qui les expose au froid et à la saleté en permanence. Accéder à de l’eau est une épreuve. Voici un extrait de leur témoignage : « les deux seuls robinets existant dans le bâtiment où nous dormions, étaient réservés au personnel du camp et on nous interdisait formellement de nous servir de cette eau ». Au quotidien, les détenues sont humiliées moralement et physiquement par les surveillantes du camp qui sont remplacées si elles viennent à montrer trop de sympathie envers les prisonnières. Les prisonniers polonais et russes enfermés séparément des juives, sont un peu mieux logés, nourris et traités que celles-ci. Le témoignage d’Yvette Levy ne diffère pas de celui de Anna Sussmann et Lilli Ségal. Elle ajoute cependant que certains prisonniers enfermés au camp de Kratzau pouvaient occasionnellement les aider. Ainsi, Yvette Lévy reçoit l’aide d’un Tchèque qui lui dépose une tranche de pain qu’elle partage en guise de repas avec cinq autres détenues. Il n’y a pas de raisons qu’Ida Friedmann ne soit pas passée par les mêmes épreuves. Elle est restée plus de neuf mois à Kratzau avant d’être libérée le 9 mai 1945 par les soldats de l’Armée Rouge. Elle est rapatriée en France par le centre de Longuyon le 20 mai 1945 avant d’être soignée à l’hôpital Cochin. Seuls 157 femmes et 93 hommes sont rescapés du Convoi 77. Ida a la chance d’être parmi eux.

Fiche médicale d’Ida Friedmann à son retour de Kratzau (mai 1945)
Source : SHD Caen 21 P 609 389

 

Le retour à la vie après la déportation

Les informations sur la vie d’Ida Friedmann après son retour des camps restent très parcellaires, même pour les membres de sa famille ayant survécu à la Shoah et leurs descendants. En effet, Ida n’a pas partagé son expérience avec sa famille. Il semble qu’elle se soit éloignée d’une partie de celle-ci après la guerre et qu’elle ne souhaitait pas parler de la période de sa déportation. Revenir sur son expérience traumatique en la racontant ne devait pas être facile.

Son frère Maurice la retrouve en France après son rapatriement depuis Kratzau. Son témoignage nous a été fourni par Emmanuelle Friedmann, la fille de Jacques Friedmann (et par conséquent la nièce d’Ida et Maurice) que nous avons eu la chance de rencontrer au cours de cette enquête. Voici ce qu’il dit : « Elle était là, enfin ! Je la reconnaissais à peine dans ce squelette, emportée dans un brancard par des infirmiers qui montaient les escaliers. Oui, c’était bien ma sœur Ida, crâne rasé et si maigre, ma petite sœur tant attendue ! C’était à l’hôpital Cochin à Paris ; j’avais été prévenu de son arrivée de déportation à l’hôpital du Val de Grâce (tout proche) où j’étais soigné depuis plusieurs mois… prévenu donc par le fils de ma marraine de guerre (Madame Cordonier) qui avait fait de multiples recherches. Dieu sait qu’il n’était pas le seul car tant de familles espéraient l’arrivée de l’un des leurs des camps ».

D’après les sources de l’Office national des Combattants et Victimes de guerre, Ida est inscrite dans un registre des Pupilles de la nation dans le Tarn-et-Garonne. Elle apparaît également dans le registre de la maison pour orphelins de Moissac (Tarn-et-Garonne) où elle arrive le 6 juillet 1945. Pendant la guerre, cette maison est fondée par Edouard (Bouli) Simon et son épouse Shatta (Charlotte Hirsch) sur une initiative du dirigeant des Éclaireurs Israélites de France (EIF), Robert Gamzon. Elle accueille dans la clandestinité de nombreux enfants juifs, orphelins de toutes nationalités et origines. Lors des rafles, les jeunes ont été cachés dans des familles des villages alentours et certains sont même passés dans d’autres pays via l’Espagne ou ont rejoint la résistance. En 1945, la maison de Moissac poursuit son activité pour accueillir des jeunes rescapés des camps. L’activité de ce centre d’accueil s’est prolongée jusqu’en 1953.

