Ernst SCHMELZER

1899-1985 | Naissance: | Arrestation: | Résidence:

Ernst SCHMELZER

Introduction

En 1933, le 30 janvier, Adolf Hitler, chef du parti du NSDAP (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei), est appelé au pouvoir par le président allemand Paul von Hindenburg. Dans la nuit du 27 au 28 février 1933, l’incendie du Reichstag, siège du Parlement allemand à Berlin, installe en Allemagne un climat de peur, directement instrumentalisé par les nazis à des fins politiques; la population craint un durcissement des institutions politiques. Des milliers de juifs quittent l’Allemagne puis l’Autriche, également « encouragés » par une politique d’incitation au départ par les autorités nazies. Cela marque la première grande immigration juive vers la France, dans l’espoir d’échapper à la persécution nazie qui commençait à se faire sentir.

I) L’histoire d’Ernst avant la guerre

De son nom entier, Ernst Joseph Israël SCHMELZER, est né le 3 avril 1899 à 7 heures du matin à Börsborn, Rheinland-Pfalz en Allemagne. Sa mère s’appelait Jeanne Abraham de son nom de jeune fille et s’est mariée à Gustav Schmelzer, le père d’Ernst. Ernst a grandi en Allemagne avec ses parents et il aurait combattu pour l’armée française pendant la Première Guerre mondiale.

Selon des documents de la préfecture du Puy de Dôme, Ernst est entré en France le 19 août 1933 avec un passeport, mais Marthe ne l’a rejoint qu’en août 1934.

Le 1er décembre 1934, selon les archives commerciales de la France, Ernst crée, avec Max Bier et Gunter Bernheim, une société du nom de Relima suite à des annonces du gouvernement français qui renforce les sanctions pour les réfugiés arrivés d’Allemagne. Il fallait qu’ils participent à la production française sous peine d’être expulsés. Le siège social de leur entreprise avait l’adresse de 3 Boulevard de Belleville à Paris.

Ernst recevra sa carte d’identité d’étranger non travailleur N°38EK49327 délivrée par la préfecture de police de la Seine le 9.02.1939 et valable jusqu’au 13.03.1942. Les cartes d’identité qu’il aura par la suite ont toutes été délivrées par la préfecture de police depuis l’année de son entrée en France.

Avant la guerre, il vivait à Paris dans le 17eme arrondissement.

II) Pendant la guerre

Le 1er septembre 1939, sans déclaration de guerre formelle, l’armée allemande envahit la Pologne sous prétexte que les troupes polonaises se seraient « rendues coupables de provocations » le long de la frontière germano-polonaise. Un engrenage belliqueux se met en place avec l’entrée en guerre graduelle des différentes puissances européennes et de leurs empires coloniaux respectifs. En France, les combats éclatent et se soldent par une victoire de la Blitzkrieg (guerre éclair), technique de guerre allemande utilisée du 3 septembre 1939 au 22 juin 1940, date de l’armistice de Rethondes signé par Philippe Pétain, devenu président du Conseil six jours auparavant. Le 24 octobre 1940 débute la Collaboration avec la poignée de main de Hitler et Pétain à Montoire.

Ernst a été envoyé au camp Morand à Boghari en Algérie en février 1940. Il s’agit d’un camp d’internement militaire créé par la France en Algérie française. Dès la déclaration de la guerre, en septembre 1939, les ressortissants des « pays ennemis » réfugiés en France font, en raison de leurs nationalités, l’objet de mesures d’internement. Le statut de réfugié politique ne prévalut alors nullement sur le critère d’appartenance à un pays ennemi. Parmi ces internés se trouvent de nombreux intellectuels antinazis et des Juifs qui ont fui les persécutions. Environ 40 000 étrangers, dont de nombreux réfugiés espagnols qui avaient refusé de s’engager dans la Légion étrangère, sont soumis, à partir de septembre 1940 au travail obligatoire dans ce qu’on appelle les groupements de travailleurs étrangers. Les conditions de vie étaient déplorables et les détenus devaient supporter la chaleur du désert algérien ainsi que de terribles conditions d’hygiène, un manque crucial d’eau et de nourriture. Dans ce camp, Ernst était prestataire militaire. Au camp Morand, les jeunes prestataires militaires recevaient leur formation, participaient à des missions de surveillance et de maintien de l’ordre, et se préparaient éventuellement à des engagements militaires plus larges, dans un contexte marqué par les tensions internationales croissantes de l’époque.

Marthe, qui vivait au 50 avenue Anatole France à Royat depuis le 13 août 1940, demande alors le rapatriement de son mari en France. Ernst souhaitait également rejoindre sa femme.

Une lettre du 8 mai 1941 venant du préfet du Puy de Dôme écrit qu’il ne s’oppose pas à la demande de Marthe qui souhaite le retour de son mari. Mais Marthe devait d’abord prouver qu’elle avait des ressources suffisantes et notamment les moyens d’accueillir son mari dans le logement qu’elle avait à Royat. De plus Ernst disposait de 20.000 francs, ce qui était suffisant pour subvenir à ses besoins dès sa démobilisation en Algérie. Finalement le gouverneur général de l’Algérie ne s’opposa pas au retour d’Ernst en France car sa conduite n’avait pas fait l’objet de remarques défavorables. Son comportement exemplaire lui a permis de retrouver sa femme le 17.06.1941.

