Joseph GOURENZEIG

1927-2002 | Naissance: | Arrestation: | Résidence: ,

Joseph GOURENZEIG

Ci-contre : Acte de naissance de Joseph Gourenzeig. Source : Mémorial de la Shoah, Archives

Joseph Gourencajg dit Gourenzeig est né le 8 février 1927 à Paris dans le 12ème arrondissement. Il est le fils d’immigrés polonais, Noussen et Rosa. C’est le troisième enfant d’une fratrie de quatre. Comme l’atteste le recensement de 1931, la famille habite 397 rue des Pyrénées. Il étudie dans l’école communale au 104 de la rue de Belleville.

Sur le registre d’inscription de l’école, le fonctionnaire de l’éducation nationale a noté à propos de Joseph « peu intelligent ». L’avenir montrera au contraire que Joseph était très intelligent, mais il n’était pas intéressé par l’école, c’est pour cela que son père l’inscrit dans une école de tailleur.

 

Extrait du recensement de 1931. Source : Archives de Paris

 

Extrait du registre d’inscription de l’école rue de Belleville. Source : Archives de Paris, cote 2846W 7

Durant les années 40, après la déclaration de la guerre, son père l’envoie avec le reste de sa famille dans un petit village proche de Sens chez une vieille Anglaise pour les protéger. Ils retournent à Paris quelques jours plus tard.

En 1941, Joseph, comme tous les membres de sa famille, perd la nationalité française en vertu du décret-loi du 22 juillet 1940. D’après un article du journal Le Monde : « La loi de 1940 […] portait officiellement sur « la révision des naturalisations » mais son article premier évoquait « la révision de toutes les acquisitions de nationalité française ». C’est très différent, la naturalisation et l’acquisition de nationalité n’ont rien à voir. Numériquement d’abord, les acquisitions de nationalité sont deux fois plus nombreuses que les naturalisations. Juridiquement ensuite, les enfants de parents naturalisés français sont Français, alors que les personnes naturalisées sont nées étrangères. »

Après la perte de la nationalité française, le père de Joseph décide de chercher un nouvel endroit pour installer sa famille en zone libre14.  Après avoir trouvé un logement à Lyon, il envoie un passeur à Paris chargé de conduire la famille jusqu’à lui. Les sœurs de Joseph se rendent les premières à la Gare de Lyon, Joseph accompagné de son frère et de sa mère les rejoint, mais la famille ne se retrouve pas. La mère descend du train à Dijon pour retrouver ses filles à Paris. Joseph et son frère André poursuivent le voyage avec le passeur.

Ils s’arrêtent en train un peu avant Chalon-sur-Saône mais lorsqu’ils tentent de franchir la ligne de démarcation, ils se font emprisonner et le passeur se fait tuer. À la prison de Chalon, un par un, ils se font interroger par un officier allemand. La journée ils ont droit à 2 heures de quartier libre à condition de ne pas entrer dans d’autres cellules. À la prison, les conditions d’hygiène sont mauvaises : ils ont à manger une bouillie de légumes, un bout de viande qui a une odeur de charogne et un morceau de pain sec. Après le repas, ils ont le droit à une sortie d’une demi-heure dans une cour fermée. La nuit, l’odeur des toilettes est épouvantable. Après le procès, Joseph et son frère André sont condamnés à huit semaines d’incarcération.

Une nuit, vers 5 heures du matin, un soldat ouvre toutes les cellules de la prison : il a une liste de noms. Il appelle plusieurs prisonniers dont Joseph et son frère : ils sont emmenés à la prison d’Autun dans des camions. Comparée à la prison de Chalon sur Saône, cette prison a un meilleur confort mais les conditions sont les mêmes. Après les huit semaines d’emprisonnement, Joseph et Zalo sont conduits à la préfecture. La personne qui les interroge, se rendant compte que les deux frères sont Français, les confie à deux inspecteurs de la police judiciaire chargés de les conduire à la gare pour retourner à Paris.

Une fois à Paris, ils retournent chez eux où ils retrouvent leur mère et leurs sœurs, mais ils sont désormais considérés comme évadés. Le premier soir, la mère craignant l’arrivée de la police, cache Joseph et Zalo dans la chambre de bonne de Zalo. Le lendemain, à 5 heures du matin, la police questionne la mère pour savoir où se trouvent ses fils. La police abandonne les recherches pour le moment. Mais des documents nous prouvent que la police est retournée chez les Gourenzeig, à la recherche de Joseph et de son frère.

