Léon Jacques BLOCQ
Léon Jacques BLOCQ naît le 29 août 1883 à TOUL (Meurthe et Moselle) dans une famille bourgeoise dont l’aïeul Joseph BLOCQ a émigré de Nelling en Moselle vers la localité de Toul dans les années 1790. Il est le deuxième d’une fratrie de quatre enfants :
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- Louise Frédérique Germaine (qui se fera appelée Germaine), l’aînée, naît le 18 juillet 1880 à Toul
- Madeleine, Andrée, Georgette naît un peu plus d’un an après Léon, le 29 septembre 1884 à Toul mais elle décèdera en 1891 à Paris.
- Le cadet, Gilbert Maxime (qui se fera appelé Maxime) naît le 17 novembre 1894 à Paris.
Les parents de Léon-Jacques
Les parents de Léon, Louis-Alfred BLOCQ et Laure Lucie DREYFUS, se marient à Mulhouse en 1877. Ils habitent Toul avant de déménager pour Paris aux environs de l’année 1890. Laure décède en 1900 à Paris alors que son dernier enfant, Gilbert Maxime, n’a que 5 ans ½. C’est la sœur aînée, Germaine, qui s’occupera de son éducation.
Louis-Alfred, engagé comme garde mobile à Toul en 1870, a pris part au siège de cette ville lors de la guerre contre la Prusse. Les Allemands souhaitaient s’emparer de la ligne de chemin de fer reliant Nancy à Paris mais ils ne s’attendaient pas à ce que la citadelle de Toul leur résiste avec autant d’énergie ! Ce n’est qu’après avoir déployé 15 000 hommes et après plusieurs jours de combat durant lesquels une pluie d’obus s’abat sur la ville que les Prussiens réussissent à s’emparer de la place. Les Allemands font plus de 2 300 soldats français prisonniers et capturent l’équipement de la forteresse, dont 71 armes lourdes qui seront dirigées contre Paris.
Le monument aux morts du siège de Toul
Louis-Alfred fut ensuite sous-lieutenant d’artillerie de réserve puis de territoriale de 1876 à 1889. Il reçut les distinctions honorifiques de Chevalier de la légion d’honneur le 12 janvier 1909 puis d’officier de la légion d’honneur en 1933.
Louis-Afred Blocq était un homme très engagé dans la vie civile. Il a pris, à partir de 1871, une part active aux œuvres d’assistance en faveur des Alsaciens-Lorrains. Il fut le fondateur, en 1889, du cercle toulois de la ligue de l’enseignement. Ce mouvement d’éducation populaire est créé en 1866 par Jean Macé. La Ligue de l’enseignement se fixe alors comme objectif l’« instauration d’un service public de l’enseignement soustrait à la tutelle de l’église catholique, laïque par son contenu comme par ses maîtres, ouvert à tous et dont l’universalité serait garantie par son caractère obligatoire et sa gratuité ».
Il a occupé les fonctions de vice-président en 1904 et de président depuis 1907 du Foyer du soldat de Paris. Fidèle à la célèbre devise de Jean Macé « Pour la patrie, par le Livre et par l’épée », la Ligue pour l’enseignement a entrepris de créer, au début du Xxème siècle, des foyers dont le but était « d’assurer aux militaires éloignés de leur pays d’origine, de leurs relations, de leurs amitiés, un véritable foyer familial qui les préserve de l’isolement, les défende contre les tentations de l’oisiveté et leur procure, aux heures de liberté que laisse la caserne, un lieu de réunion avec de saines et éducatives distractions » (source Le Littoral, 2 janvier 1902). Les soldats pouvaient trouver, dans ces foyers, une salle de bibliothèque, une salle de correspondance, de lecture, de musique, de jeux, d’exercices physiques, etc…Des conférences, des cours, des excursions et des fêtes pouvaient y être organisés. Louis-Alfred a collaboré, notamment, à la création des bibliothèques régimentaires au sein de ce foyer.
Foyer du soldat à Paris en 1916
Sur l’enquête de moralité faite sur Louis-Alfred en vue de l’obtention de la légion d’honneur, le Ministre de la guerre mentionne que Monsieur Blocq « a fait preuve du dévouement le plus intelligent et le plus actif dans l’organisation du Foyer du soldat » et qu’il « a rendu les services les plus signalés à la Ligue de l’enseignement. »
Sur le plan professionnel, Louis-Alfred Blocq, bachelier es-lettres et es-sciences, licencié en droit, a, semble-t-il, exercé tout d’abord comme avocat, il a été également conseiller du commerce extérieur. Mais c’est surtout comme Banquier qu’il est connu.
La banque BLOCQ FRERES est fondée place Dauphine à Toul, en 1862, par trois frères : Léon (père de Louis-Alfred) Jacob et Mathieu.
En 1870, elle devient banque BLOCQ FRERES ET FILS car Joseph-Julien, le fils de Jacob, vient rejoindre les associés. Maître Viller, notaire à Toul, enregistre la création « d’une société en nom collectif pour faire des opérations de banque, escompte et recouvrement, des entreprises pour fourniture de vivres et fourrages, pour achat et vente d’immeubles ».
En 1874, de nouveaux statuts sont signés chez ce même notaire car Léon décède et c’est Louis-Alfred, son fils, qui est admis à faire partie de la banque à compter du 15 mai 1874.
En 1877, Me Viller enregistre une modification dans les statuts : désormais, tout associé pourra se retirer de l’association « à toute époque et sans alléguer aucun motif », ce qui n’était pas le cas dans les précédents statuts. Cette disposition sera mise en application en 1894 avec le départ de Mathieu. La banque BLOCQ FRERES ET FILS est donc constituée, en 1894, de Louis-Alfred et de son cousin Joseph-Julien. Le dernier associé, Jacob, semble ne plus en faire partie à cette date. L’établissement garde son siège social à Toul, même après la création d’une succursale à Paris, 9 rue Vaneau, par Louis-Alfred avec d’autres membres de la famille comme on le verra ultérieurement.
Place Dauphine à TOUL, devenue place de la République sur laquelle se trouvait la banque BLOCQ Frères et Fils
La banque BLOCQ Frères et Fils n’a pas échappé à la polémique déclenchée par l’affaire Dreyfus à la fin du 19ème siècle. En effet, le journal L’Intransigeant du 10 décembre 1897 sous-entend que les fonds du syndicat Dreyfus seraient déposés à la banque BLOCQ située 69 rue de Courcelles à Paris. Les réunions du syndicat se tiendraient en ce lieu et « des sommes importantes auraient été versées récemment par la maison Blocq entre les mains de tiers pour le compte du syndicat ». Le journaliste pose également cette question : « Est-il vrai que le montant des sommes payées, à ce jour, pour le compte du syndicat s’élève au chiffre de sept millions huit cent mille francs ? ».