A son retour de Moissac, divers documents, issus notamment de son dossier d’attribution du statut de « déporté politique » attribué par le Ministère des anciens combattants et victimes de guerre et conservé au Mémorial de Caen, permettent de suivre Ida Friedmann de façon parcellaire. Des précisions nous ont aussi été apportées par Emmanuelle Friedmann, sa nièce, dans une émouvante rencontre au lycée le 15 janvier 2024. Ida exerce le métier de dactylo et est célibataire, résidant au 64, rue de Montreuil à Versailles au moment de sa demande d’attribution d’un titre de déporté politique en novembre 1950. En août 1961, elle déclare la perte de sa carte de déportée politique et indique résider à Bondy au 48, avenue Henri Barbusse. Elle en obtient une nouvelle le 18 octobre 1961, ce qui lui permet de continuer à recevoir l’indemnité mensuelle de 12 000 francs réservée aux déportés et internés politiques (équivalent de 220€ aujourd’hui).

Ida Friedmann déménage ensuite au cours des années 1960 dans le sud de la France. Elle vit à La Seyne-sur-Mer, où elle épouse Maurice Émile Lamant le 11 juillet 1970. Ils divorcent le 25 février 1987.

A notre connaissance, Ida semble entretenir peu de liens avec sa famille. Comment l’expliquer ? Les réunions familiales semblent rares. Des nombreux frères et sœurs d’Ida, deux sont décédés pendant la guerre, une sœur est également revenue de déportation. Jacques et Lucienne, le frère et la sœur cadette d’Ida, nés du second mariage de Bernard Friedmann avec Blonia Gerszonowicz, vivent en 1945 avec leur mère rue Camille Flammarion à Paris. Emmanuelle Friedmann, la fille de Jacques, sait que Ida voyait toujours son frère Maurice (décédé en 2008) dont elle était particulièrement proche.

Ida semble avoir aussi vécu dans le souvenir de son père. Elle faisait partie de l’Association Nationale des Familles de Fusillés et Massacrés de la Résistance Française et de leurs Amis. Créée dès la Libération, cette association se fixe initialement pour but d’aider les familles qui ont perdu l’un des leurs fusillé comme otage ou comme résistant durant l’Occupation, y compris par des actions auprès des pouvoirs publics.

Avec le temps, la solidarité matérielle devient un peu moins nécessaire. L’association a aujourd’hui une fonction beaucoup plus mémorielle : elle perpétue la mémoire des combattants de la Résistance et des otages victimes de la répression menée par les Allemands durant l’Occupation. Elle lutte également contre les idéologies d’inspiration fasciste, le négationnisme, la xénophobie et tous les racismes. En 2007, la famille Friedmann s’est retrouvée à Paris pour célébrer le souvenir de Bernard Friedmann. Emmanuelle Friedmann a participé à cette cérémonie du souvenir. Elle a pu nous fournir un extrait du poignant discours fait par Ida ce jour-là : « Pour en revenir à mon père, croyez tous et toutes que je n’ai jamais oublié mon père car il faut vous dire que régulièrement […], il venait me rendre visite à l’orphelinat, même en temps de guerre. J’ignorais tout de ses activités politiques et de son action dans la résistance. Cela va de soi. Mais, je n’oublierai jamais qu’au cours de l’année 1941, lors de ses visites, il me serrait très fort, assise sur ses genoux. Sans doute avait-il la prémonition de sa fin tragique ! ».

Ida est décédée le 8 octobre 2015, âgée de 87 ans, à la Valette-sur-Var.

Conclusion

Étudier la vie d’Ida Friedman au travers de sources éparses et de documents fragmentaires nous a permis de nous plonger au cœur de la Shoah et de ses conséquences, d’aller au-delà des chiffres pour saisir l’impact du plus grand génocide du XXe siècle sur un individu, son entourage. C’est notre devoir en tant que prochaine génération de nous souvenir et de rendre hommage à ces personnes extraordinaires qui ont traversé un épisode atroce de l’Histoire de l’Humanité au XXe siècle, qui en ont été victimes, et qui, le plus souvent, n’en sont pas revenues. Chaque victime de la Shoah a une histoire qui lui est propre, et pourtant beaucoup d’entre elles ne parviendront jamais jusqu’à nous, effacées par le temps.

Ainsi de nombreux descendants de ces victimes ne connaissent pas l’origine de leur famille, ne savent pas d’où ils viennent. Comment construire son futur sans connaître son passé ?

