« Leo », un film documentaire sur l’éveil au monde de collégiens à travers la Shoah

Comment peut-on, au 21ème siècle, parler de la Shoah auprès des nouvelles générations ? C’est la question que pose le film documentaire « Leo », coproduit par l’association Convoi 77 et la société de production Kanari Films. Durant plus d’une année scolaire, son réalisateur, Sebastiano d’Ayala Valva, a suivi des élèves de 3ème du collège Charles Péguy de Palaiseau, en région parisienne, dans leurs recherches sur un déporté du convoi 77, Leo Cohn.

De longs mois au cours desquels les élèves se sont petit à petit dévoilés face à la caméra, révélant leurs propres histoires. L’étude de la Shoah et de ses atrocités éveille ainsi chez l’un d’eux le souvenir douloureux de la guerre en Côte d’Ivoire en 2010, ce pays qu’il a dû fuir. Chez un jeune Bolivien, cela révèle des blessures liées au rejet et au harcèlement subis à son arrivée en France.

Face à l’horreur, d’autres élèves affichent, en revanche, un décalage et un détachement émotionnel qui provoquent un malaise. À l’image de Guillaume, un ado à l’allure confiante qui préfère tenir l’histoire de l’extermination des Juifs à distance, choisissant de considérer les camps de concentration comme des lieux où le travail pouvait « rendre costaud » et être source d’expériences positives. La caméra et la patience de Sebastiano d’Ayala Valva mettront en évidence au fil des plans la complexité des émotions du garçon, en proie à une stratégie de défense pour se protéger de ses propres traumatismes.

« Donner du sens à cette histoire, qui est quelque chose de profondément insensé »

« Le but, c’était de comprendre ces jeunes, et c’est tout à fait compréhensible qu’à 15 ans on puisse être déconnectés de tout ça et même qu’on s’en foute », explique Sebastiano d’Ayala Valva, pour qui « le seul moyen d’apprendre, c’est de participer ».

« En les filmant j’ai eu l’impression qu’ils essayaient de donner du sens à cette histoire [la Shoah], qui est quelque chose de profondément insensé, en se basant sur leur propre vécu, ajoute-t-il. Quand une histoire ne fait pas écho en eux, c’est qu’elle est trop lointaine, trop intangible. D’où l’intérêt du côté participatif. À leurs âges, ils ont encore peu de moyens de comprendre un tel événement, il leur faut passer par leurs expériences personnelles. »

À force de réflexions et de ponts dressés entre les expériences, le film montre au final, au-delà d’un travail de mémoire sur la Shoah, l’ouverture au monde de ces collégiens, rendus actifs dans leur enquête scolaire par leur enseignante d’histoire Claire Podetti. À l’écran, on assiste à la formation de leurs opinions, parfois maladroites, sur différents sujets de société, comme l’homosexualité ou l’engagement politique. « Ce sont des moments de leur vie où ils peuvent encore changer d’avis », commente Sebastiano d’Ayala Valva.

D’où l’autre question posée par le film : Comment développe-t-on un esprit critique, une sensibilité au monde, et comment notre histoire personnelle entre-t-elle en jeu ?

Le film « Leo » sera diffusé mardi 24 mai 2022 à 19h30, au Mémorial de la Shoah, à Paris. Le réalisateur, Claire Podetti, professeure d’histoire, et Georges Mayer, président de l’association Convoi 77, seront présents.

Entrée libre, inscription obligatoire sur le site du Mémorial.

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