Georges REHNS

1874-1944 | Naissance: | Résidence:

Georges REHNS

Ce travail a été réalisé par un groupe d’élèves volontaires de la classe de 3ème 6 du collège Victor Duruy de Châlons-en-Champagne, sur leur temps libre, encadrés par moi, leur professeur d’histoire-géographie. Ces 6 élèves sensibilisés au travail de mémoire de la Shoah par un EPI intitulé « Chemins de mémoire » ont travaillé sur une famille dont les membres ont été déportés ensemble : la famille Rehns, Georges, Sarah et Gilberte.

Nous nous sommes réunis 2h tous les 15 jours à partir du mois de février et nous avons dépouillé les archives fournies par « Convoi 77 ». Les élèves travaillaient par équipe de deux sur chacun des membres et très vite, ils se sont demandés s’il y avait encore des descendants de cette famille car Gilberte avait une soeur et un frère. Ils ont « fouillé » sur internet sur les sites officiels comme ceux du Mémorial de la Shoah ou de Yad Vashem, des sites de généalogie et ont rapidement réussi à établir un arbre généalogique des ancêtres et des descendants de la famille Rehns, notamment du côté de leur fille Andrée Bodenheimer. 

Ils ont trouvé que ses deux filles se sont mariées l’une Nadine à M. Lefort des Ylouses et l’autre Anne-Marie à M. Duval. Tout simplement, un patronyme étant plus courant que l’autre, ils ont cherché des descendants « Lefort des Ylouses » sur internet et sont tombés sur « Juliette Lefort des Ylouses » à qui ils ont écrit une lettre le 7 mars 2023, sans trop savoir si l’adresse postale était la bonne. Le 15 mars nous avions une réponse par mail et nous étions bel et bien entré en contact avec les descendants de la famille Rehns ! Après plusieurs échanges par mail, Mme Nadine Lefort des Ylouses (la grand mère de Juliette et petite fille de Georges et Sarah) a souhaité parlé aux 6 élèves et nous avons fait une visio conférénce le 14 avril. Les élèves avaient préparé leurs questions et ont pu échanger avec elle et enrichir leurs connaissances sur la famille Rehns. Mme Lefort nous a gracieusement envoyé toutes les photos dont nous avions besoin et nous a envoyé le livre qu’elle avait écrit sur sa famille pour ses enfants, nous permettant ainsi d’avoir des informations fiables et précises.

Lorsque le travail a été terminé au début du mois de juillet, je l’ai transmis à Mme Lefort pour relecture et pour qu’elle nous autorise à le communiquer à Convoi 77. Voici sa réponse : « Je viens de prendre connaissance de toutes les pièces que vous m’avez envoyé et je voulais non seulement vous donner mon accord mais aussi vous féliciter (vous et vos élèves) pour le merveilleux travail que vous avez accompli. »

Mme Lefort nous a malheureusement quitté à la fin du mois d’août. Cependant mes élèves et moi sommes heureux d’avoir contribué à perpétuer la mémoire de sa famille à travers ce travail et nous avons conscience d’avoir eu beaucoup de chance de faire sa connaissance et d’avoir pu échanger avec elle.

Cécile Boudes

1) Avant la guerre

Georges Ferdinand REHNS, né le 26 juillet 1874 à Paris (4èmearrt) était le fils de Aron-Marc REHNS et Elisabeth MAYER.

Acte de naissance de Georges Rehns

Son père issu d’une vieille famille alsacienne, s’installa d’abord à Strasbourg comme avocat, et ensuite à Paris en 1872, refusant de vivre sous domination allemande après l’annexion de l’Alsace-Lorraine par l’empire allemand.

C’est à cette époque qu’Aaron-Marc REHNS acquiert l’entreprise Violet, parfumerie et cosmétique de luxe, située 12, boulevard des Capucins à Paris. Il la fit prospérer et grâce à lui, elle fut cotée en bourse et elle prit une envergure internationale. Cette parfumerie était le fournisseur officiel de l’impératrice Eugénie et de la reine Isabelle II d’Espagne. Aujourd’hui encore l’abeille, symbole de l’impératrice, est apposée sur chaque flacon.

Aaron-Marc fonde en 1906 un orphelinat israélite pour garçons à Haguenau. Dans son testament, outre la transmission de l’entreprise à ses fils, il déclare « A mes enfants, je recommande instamment de rester unis et dignes de leurs ancêtres qui ont toujours marché dans les voies de l’honneur et mérité la considération de leurs concitoyens »

Testament de Aron-Marc Rehns, le père de Georges

Georges a deux frères, Eugène avec lequel il est très proche et Marc qui décède jeune.

Georges au milieu et ses deux frères, Eugène et Marc

A la mort de son père, Georges se retrouve donc à la tête de cette entreprise avec son frère Eugène jusqu’à l’occupation allemande qui ne lui permet plus d’être chef d’entreprise. Sa petite-fille, Nadine LEFORT des YLOUSES pense qu’il l’a mise en sommeil pendant la guerre.

