Itinéraire d’une biographie avec Nina Makarova, professeure en Ukraine

Nina Makarova est professeure d’histoire à l’école 9 de Druzhkivka dans la région de Donetsk, en Ukraine. Avec un groupe d’élèves, elle a mené des recherches sur Uziel Massine et a rédigé sa biographie. De son engagement constant pour l’enseignement de la Shoah au difficile processus de recherche historique pendant le confinement, nous revenons ici sur son parcours.

Un engagement constant pour la mémoire et l’enseignement de la Shoah

Pour que cela ne se reproduise jamais. Voilà la réponse de Nina Makarova lorsqu’on lui demande pourquoi enseigner la Shoah est si important pour elle. De toute son âme, Nina Makarova enseigne la tolérance et le respect à ses élèves, de différentes nationalités. Très tôt, Nina Makarova a réalisé qu’il y avait encore tant de vides à combler sur l’histoire de la Shoah en Ukraine. Elle a donc commencé à étudier l’histoire de sa ville puis celle de l’oblast de Donetsk. Tous les ans, ses classes participent à des projets locaux, nationaux et internationaux pour la mémoire de la Shoah. Nina Makarova est également invitée à des conférences chaque année pour la commémoration de la Shoah et anime des formations sur l’enseignement de la Shoah pour des professeurs ukrainiens. Toutes les recherches qu’elle a menées, tous les noms des victimes, font désormais partie d’elle. Enseigner la Shoah, c’est transmettre cette conscience historique à ses élèves. En 2017, le gouvernement ukrainien a reconnu son engagement en lui décernant le titre de professeur émérite d’Ukraine.

Invitée en France avec une délégation de professeurs ukrainiens en 2014, Nina Makarova visite Drancy, où elle croise pour la première fois le nom d’Uziel Massine. Plusieurs années après, en janvier 2020, elle reçoit une lettre du Ministère de l’Éducation ukrainien relayant l’appel à participation de Convoi 77, à travers le Ministère des affaires étrangères français. Les élèves de Nina Makarova sont habitués à travailler sur la Shoah. Elle sait toutefois en le leur proposant que ce projet ne sera pas facile. Ils acceptent parce que c’est la première biographie d’un déporté du Convoi 77 né en Ukraine soviétique à être écrite, mais surtout parce qu’on ne sait d’Uziel Massine que sa date de naissance. Or, « il nous faut savoir ».

Reconstituer la vie d’Uziel Massine : un défi relevé

Commence alors un long processus de recherche, que le confinement vient encore compliquer. Les archives ferment, il est impossible de se déplacer sur les lieux de vie d’Uziel Massine, de faire des interviews à la recherche de témoins ; c’est confinés, depuis leurs ordinateurs, que les élèves vont reconstruire le parcours d’Uziel Massine. Ils décident de trois axes de recherche :

  1. Retrouver la famille Massine

Le groupe trouve la famille d’Uziel Massine en fouillant les archives d’Ekaterinoslav. Ils découvrent par exemple que sa famille était relativement aisée puisqu’elle avait le droit de voter pour les élections de la Douma en 1912 (prérogative attachée à la possession d’un capital économique). En revanche, après avoir cherché en Ukraine, en Russie et en Biélorussie, ils ne trouvent pas de traces de parents de la famille toujours vivants.

  1. Etudier les documents fournis par Convoi 77 et par le Mémorial de la Shoah

Les élèves ont passé deux mois à traduire, mot par mot, les documents rédigés en français. Ils les ont ensuite classés chronologiquement avant de pouvoir les analyser.

  1. Trouver des documents qui complètent la recherche et éclairent au maximum la vie d’Uziel Massine

Nina Makarova et sa classe n’ont pas pu se rendre devant le 23 rue des rosiers à Paris, où s’est installé Uziel Massine après la guerre, mais ils ont passé des heures à regarder l’immeuble sur Google Maps. Peut-être quelqu’un rue des Rosiers se souviendrait-il de Massine et de sa femme ? Malheureusement, Paris n’est pas Donetsk et personne n’a pu leur fournir d’information. Patients, ils réussissent toutefois à obtenir de la mairie de Paris une information importante : la date de décès d’Uziel Massine, en 1979. Pour s’imaginer au mieux la vie de Massine, ils se sont aussi inspirés de biographies et d’écrits de certains de ses contemporains et de rescapés des camps nazis.

Pas à pas, document après document, en voyageant dans le temps et l’espace, les élèves de Nina Makarova ont reconstitué la vie d’Uziel Massine, de sa naissance en 1905 en URSS, ses origines familiales, à son installation en France à l’âge de 9 ans, puis son mariage avec Marguerite Vatine, son engagement dans l’armée française, son arrestation pour sabotage 1944, son envoi à Auschwitz, Buchenwald et Sachsenhausen, sa libération le 11 avril 1947, son retour en France, sa naturalisation en mai 1948, son métier d’horloger, et jusqu’à sa mort de maladie, 23 rue des Rosiers, le 10 juin 1979.

Merci à Nina Makarova et à sa classe pour leur travail, leur ténacité et leur patience qui ont redonné vie à Uziel Massine.

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