Courrier interne de la Direction des étrangers et des affaires juives. Source : Archives de Paris, cote 77W213-130216

Grâce à une tante, ils ont un passeur qui les fait partir de Paris afin de passer la ligne de démarcation. Ils commencent par le train puis ils entament une marche très épuisante dans la neige. Le lendemain, ils sont en zone libre. La famille arrive dans un hameau. À force de toquer aux portes, une paysanne leur ouvre. Elle les installe devant la cheminée et leur donne à manger. Quelques heures plus tard, la paysanne appelle les gendarmes pour qu’ils les prennent en charge afin de les interroger. Ces derniers appellent leur père et les envoient à Lyon. Une fois arrivés à Lyon, ils retrouvent Noussen dans leur nouvel appartement situé au 11 place Antonin Gourju.

Les jours s’écoulent à Lyon, ils vivent une belle vie, Joseph travaille avec son père en tant que tailleur, il se fait plein de nouveaux amis.

Il est arrêté le 18 juillet 1944 par la Gestapo chez lui à Lyon, car il est juif et a été dénoncé par une personne dont nous ne connaissons pas l’identité.

Extrait du dossier du ministère des anciens combattants et victimes de guerre. Source : PAVCC du SHD de Caen

Durant l’arrestation, la Gestapo française est venue chez lui regarder ses papiers. Il n’y a pas la mention « Juif » donc ses parents et lui sont arrêtés. Sa sœur Marie a réussi à s’enfuir et son frère Zalo à se cacher dans une armoire. Joseph et ses parents sont emmenés à la Gestapo située sur la place Bellecour à Lyon pour une vérification. D’après Joseph, il se serait fait interroger par « Gueule tordue », de son vrai nom Francis André.

« Gueule tordue ». Source : http://museedelaresistanceenligne.org/media494-Francis-AndrA

Francis André a intégré la Gestapo au printemps 1944. Il arrive à avoir sous ses ordres 60 individus répartis en trois groupes, qui étaient chargés à tour de rôle des arrestations de Juifs ou résistants. André arrêtait les Juifs et les résistants, les interrogeait, puis les remettait à la section antijuive de la Gestapo, mais conservait la totalité du butin.

Ensuite, du 18 juillet 1944 au 30 juillet 1944, il est interné à la prison de Montluc, cette prison se situe au 4 rue Jeanne Hachette.

La baraque aux Juifs dans la cour de promenade principale
Source : Archives départementales du. Rhône
Cote 4544 W 17

 

L’emplacement de la baraque aux Juifs aujourd’hui. Source : Photo Christèle Vial

 

Plan de la prison Montluc
Source : http://museedelaresistanceenligne.org/media496-Plan-de-la-prison-de-Montluc-Lyon#fiche-tab

Elle a été construite en 1921. Au départ, c’est une prison militaire, elle devient une prison allemande de janvier 1943 jusqu’au 24 août 1944. Les conditions de détention sont horribles : les cellules font 6 mètres sur 6 pour 8 à 10 personnes. Les lits à barreaux sont remplacés par des sacs de paille. Par cellule, il n’y a qu’un seul seau qui sert de toilettes et qu’un bol pour se laver. On sert seulement du pain noir pour les repas. Les prisonniers n’ont que 45 minutes de sortie par jour. Les maladies, comme le typhus, se répandent très vite ainsi que les poux, les puces, les rats. Dans la prison, il y a ce qu’on appelle la « baraque aux Juifs », un bâtiment de 30 mètres sur 6 mètres, situé dans la cour. Les Juifs y sont entassés sans possibilité de se laver. C’est là que Joseph et son père, puis Zalo ont été emprisonnés.

Joseph et sa famille sont emmenés à Drancy, au nord de Paris, à bord d’un train de voyageurs le 22 juillet 1944.

Fiche de renseignements du service régional de police judiciaire de Lyon. Source : Archives départementales et métropolitaines du Rhône, Cote 3335W26, 3335W19

Le camp de Drancy est composé de 3 sites distincts, 3 blocs de bâtiments formant la lettre «U».

Juifs internés dans le camp de Drancy, France, entre 1941 et 1944
Source photo : United States Holocaust Memorial Museum
crédit photo : USHMM
Source : http://www.ajpn.org/images-camps/1287327403_juifs.jpg

La partie gauche est pour les prisonniers incarcérés en cellules, ils sont souvent fusillés. La partie droite regroupe toutes les personnes qui doivent être déportées. Le bâtiment du milieu contenait les Mischlingen, c’est-à-dire les hommes ou les femmes aryens mariés à un Juif.  La journée, ils sont libres de sortir dehors, mais la veille d’un convoi de déportation un grillage est installé pour isoler le bâtiment de droite. Les grilles du camp sont gardées par des gendarmes français. Pendant leur internement au camp, précisément le 28 juillet 1944, la cour a été grillagée pour séparer les Juifs des autres prisonniers.  De Drancy il y a eu de nombreux départs de convois entre 1941 et 1944. Joseph est déporté le 31 juillet 1944, soit 17 jours avant la libération du camp de Drancy, à Auschwitz, avec ses parents, son frère et sa sœur. Auschwitz est un camp de concentration en Pologne, mais aussi un centre de mise à mort.  Ils voyagent dans un train à bestiaux dans lequel il n’y a qu’une tinette pour tout le wagon. Ils n’ont pas mangé ni bu du voyage qui a duré 3 jours et 2 nuits. Les déportés ont fait tourner des rumeurs sur leur destination.

