Céline Frémiot est professeure d’histoire au lycée Le Castel, à Dijon. Ses élèves de terminale Boulangerie-Pâtisserie ont récemment été récompensés par le prix VivaCité 2022, un concours qui vise à développer les compétences civiques des élèves et à favoriser le mieux-vivre ensemble. Ces lycéens ont été distingués pour leur travail de recherche mené sur deux déportés du convoi 77, Elisa Schmoll et René Levy.
Céline Frémiot a expliqué à Convoi 77 ses méthodes de travail.
Pourquoi vous êtes-vous lancée dans le projet Convoi 77 ?
J’ai décidé de nous lancer – les élèves et moi-même – dans le projet Convoi 77 pour plusieurs raisons. La toute première est l’objectif mémoriel en lui-même. Le nouveau programme d’histoire de la classe de Première Baccalauréat Professionnel nous fait aborder les deux conflits mondiaux et les génocides d’une façon si rapide, qu’elle est insatisfaisante pour moi.
De plus, mes élèves ont subi le confinement en classe de 3ème et, par conséquent, la plupart d’entre eux n’a pas pu recevoir d’enseignement correct sur cette période historique. Il était inconcevable pour moi que des lycéens quittent leur établissement en juillet 2023 s’en avoir pris la pleine conscience et mesure du génocide.
Malheureusement, la Seconde Guerre mondiale est pour nos jeunes de plus en plus lointaine, leurs grands-parents n’ont pas connu le conflit et il faut remonter à la génération précédente pour trouver des témoins. L’âge avancé des derniers témoins nous met face à la nécessité de trouver une autre manière de transmettre les faits. Ces événements relèvent d’un passé trop lointain pour les élèves. Même les chiffres ne leur paraissaient pas tangibles.
Participer au projet Convoi 77 me permettait de redonner une identité, un nom, une vie, à ceux devenus des numéros. Pour moi, c’était aussi rendre concret le génocide. Pour les élèves de Première Boulangerie-Pâtisserie, le génocide aurait deux noms : Elisa et René.
Quelles méthodes de travail avez-vous mises en place ?
Ma classe était divisée en deux groupes totalement autonomes. Chaque groupe avait en charge la « rencontre » avec un déporté. Nous avons consacré 10 heures de recherches par groupe d’élèves pour chaque déporté. Une séance était divisée en 45 minutes au cours desquelles ils devaient collecter et recouper des informations, puis 10 minutes de mise en commun. Cela nous permettait de contrôler la véracité des informations trouvées, de les compléter et de les corriger avec l’aide de tous.
Les élèves ont, dans un second temps, réfléchi à comment présenter leurs découvertes et ils se sont répartis les différentes productions à réaliser : biographies pour le site Convoi 77 et panneaux à réaliser pour l’exposition prévue au CDI (centre de documentation et d’information). L’enjeu était alors de rendre compréhensibles leurs travaux. Par exemple, pour mieux raconter l’histoire de René et Elisa, il fallait réfléchir à la manière de les représenter et, étant donné que nous n’avions malheureusement pas trouvé de photographies d’eux, les élèves ont choisi d’utiliser des silhouettes sur les visuels que nous avions créés.
De mon côté, j’avais travaillé en amont avec une de mes collègues, professeure-documentaliste de l’établissement, sur ce projet. Nous avions effectué des recherches préalables pour déterminer les informations que pouvaient trouver les élèves et identifier leurs besoins en fonction des documents trouvés.
Ainsi, nous avions constitué différentes bases de données pour nos élèves, en fonction des étapes de leur travail. Nous avions aussi établi une sorte de planning pour leurs recherches afin de savoir quand mettre à leur disposition les documents de la base de données que nous avions préparée. C’était un gros travail en amont mais cela a permis de répondre plus rapidement aux besoins et aux questions des élèves quand ils se retrouvaient devant une difficulté ou une impasse.
Avez-vous des conseils concernant la manière de mener des projets pédagogiques avec des élèves de filières professionnelles ?
Travailler vraiment en amont les bases, à savoir le cours d’histoire qui doit être maîtrisé par la classe. Il faut que les faits historiques soient clairs et que les élèves se repèrent dans la chronologie des événements.
Effectuer des recherches précises aussi en amont afin de savoir sur quelles pistes orienter les élèves, quelles ressources leur apporter, quelle méthodologie. La lecture des archives peut très vite les perdre. Il m’a fallu énormément les rassurer sur leurs capacités à réussir, les encourager.
Les mises en commun sont importantes et il faut aussi leur laisser la liberté de proposer des productions ou une présentation des données qui va leur permettre d’exprimer leurs ressentis et leur sensibilité.