Marie BENAZRA

1927 | Naissance: | Arrestation: | Résidence: ,

Lettre à Marie BENAZRA

 

Marie Benazra, si aujourd’hui nous nous adressons à toi

C’est dans l’espoir de faire entendre ta voix

Parmi celles enfouies dans les terribles convois.

Retracer ton histoire, tel est aujourd’hui notre choix.

 

Ta mère, née en 1910 à Smyrne en Turquie

Est célibataire et mécanicienne lorsqu’elle quitte le pays.

C’est durant une vague de migration

Qu’elle rejoint Marseille, ville en pleine expansion.

 

Le 17 novembre 1927, elle te met au monde

Tu vis donc 3 rue Victor Hugo où le soleil abonde,

Pour déménager 3 ans après à Paris au 22 rue Popincourt,

Marquant malgré toi le début de ton terrible parcours.

 

Déjà arrivent tes deux sœurs plus petites,

Rose (24/04/1930) et un an plus tard Judith (19/08/31).

Vous êtes toutes trois de nationalité française,

Mais quelle fut réellement ton enfance ? Nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses.

 

D’abord, comme tous les enfants à cet âge, vous effectuez votre scolarité

C’est ainsi que vous rejoignez l’école primaire 13 rue Breguet,

Fermée en 2000 pour devenir l’inspection de l’éducation nationale.

Là-bas, tu n’es qu’une petite fille normale:

Une élève sérieuse comme l’attestent tes bulletins,

Une élève joyeuse malgré la guerre qui gagne du terrain.

Tu déménages régulièrement dans le 11eme, le quartier juif,

Pour passer du 22 au 10 puis au 40 de la même rue comme d’autres nombreux fugitifs.

 

Cependant le 13 mai 44, ta mère et tes sœurs sont internées à Drancy

Et partent à Auschwitz dans le convoi 74 où toutes perdent la vie

Après avoir passé quelques semaines escalier 18 chambrée du 2ème étage.

Tu es laissée orpheline, sans famille dans les parages.

 

Dans le même temps, tu te retrouves dans un centre de l’UGIF rue Vauquelin,

Foyer d’orphelines juives avec celles qui t’accompagneront tout au long de ce terrible destin :

Ida Azembert ou Régine Skorka,

Qui se retrouvent vite déportées tout comme toi.

 

Dans la nuit du 21 au 22 juillet 1944 la police française vous arrête,

De même que quatre cents enfants parisiens dont seule reste la silhouette.

Alors que la débâcle nazie était annoncée,

Nous savons que l’UGIF a collaboré ou au moins participé

A cette rafle organisée par le chef de Drancy : Aloïs Brunner,

Pour « remplir par devoir » le dernier convoi du camp à l’heure !

 

Te voici à Drancy chambrée du deuxième étage escalier 7,

C’est dans des conditions sanitaires très précaires,

Dans cette bâtisse en U flanquée de miradors surveillées par des militaires,

Ce lieu entouré de barbelés sur tous les bords,

Qu’on pourrait finalement qualifier d’antichambre de la mort

Que pendant 9 longs jours d’attente,

Tu comprends probablement ton départ imminent vers ce lieu nommé Pitchipoï,

Destination inconnue et inquiétante.

 

Et tu pars déjà le 31 juillet 1944 dans un de ces wagons à bestiaux,

Dans lequel tu subis la folie qui guette, le manque d’air, le manque d’eau.

Tu descends des trains de la mort à seulement 17 ans,

Pour entrer dans l’enfer sur terre à cet instant.

Ce convoi 77 transportait 1309 personnes dont 324 n’étaient encore que des enfants et des nourrissons.

726 d’entre eux furent gazés à l’arrivée dans ce processus accéléré de déshumanisation.

 

Détenue à Auschwitz, tu deviens A16 666,

Que représente pour toi cette terrible cicatrice ?

Tu survis pendant 3 mois dans ce camp de mise à mort et de concentration.

Et échappe miraculeusement par 2 fois à la sélection

Par l’arrivée en masse de convois de l’est et de ses populations

Et grâce à la révolte des sonderkommandos stoppant l’utilisation des crématoriums par leur explosion.

 

Ces événements provoquent ton départ à l’automne vers le camp de travail de Kratzau en Tchécoslovaquie,

Où chaque jour 8 à 9 kilomètres à pied sont accomplis,

Pour travailler 12 heures dans une usine d’armement

Et peindre ,en jaune, obus et grenades inlassablement.

 

Tu partages ta couchette avec Suzanne Barman,

Qui se remémore votre relation et les souvenirs qui en émanent,

Des arrangements et des échanges entre soupe et dos réchauffés

Mais aussi d’une forte solidarité.

 

Le 27 mai 1945, le camp est enfin libéré,

Tu reviens en France bien que tu n’aies personne vers qui te tourner.

Rejoins-tu tout de suite le 78 rue de la Roquette ?

Peut-être, du moins en 1959, c’est là que tu habites quand ta carte de déporté politique est faite,

Première reconnaissance de cette épreuve passée,

Première étape achevée qui te pousse sûrement à participer à la vie de la cité.

 

Les femmes avaient obtenu le droit de vote en 1944,

Et tu l’exerces ce droit de parole, ce droit de débattre,

Puisqu’on te retrouve dès 1960 sur la liste électorale,

Pour que ta voix compte autant que les autres citoyens en général.

 

En 1966 encore tu apparais sur les listes électorales de notre système républicain,

Prouvant que d’adresse en adresse tu arrives jusqu’au 167 avenue Ledru-Rollin,

Où tu vis encore aujourd’hui après plus de 60 ans,

Toujours à Paris, toujours dans ce 11ème arrondissement.

 

On suppose que c’est à cette période que tu passes de déportée politique à déportée juive,

Dans un mouvement de reconnaissance des victimes de guerre qu’enfin les autorités suivent.

C’est grâce au pécule que tu obtiens auprès de la direction interrégionale des anciens combattants en 1983

Que nous trouvons, dans les archives, une dernière trace de toi.

 

Bien qu’on ait eu l’honneur, par deux fois en 2023, d’entendre ta voix au téléphone,

C’est surtout ton silence qui aujourd’hui résonne.

Malgré ton refus de parler, ton mutisme sur cette terrible réalité,

Nous espérons au moins avoir pu relater un peu la vérité,

Pour ne jamais oublier, pour ne jamais t’oublier.

 

Au revoir Mme Benazra, Nous ne sommes que des lycéens

Mais nous sommes très fiers d’avoir croiser un temps votre chemin.

 

Les terminales de l’Institution Ste Marie (La Seyne sur Mer).

 

This biography of Marie BENAZRA has been translated into English.

Contributeur(s)

Les élèves de Terminale HLP et HGGSP de l’Institution Ste Marie à la Seyne s/mer (83) guidés par leurs enseignants Laureen Parmentier et Muriel Aubert.

Reproduction du texte et des images

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1 commentaire
  1. Turpyn 5 mois ago

    Bonjour,
    J’ai lu avec émotion l’écrit sur Marie Benezra qui est la cousine de ma mère Mathilde Jaffé, elles étaient ensemble rue Vauquelin puis à Auschwitz… ma mère est décédée il y a 3 ans et je découvre grâce à ces élèves que Marie est en vie ! Accepteriez-vous de me dire comment la contacter ? Je vous en serai infiniment reconnaissante.
    Merci infiniment
    Sylvie

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