Emmanuelle Friedmann, nièce d’Ida Friedmann que nous avons eu la chance de rencontrer, et qui nous a transmis des documents personnels sur sa famille, nous a ainsi raconté regretter de savoir si peu de choses sur ses racines ; de ne pas s’être plus intéressée au passé de sa tante lorsqu’elle était encore vivante ; de ne pas lui avoir posé plus de questions…

Ainsi de nombreux descendants de ces victimes ne connaissent pas l’origine de leur famille, ne savent pas d’où ils viennent, et comment construire son futur sans connaître son passé ?

Sources et bibliographie :

Témoignages :

Emmanuelle Friedmann, nièce d’Ida Friedmann, 15 janvier 2025 à Gif sur Yvette. Yvette Lévy, interview téléphonique au mois de décembre 2024 et témoignage en ligne sur le site web du Convoi 77 [https://convoi77.org/].

Archives :

  • Archives de la Division des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC), à Caen. Dossier FRIEDMANN Ida Irène N° 21 P 609 389.
  • Fichier Drancy, fiches individuelles, cahier d’entrées et cahier de mutation. Documents conservés au Mémorial de la Shoah.
  • Archives YIVO, Institute for Jewish Research RG 210-46 : Archives de l’UGIF, centre Vauquelin.
  • CHÂTEAUBRIANT, Journal de l’Association Nationale des Familles de Fusillés et Massacrés de la Résistance Française et de leur Amis, N° 255, 4è trimestre, 31 décembre 2015.
  • Archives du Ministère des Armées à Vincennes. Dossier FRIEDMANN Bernard N° 16P 235476.

Sitographie et bibliographie :

Contributeurs :

Ce travail a été réalisé par Mattéa CROCHET, Lili-Louise DEHAN-DUTEMPS, Lila DOLISI, Raphaëlle DUCHAUSSOY, Ronan DUCHESNE, Clémence ESPEU-EY, Ariane FRENOUX-MUFTI, Ilian GALIANO, Léonie GHEERBRANT, Juliette GONSARD, Lisa GUENOT-PRIHNENKO, Valentine HAMELIN, Maya HANNOUN-DOAN, Manon LE BRAS, Adrien LEFEUVRE, Mathis LOUREIRO, Amélie MAYMARD, Adam OUCHIKH, Maxime PASQUET, Camille PERROCHON- COSKER, Soamihamina RAZAFIMAHEFA-RAMAROMISA, Hugo SIEBERATH, Sven SPRIET et Emma TORIEL, élèves du Lycée de la Vallée de Chevreuse à Gif sur Yvette, encadrés et conseillés par Fanny LEBLANC et Thierry LEVASSEUR, professeurs d’Histoire-Géographie.

Remerciements :

Nous remercions très chaleureusement Emmanuelle FRIEDMANN pour les informations qu’elle a bien voulu nous apporter sur sa famille. Faire de l’histoire c’est ouvrir la possibilité de belles rencontres…

Nous remercions également Corinne Rachel KALIFA, Secrétaire générale du Conseil National pour la Mémoire des Enfants Juifs Déportés, pour les informations transmises sur l’orphelinat Rothschild de la rue Lamblardie.

Enfin, nos remerciements vont également tout spécialement à l’association Convoi 77 pour les conseils et les documents qu’elle a bien voulu nous apporter tout au long de ce travail.

Une après-midi sur les traces d’Ida Friedmann dans le Paris de l’Occupation

« Guide de voyage » destiné aux participants de la sortie à Paris organisée dans le cadre du projet « Convoi 77 », le mercredi 30 avril 2025.

Objectifs de la sortie :

Le but de la sortie est de faire une « promenade du souvenir » à Paris avec pour but de voir quelques lieux qu’Ida Friedmann a vécu sous l’Occupation allemande de juin 1940 à sa déportation par le Convoi 77 du 31 juillet 1944. Par la même occasion, notre « déambulation mémorielle » nous emmènera sur des lieux emblématiques du Paris « à l’heure allemande ». Enfin, un des objectifs est aussi de passer un bon moment ensemble et de se souvenir que le passé laisse des traces dans le présent, que le passé aide parfois à comprendre le présent.

Ce livret a pour objectif de vous préparer à cette sortie. Vous y trouverez nos principales étapes, quelques éléments d’histoire et des informations pratiques.

Informations pratiques :

Nous nous donnerons rendez-vous devant le bâtiment Gif du Lycée (côté Gare de Courcelles) le plus rapidement possible après la fin du cours de midi. Départ en RER vers Paris. La « déambulation mémorielle » durera environ 3h00 en tout . Elle se fera majoritairement à pied (environ 7 à 8 km de marche) et en partie en métro. Nous devrions être de retour vers 18h00 à Courcelles. Prévoyez des bonnes chaussures pour marcher et aussi de l’eau. Un appareil photo (si votre smartphone n’en fait pas de bonnes) peut être une bonne idée pour « documenter » la sortie.