Mais qu’est-ce que le « syndicat » dont parle ce journaliste ? Emile Zola, convaincu de l’erreur judiciaire, s’est beaucoup investi dans l’affaire Dreyfus. Il publie, dans le journal Le Figaro du 1er décembre 1897, un article intitulé justement Le Syndicat, dans lequel il dénonce les calomnies contre les banques juives :
Extraits du Figaro, 1er décembre 1897
Emile Zola poursuit en dénonçant dans son article le rôle de la presse, majoritairement antidreyfusarde, de l’armée, de la justice et termine par cette phrase :
« De ce syndicat, ah ! oui, j’en suis et j’espère bien que tous les braves gens de France vont en être ! »
Le 19 janvier 1920, Maître Poirot à Toul enregistre à nouveau des modifications dans les statuts de la banque : un nouvel associé apparaît aux côtés de Louis-Alfred Blocq et son cousin Joseph-Julien : le gendre de Louis-Alfred, Léon Mascart, mari de Germaine.
En 1928, Joseph-Julien quitte la banque familiale, ses droits sont liquidés, Louis-Alfred et Léon Mascart sont désormais les deux seuls associés de la nouvelle raison sociale banque Blocq et Cie, le siège social étant toujours à Toul.
Quelques années plus tard, la seconde Guerre Mondiale oblige une partie de la famille à s’exiler dans le Puy-de-Dôme, à Clermont-Ferrand. Louis-Alfred ainsi que sa fille Germaine et son gendre, Léon Mascart y trouvent refuge. Le 21 octobre 1940, le Tribunal de commerce enregistre le transfert provisoire du siège social, 15 rue Bonnabaud à Clermont-Ferrand. Puis, le 20 janvier 1941, ce même Tribunal nous apprend que Louis-Alfred quitte la gérance de la banque pour devenir commanditaire. Agé de 91 ans, il ne peut plus, déjà depuis quelques temps, en raison de son état de santé, s’occuper des affaires. A partir du 1er janvier 1941, la société n’a plus qu’un seul gérant, Léon Mascart, et sa raison sociale devient Mascart et Cie.
La sœur aînée de Léon-Jacques, Germaine
La sœur aînée de Léon Jacques, Germaine, s’est mariée le 20 mai 1903 avec Léon-François MASCART, né en 1870. Il semblerait que ce couple n’ait pas eu d’enfants. Ils ont toutefois élevé le frère de Germaine, Maxime, à la mort de sa mère. Léon François Mascart a même adopté Maxime par un jugement rendu par le tribunal civil de la Seine le 3 mars 1943. Son patronyme devient Maxime BLOCQ-MASCART à partir de cette date.
Germaine est, comme son père, une personne très engagée dans les œuvres de bienfaisance.
Durant la Première Guerre mondiale, elle est infirmière-major à l’hôpital auxilaire 111 de Maxéville en Meurthe et Moselle. Cet hôpital est installé dans les locaux de l’école normale d’institutrices de Meurthe-et-Moselle, située rue de Nancy à Maxéville.
Les hôpitaux auxiliaires sont des hôpitaux militaires temporaires mis sur pied à la mobilisation par les sociétés de secours aux blessés. La numérotation dans la série 100 à 199 désigne ceux qui sont gérés par l’Union des Femmes de France. Celui de Maxéville est un hôpital chirurgical qui abrite environ deux cents lits.
L’établissement a pour directrice Madame Evrard, pour infirmière-major Madame Mascart et pour médecin-chef le docteur Louis Senlecq.
Les bâtiments de l’ancienne école normale. Photographie P. Labrude, 2017.
Au tout début du mois de février 1915, les combats du Xon, au nord de Pont-à-Mousson, amènent à l’hôpital un nombre important de blessés : par exemple 150 le 2 février. Au total, jusqu’à sa dissolution à l’issue du conflit, l’hôpital a assuré 122.785 journées d’hospitalisation.
L’aspect majeur de la vie de l’hôpital est constitué par les soins donnés aux blessés, en urgence d’abord, puis dans les suites des interventions avec en particulier la surveillance des effets des appareils auto-extenseurs posés par l’équipe chirurgicale, les retraits de plâtre, la cicatrisation, la rééducation fonctionnelle, etc. Beaucoup de temps est bien sûr passé par les opérés dans les salles d’hospitalisation. Cependant le médecin-chef et ses collaborateurs s’efforcent de limiter l’ennui des blessés et des malades, et ils organisent des spectacles, des jeux et des concerts.
En plus de ses activités médico-chirurgicales, le médecin-chef Louis Senlecq conçoit des matériels destinés à améliorer l’évacuation des blessés depuis le champ de bataille comme ce brancard suspendu ou « brancard-hamac » qui ne nécessite que deux porteurs et permet de prendre plus aisément les virages dans les tranchées. Il imagine également des dispositifs et des appareils destinés à améliorer la cicatrisation, à réduire l’ankylose, à rendre plus rapide et plus aisée la rééducation fonctionnelle, etc.
Les médecins aides-majors de 1e classe Louis Senlecq (à droite) et Maurice Lucien (à gauche) à Nancy en mars 1915. Collection de la famille du docteur Senlecq.
Dans le Bulletin de Meurthe et Moselle de 1919, nous apprenons que Germaine Mascart a reçu, du Ministre de la Guerre, la médaille Vermeil des épidémies. Cette distinction a été instituée par décret en 1885 pour récompenser les « personnes qui se sont particulièrement signalées par leur dévouement pendant des maladies épidémiques ». Durant la Première Guerre de 1914/1918, Germaine Mascart a très certainement soigné des malades lors de l’épidémie de la grippe espagnole.
La Première Guerre terminée, Germaine Mascart, participe, en 1922, à la création de la Section Jeunesse de la Croix Rouge Française. L’objectif de cette association est de donner des cours de secourisme, de financer des séjours en colonies de vacances, d’assister les vieillards, de récolter les plantes médicinales.
Elle a également assumé de 1931 à 1940 la place de secrétaire-adjointe de la fédération des associations départementales des Pupilles de l’enseignement public.
Mais c’est surtout auprès de l’association l’Hygiène par l’Exemple que Germaine Mascart a œuvré en tant que Secrétaire Générale entre les années 1920 et 1940. Son frère, Maxime Blocq-Mascart, occupera la fonction de trésorier-adjoint durant la même période.
