Charles MENACHE

1923-1945 | Naissance: | Arrestation: | Résidence:

Charles MENACHE

A la découverte du Convoi 77 et de deux déportés du XVe arrondissement

Depuis le mois de septembre, les élèves de 3e 3 travaillent sur deux déportés du Convoi 77, dernier grand convoi de déportation de Juifs parti du camp d’internement de Drancy le 31 juillet 1944. En effet, l’association convoi 77 nous a confié la rédaction de la biographie de Charles Ménaché et Zelda Menasce, qui vivaient dans le XVe arrondissement au moment de leur arrestation en juillet 1944. Transférés à Drancy, ils ont ensuite été déportés à Auschwitz-Birkenau au début du mois d’août. Si Zelda Menasce est revenue de déportation en juin 1945, son cousin Charles y est décédé au printemps 1945 après avoir été transféré plusieurs fois de camps.

C’est l’occasion pour les élèves d’accéder à des archives municipales (Paris, Bois-Colombes, Sedan ou Magné), départementales (Ardennes, Deux Sèvres, Hauts de Seine), nationales ou étrangères (notamment celles de Bad Arolsen qui conservent les archives des camps). C’est aussi à travers ces recherches, l’opportunité de consolider leurs connaissances sur la France pendant la Seconde Guerre mondiale et le système concentrationnaire nazi. Les élèves ont commencé à rédiger chacun la biographie de Zelda Menasce grâce à l’aide précieuse d’un membre de sa famille, Jean-Marc Alcalay. En avril, ils rédigeront celle de Charles Ménaché avec le soutien de son petit neveu, Frédéric Ménaché.

En mai, les élèves visiteront le mémorial de la Shoah et participeront à un atelier d’archives. Les biographies seront publiées sur le site internet convoi77.org au cours de l’été.

Mme Séné.

 

Charles, Victor MENACHE ou Ménaché 1923-1945

Charles, Victor MENACHE est né le 10 août 1923 à Sedan dans les Ardennes[1]. De confession juive, il est le fils de Léon Ménaché (ou Menasse), né au Caire, en 1888 (mort en Nouvelle-Calédonie en 1969) et de Fortunée Bélifante née en 1895 à Constantinople (morte à Sedan en 1963)[2]. Léon Menaché est le frère de Moïse, père de Zelda. Il est arrivé en France en 1920 après avoir vécu à Constantinople et Barcelone. Les parents se sont mariés à Paris en 1922 et habitent Sedan à partir de 1923. Tous deux sont dits représentants de commerce. Charles n’a pas grandi dans une famille nombreuse ayant seulement un petit frère prénommé Albert, né le 20 août 1924 (mort en 1990 en Nouvelle-Calédonie). La famille Ménaché habitait à Sedan. D’abord marchands forains et domiciliés 21 faubourg du Ménil, ils finissent par acheter en 1933 un commerce au 47 place de la Halle pour en faire un magasin de tissus. Ils en étaient locataires depuis 1925. Leur entreprise était bien connue et avait exposé son savoir-faire à la Foire de Charleville (article de l’Ardennais en 1930), mettant en valeur l’artisanat du tissu. Leur entreprise est connue depuis 1931 sous le nom de « Sedan-Coquet » : « grand choix de tissus haute nouveauté soieries – lainages fantaisies en tous genres ». Un commerce ambulant en tissus, rouennerie, lainage, bonneterie est exercé en parallèle jusqu’en 1937[3].

Les enfants, Charles et Albert, obtiennent la nationalité française par naturalisation en décembre 1926 ; les parents en font l’acquisition en avril 1933 comme le signale le Journal Officiel.

La Seconde Guerre mondiale, débutée en 1939, entraîne l’exode des populations du nord-est de la France, notamment à partir du 10 mai 1940, ce qui a conduit la famille Ménaché à fuir les zones occupées par les Allemands par crainte des représailles et par décision du gouvernement français. Ils se sont installés d’abord en Vendée, aux Sables d’Olonne puis dans les Deux-Sèvres à Magné (à partir du 1er Janvier 1941). Aux Sables d’Olonne, les parents exploitent un commerce à partir de novembre 1939, jusqu’en 1941 ou 1942[4]. Ne pouvant plus exercer sa profession à cause des lois antisémites, Léon Ménaché a fermé son magasin et emporté sa marchandise dans les Deux-Sèvres. Donc, la famille habite à Magné comme une autre famille venue de Sedan, les Hagouel[5]. En septembre 1941, la famille rend son poste de T.S.F. et le dépose à la mairie de Magné[6].

En juin 1942, la préfecture des Deux Sèvres signale que la famille devra apporter les cartes de textile pour obtenir un insigne spécial et obligatoire pour les juifs. D’après un rapport de la gendarmerie locale, Charles a quitté le domicile familial de Magné le 22 août 1942, son frère l’ayant quitté le 6 août. Il semble que les parents aient aussi quitté Magné, ayant été déchus de la nationalité française et étant recherchés par les Allemands qui pillent leur habitation en mars ou mai 1943. Ceci apparaît dans les archives quand Léon Ménaché à la Libération réclame des dommages et intérêts suite à cette spoliation. Nous ne savons pas où les parents se sont cachés entre 1943 et 1945, avant leur retour à Sedan.

