Joseph MIRISCH
Joseph Mirisch est né le 29 mai 1894 à Kirn an der Nahe en Allemagne. Il meurt le 5 août 1944 dans le centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau.
I. Les parents de Joseph
Son père, Saul Mirisch est né le 20 mars 1863 à Cracovie (alors sous domination autrichienne), fils d’Israël et de Liebe Kattersshon. Il émigre en France en 1883 et s’installe à Paris, au 24 rue Geoffroy L’Angevin dans le 4e arrondissement. Il travaille en tant que fourreur et casquettier.
Le 8 mai 1890, il épouse Bertha Schmelzer – une Allemande venant de Hennweiler en Rhénanie-Palatinat, née le 22 septembre 1865. Elle est cuisinière. Elle vit à cette époque à Paris, au 1 rue Fénelon dans le 10ème arrondissement. Ils vont habiter tout deux au 17 rue Beaubourg.
Acte de mariage Mirisch Saul
©SHD de Caen DAVCC, Dossier n° 21P21P 481_222_40603
Ils ont deux enfants, Léopold né à Paris 4e le 22 mars 1891 et Joseph né le 29 mai 1894. Quand Léopold naît, le couple réside 52 rue des Archives, dans le 4e, mais leur adresse officielle est toujours « Cracovie (Autriche) ». Deux fourreurs, dont un réside à la même adresse que le couple, sont témoins de sa naissance.
Concernant Joseph Albert Mirisch, on sait qu’il est né en Allemagne. N’ayant que peu de moyens, Bertha Schmelzer ne peut accoucher en France – la Sécurité Sociale n’existe pas encore (1945) – et part chez ses parents à Kirn en Allemagne pour donner naissance à Joseph, ainsi que l’explique Saul dans une lettre en vue d’obtenir la naturalisation française de sa famille. Dans cette lettre, Saul insiste sur le fait qu’il est né dans une ville, Cracovie, qui était alors républicaine, et que lui-même est républicain.
Saul Mirisch fait une demande de naturalisation française le 1er mai 1895. Il est naturalisé français le 31 décembre 1896. Ainsi que son fils, Joseph, et sa femme. Léopold, né en France, est français par déclaration.
Lettre explicative nationalité Joseph. Dossier de naturalisation de Mirisch Saul ©Archives nationales, BB.34.411
Demande de naturalisation. Demande de naturalisation de Mirisch Saul ©Archives nationales, BB.34.411.
Obtention naturalisation. Dossier de naturalisation de Mirisch Saul © Archives nationales, BB.34.411
Saul a de la famille à Paris. Ainsi, le 1er novembre 1898, il « assiste » la mariée Rachel Goldberger mineure, fille de Marie Mirisch, et, tuteur ad-hoc, représente le conseil de famille qui a donné l’accord de son mariage avec Hersh Rosenberg, né en Russie.
Acte de mariage Rachel Goldberg
Si nous ne savons presque rien de ses convictions et croyances, nous savons que son fils aîné, Léopold, a fait sa bar-mitsvah au temple de la rue Notre-Dame-de Nazareth, dans le 3e arrondissement, début mars 19042. Nous n’avons pas trouvé trace de celle d’Albert.
II. L’engagement militaire de Joseph Mirisch
Joseph a tout juste 20 ans quand l’Allemagne déclare la guerre à la France, mais depuis début janvier, il a rejoint l’armée pour faire son service militaire.
La description de son « signalement » militaire indique qu’il mesure 1,79, ce qui est grand pour son époque, et a les yeux et les cheveux châtains. Son nez est « fort ».
Le 5 septembre 1914, Joseph Mirisch est incorporé en tant que soldat dans le 46e régiment d’artillerie pour se battre contre l’Allemagne.
Son « courage » et son « dévouement » sont mis en avant et il reçoit la croix de guerre car il a réparé le réseau téléphonique « sous le feu de l’ennemi » du 16 au 20 août 1917. Le 16 novembre 1918, il est nommé brigadier. Il est démobilisé en 1919 et un certificat de « bonne conduite » lui est délivré.
Il est rappelé à 46 ans en tant que soldat en 1940 lors de la Seconde Guerre mondiale.
Son frère Léopold, qui est également fourreur, a moins de chance : mobilisé le 1er août 1914 au 4e Régiment d’Infanterie, il est porté disparu le 29 octobre 1914, en Argonne dans la Meuse. Il sera décrété « Mort pour la France » et son nom figure sur le monument des Parisiens morts pendant la Première Guerre mondiale, le long du mur du cimetière du Père Lachaise.
Mirisch Joseph ©Archives de Paris, Matricule 426
III. Mariage avec Pauline Schwartz
Pauline Fernande Schwartz est née le 14 mai 1896 à Paris, dans le 3 e arrondissement. Jusqu’en mars 1923, année de son mariage avec Joseph, Pauline réside, là où elle est née, au 79 rue du Temple (3ème arrondissement) avec sa mère Rosalie Levy. Son père, Isidore, est décédé le 11 décembre 1918. Sans profession, elles résident à l’adresse du témoin du mariage, Louis Schwartz, qui est gainier (fabricant de gaines), comme l’était Isidore.