Créée le 27 Février 1920 à l’institut Pasteur, sous la présidence du directeur de l’institut, le docteur Roux, « l’Hygiène par l’Exemple » a joué un rôle important dans la diffusion des règles d’hygiène au sein de l’école primaire. La naissance de « l’Hygiène par l’Exemple » s’inscrit dans la continuité de l’action entreprise pour lutter contre la mortalité infantile, la tuberculose et l’ensemble des fléaux sociaux (alcoolisme, maladies vénériennes, …).
Concrètement, l’association se fixe pour objectifs l’installation de douches, lavabos, casiers- vestiaires dans les écoles. Chaque élève doit avoir son verre à lui, sa brosse à dents et une serviette qui est changée chaque semaine. A côté des lavabos, il y a un vestiaire où chaque élève a son casier. Dans ce casier, l’enfant trouve en arrivant des chaussons et un sarrau qu’il met pour travailler. Il y dépose des vêtements d’extérieur et ses chaussures qu’il ne reprend qu’au moment de quitter l’école.
Jean Zay, ministre de l’Education Nationale, signe, en 1936, une circulaire annonçant aux inspecteurs d’académies et aux directeurs d’écoles normales, le projet d’un stage destiné à former les cadres des colonies de vacances. Une association intitulée « Centre d’Entraînement pour la Formation du Personnel des colonies de vacances et des Maisons de Campagne des écoliers » est créée. Son secrétariat s’installe dans les locaux de « l’Hygiène par l’Exemple ».
En mars 1939, Germaine Mascart s’attelle à ce projet et souhaite que les écoles rurales soient aménagées pour recevoir, en cas d’évacuation, les enfants des villes. En avril 1940, cette dernière envisage de créer des centres d’accueil pour les enfants évacués de telle façon qu’ils deviennent des foyers d’éducation plus complets encore que l’école. En 1940 six maisons de campagne des écoliers sont ouvertes (4 en zone occupée et 2 en zone libre). En 1942 et 1943, huit nouvelles maisons de campagnes sont en fonction. Au total, 40 000 journées de vacances sont assurées à des enfants sous-alimentés venant la plupart de Paris.
Germaine Mascart a véritablement été la cheville ouvrière au sein de l’association de l’Hygiène par l’Exemple. Monsieur Jean-Bernard Wojciechowski, docteur en sociologie, écrit dans un article relatif à cette association, en parlant de Mme Mascart, que « nous pouvons tenter de rattacher son action à cette tradition qui faisait de la charité et de la solidarité, un devoir ».
Le mari de Germaine, Léon-François MASCART, était un ancien officier de marine et avait reçu la distinction de Chevalier de la Légion d’Honneur. Au moment de son mariage, en 1903, il était directeur des Etablissements Henri-Lepaute, 6 rue Lafayette à Paris, spécialisés dans la construction d’horloges et de matériel d’optique pour les phares. Augustin Henry Lepaute, né en 1800, élève de Gustave Eiffel, fut l’horloger de Louis-Philippe et de Napoléon III. En 1823, il s’associe avec Augustin FRESNEL, Directeur des phrares et balises. Ensemble, ils vont équiper plus de 1300 phares dans le monde entier. Au décès d’Henri Lepaute, ce sont ses fils, Edouard-Léon et Paul-Joseph, qui vont poursuivre l’activité.
Catalogue de la maison Henry-Lepaute, vers 1930. L’usine située à Paris est surmontée d’un phare. Archives privées.
Horloge Henry-Lepaute du Palais Bourbon à Paris
Comme on l’a vu précédemment, Léon-François MASCART sera un des associés de la banque BLOCQ et Cie et deviendra même l’unique gérant à partir de 1941.
Sa femme, Germaine décède le 26 juin 1944 à Clermont-Ferrand, un an après son beau-père Louis-Alfred. A la fin de la guerre, Léon-François Mascart revient sur Paris où il décèdera en 1949. Auparavant, les corps de sa femme et de son beau-père seront rapatriés au cimetière Montparnasse, l’inhumation a lieu le 22 janvier 1947.
Le frère cadet de Léon-Jacques, Maxime
Maxime Blocq naît le 17 novembre 1894 à Paris. Ayant perdu sa mère très jeune, il est élevé par sa sœur Germaine et adopté par son oncle Léon Mascart en 1943. Mobilisé dès le début de la Grande Guerre, il sert dans différentes unités (10e régiment du Génie, 13e régiment d’artillerie, 27e régiment de Dragons) avant d’être affecté en mars 1917 dans l’aviation où il devient pilote au sein de l’escadrille 231. Au retour de la guerre, Maxime Blocq-Mascart poursuit ses études à l’École libre des Sciences politiques à Paris.
Il est, semble-t-il, architecte de formation mais il intègre la banque familiale devenue banque BLOCQ et Cie et assure les fonctions de Directeur et fondé de pouvoirs avec comme associés-gérants Louis-Alfred Blocq, son père et Léon-François Mascart, son beau-frère.
Maxime s’occupe parallèlement de nombreuses autres sociétés ou associations, nous n’en citerons que quelques-unes : il est associé et co-gérant de la société « Mascart, Allez et Cie » spécialisée dans les travaux publics. Il est aussi Administrateur du Comité de défense des porteurs d’actions de la « Société Suédoise des Allumettes » et de la société « Kreuger and Toll ». Il est directeur du service de « l’Entraid’sociale », délégué rapporteur et trésorier de l’association « Les Compagnons des professions intellectuelles ». Comme on l’a vu précédemment, il est aussi Trésorier à l’association « L’Hygiène par l’exemple ».
Il collabore occasionnellement au journal hebdomadaire « L’Europe nouvelle », dirigé par Melle Louise Weisse. Après la Libération, il devient président fondateur du « Parisien libéré » qu’il dirige jusqu’en 1947.
Il s’engage en 1925 dans la Confédération des travailleurs intellectuels (CTI) dont il est le vice-président à la veille de la guerre. Mais Maxime Blocq-Mascart est surtout connu pour le rôle qu’il a joué dans la Résistance intérieure française. Dès l’été 1940, il refuse la défaite. De retour à Paris, il forme alors un premier noyau de résistance avec ses amis de la CTI. En décembre 1940, ce premier noyau fusionne avec celui de Jacques Arthuys, pour donner naissance à l’Organisation civile et militaire (OCM) dont Maxime Blocq-Mascart, alias « Maxime », « Baudin » ou encore « Féry » prend la direction du bureau civil. Il veut donner un programme politique au mouvement et prend part à l’élaboration d’un projet de réformes constitutionnelle et administrative pour la Libération.
