Blima KRAUZE
Enfance et famille
Blima KRAUZE est née le 22 novembre 1927 à Paris (département de la Seine), dans le XIIème arrondissement. Sa dernière adresse connue avec sa famille est située au 77, rue Voltaire à Montreuil-sous-Bois. Avant la guerre, elle suivait une formation pour devenir danseuse de ballet.
Ses parents sont tous les deux d’origine polonaise mais sont arrivés en France dans la première moitié du XXème siècle.
Son père, Chaïm (Charles) Herez KRAUZE est né le 10 mai 1904 à Cramozow/Varsovie en Pologne. Vernisseur, il est marié et a eu 2 enfants : Blima née en 1927 et Alice née en 1931. Arrêté par la Police française lors de la rafle du « Billet vert » le 14 mai 1941, il est interné au camp de Beaune-la-Rolande. Il est finalement déporté de Drancy vers Auschwitz le 19 juillet 1942 par le convoi n°7 (il est interné avec le numéro de matricule 50004). Il passe ensuite vers le camp d’Oranienbourg puis enfin celui de Dachau avant d’être libéré par l’armée américaine le 30 avril 1945 et rapatrié à Paris le 24 mai.
Sa mère, Chana Ita KRAUSE (née RAPAPORT/RAPOPORT) est née le 19 février 1903 à Varsovie et morte en déportation, le 26 août 1942 à Auschwitz. Elle était femme de ménage de profession. Chana Rapaport arrive à Auschwitz par le convoi 22 du 21 août 1942, elle est tuée 5 jours plus tard.
Nous n’avons que très peu d’informations sur sa sœur Alice avant les années 1950. Nous savons seulement qu’elle a été évacuée de la pension Zysman pour enfants le 22/07/1944 avant une rafle. Elle y avait été recueillie après la déportation de ses parents. Cette pension fondée par Sarah et Isaak Zysman, rue Clémenceau, à Saint-Maur-des-Fossés au sud-est de la capitale, accueillait les enfants des Juifs déportés.
Le temps de l’occupation : passage au foyer pour jeunes filles et déportation
Arrivée à la maison d’enfants
Après la déportation de ses parents, Blima est contrainte de séjourner dans une maison pour enfants, située au 9, rue Vauquelin, dans le Vème arrondissement de Paris.
Cette maison est gérée par l’UGIF (Union Générale des Israélites de France), organisme mis en place par le régime de Vichy pour regrouper les Juifs sur le territoire français. Tous les Juifs de France devant adhérer à cet organisme et les autres associations ayant été dissoutes, l’UGIF servait aux Allemands pour « recenser » les Juifs français.
Le foyer du 9 rue Vauquelin, créé en janvier 1943, accueille jusqu’à 33 jeunes filles.
Blima y arrive à 16 ans et va y exercer l’activité de tricoteuse durant les quelques mois qu’elle va y passer.
Vie à la maison d’enfants
Blima se lie rapidement d’amitié avec d’autres pensionnaires de la maison d’enfants. Nous avons pu retrouver des traces de certaines de ses camarades, notamment via des lettres qu’elles ont pu écrire pour témoigner de leur déportation avec Blima. Nous avons dû rechercher des informations sur elles pour étayer notre biographie.
Germaine WAGENSBERG est née en 1927 à Paris. Déportée comme Blima elle témoignera par lettre de leur voyage vers les camps. Elle est décédée en 2020 à Nice.
Jeannine AKOUN née en 1928 à Paris. Elle témoigne également de sa déportation avec Blima. Elle est décédée en 2009 à Sainte-Feyre.
Yvette DREYFUSS est née en 1926 à Paris. Encore en vie aujourd’hui (en 2022), elle a fourni de nombreux interviews et témoignages sur sa déportation. Raflée à la maison d’enfants de la rue Vauquelin, elle a suivi un chemin différent de celui de Blima mais nous a permis d’avoir des informations sur le déroulement des faits et les conditions de ces déportations. Son histoire croisant celle de Blima nous a donné de plus amples informations lors de notre recherche.
La rafle de la rue Vauquelin
Dans la nuit du 21 au 22 juillet 1944, la Gestapo organise une rafle sur le foyer de jeunes filles. Les pensionnaires sont toutes arrêtées et conduites vers des camps de déportation.
Blima est envoyée comme beaucoup de ses camarades vers le camp de Drancy en France où elle est internée (certificat d’internement 25489) du 22 au 30 juillet 1944 avant son transfert en Allemagne.
Itinéraire d’une déportée : Un trajet à travers l’Europe
Blima est déportée, par le convoi 77, le 30 juillet 1944 depuis Drancy vers le camp d’Auschwitz-Birkenau. Elle porte le matricule A16750 (tatouage sur le bras gauche) et le numéro de passage 83 / 67276. Son nom a été changé en déportation pour KRAUSE au lieu de KRAUZE. Elle reste à Auschwitz de juillet à octobre 1944.