Le trajet prévu :

Nous descendrons à la station du RER Luxembourg et nous rendrons d’abord à l’ancien foyer de jeunes filles de la rue Vauquelin. De là, nous entamerons une longue marche qui nous emmènera jusqu’à la station de métro Strasbourg-Saint Denis. Les principaux points d’intérêt de notre déambulation seront les suivants :

  • Le foyer de l’UGIF (Union Générale des Israélites de France), 9 rue C’est ici qu’Ida Friedmann a été arrêtée par les Allemands dans la nuit du 21 au 22 juillet 1944 avant d’être transférée à Drancy et déportée à Auschwitz-Birkenau depuis la gare de Bobigny par le Convoi 77, le 31 juillet 1944.

Affiche éditée en vue du recrutement de policiers (1942)

  • La Préfecture de Police sur l’île de la Cité est l’élément central du maintien de l’ordre dans le département de la Seine sous l’Occupation pour les Allemands comme pour le Gouvernement de Vichy. La police parienne collabore activement avec l’occupant dans deux domaines. D’une part, la traque des Juifs du département de la Seine : la police s’illustre notamment particulièrement lors de la rafle du Vel d’Hiv’ des 16 et 17 juillet 1942 (mais pas seulement, les rafles et arrestations sont constantes et nombreuses durant toute l’occupation, parfois opérées sur dénonciation par lettre anonyme). D’autre part, la traque des résistants, particulièrement la résistance communiste qui pratique la lutte armée à partir de l’été 1941. Ainsi, les Brigades Spéciales (BS) de la Préfecture de Police sont spécialisées dans les filatures, les arrestations, les interrogatoires « musclés » (et la torture) des réseaux de résistance de la région parisienne. Ce sont les BS qui démantèle le « groupe Manouchian » en octobre-novembre 1943, les livrant ensuite aux Allemands qui les fusillent en février 1944 au Mont Valérien. Cette collaboration est active entre octobre 1940 et la Libération de Paris (18 au 25 août 1944) même si, avec le temps, des policiers rejoignent la résistance ou sont de moins en moins enclins à obéri aux ordres.

Un « Certificat de non-appartenance à la race juive » délivré par le CGQJ, avril 1944

  • Le siège du CGQJ (Commissariat Général aux Questions Juives), 1 place des Petits Pères. Le CGQJ est créé en mars 1941 pour veiller à l’application du Statut des Juifs d’octobre 1940 et organiser « l’aryanisation » des biens juifs ainsi que la diffusion dans toute la France occupée de la propagande antisémite. C’est le CGQJ qui dirige les actions de la PQJ (Police aux Questions Juives) créée en octobre 1941 qui joue un rôle actif aux côtés des policiers de la Préfecture de Police dans les diverses rafles organisées dans le département de la Seine sous l’Occupation. La PQJ est constituée de collaborateurs zélés des occupants, tous bien évidemment antisémites et n’hésitant pas au moment des rafles à voler les victimes juives ou à piller les appartements des personnes arrêtées et envoyées à Drancy. Le CGQJ est également l’organisme chargé d’établir les « certificats de non appartenance à la race juive » qui pouvaient être obtenus après une visite auprès d’un médecin assermenté auprès du CGQJ. Ce document pouvaient être demandé en cas de doute d’un employeur sur un salarié à embaucher par exemple

L’hôtel Meurice en 1942. Photo : DR

  • L’Hôtel Meurice, 228 rue de Rivoli. C’est sous l’Occupation, le quartier général du commandement militaire allemand de la garnison de Paris et le logement de fonction des gouverneurs militaires qui se sont succédés durant l’occupation.

La Kommandantur de Paris sous l’Occupation, sd. Photo DR

  • Bâtiment de la Banque Nationale de Paris, à l’angle de l’avenue de l’Opéra et de la rue du 4 Septembre. Sous l’Occupation, cet immeuble est le siège de la Kommandantur de Paris. C’est ici que sont les bureaux du commandement militaire allemand de Paris et du département de la Seine.