Durant l’année 1943, il adopte une attitude contrastée dans le processus d’unification de la Résistance. Le 26 mars 1943, il participe à la première réunion du Comité de coordination de zone Nord. En mai, il refuse de siéger au Conseil national de la Résistance (CNR) pour marquer l’hostilité de l’OCM à la présence en son sein des partis politiques.
Jusqu’à la fin de l’année 1943, il ne cesse de critiquer les organismes créés par Jean Moulin. Cependant, il participe aux réunions du CNR, où il remplace Jacques-Henri Simon, et en devient le vice-président en juin 1944. Membre du bureau permanent du CNR, il représente les trois principaux mouvements de zone Nord (OCM, CDLL et CDLR). Entré dans la clandestinité en août 1943, Maxime Blocq-Mascart prend la direction de l’OCM à l’arrestation d’Alfred Touny, de février 1944 jusqu’à la Libération.
Ce bref résumé de la vie de Maxime Blocq Mascart reflète l’ensemble de sa riche personnalité, ses fonctions de Directeur dans des sociétés aux activités diverses, ses engagements associatifs, son activité syndicale et intellectuelle et son rôle dans la Résistance. Il reçut de nombreuses distinctions : Chevalier de la Légion d’Honneur, Médaille de la Résistance, Croix du Combattant Volontaire de la Résistance, Croix de guerre 1939/1945, Grand officier de la Légion d’Honneur.
Portrait de Maxime Blocq-Mascart le 9 juillet 1957.
Archives nationales / Fonds Maxime Blocq-Mascart
Sur le plan personnel, Maxime Blocq Mascart se marie en 1925 avec Yvonne Serruys. Ils auront deux filles : Dominique née en 1927 et Laurence née en 1929, cette dernière décèdera l’année suivante. Il se remarie en 1949 avec Nicole Haviland dont il divorcera en 1958. De leur union, naît Nathalie en 1952.
La deuxième femme de Maxime, Nicole Haviland, a des ancêtres dont les noms prestigieux ont marqué les arts décoratifs, dans le domaine du verre et dans celui de la porcelaine. Son grand-père, René LALIQUE, était un bijoutier-joaillier, maître-verrier qui a impacté les périodes de l’Art Nouveau et de l’Art Déco en utilisant des matières jusqu’ici peu considérées dans la fabrication de bijoux comme la corne, l’ivoire, les pierres semi-précieuses, l’émail, le verre… Aujourd’hui, près de 250 hommes et femmes, dont 7 meilleurs ouvriers de France, continuent de perpétuer les savoir-faire à l’usine de Wingen-sur-Moder.
La mère de Nicole, Suzanne Lalique, découvre une autre famille d’artistes par son mariage avec Paul Burty Haviland. Son beau-père, en effet, est un grand industriel de la porcelaine à Limoges. La Maison Haviland participe depuis plus de 175 ans à l’excellence à la française en sublimant les plus belles tables des plus grands Palaces du monde comme le Ritz à Paris, Le Dorchester à Londres, Le Shangri-La Hôtel à Paris.
Suzanne Lalique Haviland avec sa fille Nicole, Vers 1925
Don Nicole Maritch-Haviland et Jack Haviland, 1993, Musée d’Orsay
Fille de René Lalique et épouse de Paul Burty Haviland, Suzanne Haviland est elle-même devenue une décoratrice qui a marqué son temps et des institutions aussi célèbres que la Manufacture de Sèvres ou la Comédie Française. Elle a travaillé pour des supports aussi variés que le verre, la porcelaine, le textile, les costumes et décors de scène – théâtre et opéra.
Quelques œuvres de Suzanne LALIQUE-HAVILAND, mère de Nicole HAVILAND
Maquette de costume pour Polidas dans « Amphitryon » de Molière joué à la Comédie-Française en 1957.
Tableau La Garçonnière ou les cravates de Monsieur, 1933
Léon-Jacques BLOCQ
Léon-Jacques et sa famille ont quitté Toul aux environs des années 1890 pour s’installer à Paris. Le père, Louis-Alfred a ouvert une succursale de la banque BLOCQ et Cie au 9 rue Vaneau dans le 7ème arrondissement. La famille s’installe dans le 8ème arrondissement, 10 rue de Rome puis 69 rue de Courcelles. Deux drames vont survenir, la sœur de Léon, Georgette, meurt en 1891 alors qu’elle n’a que 6 ans ½. En 1900, Léon perd sa mère, Laure-Lucie Dreyfus, il a alors 17 ans.
Léon-Jacques obtient un baccalauréat scientifique et souhaite entamer des études de médecine, il est reçu 305ème sur 422 au concours de l’externat en 1902. Mais un an plus tard, étant de la classe 1903, il est appelé à effectuer son service militaire. Il est incorporé dans le 13ème Régiment d’artillerie à compter du 10 novembre 1902 et est classé 2ème Canonnier à son arrivée. Un an plus tard, le 7 octobre 1903, il est envoyé en disponibilité. A l’époque, le service militaire est de deux ans et les sursis pour études sont institués. En 1903, il reprend donc ses études de médecine et il effectue son externat dans plusieurs hôpitaux : deux ans à l’hôpital de la Pitié Salpétrière, un an à l’hôpital Saint-Antoine et un an à l’hôpital Cochin. Les professeurs avec qui il a fait ses études, comme MM. Walther ou Vaquez, s’accordent à dire que Léon-Jacques était un étudiant « très assidu » et « très bon élève ». Alors, pourquoi arrête-t-il ses études de médecine aussi brutalement à la fin de l’année 1907 ? Est-ce en raison de ses problèmes de santé que nous découvrons dans son livret militaire ?
En effet, en juillet 1910, il est proposé pour être classé dans les services auxiliaires, affecté à la 23è section d’infirmerie militaire (SIM), par la grande commission de réforme de la Seine pour tachycardie avec hypertrophie cardiaque.
A partir de 1911, Léon-Jacques a une vie professionnelle très variée et « agitée ». Il entame une carrière politique, tout d’abord sous la Présidence d’Armand Fallières, il est Chef adjoint de cabinet de M. Jules Pams Ministre de l’Agriculture. Puis, sous la Présidence de Raymond Poincaré en 1913, il occupe les fonctions de Chef de cabinet de Monsieur Jacquier, sous-secrétaire d’état aux Beaux Arts. En 1914, il est Chef de cabinet de Monsieur Jacquier, sous-secrétaire d’état au ministère de l’Intérieur, toujours sous la Présidence de Raymond Poincaré et du Gouvernement Viviani.
