Yvette ALGAZI

1927-2017 | Naissance: | Arrestation: | Résidence: ,

Yvette ALGAZI

Nous sommes des élèves de troisième du collège Les blés D’Or en Seine-et-Marne, et nous travaillons sur un projet appelé Convoi77 dans le cadre de réaliser la biographie de Yvette Algazi. Nous travaillons à l’aide de documents d’archives et nous nous basons sur ce que nous avons appris lors de nos sorties à Drancy, aux musées lors de notre voyage à Berlin, des nombreux témoignages étudiés ainsi qu’à l’aide des documents de la Shoah et des livres que nous avons lu comme celui de Simone Veil, Une enfance au temps de la Shoah.

Je suis Yvette Zelma Algazi, née à Paris dans le 12ème arrondissement le 20 septembre 1927. Ma famille et moi sommes juifs. Ma mère s’appelait Violette Ganon, mais je ne l’ai pas beaucoup connu car elle est morte en couche lorsque j’avais 3 ans. Mon père, Samuel Algazi, est né le 31 juillet 1906 en Turquie. Il a immigré de son pays à cause de la guerre gréco-turque de 1919 à 1922.

Bulletin de naissance.

Mon frère, Victor, est né le 1 an après moi le 3 octobre 1928 et ma sœur, Huguette, est née le 2 septembre 1930. Enfant, j’ai été placée dans un orphelinat juif à Villejuif au 2 avenue de Lutèce.

Informations mémorial Huguette et Victor.

J’ai eu une enfance plutôt joyeuse, je m’amusais beaucoup avec mes frères et sœurs puisque nous avions presque le même âge. Mon père travaillait beaucoup pour nous offrir une belle vie. Lorsqu’il était à la maison il passait son temps à jouer avec nous. Nous l’aimions beaucoup. Nous avions aussi une nourrice qui s’occupait de nous, elle était gentille et nous l’appréciions beaucoup elle aussi.

En 1939, à 12 ans, j’appris l’invasion de la Pologne et le début d’une Seconde Guerre Mondiale. J’étais très inquiète, j’avais peur de ce qu’il nous arriverait. Mon père s’est ensuite engagé volontairement dans le régiment de marche de volontaires étrangers (RMVE). Moi, Huguette et Victor sommes donc allés dans un orphelinat, l’orphelinat de Rothschild.

Orphelinat de Rothschild, 15 rue Lamblardie.

Trois ans plus tard, en 1942, le port de l’étoile juive fut rendu obligatoire. Je ressentis alors le regard des autres, c’était honteux. On ne voyait plus une jeune fille mais simplement une juive alors je n’osais plus sortir. De plus en plus de lois antisémites furent créées. Nous ne pouvions même plus sortir quand on voulait, une loi datant du 7 février 1942 nous interdisait de sortir de 20h à 6h du matin. Le 8 juillet 1942 nous avons même été interdits d’aller dans les commerces sauf entre 15h et 16h.

Alors que je perdais espoir, le débarquement du 6 juin 1944 fut un véritable soulagement. Je croyais de nouveau que la guerre ne allait bientôt finir mais vers 1 heure du matin, la nuit du 21 au 22 juillet 1944, Huguette, Victor et moi avons été arrêtés par la gestapo de Bruner. Il y avait énormément d’enfants, seulement quelques adultes puisqu’ils avaient arrêté tout l’orphelinat. Nous avons tous étés emmenés dans les locaux de l’école Lucien de Hirsh. C’était vraiment effrayant. J’espérais qu’il n’arriverait rien à mon frère et à ma sœur qui eux aussi avaient l’air terrifiés. Je n’arrêtais pas de penser à mon père, il devait être très inquiet.

École Lucien de Hirsh, 19 ème arrondissement de Paris, 1911.
F
onds Lucien de Hirsch – Les Archives du Consistoire Central de Paris.

Nous avons ensuite été envoyés à Drancy à pied. A ce moment-là j’avais déjà presque 17 ans. J’avais terriblement peur mais je tentais de ne pas le montrer pour ne pas inquiéter les jeunes enfants. Le trajet était très long et nous n’avions presque aucune affaire.

Je suis restée quelques jours à Drancy, du 22 au 31 juillet. En arrivant, on m’a pris les 110 francs que j’avais gardés avec moi, on m’a dit qu’on me les rendrait à la fin de mon séjour mais c’était un mensonge. Nous avions très peu à manger, seulement une petite soupe. Les toilettes se trouvaient à l’extérieur du bâtiment et nous ne pouvions pas nous laver plus d’une fois par semaine. La journée, il n’y avait rien à faire, c’était un peu ennuyant. Des gardes nous surveillaient constamment alors je me sentais un peu gênée quelques fois. Je changeais souvent de chambre car les jours restant avant la date de mon départ dépendaient de la chambre où je me trouvais.

Camp de Drancy.

Fiche d’internement.

