Jacqueline RAPPOPORT

1924-1944 | Naissance: |

Jacqueline RAPPOPORT

LA FIN DE LA GUERRE :
Les opérations, les répressions, les déportations et la fin du IIIe Reich (1944-1945)
Convoi 77 – Biographie d’une déportée

 

Jacqueline RAPPOPORT, née le 24 septembre 1924, déportée de Drancy le 31 juillet 1944 par le convoi n°77. 

Par Eléonore CESARI et Garance GIRARD,
Elèves de Terminale au Lycée Henri-IV

 

Sommaire

  1. Présentation du projet – Convoi 77

  1. Biographie – Jacqueline Rappoport

  • Famille

  • Enfance

  • Pendant la guerre

  • La déportation

  • Après la guerre

  1. Les Maisons d’enfants de l’UGIF – Zoom

  2. L’accélération des déportations à Paris – Eté 1944

  3. Quelques archives précieuses

  4. Sources

 

Le Projet – Convoi 77

Le convoi n° 77 du 31 juillet 1944, dit « convoi 77 », est le dernier grand convoi de déportation de Juifs parti du camp d’internement de Drancy à destination du camp d’extermination nazi d’Auschwitz-Birkenau. Il est constitué de 1310 hommes, femmes et enfants, raflés pour la plupart lors de la liquidation des maisons d’enfants de l’UGIF de Paris par les Allemands. Selon les dernières estimations, 836 d’entre eux sont gazés dès leur arrivée à Birkenau, début août, et seuls 93 hommes et 197 femmes ont survécu.

Ce convoi parti alors qu’un quart du territoire français est libéré illustre la radicalisation de la politique allemande de répression antijuive et la radicalisation des opérations militaires face à l’avancée des alliés.

Le projet convoi 77 cherche à reconstituer la biographie de chaque déporté, pour mieux connaître et faire connaître le destin de ces victimes, et ainsi poursuivre le travail des survivants en prenant une part active dans la transmission de la mémoire de la Shoah.

Même si plus de la moitié d’entre eux sont nés en France, le convoi 77 réunit des déportés venant de 35 pays différents, dont certains jusque-là ménagés (Suisse, Royaume-Uni, Cuba, Turquie…). En rassemblant des personnes d’origine très diverses, ce convoi reflète la portée européenne voire internationale de la persécution antisémite.

Ce convoi, en rassemblant des personnes d’origines très diverses dont des ressortissants de pays jusque là ménagés (Suisse, Royaume-Uni, Cuba, Turquie…) reflète la portée européenne voire internationale de la persécution antisémite. Le projet convoi 77 est ainsi un projet européen qui réunit des élèves de 32 pays, pour permettre à des milliers de jeunes Européens de mieux comprendre la Seconde Guerre mondiale et la Shoah en participant à un projet international de Mémoire.

Biographie – Jacqueline Rappoport

Jacqueline Rappoport est née le 24 septembre 1924, minuit quarante-cinq, au 83 boulevard de l’Hôpital, Paris 13ème.

acte de naissance de Jacqueline, 1924
Archives de la Ville de Paris

 

Sa famille

Son père, Abraham Rappoport, alors perceur, est né le 28 mai 1889 à Khonniki, en Russie.

image : Mémorial de la Shoah – MXII 23721

 

Sa mère, Mirka Ovstein, est née en 1889 à Mozyr, Russie.

image : Mémorial de la Shoah – MXII 23722

Jacqueline est benjamine d’une fratrie de quatre enfants. Son frère, Gaston, est né le 17 août 1912. Ses deux sœurs sont Clara, née en 1913, et Berthe, née en 1918.

Enfance

La première maison de Jacqueline se situe au 4 passage de l’Épargne, dans le 19ème arrondissement de Paris. Une impasse sombre, pauvre et humide, qui n’existe plus. Immigrés de Russie, ses parents sont visiblement pauvres.

Abraham et Mirka se marient à Paris, le 16 novembre 1929. Cet acte permet à leurs enfants d’être “légitimés”. A cette date, Jacqueline est naturalisée française.