Léon-Jacques, photo provenant de son dossier médical de Villejuif, il a alors 56 ans.
Léon-Jacques BLOCQ et ses fonctions politiques
1. Article paru dans Le Petit Bleu de Paris du 7/2/1914 à l’occasion de l’inauguration d’un monument square Boucicaut.
2. Article paru dans l’Excelsior du 12/4/1914 à l’occasion du 24è Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts à Paris.
3. Lettre adressée par Léon-Jacques BLOCQ à Monsieur Bourdelle Emile-Antoine, célèbre sculpteur.
Entre-temps, le 18 juin 1912, il épouse Lise-Nanette ULLMANN dont il aura deux enfants : Antoine-Bertrand en 1913 et Anne-Marie en 1921. Le couple divorce dix ans plus tard : Lise-Nanette retourne vivre chez sa mère avec sa petite fille et Antoine sera élevé par son grand-père.
1914, la Première Guerre éclate. La République Française déclare la mobilisation générale début août. Le 4 août 1914, Léon-Jacques est maintenu en sursis d’appel à la mobilisation, jusqu’à nouvel ordre, en qualité de chef de cabinet de Monsieur le sous-secrétaire d’état à l’Intérieur. Mais le 10 avril 1915, son sursis est annulé. En raison de ses problèmes de santé, il n’ira pas sur les champs de bataille mais sera maintenu aux services auxiliaires à l’intendance. En 1918, il est affecté aux services de l’Intendance de Bourges puis en 1919 à ceux de Dijon. Il est démobilisé le 15 mars 1919.
Après la guerre, il se présente aux élections législatives dans le département du Loiret mais sans succès. Il ne reprend pas de poste au Gouvernement et sa carrière professionnelle va prendre un nouveau virage, cette fois-ci dans le journalisme. Entre 1922 et 1924, il collabore au journal l’Eclair et à l’Ere nouvelle comme rédacteur parlementaire. Puis, le 8 avril 1924, il fonde le journal LE BLOC, entièrement rédigé par lui, où il dénonce les abus de pouvoir au palais de justice. Il y accuse notamment Mrs Millerand et Poincaré de forfaiture. Ce journal de 4 pages dont 2 consacrées aux annonces, est vendu 10 centimes, le siège social se trouve 123 rue Montmartre. Léon-Jacques déclare que son périodique est libre, indépendant, honnête et qu’il ne publie que de l’inédit dans les domaines de la littérature, du théâtre, du sport….et de la polémique. Malheureusement, le journal cesse de paraître au bout de trois mois.
On voit nettement grâce à cet extrait d’article écrit dans l’Ere Nouvelle et paru ici dans le Libertaire du 19 février 1924, que Léon Jacques BLOCQ est un pamphlétaire virulent.
On voit nettement grâce à cet extrait d’article écrit dans l’Ere Nouvelle et paru ici dans le Libertaire du 19 février 1924, que Léon Jacques BLOCQ est un pamphlétaire virulent.
Extrait du journal LE BLOC, fondé et rédigé entièrement par Léon-Jacques BLOCQ.
Unique exemplaire détenu par la Bibliothèque Nationale de France, numéro 1 du 8 avril 1924. côte JO-46374
C’est aussi aux débuts des années 20 que la santé mentale de Léon-Jacques BLOCQ semble s’altérer. Il se prétend poursuivi par la haine de Monsieur Millerand et se sent surveillé. Il accuse ouvertement MM. Millerand et Poincaré de forfaiture et de trahison.
Dès 1923, la police s’intéresse de près aux agissements de Léon-Jacques BLOCQ. Son attitude entraîne la rédaction de deux rapports par la Préfecture : celui du 23 juillet 1923 reproche à Léon-Jacques BLOCQ d’être monté dans le train présidentiel à l’occasion d’un voyage qu’effectuait M. Poincaré à Villers-Cotterets. L’autre rapport, daté du 18 avril 1924, porte sur son journal Le Bloc et ses articles pamphlétaires.
Son père, Louis-Alfred, son frère Maxime et son beau-frère Léon Mascart sollicitent l’internement d’office de Léon-Jacques, le 7 juillet 1924, auprès du commissariat de la place Vendôme en spécifiant que l’internement volontaire n’était pas possible du fait de l’opposition du malade. Léon Jacques est dirigé, le 10 juillet 1924, vers l’infirmerie spéciale puis interné à l’asile privé rue de Picpus choisi par la famille. Il sera ensuite transféré à l’asile privé de Suresnes à partir d’août 1924. Le rapport de police précise que Léon Jacques est « atteint d’idées délirantes de persécution, de délire à thème politique susceptible de compromettre l’ordre public ou la sécurité des personnes ».
L’hôpital de Suresnes est un des onze asiles privés du département de la Seine habilité à recevoir des aliénés sur décision du Préfet de police. En novembre 1874, Gustave Bouchereau, Gustave Lolliot et Valentin Magnan achètent le château de Suresnes et fondent une société qui a pour but la création et l’exploitation d’une maison de santé pour le traitement des maladies mentales et nerveuses. Elle accueille des convalescents, nerveux, fatigués, excités, neurasthéniques et autres intoxiqués. Cet établissement a abrité des malades célèbres par leurs noms, leur renommée et leur fortune tels Alexandre Coquelin, acteur et écrivain ; Adèle Hugo ; l’oncle de Boris Vian ; le baron Seillière ; Louis-Lucien Klotz, ancien ministre des finances ou encore la comtesse Hélène de Chateaubriand qui poursuivit sa famille pour internement arbitraire.
Le Château de Suresnes, asile privé du département de la Seine
En septembre 1924, le père de l’interné sollicite une remise en liberté immédiate de son fils. Mais le rapport médico-légal établi par trois spécialistes conclut que « Monsieur Blocq n’est pas guéri, que c’est un malade réticent et dissimulateur qui s’efforce de cacher son délire pour obtenir sa mise en liberté et qu’il doit être maintenu en traitement ». Léon-Jacques Blocq ne sortira de l’asile de Suresnes qu’en février 1925.
Le Matin, 28 février 1925
Sa sortie est toutefois subordonnée à des conditions décidées par le Médecin Inspecteur de la Préfecture : Léon-Jacques BLOCQ devra « être confié à une personne de sa famille présentant de sérieuses garanties qui prendra la responsabilité de la surveillance spéciale et de la direction morale nécessaires. Monsieur BLOCQ devra, ainsi que la dite personne, souscrire l’engagement de quitter immédiatement Paris et de faire un séjour de plusieurs mois dans le midi. » C’est son avocat, Maître Myrtil qui assurera ce rôle.