En effet, en 1943, le Journal Officiel annonce le retrait de la nationalité française aux Ménaché. Leurs biens (appartement et magasin de la place de la Halle) sont effectivement mis sous administration provisoire, jusqu’à la Libération et confiés à un greffier, M Robert, car les Ménaché étaient juifs. Leur magasin de Sedan pendant la guerre est occupé par l’opticien, M Prilleux dont le local n’avait pas été détruit. Léon Ménaché, sa femme et son fils Albert exploitent leur commerce à Sedan jusqu’en 1964, quand il est vendu.

Contrairement au reste de sa famille, Charles Ménaché s’est installé dans le 15ème arrondissement de Paris, au 11 bis rue Valentin Hauy où il occupe une chambre en 1944. Cependant, nous ne savons pas où il se trouvait entre 1942 et 1944 alors que les archives indiquent que son frère s’est engagé dans les F.F.L. Son père a indiqué au moment de sa demande sur le sort de Charles après sa déportation, qu’il était étudiant , qu’il portait des traces de brûlure dans le dos et qu’il boitait légèrement. Son neveu, Frédéric Ménaché nous a écrit qu’il avait été atteint de la poliomyélite.

Le 12 juillet 1944, Charles a été arrêté par la police française, place de la Bourse à Paris, en compagnie de sa cousine, Zelda Menasce pour défaut du tampon « juif » sur sa carte d’identité ou du non port de l’étoile (les sources varient). Il a été envoyé le soir-même au camp d’internement de Drancy jusqu’au 31 juillet et a porté le matricule n°25 105. Il était logé à l’escalier 18. Par la suite, il a été transféré à Auschwitz entre le 31 juillet et le 5 août par le convoi n° 77 parmi 1309 hommes, femmes et enfants. Portant le matricule B-3867, il est sélectionné pour le travail à construire des routes. Au total, 291 hommes ont été sélectionnés avec les matricules B-3673 à B-3963. Les archives mentionnent son passage à l’hôpital pour prisonniers d’Auschwitz le 21 septembre 1944.

Charles a enduré plusieurs transferts entre les camps de concentration situés en Allemagne et en Pologne. Initialement déporté à Auschwitz, il a ensuite été transféré au camp de Stutthof du 26 octobre 1944 au 17 novembre 1944 où il porte le numéro 99809, avant d’être interné au camp de Natzweiler-Echterdingen (matricule 43217). Un déporté, Alexandre Mayer, écrit à Léon après son rapatriement que selon lui Charles a été évacué vers le 17 janvier 1945. Mais, son fils nous a appris que rien n’était indiqué dans les notes de son père. Par la suite, Charles a été transféré au camp d’Ohrdruf (appelé aussi S III) à 70 km de Weimar, dépendant de Buchenwald, où il a été enregistré sous le matricule n°86 368 entre le 25 et le 30 janvier 1945 et sous le nom Menase ou Manase. Enfin, il a été déplacé une dernière fois à Bergen-Belsen le 13 mars 1945. Une carte de travail dans les camps indique qu’il aurait été boulanger[7].

Malheureusement, les circonstances exactes de sa mort demeurent floues, aucun acte de décès des camps qu’il a traversés ne mentionnant son nom. Il est probable qu’il soit décédé lors des longues marches organisées par les forces militaires pour épuiser les prisonniers, ou dans les chambres à gaz au printemps 1945. Son nom est indiqué sur le mur des noms du Mémorial de la Shoah. D’abord déclaré mort à Drancy le 31 juillet 1944, un arrêté du 4 avril 1995[8] a rectifié cette date en indiquant cette fois le 5 août 1944 à Auschwitz. Nos recherches dans les archives transmises par Bad Arolsen montrent qu’il a survécu juqu’en mars 1945. Nous avons transmis par mail ces informations à l’ONAC-VG à Caen pour faire rectifier sa date et son lieu de décès. Nous aimerions également que le nom de Charles soit inscrit sur le monument aux victimes sedanaises de la déportation, installé dans le carré juif du cimetière de Sedan.

Arrivée à Drancy : APP_CC2-8
Extrait du registre des matricules du KL Natzweiler : Archives-Arolsen-3129754_1.1.29.3

 

Sources

[1] Acte de naissance, commune de Sedan.

[2] Dossier de naturalisation, préfecture des Ardennes.

[3] Archives départementales des Ardennes (3Q6262, 3Q9102, 3Q9150, 6U2 45, 1348W8, 1342W35, 1620W315 ; 1W33) ; médiathèque de Sedan.

[4] Archives départementales de Vendée, les Sables d’Olonne, 39W254

[5] Les enfants cachés de la Résistance, J.M. Pouplain, photos p. 160 à 165 et liste des enfants.

[6] Archives départementales des Deux Sèvres consultables au Mémorial de la Shoah à Paris : 1385W5, SC4893.

[7] Archives de Bad Arolsen : camp de Drancy, Auschwitz, Stutthof, Echterdingen (Natzweiler), Buchenwald (Ohrdruf), Bergen-Belsen. Archives également envoyées par l’association convoi 77 (archives numérisées en provenance de la DAVCC, SHD de Caen)

[8] JORF n°116 du 18 mai 1995

Contributeur(s)

Les élèves de la classe de 3e3 du collège Apollinaire (75015 Paris).

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1 Comment
  1. Mellet 4 mois ago

    Bravo et merci pour ce travail formidable, et l’investissement que les élèves et leurs enseignants y ont consacré. Originaire de Sedan, engagé sur un autre pan de l’histoire de la Shoah dans le sud-ouest de la France où je suis installé désormais, je vous exprime toute ma reconnaissance.

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