Selon le recensement de 1931, la famille habite dans le 20ème arrondissement, au 140 rue de Ménilmontant. Abraham travaille dans la métallurgie, Gaston est fourreur, Clara est employée de bureau.

 

cité du 140 rue de Ménilmontant, Paris 20

 

Au recensement de 1936, Gaston est courtier au comptoir d’horloge, Berthe et Clara sont employées au Crédit du Nord. Le père, Abraham, est serrurier.

 

Pendant la guerre

Pendant la guerre, Jacqueline à vingt ans et est étudiante. Elle prend des cours rue Vauquelin, et indique habiter à cette période dans le 16ème arrondissement, 31 rue de Montevideo. Il s’agit en fait d’une synagogue parisienne, aujourd’hui appelée Synagogue Ohel Abraham.

Synagogue Ohel Abraham, où vivait une communauté juive, la Société de culte traditionnel israélite fondée par le rabbin Simon Langer en 1893. Jacqueline y a sans doute séjourné.

Son père et sa mère, Abraham et Mirka Rappoport, sont déportés par le convoi n°9, qui part de Drancy pour Auschwitz le 22 juillet 1942.

Elle travaille également au service n°49 de l’école Secrétan, au 70 avenue Secrétan Paris 19 ou encore à l’école Vauquelin, rue Vauquelin dans le 5e arrondissement. Il s’agit de maisons d’enfants, gérées par l’Union générale des Israélites de France (UGIF), ou Jacqueline aidait.

Jacqueline y est arrêtée le 23 juillet 1944. Sa carte de déportée précise que l’arrestation a été perpétrée par la police allemande, alors qu’elle “se trouvait dans un groupe d’enfants israélites”. Un autre document indique qu’elle distribuait des “journaux anti-allemands”.

Elle est emmenée au camp de transit de Drancy, enfermée une semaine avec les autres, enfants, nourrissons…

camp de Drancy – 1944

 

La déportation

Le 31 juillet 1944, Jacqueline est déportée par le convoi n°77, qui quitte Drancy pour le camp Auschwitz-Birkenau.

portail du camp d’Auschwitz, Pologne

 

Le 3 août 1944, le train arrive à Auschwitz. 847 déportés sont directement envoyés à la chambre à gaz. Jacqueline est sélectionnée, avec 183 autres femmes, pour le travail forcé.

En novembre 1944, un grand nombre de femmes, dont Jacqueline, sont choisies pour partir en direction de Weisskirchen-Kratzau, aujourd’hui Chrastava, près de Dresde en Tchécoslovaquie. Là-bas, travaillent dans une usine d’armement.

camp de Weisskirchen-Kratzau, Tchéquie

 

Après la guerre

Le camp de Kratzau est libéré le lendemain de l’Armistice, le 9 mai 1945. Jacqueline est rapatriée en France le 13 juillet 1945, et passe par Nancy. Elle arrive à Paris le 14 juillet, et séjourne à l’hôtel Lutetia, au 23 rue de Sèvres.

Après la guerre, en 1948, Jacqueline épouse un certain Davies. Elle devient alors britannique par mariage, et s’installe au Pays de Galles avec son mari, à Cliff House, Ferryside, dans le Carmarthenshire.

En 1962, elle sollicite au Ministère français des Anciens Combattants et Victimes de Guerre le statut de déportée politique, qu’elle obtient après avoir envoyé aux bureaux de nombreux justificatifs. En effet, elle a perdu sa carte de rapatriée politique délivrée juste après la guerre (n°392990293), et doit donc apporter des pièces complémentaires à son dossier. Le 25 juin 1962, sa carte de déportée politique est établie, n°219928689.

Carte de DP de Jacqueline Davies – DAVCC de Caen – 21 P 629640

Après cette date, plus aucune trace de Jacqueline. A Paris, interroger ses homonymes n’a rien donné. En Grande-Bretagne, le nom Davies est très répandu, et l’on n’a pu obtenir plus d’informations dans la ville de Ferryside. Pas de nouvelles non plus de ses frères et sœurs, qui ont visiblement échappé à la déportation. Une lettre de 1962, signée B. Rappoport, sœur de Jacqueline, nous indique seulement qu’à cette date, Berthe était toujours vivante.