Léon-Jacques BLOCQ présentait-il réellement des troubles psychiatriques au point d’être interné 7 mois dans un asile ou était-il devenu trop gênant pour le Gouvernement à travers ses accusations pamphlétaires qui visaient de hautes personnalités ? Son ex-femme, Lise Nanette, ne croit pas du tout à la folie de son mari comme en témoigne son interview paru dans Le Petit Parisien du 8 février 1925.
Le Petit Parisien, 8 février 1925
En 1926, Léon-Jacques Blocq réclame des dommages et intérêts au Ministre de l’Intérieur pour cet internement qu’il juge abusif. Mais sa demande sera rejetée par le Gouvernement.
L’œuvre du 10 mars 1929
Lettre manuscrite de Léon Jacques Blocq adressée au Ministre de l’Intérieur pour réclamer des dommages et intérêts suite à son internement, 18 mars 1926
Alors qu’il est toujours interné à l’asile de Suresnes, nous apprenons dans l’Intransigeant du 27 novembre 1924 que Léon-Jacques BLOCQ est candidat à l’Académie Française. Trois fauteuils sont à pourvoir : MM Masson, Freycinet et Pierre Loti. Léon-Jacques se présente pour la succession du fauteuil de Monsieur Freycinet mais c’est finalement le mathématicien Emile Picard qui remportera l’élection.
En avril 1928, il tente de revenir dans le milieu politique et se présente comme candidat républicain aux élections législatives dans la 2ème circonscription du 20ème arrondissement de Paris mais, là aussi, ce sera sans succès.
Léon-Jacques BLOCQ semble s’être dirigé ensuite vers une nouvelle activité professionnelle : sur sa carte d’électeur de 1938, nous apprenons qu’il est publiciste et qu’il demeure 26 avenue Montaigne dans le 8ème arrondissement de Paris. Sa santé est fragile et, alors qu’il a cinquante ans, il est soigné pour une septicémie, une pleurésie purulente et une pneumonie. Il semble se faire oublier des services de police au début de cette décennie mais il fait à nouveau parler de lui en 1939. A son domicile, on lui reproche des cris, des injures, des tapages, son propriétaire a entamé une procédure d’expulsion. Dans la rue, il insulte des passants qu’il ne connaît pas, il les bouscule, profère des grossièretés. En septembre 1939, il est arrêté à la suite d’un scandale sur la voie publique. Excédé d’avoir trop souvent à exhiber ses papiers d’identité dans la rue, il s’en est pris à un agent de police et lui a répondu qu’il ferait mieux d’être sur la ligne Maginot.
Le 27 septembre 1939, il est de nouveau interné à l’Infirmerie spéciale puis à l’hôpital psychiatrique Sainte-Anne à Paris. Les médecins le disent « atteint d’idées délirantes de persécution, d’interprétations morbides ». Comme dans les années 20, il se sent suivi et ne cesse de répéter « Ils ont des ordres », « demandez à ceux qui me surveillent ». Il sera transféré en décembre 1939 à la maison de santé de Ville-Evrard à Neuilly sur Marne jusqu’au 12 mai 1940. Il passera ensuite 15 jours à l’hôpital de Villejuif où le docteur Rogues de Fursac décrit son patient comme « un sujet d’esprit déséquilibré ». Germaine, la sœur de Léon-Jacques, adresse une lettre à ce médecin afin que son frère soit transféré à nouveau à la maison de santé de Ville-Evrard. La demande sera acceptée par la Préfecture et Léon-Jacques est de nouveau interné à la maison de santé de Ville-Evrard où il y restera jusqu’au 23 mars 1942.
Le 24 mars 1942, Léon-Jacques BLOCQ est transféré à l’hôpital psychiatrique de Villejuif afin de se rapprocher des siens qui vivent à Paris. Telle est la raison donnée sur sa fiche de renseignements.
En novembre 1942, le directeur de l’asile reçoit une lettre de l’Union Générale des Israélites de France. Nous apprenons que Lise Nanette, l’ex-femme de Léon Jacques, actuellement internée à Drancy, aimerait avoir des nouvelles de son mari.
Léon-Jacques BLOCQ restera à Villejuif toute l’année 1942. Son état de santé s’améliore. Si, à l’arrivée de son patient, le docteur Abely parle d’un sujet «atteint de déséquilibre mental constitutionnel avec périodes d’excitation et de quérulence », il ajoute, quelques mois plus tard qu’il « est calme et discipliné dans le service » et qu’il n’y a « pas d’idées délirantes actuelles ». Le jugement du tribunal civil de 1ère instance de la Seine conclut, en date du 7 novembre 1942, que Léon-Jacques BLOCQ « ne présente aucun signe d’une maladie mentale quelconque et [qu’] il peut être mis en liberté sans danger pour autrui ni pour lui-même ». Son examen mental fait état d’un « sujet cultivé, au langage facile et clair, ayant une bonne mémoire dans tous les domaines, un cours des idées rapide avec une légère excitation intellectuelle ». Il retrouve donc sa liberté le 31 janvier 1943.
Si les médecins sont d’accord pour que Léon-Jacques BLOCQ quitte l’asile, il n’en est pas de même de la Préfecture de police qui hésite à le laisser sortir. Leurs représentants au tribunal lui expliquent que la période est mal choisie, que par son caractère et ses origines ethniques, il risque de s’exposer à des dangers et de se retrouver dans un camp de concentration au premier incident. Mais Léon-Jacques BLOCQ se montre peu touché par cette argumentation, il affirme qu’il « veut vivre tranquillement, sans aller chercher de difficultés, qu’il ne peut pas avoir d’ennemis susceptibles de lui nuire actuellement ».
Il s’avère que Léon-Jacques BLOCQ aurait été, effectivement, plus à l’abri en restant à l’hôpital psychiatrique de Villejuif durant cette période d’occupation. Il fut arrêté, le 22 juillet 1944, à son hôtel, par « deux messieurs en civil » et fut conduit à Drancy. Il y reçut le matricule 25347. Neuf jours plus tard, le 31 juillet 1944, Léon-Jacques BLOCQ est déporté pour Auschwitz par le convoi n° 77. Un jugement rendu par le tribunal de Grande Instance de la Seine, le 12 octobre 1962, a officialisé le décès de Léon-Jacques BLOCQ le 31 juillet 1944 à Drancy.