Exposition Le Juif et la France, Paris, septembre 1941. Photo : DR

  • Palais Berlitz (Palais du Hanovre), rue du 4 Septembre-boulevard des Italiens. C’est dans ce bâtiment Art-Déco construit en 1932 qu’eut lieu, entre le 5 septembre 1941 et le 15 janvier 1942, l’exposition « Le Juif et la France » organisée sous le patronage de l’IEQJ (Institut d’Étude des Questions Juive), une association créée en mai 1941 et financée par l’Occupant regroupant des antisémites français. L’exposition fut visité par le « gratin » de la collaboration à l’époque et aussi des Français (on compte 155 000 visiteurs sur toute la durée de l’exposition). L’objectif des Allemands et de leurs collaborateurs en organisant cette exposition est de préparer l’opinion en France à la « Solution Finale » qui a commencé durant l’été 1941 sur le Front de l’Est. Il est aussi de répandre en France la propagande nazie contre le « judeo-bolchévisme » au moment où l’Allemagne est entrée en guerre contre l’Union Soviétique depuis le 22 juin 1941.

Le Rex en 1942. Photo : DR
Soldats allemands devant le Rex, sd. Photo : DR

  • Le Grand Rex, boulevard Poissonnière. Ce cinéma construit en 1932 était, avec le cinéma Gaumont Palace de la Place de Clichy, le plus grand cinéma de Paris (il pouvait accueillir plus de 3000 spectateurs). Pendant l’Occupation, le cinéma est réquisitionné par les autorités allemandes pour devenir un « Soldatenkino », un cinéma réservé aux soldats allemands en permission afin de les distraire. Le 17 septembre 1942, un groupe de la résistance organise une action armée contre le cinéma qui fait trois morts et seize blesssés parmi les soldats allemands. En représailles, les Allemands fusillent 70 otages à Bordeaux et 46 au Mont Valérien (Suresmes, banlieue de Paris). Les listes d’otages étaient dressées par l’occupant parmi les détenus des prisons arrêtés pour « propagande communiste » et/ou parce que juifs. C’est ainsi que le père d’Ida, Bernard a perdu la vie en décembre 1941. La politique de répression menée par l’occupant, loin d’affaiblir la résistance armée, la renforce. Dès décembre 1941, l’opinion publique rejette massivement les représailles massives menées par l’occupant. En 1943, la « politique des otages » comme l’appelle les Allemands est suspendue et remplacée par la déportation vers les camps de concentration du Reich. Cela n’exclue pas que de nombreux résistants sont encore fusillés jusqu’à la Libération de l’été 1944.

Nous irons ensuite prendre le métro à la station Strasbourg-Saint Denis (5 minutes à pied) afin de prendre la ligne 4 jusqu’à Porte de Clignancourt. De là, nous nous rendrons au 18 rue Camille Flammarion, le domicile de la famille Friedmann à partir de 1931. Le bâtiment est typique de l’architecture des immeubles d’Habitations à Bon Marché (HBM) construits dans les années 1920 et 1930 sur l’emplacement des anciennes fortifications de Paris (aussi appelées « enceinte de Thiers ») démantelées au lendemain de la guerre de 1914-1918.

Et puis, ce sera sans doute le temps de penser à rentrer. Nous retournerons prendre le métro ligne 4 à Porte de Clignacourt, direction Bagneux-Lucie Aubrac [une grande résistante]. Nous changerons à Gare du Nord pour récupérer la ligne B du RER direction Saint Rémy lès Chevreuse.

Contributeur(s)

Ce travail a été réalisé par Mattéa CROCHET, Lili-Louise DEHAN-DUTEMPS, Lila DOLISI, Raphaëlle DUCHAUSSOY, Ronan DUCHESNE, Clémence ESPEU-EY, Ariane FRENOUX-MUFTI, Ilian GALIANO, Léonie GHEERBRANT, Juliette GONSARD, Lisa GUENOT-PRIHNENKO, Valentine HAMELIN, Maya HANNOUN-DOAN, Manon LE BRAS, Adrien LEFEUVRE, Mathis LOUREIRO, Amélie MAYMARD, Adam OUCHIKH, Maxime PASQUET, Camille PERROCHON- COSKER, Soamihamina RAZAFIMAHEFA-RAMAROMISA, Hugo SIEBERATH, Sven SPRIET et Emma TORIEL, élèves du Lycée de la Vallée de Chevreuse à Gif sur Yvette, encadrés et conseillés par Fanny LEBLANC et Thierry LEVASSEUR, professeurs d’Histoire-Géographie.

Reproduction du texte et des images

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