Jacqueline a-t-elle eu des enfants ? A-t-elle pris sa retraite ailleurs et quitté le Carmarthenshire ? Est-elle revenue en France, à Paris ? Est-elle toujours vivante ? On ne le sait pas, alors on s’imagine, on espère qu’elle a vécu heureuse et épanouie, malgré tout ce qu’elle a traversé. Car Jacqueline est une survivante, livrée à la frénésie d’extermination nazie, arrachée à la mort, libérée de bourreaux qui voulaient nier en elle toute humanité, car elle était née juive.

Zoom – Les Maisons d’enfants de l’UGIF

L’Union Générale des Israélites de France (UGIF) est un organisme créé par une loi du gouvernement de Vichy du 29 novembre 1941. Son rôle est “d’assurer la représentation des Juifs auprès des pouvoirs publics, notamment pour les questions de prévoyance et de reclassement social”.

Une de ses missions officielles étant l’assistance, le sort des enfants juifs dont les parents ont été arrêtés lui est confié, en particulier à partir de 1944. Pour cela, l’UGIF ouvre des « maisons d’enfants », des homes d’enfants et des écoles professionnelles où résident aussi les adolescents. Ces maisons sont sous le contrôle du Commissariat Général aux Questions Juives et de la Gestapo. plupart y sont placés par leur famille, devenus orphelins et isolés. Ils sont français ou étrangers. Mais si ces enfants sont hébergés, ils sont également fichés par les Nazis, qui les recensent soigneusement comme “enfants bloqués”, et donc déportables à tout moment.

En 1942, après les rafles, de nombreux centres sont ouverts à Paris et en banlieue : foyers de la rue Lamarck, de la rue Vauquelin, de la rue des Rosiers ou encore à Louveciennes, La Varenne, Montreuil, Neuilly et Saint-Mandé.

En avril 1944, après la destruction du centre Lamarck, le bâtiment de l’école juive Lucien-de-Hirsch, au 70 avenue Secrétan, devient un nouveau centre d’accueil. Jacqueline travaille dans ce centre, ainsi que celui de la rue Vauquelin. Inscrite dans les fichiers de l’UGIF, elle s’occupe des jeunes enfants juifs.

En juillet 1944, trois semaines avant la Libération de Paris, Alois Brunner ordonne une série d’opérations sur ces maisons d’enfance parisiennes. Plus de 300 enfants, dont 18 nourrissons et 217 âgés de 1 à 14 ans sont arrêtés et emmenés au camp de transit de Drancy. Des adultes, certains professeurs ou responsables, les accompagnent. Ainsi, parmi eux se trouvent les 20 petites filles de l’orphelinat de Saint-Mandé et leur directrice, Thérèse Cahen, qui les accompagnera dans la chambre à gaz. Jacqueline était l’une de ces adultes. Tous seront ensuite déportés à Auschwitz, le 31 juillet 1944, par le convoi n°77.

L’accélération des déportations – Été 1944

L’été 1944 marque un tournant dans les répressions perpétrées par le Reich à l’Ouest de l’Europe. Alors que les opérations Alliés sont lancées – Opération Overlord du 6 juin 1944 et Bagration du 22 juin 1944 -, et que les troupes avancent pour libérer les territoires occupés, les Allemands se concentrent sur leur guerre d’anéantissement raciale.

La Solution Finale à la question juive, pourtant planifiée en janvier 1942 lors de la conférence de Wannsee, occupe désormais la première place dans la politique nazie. Avant de quitter les terres occupées, devenues hostiles alors que les Alliés gagnent du terrain, les Allemands veulent à tout prix y éradiquer le peuple juif. Les juifs, comme les résistants, sont jugés responsables d’une possible défaite, et la brutalité atteint son paroxysme alors que le IIIe Reich touche à sa fin. Loin de marquer un reflux, l’année 1944 témoigne donc, au contraire, d’une montée en puissance des répressions et de la barbarie nazies, jusqu’au derniers jours avant la Libération.