Lise Nanette ULLMANN, la femme de Léon-Jacques BLOCQ
Lise Nanette est la fille d’Emile Samuel ULLMANN, Directeur et vice-président du Comptoir National d’Escompte et de Marguerite LEVY. Elle a un frère aîné, Claude.
Elle se marie en 1912, son mari Léon-Jacques BLOCQ est alors sous-chef du cabinet du ministre de l’agriculture et elle divorce dix ans plus tard.
Journal GIL BLAS du 19 juin 1912
C’est une artiste : elle est peintre et émailleuse d’art. Elle a été l’élève de Melle Suzanne Minier et de F.Humbert. Dans le dictionnaire BENEZIT qui référencie les peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs du monde entier, on apprend que Lise Nanette ULLMANN a obtenu une mention honorable au salon des Artistes Français de 1910. Elle participe à nouveau à ce Salon en 1913 avec un tableau intitulé « L’intérieur » puis en 1914 avec la toile « Chez la fleuriste ».
Journal L’Echo de Paris du 29 avril 1913
Le journaliste Eugène Tardieu ne tarie pas d’éloges en parlant de l’œuvre de Lise Nanette exposée au Grand Palais parmi 1878 autres toiles : il y voit un « talent exquis » et une « rare sensibilité d’artiste ».
En 1918, elle expose au Petit Palais au profit des œuvres de guerre avec une toile intitulée « Intérieur d’écurie ». D’autres toiles porteront le nom de Pont à Venise (1913) – Fleurs (1914) – La serre (1914).
Nous avons retrouvé une vente aux enchères qui a eu lieu en 2017 à l’Hôtel des ventes de Royan qui proposait une toile de Lise ULLMANN BLOCQ « Barque sur un lac », huile sur toile signée en bas à droite et datée de 1921 mais nous ne savons pas si ce tableau a trouvé preneur.
Lise Nanette ULLMANN a été arrêtée le 22 octobre 1942 à son domicile, 90 rue de Varenne, par la police allemande, service de l’avenue Foch. Le témoignage de la concierge précise qu’elle se faisait appeler Lise ERAN. Elle a été internée à Drancy sous le matricule 17167 au Bloc IV, escalier 15, chambre 10. Elle dépose à son arrivée une somme de 100,00 F. Bien qu’étant divorcée depuis vingt ans, c’est à son ex-mari, Léon-Jacques, interné à l’hôpital de Villejuif, que cette somme sera envoyée le 24 octobre 1942.
Elle est déportée vers le camp d’Auschwitz le 18 juillet 1943 par le convoi n° 57. Le train est composé de 23 wagons de marchandises et 3 wagons de passagers dont un est placé derrière la locomotive, un deuxième au milieu du train et un troisième à l’arrière du train. Le 18 juillet 1943 à 9 h 30, un convoi transportant 1000 Juifs quitte la gare de Bobigny pour Auschwitz. Environ 20 policiers de l’Orpo de Saarbrücken (Ordnungspolizei, police d’ordre) escortent les déportés.
Sim Kessel, arrêté à Dijon, témoigne qu’au début du trajet les déportés restèrent calmes. Avant le départ du train, l’un d’entre eux avait été choisi par les Allemands comme responsable pour maintenir l’ordre. Le deuxième jour la soif fut insupportable. Les déportés mangèrent quelques restes et partagèrent du pain sec et amer, d’autres se partagèrent des biscuits rassis qui étaient déjà immangeables.
Maurice Szpirglas, arrêté en avril témoigne : « Dans le wagon nous étions soixante […] on était assis comme des sardines. Nous avons voyagé pendant trois jours et deux nuits […] l’atmosphère atroce, dans une puanteur atroce, c’était insoutenable. »
À l’arrivée du convoi à Auschwitz, 369 hommes sont sélectionnés pour des travaux forcés. Ils sont tatoués des numéros 130834 à 130466. De plus, 191 femmes reçoivent les numéros 50204 à 50394. Les autres déportés sont gazés dès leur arrivée au camp. Lise Nanette ULLMANN en fera partie.
En 1945, on dénombrait seulement 30 hommes et 22 femmes rescapés de ce convoi. (source : yadvashem.org)
Fiche déportation, source Arolsen
Sur cette fiche de déportation, les Allemands ont noté le prénom de Lisi et le métier de « packerin » : emballeuse. Il s’agit sans doute d’une mauvaise interprétation du métier « d’émailleuse ». Sur une autre fiche, on peut voir la liste des aliments transportés dans le wagon à marchandises avec cette recommandation « de ne pas utiliser les aliments de haute qualité pour la restauration des camps de concentration », tels que le chocolat, le vin rouge, le sucre, la viande, la confiture…
A la fin de la guerre, le décès de Lise Nanette ULLMANN a été enregistré au 22 octobre 1942 à Drancy mais un jugement paru au Journal Officiel du 6 juin 2001 a officialisé la date du décès au 23 juillet 1943 à Auschwitz, cinq jours après le départ du train depuis la gare de Bobigny.
Les enfants de Léon-Jacques BLOCQ et de Lise Nanette ULLMANN
Le 16 mai 1913, le journal le Figaro annonce la naissance du premier enfant de Léon Jacques BLOCQ et de Lise Nanette ULLMANN, Antoine, né le 4 mai dans le 17ème arrondissement de Paris.
Antoine exercera le métier de comptable mais il a également soutenu une thèse en droit à l’université de Poitiers, en 1956 à l’âge de 43 ans, qui aura pour titre : « Aperçu de la législation allemande sur la péréquation des charges et de ses incidences sur les étrangers et leurs biens ».
Antoine a été jugé, une première fois, par le Tribunal Correctionnel de la Seine le 8 octobre 1941 pour recel. Le jugement précise qu’il « a recélé deux bicyclettes provenant de vols ». Il a été condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis et à 25 F d’amende.
Un deuxième jugement, effectué par le Tribunal de 1ère instance de la Seine, 12ème chambre, a lieu le 31 mars 1944. Cette instance reproche à Antoine d’avoir refusé de se soumettre aux formalités du recensement des israélites. Ainsi, il a « omis de souscrire dans le délai prescrit la déclaration écrite indiquant qu’il est Juif au regard de la loi et mentionnant son état civil, sa situation de famille, sa profession et l’état de ses biens ». De plus, il a fait usage d’une carte d’identité fabriquée. Les lois du 27/10/1940 et du 2/06/1941 ont été enfreintes. Antoine est condamné à 8 mois de prison.
