Le projet international cité par la chercheuse Sarah Gensburger

Sarah Gensburger est directrice de recherches au CNRS, sociologue spécialiste des questions mémorielles et de l’histoire de la Shoah en France. Dans un entretien accordé au Monde, elle analyse la place des politiques mémorielles en France et démonte certaines idées reçues. Elle cite en fin d’interview le projet Convoi 77. Nous reproduisons ici l’extrait en question.

« […] Ces actions universalistes ont parfois du mal à atteindre leur but parce qu’elles ne prennent pas assez en compte les inégalités sociales : elles sont plébiscitées par les personnes éduquées, intégrées, souvent de gauche mais elles peuvent être mal perçues par les catégories sociales marginalisées. Dans ces milieux, elles peuvent donc produire un effet contraire à celui qui est recherché : un sentiment d’exclusion et, vecteur supplémentaire de domination, un rejet des valeurs promues. Pour l’éviter, il faut que ces politiques soient pensées, non pas « hors-sol », mais dans l’espace social où elles se déploient.

Avez-vous à l’esprit des expériences qui répondent à ces exigences ?

Dans les établissements scolaires, la voie actuellement la plus intéressante consiste, me semble-t-il, à se fonder sur la proximité spatiale : au lieu d’imposer un récit porteur de valeurs générales, les enseignants demandent, par exemple, aux élèves d’enquêter sur des événements liés à la Shoah qui ont eu lieu près de chez eux. C’est, par exemple, la démarche adoptée par le projet « Convoi 77 », qui retrace l’histoire des 1 321 déportés du train parti de Drancy pour Auschwitz le 31 juillet 1944.

Chaque élève participe activement au travail de mémoire en écrivant la biographie d’un des déportés. Encadrés par les enseignants, ils recherchent des documents ou des témoignages et produisent, au terme de cette enquête, un texte qui est ensuite publié sur le site de « Convoi 77 ». Au lieu de se voir imposer un discours, ils sont les acteurs de la transmission mémorielle : les valeurs de tolérance ne font pas l’objet d’une proclamation solennelle mais elles sous-tendent implicitement le projet – et elles s’en voient renforcées. »

Paru dans Le Monde du 21 mai 2025, propos rapportés par Anne Chemin.

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