Une fois arrivés, dans la nuit du 3 août 1944, les SS procèdent à une sélection. La mère et la sœur de Joseph restent à Birkenau, alors que Joseph, son père et son frère vont à Auschwitz. Joseph, André et Noussen sont rasés, vaccinés et habillés d’une tenue rayée. Joseph a le numéro B3775 par lequel il est appelé pendant toute la période passée dans les camps. Joseph et Noussen sont placés au rez-de-chaussée du bloc 2A tandis qu’André lui est placé à l’étage supérieur. À leur arrivée au camp, ils sont placés en quarantaine et travaillent dans une carrière de pierre.

Pendant l’hiver 1944, le temps est terrible, il fait bien trop froid et les prisonniers sont trop peu habillés pour ce temps. Son frère Zalo se veut plus souffrir, il choisit la mort11. Après cela Noussen fait tout pour que son fils Joseph vive. Grâce à son père, Joseph parvient à travailler à la blanchisserie. Au mois de décembre 1944, Joseph se rend plusieurs fois chez le dentiste du camp, mais Joseph écrit que le dentiste ressemblait davantage à un plombier41 ! Elément peu clair dans le déroulé des évènements, Joseph dit que son père était présent avec lui chez le dentiste. Or, dans son livre, il écrit aussi que son père est sélectionné pour la chambre à gaz en novembre. Quoi qu’il en soit, c’est à la fin de l’année 1944 que Joseph se retrouve seul à Auschwitz, sans son frère, ni son père, tous deux décédés.

Début 1945, après les premiers bombardements du camp par les Russes, Joseph, comme des milliers d’autres, est évacué d’Auschwitz. Il participe à ce que les historiens ont appelé plus tard « les marches de la mort ». Une première halte a lieu au camp de Gleiwitz, un camp secondaire de Auschwitz. Ils traversent ensuite des villages polonais, puis prennent le train en direction de la Tchécoslovaquie et enfin de l’Allemagne42.

Joseph et les quelques survivants entrent dans le camp de Flossenburg le 6 février 1945. Il est enregistré sous le matricule 47386. On lui attribue le bloc des Ukrainiens. Joseph dénonce dans son livre le comportement des prisonniers ukrainiens à l’égard des Juifs43. La journée, Joseph est envoyé avec les autres prisonniers à l’extérieur du camp pour casser des pierres. Après une sélection, Joseph est envoyé dans un autre bloc, propre, où il reste environ 3 semaines. Durant cette période, il est mieux nourri et est dispensé de travailler.

Flossenburg. Source : Arolsen Archives International Center on Nazi Persecution

Après cela, le 22 mars 1945, Joseph quitte le camp et prend à nouveau le train en direction de Natzweiler/Offenburg près de la ligne de front. Là, les prisonniers sont chargés de colmater les trous occasionnés par les bombes, remettre en état les rails de chemin de fer… Le front avance.

Extrait des archives du camp de Natzwiler. Source : Arolsen Archives International Center on Nazi Persecution

Joseph prend à nouveau le train et, malgré des bombardements de l’aviation nazie, parvient à rejoindre un autre camp le temps d’une halte, puis le convoi repart. Joseph écrit à propos des SS qui les commandent qu’ils continuent « à errer dans leur Reich en ruine44 », sans savoir où conduire leurs prisonniers. Ils descendent du train, partent au milieu des bois et enfin, un matin, Joseph et ses compagnons se réveillent seuls : les SS ont pris la fuite pendant la nuit. Joseph marche alors jusqu’à la petite ville d’Immendingen où il trouve l’armée française. Le commandant prend alors Joseph à ses côtés pour qu’il lui serve d’interprète.

Joseph regagne ensuite la France. Il est rapatrié sur Paris où on le conduit à l’Hôtel Lutetia. Commence alors pour Joseph un autre combat : tenir la promesse faite à son père :« Cette promesse que j’avais faite à mon père et dont plus personne ne pourrait me délier : tenir, m’occuper de ma sœur et faire qu’à partir d’une seule racine l’arbre de notre famille refasse souche ».

Alban, Baptiste, jean, Mylène et Sélen

 

This biography of Joseph GOURENZEIG has been translated into English.

Contributeur(s)

Alban, Baptiste, Jean, Mylène et Sélen, élèves de 3ème1 collège de la Haute Azergues

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