Il va être, dans un premier temps, incarcéré à la Maison d’arrêt de la Santé, quartier Montparnasse dans le 14ème arrondissement de Paris, du 18 février au 13 avril 1944. Puis, il sera transféré, très peu de temps, du 15 au 20 avril, à la prison des Tourelles, caserne située à la porte des Lilas à Paris. Entre 1940 et 1945, la caserne connait un destin singulier.
Elle sert d’abord de lieu d’accueil pour les réfugiés qui fuient l’avance allemande en mai-juin 1940 et à partir de juillet 1940, elle accueille des étrangers normalement non- autorisés à séjourner dans le département de la Seine mais qui ne peuvent le quitter en raison des circonstances. Environ 1500 hommes, femmes et enfants y ont été hébergés à ce titre jusqu’en juillet 1941. À partir de la fin octobre 1940, un camp d’internement y est ouvert par la Préfecture de police, le ravitaillement assuré par la Préfecture de la Seine et la garde armée effectuée exclusivement par la Gendarmerie française. Le camp est d’abord ouvert pour les étrangers « indésirables », les communistes et les repris de justice, à partir de la fin de la IIIe République. Il est élargi sous Vichy aux Juifs étrangers puis français, aux contrevenants à la réglementation économique, aux réfractaires au Service du Travail Obligatoire et potentiellement à tout le monde.
Puis, il termine sa peine à la prison de Clairvaux, entre le 20 avril et le 18 août 1944. Le registre d’écrou précise qu’il est libéré le 18 août 1944 et qu’Antoine se retire à Clermont-Ferrand, 17 rue Marmontel où se trouve déjà une partie de sa famille.
Antoine se marie en 1957, à Karlsruhe, avec Doris Maria Köllisch. Nous n’avons pas trouvé trace d’enfants de ce couple.
Antoine décède à Kinshasa au Congo en juin 1968, il occupait un poste de professeur à l’Ecole Nationale de droit et d’Administration. Son corps est rapatrié au cimetière Montparnasse à Paris le 10 septembre 1968.
Léon Jacques BLOCQ et Lise Nanette ULLMANN auront ensuite une fille, le 16 août 1921, qui se prénommera Anne-Marie.
Il semble qu’Anne-Marie ait suivi une carrière d’artiste, comme sa mère, car on retrouve dans l’Intransigeant du 5 février 1939, un article précisant qu’elle a obtenu avec Monsieur Armand Rosemon le 1er prix du concours de danse organisé par le Club des Vedettes et que tous deux ont été engagés pour tourner dans le film Le Grand Elan de Christian Jaque.
Pendant la seconde Guerre Mondiale, Anne-Marie semble s’être réfugiée en Angleterre. Elle revient en France en 1947 et, avec son frère, recherche désespérément ses parents. Elle cherche leurs traces en Afrique, en Europe avant d’apprendre leurs disparitions tragiques. Elle s’adresse finalement au Ministère des Anciens Combattants et Déportés en 1957 afin de savoir si elle et son frère peuvent obtenir des indemnités en raison de la déportation de leurs deux parents. Ce Ministère versera à chacun 60 F, en 1962, somme qui représente « le paiement du pécule aux ayants-cause des déportés ou internés politiques décédés pendant leur détention ou après leur rapatriement ».
Anne-Marie se marie avec Jean BRAUNSCHWEIG le 13 mai 1977 dans le 17ème arrondissement de Paris. Elle décède le 3 août 1980 à Neuilly sur Seine. Aucune trace d’enfant n’a été trouvée pour ce couple.
Conclusion
La famille BLOCQ de Toul, comme indiqué sur la pierre tombale qui se trouve au cimetière Montparnasse à Paris, a compté des membres éminents et dévoués au service de la France. C’est une famille qui a cotoyé également des personnages illustres qui ont traversé l’Histoire de notre pays.
A commencer par Louis-Alfred, le père de Léon-Jacques, Chevalier et Officier de la Légion d’Honneur, qui a pris part au siège de la ville de Toul durant la guerre de 1870 contre la Prusse puis a fait preuve de dévouement dans l’organisation du Foyer du Soldat au début du Xxè siècle. Il s’est engagé dans l’affaire Dreyfus en recueillant les fonds du Syndicat, syndicat qui avait pour but de mener campagne pour que justice soit faite et a été soutenu par l’illustre écrivain Emile Zola.
La sœur de Léon-Jacques, Germaine, a sauvé de nombreuses vies, en tant qu’infirmière-major à l’hôpital auxiliaire 111 de Maxéville durant la première Guerre Mondiale. Elle s’est exposée à l’épidémie de grippe espagnole ce qui lui a valu de recevoir la médaille Vermeil par le Ministère de la Guerre. Elle fut très engagée également dans la section jeunesse de la Croix Rouge et dans l’Hygiène par l’exemple. Durant la seconde Guerre Mondiale, elle a mis en place le projet de Jean ZAY, Ministre de l’Education Nationale sous le Front Populaire, en créant des maisons de campagne pour accueillir les enfants des villes évacuées.
Le frère de Léon-Jacques, Maxime Blocq-Mascart s’est, lui, illustré dans la Résistance française durant la seconde Guerre Mondiale. Sous diffférents noms d’emprunts, il rentre dans la clandestinité en 1943 et prend la direction de l’Organisation Civile et Militaire. Il sera également un membre permanent du CNR, Conseil National de la Résistance. Chevalier de la Légion d’Honneur, médaille de la Résistance, Croix de guerre seront quelques-unes de ses distinctions.
Quant à Léon-Jacques BLOCQ, « sujet cultivé, au langage facile et clair, ayant une bonne mémoire dans tous les domaines, un cours des idées rapide avec une légère excitation intellectuelle », il eut une vie professionnelle et personnelle très variée et mouvementée. Elève brillant en médecine, c’est en politique qu’il choisit de commencer sa carrière professionnelle. Il a côtoyé, très jeune, deux Présidents de la République : Armand Fallières et Raymond Poincaré et a mis ses talents au service des cabinets ministériels de l’Agriculture et des Beaux-Arts. Il est un personnage en vue et préside aux inaugurations et aux Salons parisiens. Puis, il poursuit par une carrière de journaliste et de publiciste et crée son propre journal, LE BLOC, écrit pamphlétaire qui ne survivra que quelques mois. Que penser maintenant de ses multiples séjours en hôpitaux psychiatriques ? Léon-Jacques était-il réellement atteint de troubles psychiatriques ou était-il un personnage trop gênant pour le Gouvernement à travers ses accusations pamphlétaires qui visaient de hautes personnalités ? Le doute est permis selon sa femme, Lise-Nanette, peintre et émailleuse d’art reconnue.
This biography of Léon BLOCQ has been translated into english.