Acte de naissance Pauline Schwartz
La famille Mirish s’est installée 25, rue Rambuteau, à deux pas de la rue Geoffroy L’Angevin et tout aussi près de l’appartement de Pauline. Se sont-ils rencontrés parce qu’ils étaient voisins ?
L’Univers israélite annonce le mariage de Fernande (sans doute le prénom qu’elle utilisait) et d’Albert, le 23 mars à 14 h ¾, à la synagogue de la rue Notre-Dame-de Nazareth. C’est un signe que, bien que nés en France, ils n’ont pas oublié les traditions juives.
Acte de mariage Mirisch Joseph et Schwartz Pauline,
SHD de Caen DAVCC, Dossier n° 21P481.222_40603
Puis, le couple s’installe au 19, avenue de la Porte Brunet dans le 19 e arrondissement de Paris. Un ensemble de HBM, habitations bon marché, y a été construit en 1934.
Photographie de l’Avenue la Porte Brunet ©Wikipedia
Alors qu’il est casquettier dans sa jeunesse, son acte de décès indique que Joseph était représentant de commerce – forcément avant l’Occupation, puisque les Juifs n’étaient alors pas autorisés à voyager.
Acte de décès Mirisch Joseph mairie 18e Paris
Le couple ne semble pas avoir eu d’enfants. Mais, comme nous le verrons, Pauline et sa nièce Denise, dont la mère est morte alors qu’elle n’avait pas deux ans, ont été déportées ensemble.
IV. Les arrestations et la déportation
Pauline est arrêtée le 10 juillet 1942 et emprisonnée à la caserne des Tourelles sise entre le 133 et 161 boulevard Mortier dans le 20 e arrondissement de Paris, caserne qui fut transformée en camp d’internement pendant la Seconde Guerre mondiale par les autorités françaises. Entre octobre 1940 et juillet 1941, la caserne des Tourelles interne les Juifs, les apatrides, et les réfugiés étrangers. A partir de juillet 1941, des Français y sont également emprisonnés, surtout des femmes car le camp de Drancy est réservé aux hommes uniquement jusqu’à la rafle du Vél’d’Hiv (16-17 juillet 1942).
Pauline y reste 1 mois et le 13 août 1942 elle est amenée au camp de Drancy (Seine Saint-Denis). Le 1er septembre elle est internée au camp de Pithiviers jusqu’au 21 septembre 1942. Dans la baraque 10, Pauline se trouve avec Denise Alice Sauphar, née le 10 mars 1920 dans le 11e arrondissement de Paris, sa nièce, fille de sa sœur Suzanne. Elle et Denise sont déportées à Auschwitz- Birkenau (Pologne) par le convoi n°35. Elles seront exterminées le 25 septembre 1942 dans une chambre à gaz.
Caserne des Tourelles ©Monpetit20e.com
Acte de naissance Denise Sauphar ©Archives Paris
Baraque 10 Pauline Mirisch et Denise Sauphar ©Mémorial de la Shoah
Quant à Joseph Mirisch, on n’a retrouvé sa trace que le 8 juillet 1944, date de son internement au camp de Drancy. Nous apprenons qu’il avait sur lui la somme de 326 francs, somme prise par les autorités en charge du camp. Son numéro de matricule est le 24 964. A son arrivée à Drancy, Joseph Mirisch a d’abord résidé dans le bâtiment 18 au 4 e étage puis, dans le bâtiment 7 au 4 e étage, puis dans le bâtiment 2 étage 4 et enfin dans le bâtiment 1 toujours au 4e étage, bâtiment le plus proche de la sortie du camps, annonçant son départ prochain pour Auschwitz. Il est finalement déporté avec le dernier convoi au départ de Drancy, le convoi n°77, le 31 juillet 1944. Il arrive à Auschwitz dans la nuit du 3 août et est directement envoyé dans les chambres à gaz. La date retenue de son décès est le 5 août 1944.
Mirisch Joseph ©Mémorial de la Shoah
Plan rez-de -chaussée du camp de Drancy ©S.KLARSFELD Le calendrier de la persécution des Juifs en France p.932
Aujourd’hui, le nom de Joseph Mirisch est inscrit sur le Mur des Noms qui recense les 76 000 juifs déportés de France. Ce monument de mémoire ré-humanisent des hommes, des femmes et des enfants déshumanisés par les meurtres nazis.
Photo personnelle prise le 22 janvier 2025. Joseph Mirisch Mur des Noms ©Mémorial de la Shoah, Paris
Nous tenons ici à remercier madame Podetti pour nous avoir fourni des archives et aider dans nos démarches, ainsi que Madame Klejman pour la relecture de notre travail et des précisions apportées.