Le matin du 31 juillet, on nous a emmenés à la gare de Bobigny en bus. Puis, nous sommes montés très tôt dans des wagons à bestiaux. Nous n’avions rien à manger ni à boire. Comme c’était l’été, il faisait extrêmement chaud, de plus nous étions tous serrés les uns contre les autres. On entendait des gens crier et pleurer, je trouvais ça atroce. Le wagon sentait mauvais car ne devions faire nos besoins dans le wagon et la chaleur nous faisait transpirer, c’était horrible. Je ne pouvais pas m’assoir sur la paille qui recouvrait le sol, je n’avais pas de place car nous étions trop nombreux. Le trajet a duré 3 jours et 2 nuits, c’était vraiment long. Mon frère, ma sœur et moi étions dans le même wagon alors je me sentais un peu plus rassurée.

Certificat.

Je suis arrivée le 4 août au matin. Une odeur immonde surgit dès notre arrivée. On entendait les SS crier et les chiens aboyer. Pendant une seconde, je pu me retourner et je vis que certains étaient morts dans le wagon. Je n’eus pas le temps de me rendre compte de cette horreur qu’on me poussa dans une file. J’attendis longtemps sans comprendre, en entendant les gardes parler, je compris que je me trouvais à Auschwitz Birkenau. On m’avait séparé de Victor et Huguette alors j’étais très inquiète pour eux.

On me demanda mon âge, alors je répondis 18 puisque je voulais faire plus grande comme on me l’avait conseillé sur le quai. On me prit toutes mes affaires et on m’envoya me faire désinfecter. Nous étions toutes nues et extrêmement gênées devant les gardes qui nous fixaient, c’était affreusement humiliant. Je pris une douche désinfectante puis je fus rasée entièrement avant qu’on me donne un numéro tatoué sur mon bras. Enfin je pu rentrer dans le camp où l’on m’envoya travailler dès le lendemain. Je ne comprenais pas ce qui les poussait à nous traiter avec si peu d’humanité, même les bêtes étaient mieux traitées que nous. Mes vêtements étaient des guenilles usées et pas à ma taille. Avec nos cheveux rasés, nous ne ressemblions plus à rien.

Déportation Yvette.

J’étais forcée à travailler dans des conditions inhumaines. Beaucoup de prisonniers du camp étaient battus à mort par les SS. La nourriture et l’eau étaient toujours assez rares et le manque d’hygiène faisait que les plus petites blessures finissaient par s’infecter.

Chaque jour était d’une grande violence, nous entendions le bruit des coups de feu dans le camp. Des gardes venaient contrôler l’état du camp et vérifiaient notre identité le matin et le soir après le travail par des appels interminables. Notre journée était épuisante et nous n’avions qu’une soupe et un petit peu de pain pour se nourrir malgré de longues marches pour effectuer les travaux forcés. Il était dur pour moi de me rendre compte que ce cauchemar était bien réel et ma santé s’est nettement dégradée due aux mauvaises conditions.

Le 1er novembre 1944, je suis emmenée à Kratzau (Chrastava) au sous-camp de Gros Rossen (Pologne), en République Tchèque pour travailler. Encore une fois, le trajet était atroce. Beaucoup sont morts devant moi, c’était épouvantable. Le camp était surpeuplé, les journées de travail étaient de plus de 12 heures en plus des appels pour vérifier notre identité au moins 4 fois par jour. L’hygiène et la nourriture n’étaient pas pour nous, certains ressemblaient à des squelettes et étaient malades. Les gardes étaient violents, ils donnaient des coups et des punitions. Notre espérance de vie était largement limitée à ce moment-là mais c’est surtout le désespoir qui pouvait nous faire mourir. Le camp était constitué de ruines, et de structure de briques et de bois. On y trouvait aussi des chambres à gaz.

J’ai été libéré par les Russes le 8 mars 1945, j’ai d’abord passé quelques temps dans un hôpital avec les autres Juifs puis j’ai été rapatriée à Paris le 6 juin 1945. En tout, j’avais perdu neuf kilos. Ce fut un vrai soulagement. J’avais aussi très mal au ventre car j’ai attrapé une Gastralgie.

Examen médical.

 

Je me demandais où étaient Victor, Huguette, alors je fis mes recherches pour les retrouver. Malheureusement, j’ai appris qu’ils avaient été tués par les Allemands. Ce que j’avais vécu était horrible et je gardais ces souvenirs douloureux malgré moi.

[Yvette Algazi est décédée à Vence, le 27 décembre 2017]

Sources

  1. documents d’archives donnés par Convoi 77
  2. témoignages de Béqui Pisanti, de Marceline Loridan et d’Yvette Levi présents sur le site du mémorial de la Shoah
  3. livres de Simone Veil, Jeunesse au temps de la Shoah ; de Ginette Kolinka, Retour à Birkenau; d’Henri Borlant, Merci d’avoir survécu et de Ida Grinspan, J’ai pas pleuré 

 

This biography of Yvette ALGAZI has been translated into English.

Contributeur(s)

Emma, Eva, Nolan, Pablo, élèves de la 3è1 au collège les Blés d’or de Bailly-Romainvilliers (77) et Mmes Garillière et Jorrion

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