Huguette ALGAZI
Nous sommes des élèves de troisième du collège « les blés d’or » et nous allons vous expliquer la vie de Huguette Algazi déportée lors de la 2nde Guerre mondiale. Nous avons eu la chance de partir à Berlin et de visiter le camp de Sachsenhausen. Nous avons également visité le camp d’internement de Drancy et lu de nombreux livres sur la déportation des Juifs tels que « Retour à Birkenau » de Ginette Kolinka. Nous travaillons avec l’association convoi 77 pour rendre vie aux déportés du convoi 77, partis le 31 juillet de Bobigny. Nous avons choisi d’écrire à la première personne pour leur redonner une existence.
Je m’appelle Huguette Algazi et je suis née le 2 février 1930 à Paris dans le 12e arrondissement.
Malheureusement, ma mère, Sunboul Violette Ganon, meurt à ma naissance. Mon père, Samuel Algazi, né le 31 juillet 1906 en Turquie, se retrouve seul avec trois enfants. Mon frère et ma sœur qui se nomment Victor et Yvette, ont deux ans et trois ans. J’ai passé mon enfance avec eux à Paris au 22 rue Lamartine puis au 22 avenue de Lutèce à Villejuif (en Val de Marne aujourd’hui).
Rue Lamartine.
Au début de la guerre, en 1939, j’ai 9 ans et des amis à l’école avec lesquels je jouais tous les jeudis après-midi. Au début, mon père ne s’est pas inquiété car il pensait être sécurité en France, réputée comme un pays de libertés et de droits. Mais les restrictions envers nous Juifs sont arrivées très vite dès la défaite de juin 1940 : dès octobre un statut des Juifs est publié, interdisant certaines professions. Des discriminations les ont accompagnées, les parcs nous étaient interdits à nous les enfants. A partir du printemps 1941, les premières arrestations commencent au sein de nos connaissances. Le 7 juin 1942, le port de l’étoile est rendu obligatoire pour les Juifs. Alors à l’école ou bien dans la rue, plusieurs personnes me pointaient du doigt, certains amis de mon père coupèrent toute discussion avec lui et personnellement deux de mes amies ont eu interdiction de me voir et me parler. La situation devenait de plus en plus grave et chaque soir à la maison mon père écoute avec gravité la radio. Il fait le choix de nous placer à l’orphelinat Secrétan géré par l’UGIF. Celui-ci déménage à l’école Lucien de Hirsch après un bombardement.
19ème arrondissement de Paris.
C’est là que le 22 juillet 1944, nous sommes arrêtés en pleine nuit à une heure du matin, et nous sommes conduits avec tous les enfants à Drancy. Nous étions bien sûr en train de dormir dans nos lits, en pyjama. La police est arrivée devant notre école et nous a ordonné de monter rapidement dans des bus sans que nous sachions là où nous allions, j’étais terrorisée mais rassurée d’être avec mon grand frère et ma sœur, on se demandait ce que l’on avait fait de mal, je sentais l’angoisse monter en moi, je me disais «c’est pas possible, ça ne peut pas nous arriver là maintenant ! » J’avais 14 ans seulement. Et on parlait du débarquement et de l’avancée des Alliés sur Paris ! On croyait plus à la libération qu’à une arrestation ! Mais pas à 1 heure du matin !
Rapport d’enquête de préfecture de police.
Arrivée à Drancy, nous nous apercevons que nous ne sommes pas le seul orphelinat arrêté ! Nous sommes beaucoup d’enfants ! Nous découvrons aussi cette prison : ce sont des bâtiments qui forment un U et qui sont fermés par une grille, surveillés par des policiers français. On nous confisque nos affaires et nous sommes placés dans des grands dortoirs. Les grands s’occupent des plus petits. Les conditions sont difficiles, nous manquons de nourriture mais certains reçoivent des colis et partagent, nous ne pouvons nous laver que dans la cour avec de l’eau froide, sans intimité.
Après 9 jours d’internement à Drancy, je suis déportée le 31 juillet 1944 : nous sommes réveillés très tôt, à 4 heures du matin, d’abord conduits en bus à la gare de Bobigny puis nous montons dans des wagons à bestiaux pour une destination inconnue.
Il y avait un grand silence pesant et stressant au moment de rentrer dans les wagons, chacun craignait de perdre ses proches. L’inhumanité commence pendant le trajet, nous n’avions presque rien à manger et juste une tinette pour faire nos besoins, alors vu que cela était très humiliant, nous essayons de nous entraider et de nous cacher avec des vêtements pour faire nos besoins : mais très vite, l’odeur devient insupportable avec la chaleur de l’été. Dans le même wagon nous sommes au moins 60 et donc obligés de nous entasser pour gagner de l’espace. Le voyage dure deux jours et trois nuits.
A l’arrivée, nous sommes surpris par les cris et les lumières, on nous ordonne de descendre vite et de laisser nos valises sur le quai. Je suis séparée de ma grande sœur, Yvette qui a 18 ans et je me retrouve dans une file avec Victor qui a 16 ans. Nous marchons jusqu’à la forêt de bouleaux au fond du camp.
Il semble que Huguette ainsi que son frère Victor soient sélectionnés dès leur arrivée à Birkenau pour être conduits jusqu’aux chambres à gaz en raison de leur jeune âge : ils ne sont pas considérés comme « aptes au travail » et la mort leur est réservée. L’administration française établit leur décès au 5 aout 1944 soit comme le prévoit la loi, 5 jours après leur départ de France. L’acte de décès sera confirmé officiellement le 12 avril 1986 par le secrétaire d’Etat et ils recevront également le titre de déportés politiques et de morts pour la France à la demande de leur père.
Sources
- documents d’archives donnés par Convoi 77
- témoignages de Béqui Pisanti, de Marceline Loridan et d’Yvette Levi présents sur le site du mémorial de la Shoah
- livres de Simone Veil, Jeunesse au temps de la Shoah ; de Ginette Kolinka, Retour à Birkenau; d’Henri Borlant, Merci d’avoir survécu et de Ida Grinspan, J’ai pas pleuré
- photo prises au mémorial de Drancy
This biography of Huguette ALGAZI has been translated into English.