En effet, dès le 18 octobre 1940, une ordonnance allemande impose que les entreprises juives soient recensées et dès le 29 mars 1941, le commissariat aux questions juives s’occupe de l’aryanisation économique, puis en avril 1941, une troisième ordonnance élargit l’interdiction d’exercice de professions à tout le secteur des activités commerciales[1].

Un cousin de Georges, Jean Alexandre REHNS a repris l’affaire sans succès pendant quelques années jusqu’en 1955, puis il l’a abandonnée[2].

Georges et son frère Eugène avaient acquis un immeuble de rapport en 1923 au 68, rue de la chaussée d’Antin que ses descendants possèdent toujours. Mais il vivait avec toute sa famille dans un appartement, qu’il louait, situé 80 boulevard Flandrin dans le 16ème arrondissement.

Il se maria à Sarah CALISH le 24 avril 1906 et ils eurent trois enfants ensemble : Andrée née le 20 décembre 1908, Gilberte née le 25 octobre 1910, et Jacques né le 16 août 1920.

Registre d’état civil de la mairie du 16ème arrondissement.
Acte de mariage de Georges et Sarah

(« L’an 1906, le vingt-quatre avril à trois heures du soir, acte du mariage de Georges Ferdinand Rehns, né à Paris le vingt-six juillet mille huit cent soixante-quatorze, négociant, domicilié avec ses père et mère à Paris, rue de la faisanderie, 40, fils majeur de Aron Marc Rehns industriel et de Elisabeth Mayer son épouse, sans profession, présents et consentants d’une part et de Sarah Catherine Calisch née à Paris le-vingt-un février mille huit cent quatre-vingt-cinq, sans profession domiciliée avec ses père et mère avenue Victor Hugo 97, fille majeure de Oreste Nardus Calisch, négociant et de Mathilde Rosamunde Van Biema son épouse, sans profession, présents et consentants d’autre part. Dressé par nous, Edgar Berthemet, adjoint au maire, officier d’état civil du seizième arrondissement de Paris qui avons procédé publiquement en la mairie à la célébration dans la forme suivante : après avoir donné lecture aux parties 1°des actes de naissance des futurs, 2° des actes des publications faites en cette mairie les dimanches huit et quinze avril courant sans opposition ; toutes les pièces susmentionnées dûment paraphées et annexées,3° du chapitre 6 du livre et du code civil (titre du mariage) sur les droits et les devoirs respectifs des époux, après avoir interpellé les époux, les père et mère du futur, les père et mère de la future, lesquels nous ont déclaré qu’il a été fait un contrat de mariage, le vingt-trois avril courant devant maitre Edmond Leroy, notaire à Paris, qui a délivré certificat à nous produit, Nous avons demandé aux futurs époux s’ils voulaient se prendre pour mari et femme, chacun d’eux ayant répondu affirmativement et séparément à haute voix, Nous avons prononcé au nom de la loi que Georges Ferdinand Rehns et Sarah Catherine Calisch sont unis par le mariage en présence de Frédéric-Gaston Levy-Alexandre, âgé de cinquante-deux ans, industriel domicilié à Paris avenue Bugeaud,1, beau-frère de l’époux, Daniel Eugène Rehns âgé de trente-cinq ans, ……….., domicilié à Paris, rue Lapérouse, 31, frère de l’époux ; Martin Calisch âgé de cinquante ans, négociant, domicilié à Paris 48 rue Saint Ferdinand, oncle de l’épouse, Samuel Van Biema, âgé de quarante-cinq ans, industriel, domicilié à Rouen, 83 rue Thiers, oncle de l’épouse, témoins qui ont signé avec les époux, les père et mère de l’époux, les père et mère de l’épouse, et nous après lecture. »)

Georges et Sarah étaient fortunés mais le seul signe extérieur que Georges affichait, était son adhésion en tant que membre à l’Automobile Club où il pratiquait l’escrime. C’est un club privé réservé aux hommes.

Georges à cheval

2) Pendant la guerre

Au moment de l’exode, la famille se réfugie à Bagnoles-de-l’Orne, petite ville de Basse-Normandie, où elle a des amis. Georges, Sarah, Gilberte, Jacques, Andrée et ses deux petites filles, Nadine et Anne-Marie, passent une année dans une maison avec jardin louée par les REHNS, où les rejoignent la belle-mère d’Andrée, Hedwige BODENHEIMER, puis André BODENHEIMER son mari, après sa démobilisation.

Andrée et Gilberte debout,Nadine, Jacques et Anne-Marie
à Bagnoles-de-l’Orne

Puis la famille reprend le cours de sa vie. Pendant presque toute la durée de la guerre, Sarah, Georges et Gilberte leur fille cadette sont restés dans leur appartement de la rue Flandrin. Ils ne se cachaient pas mais la peur de se faire arrêter était quand même là.