Elle passe ensuite d’un camp à un autre en raison de l’avancée des Américains et des Russes et de la défaite des Allemands :
- d’octobre 1944 à février 1945 elle est déplacée à Bergen-Belsen,
- de février au 13 avril 1945 elle est envoyée à Raguhn (près de Leipzig)
- d’avril au 31 mai 1945 elle finit son voyage au camp de Theresienstadt (en Tchécoslovaquie).
Durant son passage dans les différents camps, elle est souvent restée avec ses camarades de l’orphelinat, notamment Violette PARSIMENTO. Blima raconte qu’elle a dû creuser des tombes pour les victimes.
Blima a également retrouvé son père dans les camps, il était kapo (personne chargée d’encadrer les prisonniers) à Auschwitz. Yvette Dreyfuss-Lévy raconte plus tard qu’il a voulu l’aider à être transférée mais que Blima a refusé pour rester avec ses amies. Finalement, Blima a été accompagnée par Violette à Bergen-Belsen, où cette dernière est morte.
Sa sœur Alice, 13 ans, n’est pas allée dans les camps en 1944, elle a pu s’échapper et trouver refuge dans la pension Zysman. Après l’évacuation de celle-ci, elle restera cachée jusqu’à la libération de Paris en août 1944.
Libération, retour en France et départ aux États-Unis
Blima est libérée le 7 mai 1945 par les Russes puis rapatriée à Lyon depuis Pilsen (Tchécoslovaquie) en avion, le 1er juin 1945. Elle revient ensuite à Paris où elle tente, avec succès de retrouver sa sœur et son père dans une ville désorganisée par la guerre.
Elle y occupe un poste dans le comité paritaire de distribution (Joint Distribution Committee). C’est un travail dans les services sociaux.
Elle va ensuite rejoindre la famille de sa mère, sa grand mère maternelle multipliant les démarches administratives pour lui permettre de venir aux États-Unis afin de prendre un nouveau départ. Au début de l’année 1947, moins de 2 ans après sa libération des camps, elle part donc pour l’Amérique.
La vie en Amérique
Blima arrive avec sa sœur Alice aux États-Unis, dans le New Jersey, à bord du Queen Elisabeth en mars 1947. Blima a alors 19 ans et Alice 16. Elles se rendent chez leur grand-mère maternelle, Fanny Rappaport au 127 Rose St. Newark. Leur tante, Molly Rosen habite également là bas. 2 semaines après son arrivée elle est opérée d’une appendicite. Il est intéressant de noter qu’elle utilise son prénom de déportation « Bertha » pour la traversée puisqu’elle est enregistrée sous ce nom, sa sœur utilisant le nom de Léa. Son père, Chaïm, a lui préféré rester à Paris où il a ouvert une entreprise de nettoyage dès la fin de la guerre.
Les deux filles ne parlaient pas du tout anglais à leur arrivée. Elles ont dû faire des études, apprendre l’histoire américaine, s’insrire à des cours de langue en anglais et en espagnol pour se débrouiller seules. Elles prennent des cours, notamment à la Central High School, 4 soirs par semaine. Blima a également participé à des cours « d’Américanisation » organisés par le Jewish Community Center. Blima change d’ailleurs son prénom pour se faire désormais appeler Betty.
Elles vont rapidement prendre des emplois, Blima comme couturière et Alice dans une boulangerie. Blima abandonne donc son rêve de devenir danseuse de ballet.
Cela permet à Blima de prendre un petit appartement en sous-sol au 50 Renner Ave. Newark, à 30 minutes de chez sa grand-mère, où vit toujours sa sœur.
Elle évoque dans un entretien à un journal qu’il est agréable pour elle que les femmes soient beaucoup plus indépendantes aux États-Unis qu’en Europe mais que la vie y est aussi plus chère, limitant ses sorties. Elle précise qu’elle a peint une partie de ses meubles elle même et que son appartement est plein de livres et de disques.
Elle coud également elle-même ses vêtements à cette période tout en écoutant de la musique, l’une de ses passions sur son temps libre.
Sa sœur Alice se fiance dès 1948 avec un Américain. Blima, elle, se marie en 1953 avec Guy (né Gaetano) CALLEA.
1953 est aussi l’année de sa naturalisation américaine. En revanche, n’ayant pas redemandé la nationalité française avant le 15 juillet 1960, elle la perdra définitivement. En décembre 1961, elle fait sa demande d’attribution de titre de déportée.
En 1962, elle réside au 2 Custer Av. Newark (New Jersey) et exerce le métier de secrétaire.
Dans les années 70-80, Blima-Betty est très impliquée dans l’association Weequahic Chapter of B’nai B’rith Women (devenue le Jewish Women International en 1995) et y assume successivement les fonctions d’administratrice (1972) puis de présidente (1974) et de trésorière (1980).
Il s’agit d’une association de services sociaux œuvrant pour l’autonomie des femmes et la prévention de la violence domestique.
Blima est morte aux États-Unis le 5 août 2011. Guy, lui, meurt le 19 avril 2016. Il repose au Beth Israel Cimetery, 19 Ridgedale Avenue, Cedar Knolls, New Jersey.
This biography of Blima KRAUZE has been translated into English.