Un document du 4 février 1942 met en place des mesures pour regrouper les étrangers. L’une d’elles consiste à réunir les étrangers à Châteauneuf-les-Bains, dont les deux époux Schmelzer. De plus, le commandant de gendarmerie a reçu l’ordre de leur retirer leur titre de séjour et de leur donner en échange un certificat de retrait de pièce mentionnant qu’ils ont 16 jours pour se rendre à Châteauneuf-les-Bains. Ernst et Marthe ont été envoyés à Châteauneuf pour différents motifs qui étaient les suivants : mariage, sans enfants, vivent dans l’oisiveté, possèdent des ressources non contrôlables de 30 000 francs. Ils se sont installés dans l’immeuble de M. Faugère au hameau de LAVAUX.

Le 2 juillet 1944, le couple est arrêté à Châteauneuf-les-Bains par la GESTAPO (police politique de l’État nazi). Selon les sources, la cause de l’arrestation pourrait être la présentation de faux documents d’identité et/ou une rafle visant à déporter les personnes juives vers des camps de concentration ou d’extermination. Maurice Berhuil, habitant au 49 Rue du Landy, Clichy, aurait été témoin de leur arrestation. Le couple aurait ensuite été incarcéré à la prison de Montluçon jusqu’au 12 juillet 1944. Par la suite, ils furent déportés à Drancy et y arrivèrent le 13 ou 15 juillet selon différentes sources. Ernst se vit attribuer le matricule 25.140. Le 31 juillet, le couple fut déporté à bord du convoi nᵒ 77 ou « convoi 77 », le dernier grand convoi à destination du centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau. Marthe périt lors du voyage. Arrivé seul parmi la foule dans la nuit du 3 août 1944, Ernst eut le matricule “B 3916” tatoué de force sur son bras dès son arrivée. Sélectionné pour travailler et non pour la mise à mort directe, il aurait probablement été terrassier et aurait donc effectué des travaux épuisants et majoritairement inutiles. Du 2 juin au 4 juillet 1944, Ernst aurait été hospitalisé à 45 ans pour pneumonie et dystrophie alimentaire selon les documents des SS, qui notaient les entrées et sorties du bloc 21, “l’hôpital” de Auschwitz I, malgré une incohérence temporelle. Il aurait ensuite subi des hernies et une appendicite post-opération, aggravées par le pénible labeur. Toujours d’après les archives nazies, Ernst aurait été opéré le 14 octobre 1944 dans le bloc 21, son dernier lieu de détention, pour un abcès pulmonaire, et le 3 janvier 1945 pour double hernie. Auschwitz-Birkenau fut libéré le 27 janvier 1945 par l’Armée Rouge, mais Ernst n’en partit que le 2 mai 1945, probablement à cause de sa santé anéantie par la torture qu’il a endurée pendant plus de 5 mois.

Le 7 juillet 1945, Ernst fut rapatrié par le centre de Marseille à Paris. D’après le ministère des Anciens combattants et victimes de guerre, ce fut un long trajet, car il passa par Odessa, le 7 mai  avant d’arriver à Marseille un mois plus tard avec l’aide des autorités Polonaises Américaines et Françaises. Lors de son arrivée au centre de Marseille, la carte d’identité n° 1 254 851 lui a été délivrée par les autorités françaises. Après son retour à Paris, le 4 décembre 1945, Ernst Schmelzer habitait au 11 rue de Moussy, 75004 Paris.

III) Après la guerre

Avec la fin de la guerre et de son internement par les forces nazies et suite à la mort de sa première femme, Marthe Schmelzer, Ernst a retrouvé, petit à petit, sa vie. Il se marie le 22 juillet 1950 avec Johanna Schmelzer-Sachs, née Johanna Steinitz. Le 15 janvier 1959, Ernst Schmelzer a reçu un pécule, une petite somme d’argent de réparations pour les atrocités qu’il a vécu pendant avant et après la guerre. Les autorités lui verseront le pécule n°9720 de 8 400 francs, qui équivaut aujourd’hui à 16 192 euros. En février 1959, Ernst déménagea dans un appartement, 19 boulevard de la Somme, dans le 17ᵉ arrondissement de Paris, où il mourut, le 28 avril 1985.

Conclusion

Aujourd’hui, la communauté juive a disparu du village de Börborn. Un cimetière juif et des contacts avec des familles qui se sont enfuies aux Etats-Unis sont les seules traces restantes de la présence juive. Le Musée Juif à Steinbach am Glan, cultivant la culture juive avant la Seconde Guerre mondiale, n’est pas très actif, témoignant d’un oubli de la culture et de la diaspora juive, pourtant partie intégrante de la population allemande de l’époque.

Contributeur(s)

Cette biographie a été réalisée par les élèves de Terminale du Lycée français international Simone Veil à Düsseldorf en Allemagne, sous la direction de leur enseignante Mme Berthod.

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