Ainsi, le processus de mise à mort s’accélère et les déportations à l’Ouest sont massives. En France, des convois de plus en plus nombreux quittent les prisons et camps, alors que les bombardements et sabotages s’intensifient, rendant l’acheminement des déportés de plus en plus difficile. Emportés par leur folie exterminatrice, les Allemands en viennent à négliger leurs stratégie et sécurité militaires, allant jusqu’à faire passer les trains de déportés prioritairement.

Fin juillet 1944, la situation est particulièrement instable. En plus de la progression alliée, un attentat contre Hitler et une tentative de putsch ratée le 20 juillet entraînent une grande confusion. A Paris, un homme profite de la colère aveugle du Reich pour poursuivre jusqu’au bout sa frénésie meurtrière.

Alois Brunner, commandant du camp de Drancy, ordonne la liquidation des maisons parisiennes de l’UGIF, remplies d’enfants juifs fichés par les nazis. 350 enfants sont raflés, dont 18 nourrissons et 250 de moins de 14 ans, ainsi que des cadres de l’UGIF. Ils prennent tous, le 31 juillet 1944, le convoi n°77 en direction d’Auschwitz. C’est l’un des derniers gros convois à quitter la France pour les camps de la mort. Sur les 1310 déportés, 836 sont gazés dès leur arrivée. Seulement 250 survivent aux travaux forcés, à la faim, aux maladies, aux expériences pseudo-médicales, aux privations de la fin de la guerre, aux Marches de la Mort… Seuls 250 hommes et femmes, déportés du convoi 77, ont survécu à l’enfer et à la barbarie nazie.

Quelques archives particulièrement précieuses…

Fiches de contrôle issues des archives d’Auschwitz
DAVCC de Caen, cote : 21 P 629640

Cartes égarées
Dossier du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre
DAVCC de Caen, cote : 21 P 629640

Formulaire de demande d’attribution du titre de déporté
Dossier du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre
DAVCC de Caen, cote : 21 P 629640

 

 

Archives de la Ville de Paris

 

Recensement – 1936 – 20e arrondissement

 

Recensement – 1931 – 20e arrondissement

 

Sources – Biographie

Archives (fournies par l’association Convoi 77) :

  • Service Historique de la Défense, DAVCC de Caen :

Ministère français des Anciens Combattants et Victimes de Guerre, Bureau des déportés et statuts divers.

Archives regroupées sous la côte 21 P 629640, datant de 1962.

lettres de Jacqueline au ministère

dossier de carte de déporté politique perdue

demande d’attribution du titre de déportée

carte de déportée politique

  • Mémorial de la Shoah :

Rapport de synthèse, non daté, établi sous la présidence de Georges Edinger, sur l’activité de l’Union générale des israélites de France (UGIF) – CCCLXXIX-33

Fichier Drancy – FRAN107_F_9_5722_211769_L

Également :

  • Archives de la Mairie de Paris :

recensement de 1936, Paris, 20ème arrondissement, quartier Père Lachaise D2M 8704

recensement de 1931, Paris, 20ème arrondissement, D2M 8462

fichier des électeurs de Paris, D4M 756

  • images :

Mémorial de la Shoah/Coll. Lévy Brigitte :

MXII_23723

MXII_23721

MXII_23722

  • autres images trouvées sur Internet :

70bb72fda4a88aea1db6222b5d57c972.jpg

800px-Synagogue_Ohel_Abraham_façade.jpg

2015-05-06-1430920907-1458202-SilencedWalls1.JPG

auschwitz.jpg

  • Sources – Recherches complémentaires

Brochure du CNRD – Fin de la guerre – 2022

Site de l’association du Convoi 77

Wikipédia – Convoi n°77

Wikipédia – Rafle de l’avenue Secrétan

Wikipédia – Ecole Lucien-de-Hirsch

 

This biography of Jacqueline RAPPOPORT has been translated into english.

Contributeur(s)

Par Eléonore CESARI et Garance GIRARD, Elèves de Terminale au Lycée Henri-IV

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