Georges, Sarah, Gilberte et Andrée

Ils auraient pu par deux fois quitter la France. La sœur de Sarah, Elise, vivait en Angleterre et leur a proposé de les héberger. Les relations new-yorkaises de leur fille aînée Andrée BODENHEIMER auraient pu leur permettre d’aller aux Etats-Unis. Mais Georges et Sarah étaient attachés à la France, à leurs habitudes et à leur confort et pensaient être protégés par leur nationalité française, d’autre part, ils n’étaient plus si jeunes. Selon leur petite-fille, Mme LEFORT des YLOUSES, ils n’avaient pas conscience du danger qu’ils couraient et qu’ils faisaient courir à toute leur famille, puisque les BODENHEIMER n’ont pas voulu partir sans eux.

Ils sont restés à Paris en faisant leur vie pendant quatre ans malgré les lois antisémites imposées par l’occupant allemand ou à l’initiative du gouvernement de Vichy, restreignant leurs libertés et leurs droits (sortie à des heures précises, pas de cinéma…). Ainsi, la promulgation du 1er statut des juifs le 3 octobre 1940, puis le recensement, l’aryanisation des biens et les interdictions d’exercer de nombreuses professions, le port obligatoire de l’étoile jaune à partir du 29 mai 1942, touchent directement la famille REHNS.

Ils vivaient tous les jours avec la peur que la milice ou la Gestapo arrive chez eux.

3) La déportation

Ce moment arrive le 19 juillet 1944, alors qu’une partie de la France est déjà libérée depuis le débarquement du 6 juin 1944. Les parisiens, et sans doute toute la famille REHNS, attendent la libération de Paris, l’été est particulièrement chaud cette année-là et les restrictions se font de plus en plus ressentir. Le 14 juillet, les parisiens n’hésitent pas à manifester dans plusieurs quartiers de Paris et défilent en chantant la Marseillaise et en brandissant le drapeau tricolore, alors que c’est interdit. Les Allemands réagissent peu.

Mais alors, le chef du camp de Drancy Aloïs Brunner, ressent l’urgence de déporter les Juifs qui avaient jusque-là échappé aux rafles. Sarah, Georges et Gilberte se font arrêter par la Gestapo qui a frappé à leur porte et les a emportés car ils étaient juifs.

Des personnes présentes ce jour-là, Suzanne Cardol et Frieda Feiner, domestiques, concierges ou voisines, témoignent de cette arrestation « par les Allemands ».

Témoignage de Frieda FEINER,
fait à Paris le 30 décembre 1946

Témoignage de Suzanne CARDOL ,
fait à Paris le 30 décembre 1946

 

Georges a été interné au camp de transit de Drancy comme « israélite » sous le matricule n°25.258 du 19 au 30 juillet. Il fait partie du convoi 77, comme Sarah et Gilberte, qui part de la gare de Bobigny le 31 Juillet 1944 en direction d’Auschwitz-Birkenau (en Pologne). Sa famille et lui n’auront pas le temps de travailler et d’avoir une chance de survivre, car les nazis sentent que la fin de la guerre approche, ils sont exécutés le 5 août 1944.

4) Après la déportation

Après sa mort sa fille Andrée, déportée par le convoi N°71 et rescapée d’Auschwitz, et son fils Jacques qui a rejoint les forces alliées en passant par l’Espagne, ont fait les démarches pour que leurs parents et leur sœur reçoivent la mention “mort pour la France » le 26 février 1947 (demande faite le 30 décembre 1946).

Avis du préfet sur l’attribution de la mention « mort pour la France »,
datant du 26 février 1947

A la fin de la guerre, Jacques, Andrée et ses deux filles Nadine et Anne-Marie, occupent l’appartement du 80 boulevard Flandrin qui n’a pas eu le temps d’être pillé et spolié par les Allemands car Paris est libéré le 25 août 1944. Ils y sont rejoints par la belle-mère d’Andrée, Hedwige BODENHEIMER.

Sans doute traumatisée par sa déportation et la perte de son mari et de ses parents, Andrée parle peu de cette période à son retour.

Ils sont devenus héritiers des biens de Georges et Sarah comme le stipule un acte notarié datant du 3 janvier 1947.

C’est grâce au livre écrit par Nadine LEFORT des YLOUSES que l’histoire de la famille est transmise aux jeunes générations et pourra se transmettre à l’avenir.

 

Louis AMBROSI et Nathan JOSEPH 3ème 6

 

Toutes les photos nous ont été transmises par Mme Nadine Lefort des Ylouses, petite fille de Georges et Sarah Rehns, ainsi que le livre qu’elle a écrit à l’intention de sa famille « Hier et maintenant ». Elle nous a autorisé à les publier pour le site Convoi 77.

Les élèves ont pu échanger avec Mme Lefort des Ylouses lors d’une visio conférence en avril 2023 et lui ont posé des questions pour enrichir leurs propos sur la famille.

 

Références et notes

[1] http://www.ac-grenoble.fr/ecole/74/humanisme/IMG/pdf_Chrono_mesures_antijuives.pdf

[2] https://www.maisonviolet.com/pages/la-maison et source familiale

Contributeur(s)

Louis AMBROSI et Nathan JOSEPH 3ème 6 au Collège Victor Duruy (Châlons en Champagne), sous la direction de leur enseignante Cécile Boudes.

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